Nanotube de carbone

Les nanotubes de carbone (en anglais, carbon nanotube ou CNT) sont une forme allotropique du carbone appartenant à la famille des fullerènes[1]. Ils sont composés d'un ou plusieurs feuillets d'atomes de carbone enroulés sur eux-mêmes formant un tube. Le tube peut être fermé ou non à ses extrémités par une demi-sphère. On distingue les nanotubes de carbone simple-feuillet (SWNT ou SWCNT, pour Single-Walled (Carbon) Nanotubes)[2] et multi-feuillets (MWNT ou MWCNT, pour Multi-Walled (Carbon) Nanotubes).

Pour les articles homonymes, voir CNT.

Représentation d'un nanotube de carbone. (cliquer pour voir l'animation tridimensionnelle).
Un nanotube de carbone monofeuillet.
Extrémité d'un nanotube, vue au microscope électronique.

Les conductivité électrique, conductivité thermique et résistance mécanique des nanotubes de carbone sont remarquablement élevées dans leur sens longitudinal. Ils font partie des produits issus des nanotechnologies actuellement utilisés et commercialisés dans différents domaines.

Découverte

En 2006, un éditorial de Marc Monthioux et Vladimir Kuznetsov du journal Carbon a décrit l'intéressante et pourtant méconnue origine des nanotubes de carbone. Une très grande partie des revues de toute nature attribuent, à tort, la découverte de tubes nanométriques composés de feuillets de graphite à Sumio Iijima (NEC) en 1991[3],[4]. Bien que ses publications aient marqué le point de départ de l'intérêt pour ces structures, Sumio Iijima n'a pas été le premier à observer un nanotube de carbone (voir plus bas) ; quant au premier à en avoir créé, il demeure inconnu. En effet, dès la découverte du feu il y a environ 500 000 ans, il s'en produisait déjà (en infime quantité) dans la suie des foyers, où, fractionnées sous l’effet de la chaleur, les molécules de carbone voient leurs atomes se recombiner d'innombrables façons, donnant naissance tantôt à de minuscules gouttes amorphes, tantôt à des nanostructures géodésiques[5].

La première observation réelle de nanotubes semble dater de 1952, année où L. V. Radushkevich et V. M. Lukyanovich ont publié des images claires de tubes de carbone d'environ cinquante nanomètres de diamètre dans le Journal of Physical Chemistry[6] (soviétique). Cette découverte ne s'est pas répandue, l'article étant publié en russe, les scientifiques de l'ouest n'ayant plus, à cause de la guerre froide, un accès que restreint aux publications de l'Académie des sciences d'URSS car elles n'étaient plus traduites en anglais[7].

Comme on l'a dit, des nanotubes de carbone furent produits bien avant cette date, mais c'est l'invention du microscope électronique en transmission (MET) qui rendra possible la visualisation directe de ces structures.

Les nanotubes de carbone furent donc produits et observés sous différentes conditions, bien avant 1991. Un article d'Oberlin, Endo et Koyama publié en 1976 montre clairement des fibres de carbone creuses (hollow carbon fibres) de taille nanométrique, obtenues à partir de méthodes CVD[8] (voir plus bas). De plus, les auteurs montrent une image en MET d'un nanotube constitué d'une seule paroi. Plus tard, Endo a considéré que cette image était celle d'un nanotube monofeuillet[9].

En outre, en 1979, John Abrahamson présenta des preuves de l'existence des nanotubes de carbone à la 14e Conférence biennale du Carbone de l'université d'État de Pennsylvanie. Lors de la conférence, les nanotubes de carbone furent décrits comme des fibres de carbone produites sur une anode de carbone après formation d'un arc électrique. Les caractéristiques de ces fibres étaient données, ainsi que des hypothèses sur leur croissance en milieu azoté à basse pression[10].

En 1981, un groupe de scientifiques soviétiques publia les résultats de la caractérisation chimique et structurelle de nanoparticules de carbone produites par dismutation thermo-catalytique de monoxyde de carbone. En utilisant des images MET et aux rayons X, les auteurs suggérèrent que leurs « cristaux tubulaires multi-couche de carbone » étaient formés par enroulement de couches de graphène en cylindres. De plus, ils supposèrent que durant cet enroulement, plusieurs dispositions du réseau hexagonal du graphène étaient possibles. Ils envisagèrent deux possibilités : une disposition circulaire (nanotubes de type « fauteuil ») et une disposition en spirale (nanotubes chiraux)[11].

En 1993, Sumio Iijima et Donald S. Bethune d'IBM en Californie réussissent indépendamment à synthétiser des nanotubes monofeuillets[12],[13]. Si Iijima obtient ses nanotubes monofeuillets en phase gazeuse, Bethune utilise quant à lui une technique de covaporisation de carbone et de cobalt.

Structure

Imagerie Sarfus d'un « fagot de nanotubes double paroi ».

Il existe deux types de nanotubes de carbone :

  • les nanotubes de carbone monofeuillets, (en anglais single-walled carbon nanotubes, SWNT ou SWCNT) ;
  • les nanotubes de carbone multifeuillets, (multi-walled carbon nanotubes, MWNT ou MWCNT).

On parle aussi de nanotubes de carbone double-feuillets (double-walled carbon nanotubes, DWNT ou DWCNT) aux propriétés à mi-chemin entre les deux types précédents.

Un SWNT non supporté a un diamètre compris entre 0,44[14] et nanomètres[15] pour une longueur variable, pouvant aller jusqu'à plusieurs micromètres.

Nanotubes de carbone monofeuillets (SWNT, single-walled nanotubes)

La structure d'un nanotube de carbone monofeuillet peut être représentée par un feuillet de graphène enroulé sur lui-même et fermé ou non à ses deux extrémités par une demi-sphère. La façon dont le feuillet de graphène est replié sur lui-même définit un paramètre, appelé chiralité, qui fixe la structure du nanotube. La chiralité permet de caractériser les différents types de nanotubes existants.

Enroulement

Structure de type nid d'abeille du graphène. Soient a1 et a2 deux vecteurs directeurs du système cristallin. On définit m et n, deux entiers, tels que le vecteur de chiralité Ch, axe selon lequel s'enroule le nanotube, soit Ch = n a1 + m a2.

Le nanotube monofeuillet peut être modélisé par l'enroulement d'une feuille de graphène sur elle-même. Cette feuille de graphène présente une structure de type nid d'abeille, dont on peut donner deux vecteurs directeurs, a1 et a2. On définit ensuite le vecteur de chiralité, Ch, axe selon lequel le graphène s'enroule pour former le nanotube. Ce vecteur peut donc être décomposé en deux composantes, selon les vecteurs a1 et a2. Soient m et n les scalaires tels que Ch = n a1 + m a2.

Selon la valeur de ces deux scalaires, trois types d'enroulements, donc trois types de nanotubes peuvent être décrits :

  • si m = 0, le nanotube a une structure de type « zig-zag » ;
  • si m = n, le nanotube a une structure de type « chaise » ;
  • dans tous les autres cas, le nanotube est « chiral ».

Ces différences de chiralité donneront aux nanotubes de carbone des propriétés différentes. Notamment, en ce qui concerne les propriétés électriques. Un nanotube de carbone de type « chaise » possède un comportement électrique métallique par exemple. D'autres chiralités ont des comportements semi-conducteurs[16],[17].

Extrémités

On obtient ainsi un tube ouvert à ses deux extrémités, il reste donc à le fermer. Pour cela, il faut introduire des défauts de courbure dans le plan de graphène, il s'agit ici de pentagones.

Ces pentagones introduisent une courbure de 112° dans le feuillet et les lois mathématiques d'Euler montrent qu'il faut un minimum de douze pentagones pour fermer le feuillet (soit six pentagones à chaque extrémité du tube). Les études montrent que la molécule de C60 contient justement douze pentagones et vingt hexagones : il s'agit donc du plus petit fullerène possible. Cependant, alors qu'une distribution théorique régulière de ces pentagones donne une forme hémisphérique, on observe le plus souvent une pointe de forme conique.

Nanotubes de carbone multifeuillets (MWNT, multi-walled nanotubes)

MWNT vu en HRTEM (en).

Il existe deux modèles pour décrire la structure des nanotubes multi-feuillets :

  • le modèle poupée russe : les plans de graphène sont arrangés en cylindres concentriques ;
  • le modèle parchemin : un seul feuillet de graphène est enroulé sur lui-même, comme une feuille de papier.

La distance de feuillet à feuillet est de 0,34 nm[18].

Défauts

Comme dans de nombreux matériaux, l'existence de défauts affecte ses propriétés. Certains sont présents dans la géométrie du plan de graphène :

  • vides atomiques (atomes manquant dans la structure du graphène). De tels défauts peuvent affecter la résistance physique des nanotubes (dans les cas limites la faire baisser de 15 %[19]) ;
  • Stone–Wales defect (en) : au lieu de former des hexagones, les atomes de carbone se réarrangent en pentagones ou en heptagones.

D'autres existent dans la structure du nanotube et se manifestent par la présence de tubes tordus, cassés ou de parois incomplètes.

La présence de défauts dans la structure des nanotubes de carbone peut être mise en évidence par spectroscopie Raman. Le rapport des intensités des pics de la bande D (1 325 cm−1) et de la bande G (1 580 cm−1) donne une indication sur la qualité de l'échantillon considéré. Plus le rapport D/G est petit, moins les nanotubes de carbone comportent de défauts. On considère que si ce rapport est inférieur à 0,25, les nanotubes de carbone ont très peu de défauts.

Tous ces défauts ont bien évidemment un impact significatif sur les propriétés mécaniques, thermiques et électriques des nanotubes.

Propriétés

Les nanotubes de carbone suscitent un énorme intérêt dans le monde de la recherche autant fondamentale qu'appliquée car leurs propriétés sont exceptionnelles à bien des égards. D'un point de vue mécanique, ils présentent à la fois une excellente rigidité (mesurée par le module de Young), comparable à celle de l'acier, tout en étant extrêmement légers. Des points de vue électrique et optique, les nanotubes mono-feuillets ont la particularité tout à fait exceptionnelle de pouvoir être soit métalliques soit semi-conducteurs en fonction de leur géométrie (angle d'enroulement de la feuille de graphène).

Ces propriétés extraordinaires sont cependant à modérer car ces objets de taille nanométrique ne sont jamais utilisés seuls mais dispersés dans une matrice hôte. Le composite ainsi formé verra ses propriétés mécaniques, électriques, thermiques, etc., changer en fonction du taux d'incorporation et de la qualité de la dispersion. Par exemple, une matrice polymère diélectrique verra sa conductivité électrique augmenter à la suite de l'ajout de nanotube de carbone si le seuil de percolation électrique est dépassé. L'intérêt majeur du nanotube de carbone est son très haut facteur de forme (ratio diamètre sur longueur). Cette forme particulière permet de changer les propriétés d'une matrice hôte avec des taux infimes de nanoparticules. Le taux de nanotubes de carbone dans un composite final dépasse rarement le pour cent massique.

Propriétés mécaniques

Le module de Young des nanotubes de carbone a été calculé de façon théorique via des simulations par différentes équipes de chercheurs suivant différentes méthodes. On trouve dans la littérature des valeurs théoriques comprises entre 1[20] et 1,5 TPa[21]. Expérimentalement, l'équipe de Yu et al.[22] a attaché des MWNT à la pointe d'un microscope à force atomique (AFM) afin de mesurer leurs modules de Young. Des valeurs variant de 270 à 950 GPa ont été mesurées. Le mécanisme de rupture « épée dans son fourreau » a été mis en évidence pour les MWNT.

En revanche, il a été prouvé que dans la direction radiale, les nanotubes de carbone sont moins résistants du point de vue mécanique. Un diagramme de phase complet donnant la transition vers la géométrie radialement effondrée en fonction du diamètre, de la pression et du nombre de parois du nanotube a été produit à partir de bases semi-empiriques[23].

Conductivité thermique

Les nanotubes de carbone ont une conductivité thermique très élevée mais à l'heure actuelle aucune valeur n'est universellement acceptée. Différents facteurs sont à prendre en compte dans la détermination de cette valeur : le type de nanotube (SWNT ou MWNT), le nombre de parois, la méthode de mesure ou du type de modélisation.

De nombreuses études faites par modélisation ont été publiées et donnent des valeurs variant de 200[24] à 6 600 W m−1 K−1[25] à température ambiante. Des études expérimentales sur des nanotubes seuls ont été faites et donnent des résultats là aussi très variables, variant entre 2 400[26] et 3 500 W m−1 K−1[27] pour des SWNT et entre 200[28] et 1 400 W m−1 K−1[26] pour les MWNT. Il faut noter ici que ces valeurs ont été obtenues via des méthodes de mesure différentes et à température ambiante. L'étude de Li et al.[26] montre que la conductivité thermique des SWNT est plus élevée que celle des MWNT. Pour comparaison, à température ambiante, le diamant a une conductivité thermique de 2 300 W m−1 K−1 et le graphite de 2 000 W m−1 K−1 dans le sens des feuillets.

Propriétés électriques

Les propriétés électriques des nanotubes de carbone dépendent directement de leur chiralité. Seuls les nanotubes dits « chaise » sont conducteurs, tous les autres sont semi-conducteurs. Le gap de la bande interdite des nanotubes semi-conducteurs varie en fonction de leur chiralité et de leur diamètre. Si les vecteurs chiraux sont tels que n – m = 3jj est un entier non nul, le gap est faible et, au vu de l'agitation thermique, ces nanotubes sont considérés comme conducteurs à température ambiante[17]. Des méthodes ont été développées pour trier les nanotubes en fonction de leur type (métallique vs. semi-conducteur) et permettent de viser des applications spécifiques[29].

Des mesures à deux ou quatre pointes sur des MWNT ont montré des valeurs de conductivité électrique à température ambiante comprises entre 104[30] et 107 S m−1[31]. Cette grande variabilité s'explique par la complexité d'une telle mesure et les différentes géométrie des nanotubes étudiés. Pour comparaison, la valeur de conductivité électrique du métal le plus conducteur (l'argent) est de 6,3 × 107 S m−1. D'autres études ont montré que les nanotubes de carbone deviennent supraconducteurs à basse température[32].

Propriétés d'émission de champ

Les nanotubes peuvent présenter une longueur extrêmement grande comparée à leur diamètre (rapport de forme supérieur à mille). Soumis à un champ électrique, ils vont donc présenter un très fort effet de pointe (cf. principe du paratonnerre). Avec des tensions relativement faibles, on peut générer à leur extrémité de très importants champs électriques, capables d'arracher les électrons de la matière et de les émettre vers l'extérieur ; c'est l'émission de champ. Cette émission est extrêmement localisée (à l'extrémité du tube) et peut donc servir à envoyer des électrons sur un endroit bien précis, un petit élément de matériau phosphorescent qui constituera le pixel d'un écran plat par exemple. Le matériau phosphorescent évacue l'énergie reçue sous forme de lumière (même principe que les écrans de tubes cathodiques).

L'exploitation de cette propriété a déjà permis de réaliser des prototypes d'écrans plats à nanotubes (Samsung et Motorola)[33].

Propriétés chimiques

Les nanotubes sont des structures creuses, que l'on peut remplir avec d'autres composés chimiques, ce qui en fait des récipients clos à l'échelle nanométrique.

Les nanotubes de carbone sont relativement peu réactifs et une modification chimique de leur surface fait souvent appel à des espèces fortement réactives (oxydants forts, réducteurs forts, espèces radicalaires par exemple). C'est pourquoi une chimie de greffage de nanotubes basée sur des interactions non covalentes s'est fortement développée ces dernières années[Quand ?] (adsorption de tensioactifs, enroulement de polymères, d'ADN, adsorption de pyrènes, etc.)[34].

Propriétés optiques

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Propriété d'absorption de la lumière (vers l'hyper-sombre…)

Le matériau le plus noir jamais conçu par l'homme est un tapis de nanotubes disposés verticalement, réalisé par des chercheurs de l'université Rice autour du professeur Pulickel Ajayan ; avec un indice de réflexion[Quoi ?] de 0,045 %, il est trente fois plus sombre que le carbone[Quoi ?], ce qui lui permet d’absorber 99,955 % de la lumière qu’il reçoit[réf. nécessaire]. Cet albédo est trois fois supérieur[Quoi ?] à ce que permettait l'alliage de nickel-phosphore qui était le matériau réputé le plus sombre. Ces inventions pourraient intéresser les secteurs militaire, de la communication, de l’énergie (solaire notamment), de l’observation, des colorants, etc.[réf. nécessaire]

Propriétés d'électroluminescence

Des chercheurs d'IBM ont indiqué avoir réussi à faire émettre de la lumière infrarouge par des nanotubes de carbone semi-conducteurs placés dans une géométrie de transistor. Les nanotubes non dopés et soumis à un champ électrique généré par une grille peuvent conduire le courant par l'intermédiaire d'électrons (tension de grille négative) ou de trous (tension de grille positive). Si on soumet en plus le nanotube à une tension drain-source (entre les deux extrémités du tube), le courant est transporté par des trous à une extrémité et des électrons à l'autre (transistor ambipolaire). À l'endroit où ces deux types de porteurs se rencontrent (par exemple au milieu du tube si la tension de grille est nulle), il y a recombinaison de paires électron-trou et émission d'un photon[réf. nécessaire].

Synthèse

Il existe plusieurs procédés de synthèse. On peut citer deux grandes familles : les synthèses à haute température, et les synthèses à moyenne température, ou CVD (Chemical Vapor Deposition).

Méthodes à haute température

C'est la méthode préférentielle pour obtenir des nanotubes monofeuillets. Sous des conditions de température et de pression élevées, on fait évaporer du carbone (du graphite, le plus souvent) dans une atmosphère de gaz rare, en général de l'hélium ou de l'argon.

Ablation par arc électrique

C'est la méthode historique utilisée par Sumio Iijima. On établit en fait un arc électrique entre deux électrodes de graphite. Une électrode, l'anode, se consume pour former un plasma dont la température peut atteindre 6 000 °C. Ce plasma se condense sur l'autre électrode, la cathode, en un dépôt caoutchouteux et filamenteux évoquant une toile d'araignée très dense et contenant les nanotubes. C'est un procédé peu coûteux et assez fiable. Cependant, le processus est tellement complexe qu'au final on n'a que peu de contrôle sur le résultat. De plus, la haute température nécessaire au procédé ne permettait pas d'obtenir en grande quantité un matériau exploitable (les nanotubes ont tendance à fondre partiellement et à s'agglutiner).

Ablation par laser

Ce second procédé de vaporisation, mis au point à partir de 1992, consiste à ablater une cible de graphite avec un rayonnement laser de forte énergie pulsé ou continu. Le graphite est soit vaporisé soit expulsé en petits fragments de quelques atomes. C'est un procédé coûteux[pas clair] mais plus facile de contrôle, ce qui permet d'étudier la synthèse et de n'obtenir que les produits désirés.

Ce procédé permit de faire baisser la température de la réaction à 1 200 °C.

Synthèse dans un four solaire

On concentre en fait l'énergie solaire sur le graphite pour atteindre la température de vaporisation. Ce procédé permet de synthétiser en moyenne de 0,1 à 1 g de nanotube par « expérience »[35].

Avantages et inconvénients

Avantages :

  • ces méthodes permettent de synthétiser des nanotubes monofeuillets (alors qu'avec les autres méthodes on obtient uniquement des nanotubes multifeuillets, ou un mélange indissociable) ;
  • elles permettent de former des produits très purs.

Inconvénients :

  • on n'a aucun contrôle sur la longueur des nanotubes ;
  • il se forme de véritables amas qu'il faut dissocier pour pouvoir faire des applications.

Une méthode pour utiliser les produits de ces synthèses consiste à disperser les nanotubes dans une solution aqueuse grâce à des tensioactifs (les nanotubes sont hydrophobes). La dispersion est extrudée dans une solution visqueuse contenant un polymère qui déstabilise la suspension et conduit à l'agrégation des nanotubes sous formes de rubans fins. Ces rubans, de quelques microns d'épaisseur et quelques millimètres de largeur sont constitués de nanotubes enchevêtrés qui présentent une orientation préférentielle, due à l'écoulement. Lorsqu'on laisse sécher ces rubans à l'air, ils se contractent, l'eau contenue dans ces rubans étant évacuée par capillarité, jusqu'à former des fibres denses, utilisables pour des applications similaires à celles des fibres de carbone.

Méthode par dépôt chimique en phase vapeur (CVD)

On part ici d'une source de carbone liquide (toluène, benzène, cyclohexane) ou gazeuse à laquelle on ajoute un précurseur métallique. On utilise fréquemment du ferrocène (C5H10-Fe-C5H10) (parfois du nickelocène C5H10-Ni-C5H10). On transforme la solution en aérosol (fines gouttelettes) transportée alors par un gaz noble (de l'argon en général) jusqu'à un four à une température comprise entre 750 °C et 900 °C. Les nanotubes « poussent » alors, soit sur la paroi en verre du tube, soit sur une plaque de silicium (placée pour faciliter la récupération des nanotubes, on récupère après réaction la plaque où les nanotubes sont alignés). On récupère des nanotubes multifeuillets, alignés, d'une longueur d'environ 200 μm. L'apport continu de réactifs va obliger les nanotubes naissant à prendre le moins de place possible, donc de s'aligner tous dans une direction, la verticale du lieu où ils poussent, ce qui explique pourquoi on obtient des nanotubes alignés.

Après réaction, les nanotubes contiennent encore des impuretés (principalement le métal de départ, fer ou nickel), qu'il faut éliminer. On « recuit » donc les nanotubes (sous atmosphère de gaz inerte, car la présence de dioxygène détruirait les nanotubes), ce qui a pour effet d'ouvrir les demi-fullerènes aux extrémités, permettant aux impuretés de sortir. Cette re-cuisson présente aussi l'avantage de rendre les nanotubes encore plus rectilignes, en éliminant les éventuels défauts (partie d'une couche de graphène « cassée » ce qui fait que les différentes couches s'entrechoquent)[36].

État actuel de la technologie

En , des chercheurs du Nanotech Institute de l'université de Dallas (Texas, États-Unis) et de la Commonwealth Scientific and Industrial Research Organisation (Csiro, Australie), sous la houlette de Mei Zhang, ont publié un article dans la revue Science indiquant qu'ils avaient mis au point une méthode permettant de produire un à sept mètres par minute de nanotubes de quelques centimètres de long et quelques dizaines de nanomètres d'épaisseur. Ce processus devrait permettre de faire tomber la principale barrière à la mise en application de cette matière, qui pourra participer à l'émergence rapide de nouveaux produits finis.

En 2005, l'équipe de Ray Baughman de l'université du Texas à Dallas aux États-Unis a publié une méthode permettant de produire jusqu'à dix mètres de nanoruban par minute. Bien que l'on sache fabriquer des nanorubans depuis quelques années[Quand ?], leur fabrication était jusque-là fastidieuse et longue.

Transparents, les nanorubans ont d'autres propriétés assez spectaculaires. Après un simple lavage à l'éthanol, le ruban ne fait que cinquante nanomètres d'épaisseur et un kilomètre carré ne pèse que trente kilogrammes.

Cette production accélérée pourrait permettre d'utiliser les rubans de nanotube dans plusieurs domaines, comme dans l'industrie automobile (un ruban de nanotube sera coincé entre les vitres des voitures et en l'alimentant en courant, il les dégivrera) ou l'audiovisuel pour fabriquer des écrans enroulables.

Des recherches en cours[Quand ?] étudient la possibilité de remplacer le filament des ampoules électriques, normalement en tungstène par un nanoruban. À température égale, le filament en nanotube aurait un rendement lumineux supérieur à celle du tungstène car en plus de l'émission lumineuse due à l'effet de corps noir se rajoute un effet de luminescence. Toutefois, une commercialisation de ces ampoules n'est pas envisagée avant 2010.

Au mois d', des chercheurs de l'université de Cincinnati aux États-Unis ont annoncé avoir synthétisé des nanotubes de près de cm de long, soit 900 000 fois leur section. Les chercheurs Vesselin Shanov et Mark Schulz, assistés du post-doctorant Yun Yeo Heung et de quelques étudiants, ont utilisé la méthode de la déposition chimique de couches minces de matériaux par vapeur, dans un fourneau appelé « EasyTube 3000 ». Selon ces chercheurs, ce n'est qu'un début.

Au mois de , des chercheurs de l'université de Tsinghua à Beijing en Chine ont annoncé avoir synthétisé des nanotubes de 55 cm. Les chercheurs ont utilisé la méthode de déposition chimique en phase vapeur. Les nanotubes synthétisés par ces chercheurs sont constitués d'un à trois feuillets et leur structure est prétendument parfaite[37].

Au mois de , des chercheurs de l'université de Stanford, en collaboration avec IBM, ont développé le premier ordinateur possédant un processeur composé de nanotubes en carbone. En effet, le processeur est composé de nanotubes de dix à deux cents nanomètres de long. D'après les chercheurs, ce premier processeur est comparable au Intel 4040, construit dans les années 1970. Selon certains représentants de l'industrie, cette expérience est le début d'une nouvelle ère de processeurs[5].

Problèmes environnementaux et sanitaires

Les nanotubes de carbone ont des propriétés qui suscitent beaucoup d'espoirs industriels, mais  outre leur coût élevé[pas clair]  en début et fin de cycle de vie notamment, ou en cas de dispersion accidentelle, les nanotubes, comme d'autres nanomolécules, présentent des risques de pollution nanométrique. Compte tenu de leur petite taille, les nanotubes peuvent facilement être absorbés par l'organisme, et compte tenu de leur caractère de cycle benzénique polymérisé, la question de l'intercalement entre les cycles d'ADN et des risques élevés de cancer en résultant sont objet à interrogations.

Leur impact sanitaire et environnemental fait l'objet d'études[38]. Un article du journal Langmuir de l'American Chemical Society a récemment[Quand ?] étudié le caractère « tueur de cellules » des nanotubes par contact direct en déchirant les membranes cellulaires[39]. Des études récentes ont démontré des similarités structurelles entre les fibres en nanotubes de carbone (en forme d'aiguilles) et des fibres d'amiante, et confirment les risques de contraction de mésothéliome[40].

Une étude publiée le dans la revue Nature Nanotechnologies indique que les nanotubes de carbone ne seraient non pas biopersistants, comme on le pensait jusqu'alors, mais qu'ils seraient plutôt dégradés par une enzyme, la myéloperoxydase (MPO), qui s'attaque à ces nanotubes. Elle est produite par les neutrophiles, qui constituent la majorité des globules blancs[41].

En France :

  • l'Association de veille et d'information civique sur les enjeux des nanosciences et des nanotechnologies (AVICENN[42]) compile sur la page « Risques associés aux nanotubes de carbone »[43] du site veillenanos.fr[44] les références des travaux synthétiques sur le sujet ;
  • l'ANSES a réalisé un état de l'art sur la toxicité et l'écotoxicité des nanotubes de carbone en 2011-2012[45] ;
  • le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) interrogé sur la toxicité des nanotubes de carbone et sur l’intérêt de protéger les travailleurs a recommandé (avis du ), en vertu du principe de précaution, que la production et l’utilisation des nanotubes de carbone soient effectuées dans des « conditions de confinement strict » afin de protéger les travailleurs et les chercheurs. Le HCSP estime que deux études récentes laissent penser qu'existe « un danger cancérogène potentiel » comparable à celui induit par l'amiante inhalé, tout en suggérant des recherches complémentaires[46]. Le HCSP a aussi proposé une déclaration obligatoire et une obligation d'étiquetage en France pour les nanomatériaux et la mise en place rapide, à échelle européenne d'une procédure d’enregistrement et d’évaluation des risques, similaire au règlement Reach ;
  • l'Afsset[47] a proposé un guide pour mieux détecter les situations d’expositions, avec des pistes de recherche.

Applications

Propriétés physiques

Une rigidité très élevée et une large déformabilité leur confèrent des propriétés d’absorption d’énergie surpassant celles des matériaux existants, tels le Kevlar et la soie d’araignée. De telles fibres pourraient être incorporées dans des matériaux de protection ultraperformants et légers (pare-chocs, gilets pare-balles, etc.)[48].

Grâce à leurs propriétés physiques, les nanotubes de carbone sont susceptibles à l'avenir d'être utilisés dans de nombreux domaines, notamment :

  • dans les vêtements : possibilité de faire des vêtements (normaux) plus résistants et imperméables ou dans la confection de gilets pare-balles. Il serait également possible de créer des vêtements autonettoyants ;
  • dans le polyéthylène : des chercheurs ont découvert qu'en mettant des nanotubes dans du polyéthylène, celui-ci devenait jusqu'à 30 % plus élastique ;
  • dans certains équipements sportifs pour remplacer la fibre de carbone (raquettes de tennis, vélos, kayaks, etc.) ;
  • dans le stockage de l'hydrogène (par absorption), notamment dans le cadre des piles à combustible ; mais cette propriété est controversée[49] ;
  • dans le domaine militaire, particulièrement pour la construction de canon électrique ;
  • ou encore dans un domaine qui relève actuellement de la science-fiction, la construction d'un ascenseur spatial.

Propriétés chimiques

Il s'agit ici d'exploiter la cavité protectrice que forme le nanotube de carbone :

  • réservoirs à hydrogène (contenant ce dernier à l'état gazeux ou sous forme d'hydrure métallique), de façon à stocker celui-ci de façon plus efficace qu'actuellement (en bouteille) ;
  • dans les disques durs : ils serviraient de réservoirs de lubrifiant, celui-ci fondant par l'utilisation d'une nouvelle technique de chauffage par laser (modifiant les propriétés magnétiques) avant écriture[50] ;
  • le , des chercheurs de l'université de Berkeley et de Livemoer, en Californie, ont trouvé une nouvelle application pour les nanotubes : ils pourraient servir à séparer différents gaz ou liquides. En effet, ces chercheurs ont démontré que les molécules passaient bien plus facilement à travers ces tubes que dans d'autres pores de taille équivalente.

Notes et références

  1. (en) WOLFGANG KRÄTSCHMER et DONALD R. HUFFMAN, « FULLERITES: NEW FORMS OF CRYSTALLINE CARBON », dans The Fullerenes, Elsevier, (ISBN 9780080421520, lire en ligne), p. 5–9.
  2. (en) Kiang, C.-H., Goddard Iii, W. A., Beyers, R. et Bethune, D. S. (1996). CARBON NANOTUBES WITH SINGLE-LAYER WALLS. Dans M. Endo, S. Iijima & M. S. Dresselhaus (dir.), Carbon Nanotubes (p. 47-58). Oxford: Pergamon.
  3. (en) Marc Monthioux et Vladimir L. Kuznetsov, « Who should be given the credit for the discovery of carbon nanotubes? », Carbon, vol. 44, (lire en ligne [PDF], consulté le ).
  4. (en) Sumio Iijima, « Helical microtubules of graphitic carbon », Nature, vol. 354, , p. 56-58.
  5. Jean-Baptiste Waldner, Nano-informatique et Intelligence Ambiante : Inventer l'ordinateur du XXIe siècle, Paris, Hermes Science, , 302 p. (ISBN 978-2-7462-1516-0, LCCN 2007474110), p. 82.
  6. (ru) « Radushkevich-Lukyanovich » [PDF], (consulté le ).
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Voir aussi

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes

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