Ordre hospitalier de Saint-Antoine

L'Ordre hospitalier de Saint-Antoine ou Antonins regroupe les frères de l'ordre religieux hospitalier des chanoines réguliers de Saint-Antoine-en-Viennois qui fonctionna de 1089 à 1803.

Pour les articles homonymes, voir Antonins.

Ordre hospitalier de Saint-Antoine
Ordre religieux
Type Ordre hospitalier
Spiritualité Règle de saint Augustin
Structure et histoire
Fondation 1089
Fondateur Gaston et Guérin de Valloire
Fin 1803
Liste des ordres religieux

Une communauté fut d’abord fondée autour d’une relique de saint Antoine, rapportée de Constantinople, qui attirait les pèlerins en grand nombre en raison de sa réputation de guérir du mal des ardents. En 1247, le pape Innocent IV érigea la communauté en ordre religieux placé sous la règle de saint Augustin. L’« Ordre des Antonins » adopta une organisation extrêmement hiérarchisée en commanderies, inspirée des Ordres militaires, ce qui lui permit un développement rapide dans toute l’Europe.

Les soins consistaient à fournir d'abord aux malades une nourriture à base de viande et de vin, à appliquer des baumes et le « saint vinaigre » dont on peut penser que l’effet vaso-dilatateur était utile. Les membres gangrénés étaient souvent amputés. Les Antonins se firent une réputation d’excellents médecins si bien que les papes les attachèrent à leur service. Au XIVe siècle, la diminution du nombre de cas d’ergotisme les amena à soigner les patients atteint d'affections de la peau. Finalement, au XVIe siècle, on comprendra que le mal des ardents est due à la consommation de pain contaminé par l'ergot du seigle, qui provoque la gangrène, des convulsions et des hallucinations.

L’adoption par les hospitaliers de Saint-Antoine de la règle de saint Augustin, en 1247, puis leur transformation en un ordre de chanoines réguliers en 1297 ont été, à côté de leur compétence reconnue dans le domaine médical et chirurgical, des atouts essentiels de leur réussite, en leur permettant d’assumer pleinement leur vocation première de soigner les malades, tout en s’affirmant aux yeux du monde comme une institution d’Église[1].

Histoire

Chasse contenant les reliques de saint Antoine
Chanoine régulier de l'Ordre de St.-Antoine de Viennois portant un Tau sur l’épaule gauche et sur la poitrine, brodé sur la robe de bure

Une fraternité hospitalière

En 1070, Jocelyn de Châteauneuf et son beau-frère Guigues Disdier, originaires du Dauphiné, rapportèrent de Constantinople les reliques de saint Antoine. Elles furent déposées dans leur village, appelé alors « La-Mothe-au-Bois », un petit village du Dauphiné. Ces reliques passaient pour souveraines contre le mal des ardents (ou feu de saint Antoine). Ce dépôt fit changer le village de nom. Il s'appela d'abord Saint-Antoine-en-Viennois puis, plus tard, Saint-Antoine-l'Abbaye[2],[1] Ce n’est qu’au XVIe siècle que l’on comprendra que le mal des ardents est due à la consommation de pain contaminé par l'ergot du seigle, qui peut provoquer la gangrène, des convulsions et des hallucinations.

En 1088, face à l'afflux de pèlerins, les bénédictins de l'abbaye de Montmajour, près d'Arles, sont chargés de veiller sur les reliques du saint ermite et fondent un prieuré afin d'assurer le service religieux[2].

Retable d'Issenheim provenant du couvent des Antonins montrant un malade atteint du mal des ardents

L'année 1089 va marquer une mutation. Un jeune noble, Guérin de Valloire, atteint par le « feu sacré » (ignis sacer), fait vœu, en cas de guérison, de se consacrer aux malades. Une fois sauvé, avec son père Gaston, ils fondent une communauté, qui va se faire connaître sous le nom de Compagnie charitable des Frères de l'Aumône. Regroupée dans un hôpital dédié à saint Antoine, la communauté recueille et soigne les malades atteints du mal des ardents[2].

Au concile de Clermont, tenu sous Urbain II, en 1095, Guérin de Valloire est officialisé en tant que responsable de la compagnie charitable. Mais ce ne fut qu'en 1218 qu'Honorius III autorisa les frères à prononcer les trois vœux[2]. Cette première communauté soignante des frères de Saint Antoine, ou « frère de l’Aumône », était regroupée autour de l’hôpital édifié pour soigner les ardents et héberger ceux qui avaient été guéris, souvent à la suite de l’amputation de leurs membres gangrénés[1].

Un ordre religieux placé sous la règle de saint Augustin

Par une bulle du , Innocent IV érigea la communauté chargée de guérir les malades de l’ignis sacer en ordre religieux placé sous la règle de saint Augustin. Dans un premier temps, la nouvelle communauté eut d'excellents rapports avec les Bénédictins, toujours chargés des reliques. Les uns assuraient le service religieux, les autres les soins aux malades. Mais dès que les Antonins furent reconnus en tant qu'ordre, il y eut un affrontement ouvert[2]. La cohabitation devint de plus en plus délicate, d’autant que l’essentiel des aumônes des pèlerins et même du produit des quêtes allaient aux moines et que le nombre des hospitaliers ne cessait de croître. L’affrontement était inévitable[1].

En 1289, le pape Boniface VIII doit arbitrer leurs querelles qui se traduisaient par des coups de force et des attaques armées. Le , par la bulle Ad apostolicae dignitatis apicem, rendue à Ovietto, Boniface VIII Il prend le parti des Antonins en leur donnant le prieuré de la Mothe-aux-Bois, en l'érigeant en abbaye, et en renvoyant les Bénédictins à l’abbaye de Montmajour. Les hospitaliers sont placés sous le régime de l'exemption, c'est-à-dire qu'ils échappent à la juridiction épiscopale et sont directement placés sous l'autorité pontificale[2]. Les moines bénédictins doivent quitter les lieux et s’en retourner en Provence alors que les Hospitaliers prennent le nom de chanoines ou frères du monastère de Saint-Antoine, et doivent porter l’habit marqué du Tau de Saint Antoine et servirent les victimes du feu sacré.

Pour régler cette décision, l'abbé de Saint-Antoine-en Viennois doit céder à l'abbaye de Montmajour des biens qu'il possède ou qu'il doit acheter dans les provinces d'Embrun, Aix, Arles et Narbonne de Montmajour, des biens-fonds ayant un revenu annuel d'une valeur de 1 300 livres tournois. Tant que cette session n'est pas réalisée, le monastère de Montmajour doit recevoir de l'abbé de Saint-Antoine une pension de 1 300 livres le jour de la Trinité, payée dans le couvent des Franciscains ou des Dominicains de Nîmes. La bulle du nomme Aymon de Montagny abbé général de l'ordre. Ce paiement a été fait régulièrement jusqu'en 1315 en réunissant à la mense abbatiale les commanderies du Languedoc, puis l'abbé général va chercher à s'affranchir de ce paiement. Des discussions vont durer jusqu'en 1413 quand Rome décide de réduire les 1 300 livres à 410 marcs d'argent. Ce paiement est fait jusqu'en 1427 quand l'abbé écrit que « les guerres, les pestes, les disettes, les dévastations et autres calamités de cette époque avaient ruiné les commanderies du Languedoc dont le revenu total n'arrivait plus à 500 florins d'or, soit au tiers de la pension ». En 1428, le pape a ramené la pension à 1 300 florins de la Chambre, soit la moitié de la pension initiale. L'abbaye de Montmajour refusa cette décision et l'abbaye de Saint-Antoine ne paya plus la pension jusqu'au concile de Bâle (1434) avant que ce conflit trouve sa résolution[3].

L’ordre religieux des Antonins totalement autonome

Saint Antoine revêtu de la tenue des Antonins avec le Tau, figurant la béquille des malades estropiés et les attributs traditionnels de Saint Antoine, la clochette et le bâton thaumaturgique accomplissant des miracles de guérison
Portique central de l'abbatiale Saint-Antoine-l'Abbaye

Ce n’est donc qu’en 1434 au concile de Bâle que la communauté devint « Ordre religieux hospitalier des chanoines réguliers de Saint-Antoine-en-Viennois ». L'« Ordre des Antonins » était fondé et calqua ses règles sur celles des Ordres militaires. Il devient extrêmement hiérarchisé et centralisé, avec une division en circonscriptions, appelées les baillies. À l'intérieur de celles-ci, se trouvent des commanderies générales et les commanderies simples placées sous le contrôle des premières[2]. Pour se distinguer des autres ordres, les Antonins adoptèrent la marque du Tau (lettre grecque capitale Τ, minuscule τ) figurant la béquille des malades estropiés par le feu de saint Antoine[4]. Ils portèrent aussi le nom de religieux de Saint-Antoine du T[2].

Cette hiérarchisation des hospitaliers leur permet un développement rapide d’abord dans le Dauphiné, puis dans la France entière et ensuite dans toute l'Europe. Les Antonins disent que les commanderies atteignirent le nombre de 1 300. En Allemagne, par exemple, il devient si populaire qu’en 1502, l'empereur Maximilien Ier lui donna le droit de prendre pour armes l'aigle impériale, avec un écusson d'or sur l'estomac de l'aigle au T d'azur[2],[4].

Pendant le XIIIe siècle, les circonscriptions appelées baillies ou baillivies, sur le modèle des celles des ordres militaires, ont été délimitées autour des maisons existantes, auxquelles étaient donnés les noms de commanderie ou préceptoire[1]. La hiérarchie des commanderies générales est fixée au chapitre général d’Alès, à l’instigation du deuxième abbé, Pons de Layrac (1316-1328), que Jean XXII installa à la tête de l’ordre de Saint-Antoine. En 1297, on aurait 16 maisons méridionales rattachées à Saint-Antoine-en-Viennois, lors de la transformation des frères hospitaliers en chanoines de saint Augustin. Alors que dans les années 1340, l'ordre comptait jusqu’à 640 établissements en Europe. Globalement, le réseau des commanderies du Midi de la France est à peu près en place dans les années 1350-1360. La période suivante ne verra que des remaniements de détail[1]. Elles étaient réparties le long des routes de pèlerinage vers Saint-Jacques-de-Compostelle et Jérusalem. La diminution progressive du nombre de malades atteints d’ergotisme à partir du XIVe siècle amena les Antonins à accueillir dans leurs hôpitaux d’autres catégories de malades, notamment les pèlerins de passage.

Les soins donnés aux ardents

Les soins consistaient à fournir d'abord aux malades une nourriture à base de viande et de vin. Les Antonins utilisaient aussi des baumes dans la composition desquels entraient des plantes (pavot, verveine, renoncule, gentiane, etc.), enfin il y avait le saint vinaigre dont on peut penser que l’effet vaso-dilatateur était utile[2].

À partir de l’an 1400, les Antonins pratiquèrent la chirurgie (amputation des membres secs). Leur réputation d’excellents médecins fit que les papes se les attachèrent à leur service. En 1253, Innocent IV les chargea de constituer un hôpital ambulant pour le suivre dans ses déplacements, alors fort nombreux[2]. Avec l’installation du pape à Avignon, les Antonins qui possédaient une commanderie au sud de la ville, se voient assigner une maison proche du Palais puis un peu plus tard un hôpital, appelé Saint-Antoine des Courtisans, dans la paroisse Saint-Agricol[1].

L'apogée au XVe siècle

L'abbé général des Antonins, dans l'assemblée des États du Dauphiné, avait la place immédiatement après l'évêque de Grenoble, qui en était le président. Cette prérogative lui a été accordée en 1305 par le dauphin de Viennois, et Louis XIV la lui a confirmée par lettres patentes de 1656[4]. Elle lui octroyait également le droit de présider aux États du Dauphiné en l'absence de l'évêque, ce que fit Théodore Mitte en l'an 1502, lequel fut ensuite maintenu par le parlement[5].

Porte principale de l'abbaye (1657-1658)

Les statuts de la réforme de 1477, rappelés dans le bullaire antonien de 1625, énumèrent 192 commanderies encore existantes dont 42 commanderies générales[6].

À son apogée, au XVe siècle, l’ordre comptait près de 10 000 frères. À la fin du siècle, il gérait encore 370 hôpitaux. Mais leur déclin s’approchait. Il semble en effet que la moindre fréquence des épidémies causa leur régression puis leur disparition. Dès le XVIe siècle, l'ergot du seigle est caractérisé comme responsable du feu de Saint-Antoine et dans le même temps les techniques de fabrication du pain s’améliorent, le fléau disparaît[2].

Les Antonins s'emploient alors à donner d'autres soins et plus particulièrement à ceux qui sont atteints d'affections de la peau. Après la disparition du mal des ardents, les maisons antoniennes deviennent des hôpitaux comme les autres, non spécialisés, accueillant les victimes de toutes les misères humaines. La maison mère fait partie des « quatre hôpitaux généraux », expression désignant les quatre hôpitaux de pèlerins les plus fréquentés à cette époque : Saint-Antoine, Pont-Saint-Esprit, Notre-Dame du Puy et Roncevaux.

L'ordre décline rapidement au XVIIe siècle, puis, le , il est uni à l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem par lettres patentes à la suite de l'action de la Commission des réguliers. Il ne restait alors plus que 220 Antonins en France. Le pape Pie VI valide la fusion et donne tous leurs biens à l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem. L'ordre des Antonins disparaît complètement d’Europe en 1803. Il continue pourtant à subsister au Liban, où les Antonins maronites possèdent vingt-et-un monastères ainsi que de nombreuses écoles et séminaires[2].

En 1826, l'abbaye désertée, fut rachetée par Jean-Claude Courveille, fondateur des maristes, pour y établir un nouvel établissement avec le soutien de l'évêque de Grenoble, Philibert de Bruillard, et de Jules de Calvière, préfet de l'Isère[7].

Les archives de l'ordre sont conservées aux archives départementales du Rhône.

Notes

    Références

    1. Le Blévec Daniel, 1989, « L 'ordre canonial et hospitalier des Antonins ». In: Le monde des chanoines. Toulouse : Éditions Privat. pp. 237-254. (Cahiers de Fanjeaux, 24)
    2. Histoire des Antonins
    3. H. Tribout de Morembert, « Les commanderies antoniennes de l'Aude », dans Cahiers de Fanjeaux no 13 Assistance et charité, Toulouse, Privat éditeur, (ISBN 2-7089-3412-0), p. 357-363
    4. Collection de décisions nouvelles et de notions relatives à la jurisprudence actuelle, Jean Baptiste Denisart; Desaint, 1773; p. 106
    5. Louis Moréri, « Mitte (Théodore) », Le grand dictionnaire historique, vol. 7e, chez les libraires associés, (lire en ligne), p. 578-579.
    6. Abbé Luc Maillet-Guy 1926, p. 5
    7. Frère Louis-Laurent, Historique des origines de l'Institut, Bulletin de l'Institut 163, juillet 1956, Tome XXII, p. 223.

    Annexes

    Bibliographie

    • V. Advielle, Histoire de l'ordre hospitalier de Saint-Antoine de Viennois, Paris, Aix, (lire en ligne)
    • « Les commanderies de l'ordre de Saint-Antoine en Dauphiné », Revue Mabillon, 1926-1928
    • Aymarus Falco (Aimar Falco ou Aymard Falcoz), Antonianae Historiae Compendium, Lyon, (lire en ligne)
    • Jean Hermant, « Histoire de l'établissement de l'ordre de Saint-Antoine. Catalogue des commanderies générales dépendantes immédiatement de l'abbaye de S. Antoine, chef d'ordre, sous la Règle de Saint Augustin, avec l'ordre et les scéances des commandeurs généraux & subalternes », dans Histoire des ordres religieux, et des congrégations régulières et séculières de l'Église, t. 1, Rouen, chez Jean-Baptiste Besongne, (lire en ligne), p. 335-345, 346-359
    • Dom Hippolyte Dijon, L'église abbatiale de Saint-Antoine en Dauphiné : histoire et archéologie, Grenoble/Paris, H. Flaque & Félix Perrin/Alphonse Picard & fils, (lire en ligne)
    • Abbé Luc Maillet-Guy, Les origines de Saint-Antoine (Isère), XIe – XIIIe siècles, Vienne,
    • Abbé Luc Maillet-Guy, Les commanderies de l'ordre de Saint-Antoine en Dauphiné, dans Revue Mabillon, 1926 p. 1-26, p. 173-191, p. 289-313, 1927, p. 114-131, p. 218-236, p. 352-378, 1928, p. 1-23, p. 81-95
    • Abbé Luc Maillet-Guy, Sainte-Antoine et Montmajour au concile de Bale (1434-1438), Valence, imprimerie valentinoise, (lire en ligne)
    • Abbé Luc Maillet-Guy, Les reliques de Saint Antoine en Dauphiné, et non en Provence, le procès de 1489 à 1504 "in odium unionis" : légende et histoire, Voiteur (Jura)/Grenoble, chez l'auteur/imprimerie Saint-Bruno, (lire en ligne)
    • A. Mischlewski, Grundzüge der Geschichte des Antoniterordens bis zum Ausgang des 15 Jahrhundert, Köln, Wien,
    • Renée Sandell-Dupeley, Saint Antoine en Dauphiné, 1988, Ccl éditions.
    • Thierry Giraud, Valérie Huss, Georges Paillet, L'hôpital de Bourgoin des Antonins à nos jours, éd. Ville de Bourgoin-Jallieu, 1996, 48 p.

    Articles connexes

    Liens externes

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