Nombre eulérien

En mathématiques, et plus précisément en analyse combinatoire, le nombre eulérien A(n, m), est le nombre de permutations des entiers de 1 à n pour lesquelles exactement m éléments sont plus grands que l'élément précédent (permutations avec m « montées »)[1]. Les nombres eulériens sont les coefficients des polynômes eulériens :

.

Pour les articles homonymes, voir Nombres d'Euler.

Ces polynômes apparaissent au numérateur d'expressions liées à la fonction génératrice de la suite .

Ces nombres forment la suite A008292 de l'OEIS.

D'autres notations pour A(n, m) sont E(n, m) et

Historique

Euler, Institutiones calculi differentialis, 2e partie, 1755

En 1755, dans son livre Institutiones calculi differentialis, Leonhard Euler a étudié les polynômes α1(x) = 1,α2(x) = x + 1, α3(x) = x2 + 4x + 1, etc. (voir le facsimilé ci-contre). Ce sont nos polynômes eulériens An(x).

Par analogie avec la notation des coefficients binomiaux et avec celle des nombres de Stirling et la notation fut proposée par Donald Knuth en 1968 dans The Art of Computer Programming[2].

Propriétés élémentaires

Pour un n donné  > 0, l'indice m de A(n, m) peut aller de 0 à n  1. Pour n fixé, il y a une seule permutation sans montée, la permutation descendante (n, n  1, n  2, ..., 1). Il y a également une seule permutation avec n  1 montées, la permutation identique (ou montante) (1, 2, 3, ..., n). Ainsi, A(n, 0) = A(n, n  1) = 1 pour tout n.

Renverser une permutation ayant m montées crée une autre permutation ayant n  m  1 montées ; ainsi

.

Les valeurs de A(n, m) peuvent être calculées « à la main » pour de petites valeurs de n et m. Par exemple

n m Permutations A(n, m)
1 0 (1) A(1,0) = 1
2 0 (2, 1) A(2,0) = 1
1 (1, 2) A(2,1) = 1
3 0 (3, 2, 1) A(3,0) = 1
1 (1, 3, 2) (2, 1, 3) (2, 3, 1) (3, 1, 2) A(3,1) = 4
2 (1, 2, 3) A(3,2) = 1

Pour des valeurs plus grandes de n, A(n, m) peut être calculé à l'aide de la relation de récurrence

[3],[2]

Par exemple

Les valeurs de A(n, m) pour 0 ≤ n ≤ 9 (cf. la suite A008292 de l'OEIS) sont :

n \ m 0 1 2 3 4 5 6 7 8
0 1
1 1
2 11
3 141
4 111111
5 12666261
6 157302302571
7 11201191241611911201
8 12474293156191561942932471
9 1502146088823415619088234146085021

Ce tableau triangulaire s'appelle le triangle d'Euler, et possède certaines des caractéristiques du triangle de Pascal. La somme des termes de la ligne d'indice n est le nombre des permutations de n objets, soit la factorielle n!.

Formule explicite

Une formule explicite pour A(n, m) est

[3]

Calculs de sommes

D'après leur définition combinatoire, la somme des nombres eulériens pour une valeur donnée de n est le nombre total de permutations des entiers de 1 à n, et donc

La somme alternée des nombres eulériens pour une valeur donnée de n est liée au nombre de Bernoulli Bn+1

Voici d'autres formules de sommation :

Bn est le n-ème nombre de Bernoulli.

Identités

  • L’identité de Worpitzky[2],[3],[4] exprime comme combinaison linéaire de nombres eulériens avec des coefficients binomiaux :
    .
  • On en déduit la fonction génératrice de la suite des puissances n-ièmes :
    .
  • On en déduit :
    en intervertissant les deux signes de sommations pour .
  • Plus généralement, on a[2] :
  • Une identité remarquable[5] probabiliste permet de démontrer simplement un théorème central limite pour le nombre de montées d'une permutation tirée au hasard. Si est une suite de variables aléatoires i.i.d. uniformes sur [0, 1] et si
,
alors
.

Nombres eulériens de seconde espèce

Le nombre des permutations du multiensemble telles que pour chaque k, tous les nombres entre les deux occurrences de k sont plus grands que k, est le produit des entiers impairs jusqu'à 2n − 1 (appelé parfois la double factorielle de (2n − 1), et noté (2n − 1)!!) ; on a .

Le nombre eulérien de seconde espèce, noté dénombre celles de ces permutations ayant exactement m montées. Par exemple, pour n = 3, il y a 3!! = 15 permutations de ce type, une sans montées, 8 avec une montée, et 6 avec deux montées:

À partir de cette définition, on montre facilement que les nombres vérifient la récurrence :

avec les conditions initiales :

.

On leur fait correspondre les polynômes eulériens de seconde espèce, notés ici Pn :

 ;

des relations de récurrence précédentes, on déduit que les Pn vérifient la relation :

On peut la réécrire :

 ;

ainsi la fonction rationnelle

satisfait :

d'où l'on tire les polynômes sous la forme Pn(x) = (1 − x)2nun(x) ; puis les nombres eulériens de seconde espèce qui sont leurs coefficients.

Voici quelques valeurs de ces nombres ( suite A008517 de l'OEIS) :

n \ m 0 1 2 3 4 5 6 7 8
0 1
1 1
2 12
3 186
4 1225824
5 152328444120
6 1114145244003708720
7 124056103212058140339845040
8 14941995019580064402078530434113640320
9 11004672601062500576550012440064110262963733920362880

La somme de la n-ème ligne est Pn(1) = (2n − 1)!!.

Articles connexes

Notes et références

Notes

  1. (en) R. L. Graham, D. E. Knuth et O. Patashnik, Concrete Mathematics: A Foundation for Computer Science, Addison Wesley, , p. 267
  2. Donald Knuth, The Art of Computer Programming, vol. 3, (ISBN 0-201-03803-X), p. 34-45. Dans cet ouvrage, la valeur de k est décalée d'une unité car D. Knuth compte le nombre de suites croissantes constituées d'images consécutives de la permutation, séparées par k-1 descentes.
  3. Louis Comtet, Analyse combinatoire, tome second, PUF, , p. 83-85
  4. (de) Worpitzki, « Studien über die Bernoullischen und Eulerschen Zahlen », Journal für die reine und angewandte Mathematik, vol. 94, , p. 203-232 (lire en ligne)
  5. voir (en) S. Tanny, « A probabilistic interpretation of the Eulerian numbers », Duke Math. J., vol. 40, , p. 717-722 ou bien (en) R.P. Stanley, « Eulerian partitions of a unit hypercube », Higher Combinatorics, Dordrecht, M. Aigner, ed., Reidel, .

Références

Liens externes

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