Nouvelle économie
La nouvelle économie émerge au milieu des années 1990 avec l'apparition et l'adoption rapide des technologies informatiques induisant dès lors une forte croissance économique grâce la modernisation et l'aumentation de la productivité des entreprises, ce qui débouche in fine sur une quatrième révolution industrielle et ses usages disruptifs[1].
La nouvelle économie se développe avec l'arrivée successive des ordinateurs, des logiciels, d'internet, de l'email, du web, des smartphones, de l'internet des objets, de la blockchain, du web décentralisé, de l'informatique quantique et de l'intelligence artificielle. Ces technologies de l'information et de la communication (TIC) conduisent à une augmentation considérable de la quantité d'information produite, traitée, stockée, ouverte, interconnectée et échangée à travers le monde.
L'ordinateur personnel
L'ordinateur personnel, apparu dans les années 1970, se destine à une utilisation au sein de chaque bureau et de chaque foyer par chaque personne[2].
Le marché de l'ordinateur personnel démarre réellement sous l'impulsion d'Apple avec son Apple II, sorti en 1977, dont les ventes augmentent rapidement. Le chiffre d'affaires d'Apple passe de 774 mille dollars en 1977 à 118 millions en 1980 en augmentation de 40% sur l'année 1980[3]. Ceci juste avant son introduction en Bourse fin 1980 qui s'avère être un succès valorisant la société à 1,7 milliard de dollars, soit la plus grosse introduction en Bourse depuis celle de Ford en 1956[4].
Le succès de l'Apple II alerte IBM (géant des ordinateurs centraux) qui, alors en retard, commence à construire son IBM-PC à partir de l'été 1980[5]. IBM le conçoit uniquement avec des composants standards disponibles sur le marché de la micro-informatique, pour le commercialiser un an plus tard[5]. Et ceci y comprit pour le système d'exploitation pour lequel il adopte le MS-DOS de Microsoft. IBM rattrape son retard, et en 1985 sa division PC dégage des bénéfices de 4,5 milliards de dollars[6], dépassant la société Apple qui a connu des difficultés de production avec son Apple III[7].
Cependant, sur ce marché en pleine expansion, les composants standards d'IBM sont repris par d'autres constructeurs pour produire des Compatibles PC offrant les mêmes fonctionnalités, le même système d'exploitation, et concurrençant directement l'IBM-PC[5]. Avec les Compatibles PC, le marché se développe, de nouveaux logiciels apparaissent, la demande augmente, les ventes se multiplient, les prix baissent et le marché des ordinateurs personnels ne cessera de croitre dans les années suivantes.
L'écosystème informatique d'Apple fonctionne en système clos avec des ordinateurs et leur système d'exploitation conçus, développés, assemblés en interne puis vendus dans un ensemble, de manière indissociable. Cependant en 1997, Apple, au bord de la faillite, est sauvé par Microsoft avec un rachat d'actions de 150 000 dollars afin de lui éviter une situation de monopole sur le marché des systèmes d'exploitation[8] – Microsoft subissant déjà une procédure antitrust pour l'affaire de son navigateur web. Puis avec de nombreuses innovations, telles que l'iMac en 1998 et le succès de l'iPhone en 2007, Apple devient l'une des sociétés les plus prospères avec une capitalisation de près de 3 000 milliards de dollars fin 2021, faisant d'Apple la plus haute valorisation mondiale d'une société à cette date [9]. C'est l'un des géants du numérique – qui sont regroupés sous l'acronyme de GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft).
Début 2022, les parts de marché des ordinateurs personnels s'établissent à 75% pour les PC et 15% pour les Mac[10].
Ainsi l'ordinateur passe en quelques années des ordinateurs centraux, aux micro-ordinateurs, aux ordinateurs transportables, aux ordinateurs portables, aux ultraportables, ainsi qu'en serveurs s'installant dans les réseaux d'entreprises, ou encore dans les fermes de serveurs des data centers pour le cloud computing. Il est également utilisé pour le cloud décentralisé reliant des milliers d'ordinateurs personnels répartis sur le globe pour constituer des réseaux pair à pair spécialisés (Tor, Bittorrent, Blockchain).
Le logiciel propriétaire
Au début de l'informatique, dans les années 1950, la programmation de logiciel était une discipline scientifique. Le code source des logiciels était libre de droits et faisait partie du domaine public à l'instar de toute science.
Le modèle du logiciel propriétaire commercial, apparu dans les années 1970, s'accroit fortement avec la croissance des ventes de micro-ordinateurs dans les années 1980. Son principe consiste à conserver secret le code source des logiciels afin de les commercialiser sous licences propriétaires, dites copyright, qui en limite fortement l'étude, la modification et le partage. Les logiciels propriétaires se commercialisent sous différentes formes de licences, telles que des licences uniques, des licences perpétuelles, différentes licences prémiums, voire le même type de licences mais par abonnements.
Repris intégralement sur les idées issues du Xerox Parc[11], Apple développe en interne son nouvel ordinateur, le Macintosh 128K, sorti en 1984, doté de son propre système d'exploitation avec une interface graphique dirigée à l'aide d'une souris, accompagné de logiciels de type Excel, Word, email, et d'un modem d'accès à internet[12]. En 1980 pour concevoir son PC, IBM avait choisi la licence propriétaire du système d'exploitation de Microsoft, le MS-DOS suivit dès novembre 1985 par Windows 1.0 pour proposer également une interface graphique[13].
Microsoft a habilement conservé les droits des licences de ses systèmes d'exploitation lui permettant de les vendre aux autres constructeurs de Compatibles PC[14]. Cette stratégie lui vaudra une forte croissance tout au long des années suivantes. Début 2022 et fortement diversifié, Microsoft reste l'une des sociétés les plus florissantes avec une valorisation de 2 300 milliards de dollars juste derrière Apple, même si Windows ne représente plus qu'une infime partie de son chiffre d'affaires[15]. Il fait partie des géants du numérique, les GAFAM.
Les points faibles des logiciels propriétaires sont le cout de leur licence élevé face aux logiciels gratuits (freeware) ainsi qu'aux logiciels libres, et au piratage qui permet de passer outre le payement des licences, par exemple avec Bittorrent.
Le logiciel libre
Le logiciel libre apparait en réaction à la généralisation du modèle propriétaire – même si son principe est antérieur. Le mouvement du logiciel libre se forme avec l'impulsion du copyleft formalisé au début des années 1980 par Richard Stallman à travers la licence GNU GPL maintenant sous l'égide de la Free Software Foundation (FSF)[16].
Les licences libres permettent à chacun de consulter, d'étudier, de modifier et de redistribuer les versions modifiées des codes sources des logiciels libres à la fois techniquement et juridiquement[17], permettant un retour de la science de l'informatique.
Le développement de la plupart des logiciels libres consiste à mutualiser le travail de contributeurs volontaires avec divers dons. Les codes sources des logiciels libres sont disponibles sur de grandes plateformes d'hébergement telles que GitHub – racheté 7,5 milliards de dollars par Microsoft, ce qui au final assure la pérennité de cet hébergeur open source. La force de ce modèle repose sur l'accès aux codes sources, leurs vérifications, et leurs réutilisations sein d'autres projets du Libre.
Les logiciels de programmation intègrent des outils collaboratifs permettant de synchroniser le code chez les hébergeurs, de conserver l'historique du code, de travailler en équipe, de lister les bugs à rectifier, réaliser des projets alternatifs (forks), etc. Ce modèle correspond à celui du fonctionnement de l'encyclopédie collaborative Wikipédia – mais en moins permissif, par exemple personne ne peut modifier le code source d'un logiciel open source en dehors de l'équipe de développement.
Les plus gros projets du Libre, tels que Mozilla, Chromium, Linux, Android, sont développés par l'intermédiaire d'associations financées par les dons conséquents de consortiums de grandes entreprises.
Les Creative Commons sont leur pendant pour les œuvres informatiques, comme les articles Wikipédia, des images, des photos, des musiques, des vidéos.
Les données ouvertes, généralement publiques, rassemblent des données authentiques offrant aux internautes leur accès libre ainsi que leur communication à des tiers.
Des sociétés de services informatiques (SS2I) proposent des services annexes, comme des modifications de code source pour répondre aux demandes spécifiques de clients, ou de la maintenance informatique matérielle fonctionnant sous logiciel libre.
Le système d'exploitation Linux reste le projet le plus utilisé. Il est intégré dans de nombreux produits comme des périphériques (imprimantes), des objets embarqués (IoT), des box internet, des télévisions, des ordinateurs, des smartphones, des équipements industriels, les grappes de serveurs du cloud comptuting.
Au final, le logiciel libre participe bien davantage à l'économie globale que le logiciel propriétaire.
Le Web
Internet, créé au milieu des années 1970, trouve sa première application d'importance avec le World Wide Web, maintenant abrégé par le terme « Web ». Celui-ci est inventé en 1989 par Tim Berners-Lee afin de relier les documents entre eux et de les rendre accessibles aux internautes. Le Web se développe parallèlement aux premiers navigateurs dès 1993, dont Mosaic qui devient Netscape Navigator et domine rapidement le secteur de l'accès au Web[18].
Le Web 1.0
Le Web 1.0 reposait déjà sur internet et utilisait du texte HTML pour décrire chaque page. Il était passif, c’est-à-dire sans interaction avec les sites web, hormis pouvoir cliquer sur les hyperliens pour passer d'une page à une autre, d'un site web à un autre. Il n'existait pas encore de moteurs de recherche mais uniquement des annuaires de sites web, dont le plus connu était Yahoo!.
Les navigateurs des débuts du Web inventaient de nouvelles balises HTML pour étendre les possibilités du Web, dont entre autres les champs permettant de rentrer du texte dans les pages web, ce qui a permis l'apparition des premiers moteurs de recherche – comme AltaVista, puis Google en 1998 avec sa technologie avancée du PageRank.
La création anarchique des balises HTML prit fin en 1997 avec la standardisation du HTML 3.2 par le W3C[19].
Lentement, de standard en standard, le Web 1.0 va se transformer en Web 2.0.
La bulle internet
L'introduction en Bourse de Netscape en aout 1995 est un succès faisant monter le cours de l'action de la jeune société au triple de sa valeur dès le premier jour, ceci malgré un déficit de 1,6 million de dollars[20]. Cette spectaculaire introduction en Bourse induit premiers symptômes de la bulle internet[20].
Comprenant l'importance du Web de ce tout nouveau média numérique, de nombreux investisseurs financent massivement les nombreuses start-up affichant des business plans prometteurs. Ces jeunes pousses qui rentrent rapidement en Bourses, avec des capitalisations boursières sans lien avec leur chiffre d'affaires réel ou leurs bénéfices, engendrent une fièvre spéculative sur les marchés de cette nouvelle technologie disruptive.
Voyant le succès de Netscape, Microsoft lance en 1996 son navigateur web Internet Explorer (IE) intégré directement au sein de Windows et donc de tous les PC vendus. Ceci eut pour effet de supprimer toute concurrence sur ce secteur dès 1998. Cependant en mars 2000, Microsoft perd son procès antitrust concernant cette pratique monopolistique[21]. Cet évènement met fin à la flambée spéculative du secteur des entreprises internet, entraînant l'effondrement de leur valeur boursière ce qui engendre des faillites en chaine et ainsi l'éclatement de la bulle internet, qui aura débuté en août 1995 avec Netscape et se terminera en avec le monopole d'Internet Explorer qui durera des années[22],[23].
Le Web 2.0
Si le Web 1.0 était passif, le Web 2.0 devient participatif au sens où les internautes peuvent interagir avec les sites web et y publier des informations, à commencer par les forums de discussion et les blogs.
Créé en 2001, Wikipédia se lance dans le Web 2.0. C'est une encyclopédie collaborative dont le contenu éditorial est entièrement rédigé par les internautes, chacun apportant sa contribution à des articles en les modifiant, en les développant, en les corrigeant, en les vérifiant. En 2021, Wikipédia atteint les 1,7 milliards de visiteurs mensuels, il est le 7e site le plus visité au monde, offrant 55 millions d'articles dans près de 300 langues[24],[25]. Il est géré par la Wikimedia Foundation qui reste totalement indépendante et n'est financée que par les dons.
En 2003 se créer le premier réseau social MySpace, rapidement supplanté par Facebook, créé en 2004, mettant en relation les internautes avec leurs amis. Chaque utilisateur crée une page de profil regroupant ses contacts, des photos, et un fil de discussions. Se modernisant d'année en année, il gagne en notoriété auprès des internautes. En 2012 Facebook rachète le réseau social de partage de photos Instagram pour 1 milliard de dollars[26]. En 2022, Facebook compte près de trois milliards d'utilisateurs mensuels et deux milliards d'utilisateurs journaliers[27], et Instagram d'un milliard mensuels. Il génère un chiffre d'affaires de 117 milliards de dollars sur l'année 2021[28], et sa capitalisation boursière est évaluée à 915 milliards de dollars en fin d'année[29].
En 2003, le réseau social professionnel LinkedIn est créé, il décollera entre 2004 et 2006[30]. Il s'attaque au recrutement, au métier, à l'activité des professionnels et des entreprises. Racheté par Microsoft en 2016 pour 26 milliards de dollars[31]. LinkedIn reste en constante augmentation et dispose en 2021, de 260 millions d’utilisateurs actifs journaliers et 260 millions mensuels en 2021[32]. Il génère alors un chiffre d'affaires de plus de 10 milliards de dollars.
YouTube apparait sur le Web en 2005, il propose aux internautes de publier leurs vidéos puis des retransmissions en direct à l'instar des journaux télévisés. En 2006 avec 1,6 milliard de dollars, Google rachète YouTube[33] qui devient en quelques années le premier média social avec environ 2 milliards d'utilisateurs mensuels en 2021[34] ; année lors de laquelle il génère un chiffre d'affaires de 29 milliards de dollars[35].
En 2006, Twitter est créé en tant que réseau social commentant l'actualité par l'envoi de micromessages (tweets) de quelques caractères accompagnés de photos ou vidéos et regroupés par des sujets sous le terme #hashtag et des @Pseudos s'adressant à des personnes et citant des personnalités. En 2021, Twitter dispose de 217 millions d’utilisateurs actifs quotidiens, et réalise un chiffre d'affaires de 5,1 milliards de dollars en augmentation constante, particulièrement à chaque évènement de grande ampleur[36].
Il existe d'autres réseaux sociaux, comme Pinterest, un réseau social de partage de photos d'objets, toujours indépendant en 2021 et valorisé 15 milliards de dollars en Bourse[37] ou encore des messageries telles que Telegram.
Sur les principaux réseaux sociaux du Web 2.0, les internautes publient leurs contenus gratuitement, les influenceurs sont rémunérés selon le nombre de leurs abonnés[38], et les professionnels payent leurs campagnes publicitaires. Un contenu souvent partagé peut rapidement devenir viral et créer un véritable « buzz » médiatique. Cependant face au phénomène de désinformation des fake-news, les plateformes de réseautage ont dû mettre en place une plus forte régulation des contenus.
Le modèle économique des réseaux sociaux se base principalement la publicité ciblée, les abonnements prémium payants, l'affiliation des professionnels, et la capture d'informations de leurs utilisateurs alimentant leur big data. De plus, pour accroitre et conforter leurs audiences et technologies, les géants du web rachètent les grandes entreprises à succès et nombre de petites start-up spécialisées.
Les marchés en ligne
Les marchés en ligne ou Marketplaces du Web 2.0 proposent des produits et services mettant en relation des processionnels et des particuliers de manière directe et instantanée, ce qui est rendu possible par l’informatique et par là un faible coût d'exploitation commerciale.
La première place de marché en ligne d'eBay est introduite en juin 2001[39]. Elle vend des produits professionnels et par la suite des produits d'occasions. Elle connait un fort succès avec un taux de croissance de 150% sur ses 10 premières années d'existence[40]. Cependant, eBay ne profite pas d'être l'acteur historique avec une capitalisation boursière de seulement 40 milliards début 2022[41] loin de celle des GAFAM.
Lancé en 1995, Amazon, initialement une librairie en ligne, entre en Bourse en 1997 avec succès[42]. Sa stratégie de devenir plus grand le plus vite possible (Get Bigger Faster) lui fait supporter des pertes lors de ses premières années d'existence qui sont puisées dans la trésorerie acquise lors de son introduction en Bourse. La société ne réalise ses premiers bénéfices que début 2002[43]. En 2003, Amazon incorpore les produits au sein de sa marketplace[44]. Celle-ci connaitra un succès grandissant d'année en année, ainsi sa capitalisation boursière est multipliée par cinq entre 2005 et 2015[45]. Sa marketplace devient progressivement la référence mondiale des places de marché en ligne. Début 2022, Amazon, avec une forte diversification de ses services (dont Amazon AWS, du cloud computing), dispose d'une capitalisation boursière de 2 500 milliards de dollars[45]. Il fait partie du groupe restreint des GAFAM.
La société Uber, créée en 2009, propose une marketplace remplaçant les taxis par la mise en relation de chauffeurs indépendants avec des clients décidant de se rendre d'une adresse à une autre en utilisant l'application mobile. Les chauffeurs et les clients sont notés l'un l'autre afin d'assurer la respectabilité des participants. Le marché traditionnel des taxis s'effondre rapidement[46]. Début 2022, Uber est valorisé 85 milliards de dollars en Bourse[47].
Le terme d'ubérisation généralise le modèle économique d'Uber[48]. C'est un phénomène socio-économique désignant l'économie collaborative numérique par l'intermédiaire des marketplaces. Nombre d'acteurs de la nouvelle économie appliquent aujourd'hui ce modèle.
Parmi les principaux secteurs ubérisés on trouve notamment : la livraison de repas à domicile (Deliveroo), les services et les produits d'occasions (LeBonCoin, Facebook Marketplace), le transport (Blablacar), les services de particulier à particulier (AlloVoisin), la commercialisation de produits grand public (Cdiscount), la sous-location immobilière (Airbnb), l'hôtellerie (Booking.com), le voyage (TripAdvisor), l’éducation (Udemy), ou encore la santé (Doctolib).
Afin d'être rentables, les marketplaces prélèvent des frais de commissions sur les transactions, fournissent des placements publicitaires payants, proposent des affiliations aux professionnels, ou encore espèrent se faire racheter voire fusionner pour devenir leadeur sur leur secteur.
Les marchés en ligne font vivre à travers le monde quantité de petites et moyennes entreprises, d'artisans, de travailleurs indépendants et aide financièrement de nombreux particuliers. Ce modèle d'ubérisation renforce l'emploi, ainsi que le tissu et la croissance économique.
Les smartphones
Les assistants personnels numériques (PDA) précèdent les smartphones, étant d'un fonctionnement identique à celui de petits ordinateurs utilisables avec un stylet.
En 2007, Apple lance le premier smartphone avec son iPhone. Un smartphone fonctionne comme un ordinateur, étant équipé d'un système d'exploitation et d'applications mobiles. Les applications mobiles sont une extension des sites du Web 2.0.
Apple conserve la même stratégie de son écosystème fermé avec des produits tout-en-un, intégrant le téléphone, le système d'exploitation (iOS) et un magasin d'applications, l'App Store, dont les deux millions applications sont très encadrés, et il exclut tout autre magasin d'application. Avec l'iPhone, Apple fait partie du groupe des GAFAM.
En 2005, Google rachète le système d'exploitation mobile Android basé sur Linux, son code source est public et peut être utilisé sur des machines virtuelles à des fins de tests des applications[49]. Cependant, les constructeurs de smartphones ont besoin des principaux services de Google et surtout de son magasin d'applications, le Google Play Store qui propose également deux millions d'applications en 2021. C'est ici une licence payante, et ce qui est appelé communément « Android »[49]. Cette licence n'exclut pas la présence des magasins d'applications des constructeurs. Dès sa mise sur le marché, Google adopte une stratégie similaire à celle de Microsoft en distribuant son système Android auprès des constructeurs de smartphones, connaissant progressivement un fort succès et passant devant l'iPhone courant 2012[50].
Avec 2,2% de parts de marché en 2016[50], Microsoft n'arrivera pas à s'imposer comme troisième concurrent, abandonnant son système d'exploitation mobile Windows Phone en 2017.
L'App Store et le Play Store s'avèrent extrêmement lucratifs, prélevant 30% des revenus générés par les applications, achats et abonnements compris. Cependant fin 2021, sous la pression des régulateurs, les deux géants de la téléphonie réduisent leur commission à 15%[51].
En 2021, le nombre de smartphones en circulation s'évalue à 6 400 millions d'appareils, avec 4 500 millions d'appareils sous Android et 1 900 millions d'iPhones[52]. Toujours en 2021, le marché des smartphones, dopé par la téléphonie 5G, est estimé à 450 milliards de dollars[53] se répartissant comme suit : l'ensemble des smartphones Android avec 70% de parts de marché et l'iPhone avec 30% de parts de marché[54].
Sur ce marché, Apple profite d'être l'acteur historique, de sa marque mondialement reconnue, et de ses produits de haute qualité, quoique proposant une gamme réduite et couteuse. Il fait face à la concurrence des constructeurs de smartphones Android ayant une gamme très diversifiée en qualité et en prix.
En sus des revenus ses licences, Google profite de l'acquisition de nombreuses données utilisateurs recueillies par ses quatre milliards et demi de smartphones qui alimentent abondamment son big data.
L'évolution d'internet
En deux décénies, l'usage d'internet s'est accrue dans le monde de manière exponentielle, ce que l'on peut observé avec l'évaluation des chiffres suivants :
- le nombre d'internautes est multiplié par 5 000 avec plus de 5 milliards en 2020, contre 98 millions en 1999[24],[55],[56] ;
- le nombre de sites web est multiplié par 630 avec 1,9 milliards en 2021, contre 3 millions en 1999[24] ;
- une vitesse de connexion multipliée par 400 avec en moyenne une vitesse de 3 mégaoctets par seconde en 2021 (ADSL, Fibre, 4G, 5G), contre 7 kilo-octets en 2000 (modem 56K)[57],[58] ;
- plus de 20 millions de milliards de teraoctets de données transitant par internet en 2021[57] ;
- plus de 55 milliards de terminaux connectés à internet en 2021 (ordinateurs[59], smartphones[60], objets connectés[61]) ;
- plus de 6 500 milliards de teraoctets de données produites en 2020, dont 1 300 milliards toujours sauvegardés en 2021[62] ;
- la quantité de données accessibles par internet est multiplié par 10 milliards avec 8 000 milliards de teraoctets en 2021, contre 800 teraoctets en l'an 2000[63],[62],[64] ;
- 5 000 milliards de dollars de chiffre d'affaires du e-commerce en 2021[65].
Le big data
Le big data désigne l'ensemble des mégadonnées numériques issues de l’utilisation des technologies de l'information et des communications (TIC). Toutes les activités internet génèrent en permanence des quantités colossales de données alimentant le big data. Afin d'être valorisables, ces mégadonnées doivent être à la fois volumineuses, personnalisées, variées, et être les plus véridiques possible.
Les données des internautes sont issues de nombreuses sources, telles que : les requêtes sur les moteurs de recherche web et mobile (Google accaparant 90% des recherches[66]) ; les sujets, la fréquence et le type des sites web consultés, des articles lus dans l'actualité, des applications utilisées ; les lieux et établissements fréquentés à l'aide des applications de cartographie ; les avis sur les produits, les services, les professionnels ; les achats en ligne ; les interactions sur les réseaux sociaux avec les relations familiales et amicales (Facebook) ou professionnelles (LinkedIn) ; les communications avec les assistants vocaux (Google Assistant, Siri d'Apple, Amazon Alexa) ; et même l'analyse de « mots-clés » dans les mails et les conversations écoutées en continu par les assistants vocaux et les smartphones[67].
Outre les mégadonnées des utilisateurs, le big data agrège également les données de l'internet des objets (IoT) constitué de divers et nombreux appareils connectés à internet, et servant de capteurs de données du monde physique[68].
Google, acteur principal sur le secteur des mégadonnées, complète avantageusement son big data avec les données recueillies par ses quatre milliards et demi de smartphones Android, ses nombreux services tels que Gmail, Google Shopping, Google Maps, Google news, les contacts et agendas Android, etc. Si Apple ne revend pas les données de son big data, elle les utilise néanmoins en interne.
Le croisement et l'analyse de ces données par l'apprentissage automatique (machine learning), reposant sur les vastes infrastructures des géants du numérique, permettent à ceux-ci de connaitre les catégories socioprofessionnelles, les habitudes de consommation, les préférences, les interrogations, les intentions de leurs utilisateurs, jusqu'à observer des changements de tendances macrosociales en temps réel. Ces données permettent aux géants du numérique d'accroitre fortement les performances du profilage des utilisateurs, du ciblage publicitaire, mais aussi plus stratégiquement de l'intelligence artificielle (IA).
Sans cesse actualisées, analysées et exploitées, ces mégadonnées représentent d’immenses sources de revenus potentiels, et sont qualifiées d'or noir numérique[69].
La publicité numérique
En 1660 apparait la première publicité imprimée dans le journal The London Gazette[70]. Cette première publicité dans ce qui deviendra le journal officiel britannique marquera les débuts de la longue histoire de la publicité dans les médias traditionnels comme la presse écrite, la radio, le cinéma, la télé, puis dans les médias numériques avec la publicité numérique sur les sites web, la presse numérique, les smartphones, les applications mobiles.
Par l'analyse du big data, le profilage des utilisateurs permet aux géants de la publicité en ligne de proposer avec une grande réactivité de la publicité ciblée qui délivre des annonces ciblant une personne spécifique pour afficher la publicité au moment exact où l'utilisateur est enclin à l'achat d'un produit. Les avantages pour les annonceurs sont le ciblage d'utilisateurs déjà intéressés par le produit, un moindre budget publicitaire, et donc un retour sur investissement plus important. La publicité ciblée permet aux petites entreprises de réaliser des campagnes publicitaires rentables pour se placer sur des marchés de niche. Le Web 2.0, le big data, les marketplaces, et la publicité ciblée permettent au tissu et à la croissance économique de se développer et de se diversifier.
Avec le rachat de DoubleClick en 2007 pour 3 milliards de dollars[71] plus l'accroissement de son big data, Google devient dans les années suivantes un géant de la publicité ciblée avec sa régie publicitaire Google Ads utilisée sur son moteur de recherche, sur YouTube et sur les applications Android, dont Google news qui finance nombre de journaux en ligne.
Le marché de la publicité numérique s'accélère avec la digitalisation des médias et la publicité ciblée. L'estimation du marché mondial de la publicité est passée en une décennie de 475 milliards de dollars en 2011[72] à 710 milliards de dollars en 2021[73]. Fin 2021, au sein de celui-ci le marché de la publicité numérique passe en une décennie de 32 milliards de dollars en 2011[74] à 442 milliards de dollars en 2021[73] soit 62% des dépenses publicitaires mondiales[75]. Cette augmentation ne profite pas aux formats publicitaires traditionnels qui reculent même en passant de 440 milliards de dollars en 2011[74] à 268 milliards de dollars en 2021[73]. De nombreux médias traditionnels français, en difficulté, sont d'ailleurs subventionnés par des aides publiques (presse, cinéma).
En 2021, le marché de la publicité numérique, pesant près de 450 milliards de dollars, est monopolisé par 3 géants du numérique représentant plus de 80% et se distribuant ainsi[76] : Alphabet (Google) avec 50% du marché, Meta (Facebook) avec 25% du marché, Amazon avec 7% du marché à l'aide de ses produits sponsorisés.
Né avec les premiers navigateurs web, le marché de la publicité numérique s'enrichit en quelques années de nombreux supports de communication, en particulier avec l'aide des smartphones et de la publicité ciblée : la téléphonie marketing, les mails promotionnels et newsletters, la publicité sur les moteurs de recherche, sur les réseaux et médias sociaux, les encarts publicitaires ciblés dans les applications, etc. Ainsi, les moyens de communication à disposition des publicitaires deviennent progressivement infinis...
L'informatique en nuage
L'informatique en nuage (cloud) offre de nombreux services, parmi lesquels le logiciel en ligne (SaaS), la location de serveurs (IaaS), l'hébergement sur serveurs clés en main (PaaS).
En 2021, le marché mondial du cloud s'évalue à 445 milliards de dollars en croissance de 16,3% par an[77]. Il existe au sein de celui-ci :
– Le logiciel en ligne (SaaS) pour particuliers et professionnels, accaparant la majeure partie du marché avec 197 milliards de dollars en 2021[77]. On y trouve par exemple : le stockage de données avec Google Drive, Microsoft OneDrive, Apple iCloud ; les logiciels de bureautique avec Microsoft Office 365, Apple iWork, Google Docs et G Suite ; les logiciels de téléconférence avec Zoom, ou Microsoft Teams. Il permet en outre le télétravail qui a fortement augmenté avec la pandémie débutée en 2020. La mise à jour des logiciels en ligne devient transparente, le piratage disparait, mais aussi la concurrence open source dont les moyens sont trop limités pour cela. En outre, les logiciels en ligne ne sont plus vendus mais plus lucrativement loués et accompagnés de divers forfaits « prémium ». Ils permettent en sus la collecte d'informations pour le big data.
– Le cloud computing représente un marché de 115 milliards de dollars, en forte croissance, en proposant de la location de serveurs (le IaaS pesant 67 milliards de dollars en 2021) et de serveurs clés en main (le PaaS, d'une taille de 48 milliards de dollars)[77]. Il offre la mise à disposition de réseaux, de stockage, de serveurs, mais aussi de systèmes d'exploitation et leurs interfaces de programmation (API). Le cloud computing permet à la fois l'hébergement de parcs informatiques internes à une entreprise (intranet), et de services informatiques tournés vers le public (extranet). Le cloud computing propose des changements d'échelle automatiques pour s'adapter aux ressources nécessaires sans que le client n'ait à s'occuper de leur infrastructure sous-jacente[78]. Avec les serveurs clés en main, les entreprises disposent d'une simplification de la gestion de leurs sites web, de leurs logiciels en ligne, ou de leurs applications mobiles[78]. Les trois principaux acteurs sur ce marché sont des GAFAM, dont :
- Amazon AWS, qui est leadeur en tant qu'acteur historique du marché.
- Microsoft Azure grâce à ses serveurs sous Windows simplifiant leur utilisation pour nombre de ses clients.
- Google Cloud Platform proposant des services avancés dans le traitement du croisement des données (apprentissage automatique).
Le cloud présente l'avantage d'être accessible simplement de partout sur le globe au travers d'appareils internet : à la fois pour les administrateurs et développeurs par les logiciels et navigateurs, ainsi que pour les utilisateurs finaux qui y accèdent par les sites web, les logiciels, ainsi que par les applications mobiles (connectées aux clouds via les API).
En 2021, certains analystes pensent qu'une partie des entreprises réaliseraient près de 50% d'économie sur leur budget informatique en passant au cloud computing[79]. Cependant, Richard Stallman précise que cela représente un « piège propriétaire » liant le client à son fournisseur de cloud[80].
De ressources quasiment illimitées, avec son automatisation, ses capacités de stockage, sa puissance de calcul, et son accès facile, le cloud computing ressemble déjà aux prémisses d'un système d'exploitation d'internet, quoique sans le respect de la philosophie du Libre.
La blockchain
La « technologie blockchain », conceptualisée progressivement à partir de 1992, permet en 2004 l'apparition de « pièces électroniques » cumulables et échangeables à l'aide de transactions horodatées ce qui résout le problème de la « double dépense »[81],[82],[83]. Cependant à l'époque, les portefeuilles blockchain étaient stockés sur un registre reposant sur un organe central de contrôle des transactions[82],[83]. En 2008, se finalise le concept de blockchain en y intégrant un réseau pair-à-pair donc sans organe central[82]. Début 2009, la première réalisation d'une blockchain apparait avec le réseau Bitcoin et sa cryptomonnaie le BTC[81].
La non-falsification des transactions de pièces électroniques est assurée par de nombreux « mineurs » (les pairs) possédant la totalité du registre de la blockchain, même s'il est compacté pour les très anciennes transactions. La non-falsification des transactions est vérifiée par les mineurs l'aide de protocoles de preuves, comme des calculs cryptographiques (proof-of-work) énergivores donc couteux ainsi que polluant ; ou encore par de l'investissement en cryptomonnaie (proof-of-stake) peu énergivore donc ne polluant pas. En échange de leurs services, les mineurs sont rémunérés par des pièces de cryptomonnaies pour leur participation indispensable au fonctionnement des blockchains. La preuve travail cryptographique étant fortement polluante, elle est critiquée pour son impact écologique dès 2021, ce qui lui vaut des interdictions de « minage », comme en chine[84]. Cependant une blockchain étant mondiale et en ligne, elle reste accessible depuis tout pays, y compris ceux ayant interdit le minage et/ou les plateformes d'achat-vente de cryptomonnaies.
La blockchain dispose des caractéristiques suivantes[83] :
- Un réseau distribué sans organe central de contrôle : du fait de son architecture pair-à-pair.
- Des transferts horodatés de pièces électroniques sans double dépense possible.
- Des portefeuilles asymétriques (wallets) : avec une clé publique pour recevoir et une clé privée pour envoyer.
- Des données vérifiables : le registre affiche en clair les données pointées par les clés publiques.
- Des données infalsifiables : car une fois inscrite dans la blockchain les mineurs disposent tous du même registre.
- Résistant à la censure : sauf à interdire son minage ou ses plateformes d'achat-vente dans chaque État du globe.
Depuis lors, la blockchain offre au monde de l'informatique une technologie de registres distribués stockant des données ouvertes, redondantes, infalsifiables, et sans organe central de contrôle donc non-censurables.
Les cryptomonnaies
Les cryptomonnaies ou plus exactement les cryptoactifs[85] disposent d'une valeur monétaire pouvant s'échanger au travers de transactions blockchains vérifiées par le minage[86]. Il faut distinguer un réseau blockchain de sa cryptomonnaie, tel que Bitcoin et ses BTC, ou Ethereum et ses ETH.
En janvier 2022, la capitalisation de l'ensemble des cryptomonnaies s'évalue à 2 000 milliards de dollars[87], dont le Bitcoin avec 880 milliards[88] juste devant Ethereum avec 450 milliards de dollars[89]. À eux deux, ils représentent généralement les deux tiers de la capitalisation des cryptomonnaies.
Les cryptomonnaies s'utilisent principalement à titre spéculatif, mais aussi pour payer les hackers des ransomwares, acheter des produits illicites sur le darknet ou le deep web[90]. Plus pernicieusement, les cryptomonnaies s'utilisent également en pour faire du blanchiment d'argent et/ou contourner les taxes fiscales[91]. Les micropaiements servent également à accéder aux services proposés sur le Web 3.0, ou à rémunérer les mineurs afin d'accélérer une transaction. De plus en plus d'entreprises acceptent les cryptomonnaies pour permettre à leurs clients d'acheter des produits légaux, des articles de luxe, des voitures, et même des biens immobiliers[90]. Plus récemment les plateformes d'échanges de cryptomonnaies offrent des cartes bancaires standards pour régler n'importe quel achat en euros, dollards ou autres[92]. Dès le début certains commerçants acceptaient déjà le bitcoin, avec l'exemple d'une personne qui acheta, en mai 2010, deux pizzas pour 10 mille bitcoin, soit une véritable fortune quelques années plus tard[93].
Les cryptomonnaies stables
Les cryptomonnaies stables (stablecoins) sont adossées à une monnaie fiduciaire. Elles sont généralement corrélées avec le dollar (USD) ce qui implique que chaque pièce du stablecoin vaut un dollar et vice versa. Les cryptomonnaies stables sont utilisées par les possesseurs de cryptomonnaies pour faire du trading de manière instantanée, sans besoin d'en revendre et d'en racheter en transitant sur un compte bancaire dont les virements peuvent prendre plusieurs jours selon les pays émetteurs et receveurs.
Les régulateurs, comme la Banque Centrale Européenne (BCE) ou la Securities and Exchange Commission (la SEC régulant les marchés financiers américains), voient d'un mauvais œil ces monnaies stables qui risquent de concurrencer à terme le dollar et les monnaies officielles internationales, voire en tant que monnaie nationale, comme le bitcoin officialisé au Salvador[94]. Les banques centrales développent d'ailleurs des projets de monnaie numérique (MNBC) afin de parer à ce risque, à l'instar dès janvier 2022 de la monnaie numérique chinoise, le e-yuan[95].
La spéculation
Avec la bulle des cryptomonnaies fin 2017[96], ce secteur attire fortement l'attention du public et des médias. Il se crée ainsi de nombreux sites web et applications ayant comme thème unique les blockchains.
Lors de cette première bulle, la capitalisation des cryptomonnaies s'évalue à 180 milliards de dollars en septembre 2017, elle passe à 770 milliards début 2018, soit une multiplication par 4,2 en moins de cinq mois, avant de redescendre à 260 milliards en avril 2018, soit une division par trois en moins de quatre mois[97].
De nouveau en 2021, le marché des cryptomonnaies varie fortement. La capitalisation du marché stagne, début 2021, à 160 milliards de dollars, puis monte à 1 200 milliards en juillet soit une multiplication par 7,5 en six mois, passant ensuite à 3 000 milliards en novembre soit encore une multiplication par 2,5 en quatre mois, avant de redescendre à 1 500 milliards en janvier 2022, soit une division par deux en moins de trois mois[97], mais au final une multiplication par plus de 9 en 2021.
Ceci démontre une réelle spéculation faisant fortement varier les cours sur de courtes périodes. En revanche, les possesseurs de long terme de cryptoactifs (holders) profitent davantage de l'augmentation progressive de la capitalisation des grandes cryptomonnaies du marché, avec par exemple une multiplication par plus de 9 en 2021, ou mieux une multiplication par 100 en cinq ans du début 2017 au début 2022[97].
Si les analyses techniques des traders du marché des cryptomonnaies permettent d'anticiper les cours à l'aide de statistiques, il est cependant constaté que ce marché est davantage régi par les évènements pouvant survenir à tout moment, comme les annonces sur les évolutions technologiques d'une blockchain, les déclarations de régulations institutionnelles, ou encore les tweets d'Elon Musk[98] – acceptant un coup l'achat de Tesla en bitcoins avant d'y mettre fin quelques semaines plus tard, pour des raisons de pollution contraire à l'éthique de la société[99]. Ces évènements abrupts provoquent des réactions instantanées sur les marchés crypto-monnétaires, à la hausse comme à la baisse, d'autant plus qu'en 2022 les cryptomonnaies sont utilisées pour la spéculation.
La bulle de 2017 et les fortes variations de 2021 sont dues essentiellement à la jeunesse des cryptomonnaies, à leur faible adoption, aux couts élevés des principales pièces (même s'il est possible d'en acheter des valeurs décimales), et à leur faible capitalisation face au potentiel disruptif de la technologie blockchain, tel que le Web 3.0.
Les plateformes d'échanges de cryptomonnaies
Les plateformes d'échanges de cryptomonnaies (crypto-exchange), gérés par des sociétés permettent au public d'acheter, de stocker, d'échanger, de recevoir et d'envoyer des cryptomonnaies ; ainsi que les revendre en monnaie fiduciaire pour les transférer sur un compte bancaire[100]. Outre l'achat par le public, depuis 2021 de grandes institutions financières (sociétés, banques, fonds de pension) investissent dans les cryptomonnaies, et pour spéculer et pour proposer des produits financiers à leurs clients[101].
Avec les règlementations successives, les utilisateurs sont obligés de fournir leur identité officielle (Know your customer) sur nombre de plateformes d'échanges – dans le but de lever l'anonymat qui était présent au début de la blockchain – afin d'éviter le blanchiment d'argent[102]. Ceci oblige également à payer la fiscalité sur les plus-values crypto-monétaires, dont la flat taxe de 30% en France, ou l'absence totale de taxation en Suisse, et aux USA une taxation de 0% à 37% selon les gains réalisés sur l'année fiscale et selon la possession à court ou long terme (trading / holders)[103],[104],[105]. Les crypto-exchanges peuvent également subir les régulations gouvernementales, cependant il en existe des dizaines réparties à travers le globe et toutes sont accessibles depuis le Web.
En outre, les crypto-exchanges (affiliés à Visa ou Mastercard) offrent maintenant des cartes bancaires convertissant automatiquement les cryptomonnaies en monnaies officielles, permettant des achats de produits en magasins et en ligne[106], ainsi que des retraits dans les distributeurs automatiques[92], le tout pour environ 3% de frais, contournant ainsi les taxes sur plus-values.
Il existe également des plateformes d'échanges financières décentralisées sur le Web 3.0 fonctionnant sans organe central de contrôle, mais sans l'achat de cryptomonnaie depuis une monnaie fiduciaire.
Les blockchains programmables
Les blockchains programmables possèdent un langage de programmation permettant de développer des contrats intelligents (smart contracts). Les contrats intelligents forment des programmes informatiques qui effectuent des actions internet lorsque des faits concernant des conditions programmées sont établis[107].
Les applications décentralisées (DAO ou maintenant DApps) s'exécutent à l'aide d'un ensemble de smart contracts interagissant conjointement, ceci en toute autonomie, automatiquement, et sans intervention humaine hormis celles des utilisateurs y ayant recours[108]. En outre, les DApps stockent des cryptomonnaies, communiquent avec l'extérieur par des requêtes internet et des transactions blockchain, et s'exécutent au sein de machines virtuelles inclues dans le programme de « minage » utilisé par chaque nœud du réseau.
Les applications décentralisées sont dotées des caractéristiques suivantes :
- Auditables par tous : car leur code source est inscrit en clair dans la blockchain, donc lisibles comme tout contrat juridique[109].
- Inaltérables : car l'écriture d'une donnée dans une blockchain est définitive et ne peut plus être modifiée[109].
- Évolutives : car il reste possible d'en créer des forks pour remplacer une version précédente obsolète ou boguée, mais que tous les utilisateurs doivent adopter.
- Non-censurables : car mondialement décentralisées, sans IP unique, sans nom de domaine internet, sans siège social, sans propriétaire[109], et open source.
Créée en 2015, la principale blockchain programmable est le projet Ethereum et sa monnaie électronique l'ETH. Début 2022, Ethereum utilise encore la preuve de travail dite polluante. Cependant avec Ethereum 2.0, ce réseau bascule progressivement vers la preuve de participation (proof-of-stake) non polluante[110]. En tant que leadeur historique, Ethereum rassemble une vaste communauté de développeurs qui conçoivent de nombreuses applications décentralisées de tout type, alimentant le Web 3.0[111].
Le Web 3.0
Si le Web 1.0 était basé sur les hyperliens et le Web 2.0 sur les réseaux sociaux, le Web 3.0 se base sur la technologie blockchain.
Appelé Web3 ou maintenant le Web 3.0[112] (à la pas confondre avec le Web 3.0 sémantique – projet abandonné) dispose des mêmes caractéristiques que la blockchain, à savoir qu'il est décentralisé ouvert, infalsifiable, autonome, et sans organe de contrôle donc sans règlementation gouvernementale réaliste[113]. Le Web 3.0 critique le Web 2.0 pour la centralisation des données utilisateurs permettant la collecte de mégadonnées par une poignée de multinationales privées[114].
Le Web 3.0 propose diverses technologies additionnelles aux blockchains programmables.
– Le projet InterPlanetary File System (IPFS) – qui n'est pas une blockchain mais abondamment utilisé par cette dernière – met en commun les disques durs de nombreux nœuds du réseau, et fonctionne comme bittorent[115]. Il permet la réappropriation et le libre usage des données par les utilisateurs[116]. Il dispose début 2022 de 42 milliards de téraoctets permettant le stockage de données comme des documents, des archives, des bases de données, des données volumineuses, des vidéos et musiques, et toute sorte de médias, y compris avec des diffusions en temps réel[115]. La quantité de données disponible sur IPFS et le Web 3.0 augmente rapidement avec des projets blockchains rémunérant les nombreux « mineurs » qui prêtent leur stockage[117].
– Les oracles blockchain vérifient les faits réels en intégrant dans les applications décentralisées des valeurs issues du monde physique par l'intermédiaire d’informations mesurées par l'internet des objets (IoT), provenant de sources officielles, de l'open data public, ou du croisement avec plusieurs sources de confiances[118].
– Les jetons non fongibles (NFT) constituent l'équivalent d'un titre de propriété unique et infalsifiable permettant de certifier toute propriété qu'elle soit numérique ou physique[119]. Ils permettent de remplacer les métiers de notaire et de commissaire-priseur, qui sont alors décentralisés sur des applications blockchains[120].
– La finance décentralisée (DeFi) remplace les intermédiaires de la finance par des marchés financiers décentralisés à l'aide des applications DApps[121]. Entre autres, la finance décentralisée permet de se passer des banques avec des emprunts sur les pools de liquidité DeFi ; de remplacer les investissements financiers par des investissements crypto-monnétaires rémunateurs selon les bénéfices / risques sélectionnés ; de financer des projets par crowdfunding ; de proposer des marchés financiers avec des cotations permanentes sans clôture de ceux-ci[122].
– Le cloud computing décentralisé offre les mêmes caractéristiques que le cloud computing des géants du secteur qu'avait critiqué Richard Stallman pour son aspect propriétaire[80]. Le cloud décentralisé propose des services réseaux, de stockage de données, de machines virtuelles blockchaines, de serveurs d'exécution d'applications décentralisées, d'un accès par sites web ou les applications mobiles (SaaS)[123].
Le Web 3.0 fonctionne avec du cloud décentralisé (back-end) pour remplacer les serveurs, des sources d'informations véridiques (oracles), et divers sites web et applications mobiles (front-end) lui servant de vitrines pour y accéder[124]. Du Web 3.0 émergent quantité de projets décentralisés en ligne comme des paris sportifs[125], des casinos[126], des jeux vidéos[127], des places financières[128], de la gouvernance démocratique avec scrutins[129], le l'intelligence artificielle, etc.
Le Web 3.0 constitué de cryptomonnaies devient utilisable dans le fonctionnement de toute activité sur internet à l'aide d'infimes micropaiements, débouchant progressivement sur un nouvel âge d'or du Web[130].
Le système d'exploitation d'internet
Le Web 3.0 interconnecte les blockchains, les cryptomonnaies, les micropaiements, le stockage décentralisé, le cloud computing décentralisé, les contrats intelligents, les applications décentralisées, les oracles observant le monde physique, pour faire interagir l'ensemble avec l'internet des objets ainsi que les sites web et les applications mobiles des utilisateurs. Ainsi conçu, le Web 3.0 aboutira à un système d'exploitation libre d'internet[131].
Le Web décentralisé représente les attentes d'un internet qui briserait l'oligopole des géants du web, ainsi que les structures de pouvoir existantes y compris étatiques[132],[114].
Après les grandes inventions des technologies de la communication interhumaine, depuis la gestuelle, la parole, l'écriture, l'imprimerie, la radiophonie, l'internet, le Web, le Web 3.0, et enfin un système d'exploitation internet libre et décentralisé, l'évolution des communications débouchera sur une interconnexion commune, complète, globale, libre de l'intelligence humaine et artificielle[133],[134].
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Voir aussi
Articles connexes
- Bulle Internet
- Commerce électronique
- Dématérialisation
- Croissance économique
- Économie de l'information
- Économie numérique
- Économie post-industrielle
- Économie du savoir
- Fracture numérique (générationnelle)
- Gouvernance d'Internet
- Hypermodernité
- Internet
- Mondialisation
- Révolution numérique
- Technologies de l'information et de la communication
Bibliographie
- « La révolution Google » de John Battelle traduit en français par Dov Rueff, 2006, (ISBN 978-2-212-11903-9)
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