Olympiades (quartier parisien)

Les Olympiades (1969-1977) sont l'opération immobilière la plus emblématique des théories urbanistiques appliquées à la rénovation urbaine du secteur Italie 13 à Paris[1]. Conçu par l'architecte en chef Michel Holley assisté par André Martinat, cette "ville dans la ville" comprend six tours de logement privé (Sapporo, Mexico, Athènes, Helsinki, Cortina et Tokyo), deux tours de logement ILN (Londres et Anvers), trois immeubles HLM en forme de barres (Rome, Grenoble et Squaw Valley), ainsi que des commerces (galerie Mercure et centre commercial Oslo) et des bureaux (Olympie, Oslo). S'y trouvent également des équipements publics, à savoir le Stadium, l'école maternelle Les Olympiades et la crèche collective municipale du Javelot.

« Les Olympiades » redirige ici. Pour le film de Jacques Audiard, voir Les Olympiades (film). Pour les autres significations, voir Olympiades.

Les Olympiades
Les Olympiades en 2015.
Présentation
Type
Complexe immobilier (d)
Destination actuelle
Logements, commerces, équipements, bureaux
Style
Mouvement moderne
Architecte
Michel Holley, André Martinat
Construction
1969-1977
Hauteur
100 m
Localisation
Pays
Commune
Accès et transport
Gare
Coordonnées
48° 49′ 30″ N, 2° 21′ 56″ E
Localisation sur la carte de France
Localisation sur la carte de Paris

L'îlot est bordé par les rues Baudricourt et de Tolbiac au nord, la rue Nationale à l'est, la rue Regnault au sud et l'avenue d'Ivry à l'ouest. La dalle des Olympiades, construction autonome sur plusieurs niveaux dans laquelle on trouve des réseaux ainsi que des parcs de stationnement, est accessible aux piétons par plusieurs accès: l'un au nord-ouest à l'angle des rues Baudricourt et de Tolbiac, l'un au nord sur la rue de Tolbiac juste en face de l'Université du même nom, un autre sur la rue Nationale, un accès depuis la rue Regnault et enfin un dernier depuis l'avenue d'Ivry. L'accès des véhicules se fait par deux rues souterraines, la rue du Disque et la rue du Javelot.

Une station de la ligne 14 du métro, Olympiades, l'arrêt Porte d'Ivry du tramway francilien ainsi qu'un ensemble de lignes de bus lient le quartier au réseau de transports communs régional.

Naissance et évolution

Dans les années 1950 l'architecte Raymond Lopez réalise une enquête sur îlots susceptibles d'être rénovés dans la capitale. Ce travail s'inscrit dans un travail collectif qui donne lieu à un ensemble de décrets le visant à organiser la rénovation urbaine du pays[2]. Il participe également à la promulgation du Plan d'urbanisme directeur de Paris en 1967 en sachant que le plan était en réalité effectif depuis 1961.

Michel Holley, collaborateur de longue date de Raymond Lopez, avec qui il travaille sur le quartier du Front de Seine dans le 15e arrondissement de Paris, constitue l'atelier de rénovation urbaine de la Soteru dont il est architecte en chef aux côtés d'Albert Ascher urbaniste en chef.

Il travaille alors avec la SNCF, propriétaire des terrains de la gare de marchandises des Gobelins (1903), raccordée à la petite ceinture ferroviaire de Paris. En échange de la livraison d'une nouvelle gare enterrée sur deux niveaux, la SNCF a cédé les droits à construire en sursol et en périphérie à l'Office public HLM de Paris et à la Société de Nationale de Construction (SNC). Rachetée par la banque Rothschild, cette entreprise de gros œuvre a ensuite revendu l'ensemble des droits à construire correspondant au volet privé de l'opération à la SAGO (Société d'aménagement de l'îlot Gobelins Nord), entité juridique dédiée à l'opération et contrôlée par la banque Rothschild. Seul le niveau supérieur de la nouvelle gare était desservi par le rail, celui inférieur faisant office d'entrepôt.

Le permis de construire des Olympiades (îlot Gobelins Nord) est déposé en , définitivement approuvé en , donnant lieu à la délivrance du permis de construire de cet îlot ainsi que celui d'Italie-Vandrezanne (Galaxie). Les premiers terrassements commencent en 1970 et la livraison des trois premières tours (Sapporo, Mexico, Athènes) a lieu en 1972. Les tours Helsinki, Cortina et Tokyo seront livrées en 1976.

En , à la suite de la mort de Georges Pompidou et l'arrivée au pouvoir de Valéry Giscard d'Estaing, le plan d'urbanisme du secteur Italie est remis en cause et occasionne l'annulation du permis de construire de la tour Apogée. En réalité Olivier Guichard, ministre de l'Equipement et du Logement avait rédigé une circulaire le qui allait sonner la fin de la réalisation de grands ensembles en France[3] et les formes urbaines qui y sont généralement associées. Dans ce contexte qui donnera lieu à la loi Barre de 1977[4] qui va marquer un désengagement de l'État de la construction de logement social avec le passage de l'aide à la pierre à l'aide à la personne, l'urbanisme de dalle des Olympiades n'est plus d'actualité.

Cédée par la SNCF à RFF en 2005, la gare, dont l'activité ferroviaire a cessé en 1992, a été reconvertie en plateforme logistique du commerce asiatique. Aux deux niveaux de sous-sol de la gare, se superpose un niveau de voirie souterraine (rues du Disque et du Javelot) livrant accès aux différents immeubles et aux parkings.

La métaphore Olympique

Tous les immeubles portent le nom d'anciennes villes hôtes des Jeux olympiques d'hiver ou d'été, idée de la société de promotion SGII, qui profita de l'organisation la même année des Jeux olympiques d'hiver par la ville de Grenoble.

Dans le même esprit, les rues souterraines portent les noms de disciplines athlétiques, comme la rue du Disque et la rue du Javelot.

Le stadium, un complexe omnisports devant permettre la pratique d'une vingtaine de disciplines, a en effet tenu lieu d'argument marketing choc lors de la vente des appartements des tours de logement privé, comme en témoignent les plaquettes publicitaires. Mais le complexe, composé d'une piscine et patinoire fut rapidement fermé et resta longuement abandonné en tout ou partie, au grand dam des habitants[5]. Cette zone du « Stadium » fut ensuite occupée par différents équipements : un bowling, une salle de squash, une synagogue et une salle de sport privée. Restructurée et réhabilitée, cette zone accueille de nos jours un gymnase municipal polyvalent[6].

Immeubles non construits

Le plan originel comprenait deux tours de copropriété qui n'ont jamais vu le jour, à savoir Melbourne (trame 4x4) et Los Angeles (trame 4x8), et qui devaient prendre place le long de la rue Nationale.

Architecture

L'ensemble immobilier est issu des nombreuses recherches de Michel Holley avec Raymond Lopez visant à réaliser des rénovations urbaines de grande ampleur, en s'appuyant sur la théorie de l'urbanigramme qui met en relation les volumes, les hauteurs et les surfaces et développe un gabarit.

"L'urbanigramme est un système, un outil théorique, une image caractéristique. Il permet l'analyse d'un choix et de ses conséquences"[7].

Architecture modulaire

En réalité toutes les tours sont issues d'un module unique de dimensions 600 x 600 cm qui assemblés 4 par 4 donnent les tours Athènes et Cortina, 4 par 6 les tours Mexico et Sapporo et 4 par 8 les tours Helsinki et Tokyo.

Ce module unique se retrouve en façade par la mise en œuvre de panneaux préfabriqués de béton armé sablé à la modénature particulière issue de la figure géométrique du paraboloïde hyperbolique, dont la composition comprend du silex, du granit ou du basalte.

Les bâtiments dédiés au logement social, même si leur modénature diffère de celle des copropriétés, ont été conçus avec la même rigueur géométrique que l'on retrouve dans la répétitivité des façades et se distinguent par une trame davantage verticale.

Le centre commercial Mercure et ses « pagodes »

La forme des toitures des commerces qui est souvent associée à la population asiatique de l'arrondissement a en réalité une tout autre origine :

« Curieusement, et sans prémonition de ma part, les toitures de la galerie marchande, dont je souhaitais qu'elles rappellent les toiles provisoires des marchés hebdomadaires parisiens (construites en paraboloïde hyperbolique métallique), semblaient évoquer des pagodes... Cela nous apparut comme une identification folklorique, confortée par l'installation de restaurants et de boutiques typiques[8]. »

Mixité sociale

L'originalité des Olympiades réside également dans une mixité sociale exemplaire, inhérente au montage financier de l'opération. Appartements en accession libre ou aidée, appartements en location privée, logements sociaux de type HLM ou ILN, ateliers d'artistes en duplex... La diversité de l'offre résidentielle a engendré cette mixité, rare dans des ensembles de taille comparable. Contrairement aux idées reçues, le poids démographique de la population d'origine asiatique est bien moindre que celui économique.

Les logements sociaux sont tous gérés par le bailleur social parisien Paris Habitat.

Répartition des logements

Les tours et barres des Olympiades sont constituées d'environ 3400 logements à la fois privés et sociaux avec la répartition suivante[1]:

Logement privé (1879 logements)
Tour Architecte(s) d'opération Année de construction Etages Logements
Mexico Michel Proux 1970-1972 32 250
Sapporo Michel Proux 1970-1972 32 251
Athènes Michel Proux 1970-1972 32 271
Cortina Jean Chaillet 1973-1976 35 408
Helsinki Jean Chaillet 1974-1976 35 385
Tokyo J. Brandon et B. Béhar 1972-1976 31 320
Logement social (1534 logements)
Immeuble Architecte(s) d'opération Année de construction Etages Logements
Rome (HLM) Maurice Cammas 1971-1972 16 308
Squaw Valley (HLM) Maurice Cammas 1971-1973 16 280
Tours Anvers (ILN) Maurice Cammas 1971-1975 34 265
Grenoble (HLM) Maurice Cammas 1971-1976 19 360
Tour Londres (ILN) Maurice Cammas 1971-1976 33 321

Avenir de la dalle

L'excellente desserte de la dalle des Olympiades par les transports en commun (ligne 14 du métro au nord et tramway des Maréchaux au sud) dope son attractivité résidentielle. La dalle tire désormais parti de liens resserrés avec le nouveau quartier latin de Paris Rive Gauche. Quarante ans après sa mise en service, son vieillissement nécessitera cependant, comme au Front de Seine, d'importants travaux de réfection. Bien que très fréquentée et assumant de fait une fonction d'espace public, la dalle des Olympiades demeure un espace de droit privé, contrairement aux dalles publiques du Front de Seine et de la Défense. Son statut de "voie privée ouverte à la circulation publique" ouvre néanmoins droit à Paris au versement annuel d'une subvention municipale, diminuant d'autant les coûts d'entretien.

L'avenir de ce quartier, que convoque l'inachèvement de l'opération au sud[pas clair], se joue à l'échelle du Grand Paris, étant donné sa valeur de centralité et son fort potentiel d'attractivité. Mais il dépend en partie de l'évolution du statut juridique de la dalle[9].

La Gare des Gobelins fait l'objet de l'attention de la ville de Paris qui en a fait l'un des sites de Réinventer Paris II .

L'Association Syndicale Libre des Olympiades a fait réaliser en 2017 une étude urbaine et programmatique et accompagne les évolutions futures du quartier[10].

Dans la culture

La fortune cinématographique des Olympiades doit beaucoup à l'originalité de l'architecture et à l'insertion de ce grand ensemble dans le quartier chinois du triangle de Choisy.

Elles sont par ailleurs l'un des décors du roman de Michel Houellebecq La Carte et le Territoire[11]:

« La vue s'étendait plus loin jusqu'à ces forteresses quadrangulaires construites dans le milieu des années 1970, en opposition absolue avec l'ensemble du paysage esthétique parisien, et qui était ce que je préférais à Paris, de très loin sur le plan architectural[12]. »

Cinéma

Télévision et radio

  • La Gare engloutie, documentaire radiophonique de Christophe Havard et Olivier Toulemonde, produit par Arte radio, sur les dessous des Olympiades[13].
  • Les Olympiades, un village dans la ville, documentaire radiophonique d'Emmanuel Laurentin sur France Culture, .
  • Les Olympiades ou le collage urbain, documentaire radiophonique de Camille Juza sur France Culture, .
  • Radio Olympiades, radio locale créée et gérée par un habitant de la tour Anvers.

Notes et références

  1. "Les Olympiades Paris XIII, une modernité contemporaine", Françoise Moiroux, numéro hors-série de Connaissance des arts, coédition Pavillon de l'Arsenal, février 2013
  2. « Décret n°58-1465 du 31 décembre 1958 », sur legifrance.gouv.fr, (consulté le )
  3. « 21 mars 1973 : fin de la construction de grands ensembles », sur francetvinfo.fr, (consulté le )
  4. « Dates clés de 1894 à 1982 », sur cnle.gouv.fr, (consulté le )
  5. Emmanuel Laurentin, « Les Olympiades, un village dans la ville », France Culture, (lire en ligne, consulté le )
  6. Semapa Paris Olympiades, « Le Stadium - Projets et réalisations - Paris Olympiades », sur www.parisolympiades.com (consulté le )
  7. « Controversé, politiquement incorrect, Michel Holley. Et alors ? », sur http://www.lecourrierdelarchitecte.com, (consulté le )
  8. Holley, Michel, 1924-, Urbanisme vertical & autres souvenirs, Paris, Somogy, 143 p. (ISBN 978-2-7572-0524-2 et 2757205242, OCLC 812617127, lire en ligne)
  9. « Les Olympiades, un village dans la ville », documentaire de Séverine Liatard et Séverine Cassar sur France Culture, 9 juillet 2013
  10. « Paris : les Olympiades se cherchent un second souffle », Le Parisien, (consulté le )
  11. Dominique Poiret, « Les Olympiades tiennent la barre », Libération, (lire en ligne)
  12. Houellebecq, Michel., La carte et le territoire, Paris, Flammarion, , 428 p. (ISBN 978-2-08-124633-1 et 2081246333, OCLC 662577033, lire en ligne)
  13. Diffusé en ligne depuis novembre 2008.

Bibliographie

  • Roland Castro, Michel Cantal Dupart, Antoine Stinco, La ville à livre ouvert, regards sur 50 ans d'habitat, éditions de la Documentation française, 1980
  • Michelle Guillon, Isabelle Taboada Léonetti, Le triangle de Choisy, un quartier chinois à Paris, CIEMI L'Harmattan, 1986
  • Michel Holley, Urbanisme vertical & autres souvenirs, SOMOGY éditions d'art,
  • Françoise Moiroux, Les Olympiades Paris XIIIe, une modernité contemporaine, numéro hors-série de Connaissance des arts, coédition Pavillon de l'Arsenal,
  • Françoise Moiroux, Les Olympiades, une ville nouvelle sur une gare de marchandises, revue AMC no 217, Rubrique Référence,
  • M.Pinçot-Charlot, Paris. Quinze promenades sociologiques, Petite Bibliothèque Payot Paris 2009 (cf. chapitre IX, p. 170–1188)
  • Eric Venturini, Dominique Vidal, Portraits de Chinatown, Le ghetto imaginaire, éditions Autrement, 1987
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