Pauvreté spirituelle
La pauvreté spirituelle est définie comme une vertu évangélique (à ne pas confondre avec la pauvreté évangélique) issue de la béatitude « Bienheureux les pauvres en esprit, le Royaume de Dieu est à eux » (Mt 5,3). Cette vertu, associée à la promesse du Royaume des cieux, a été abordée par de nombreux auteurs chrétiens. Si le Catéchisme de l'Église catholique indique qu'elle concerne les personnes qui se reconnaissent par « leur qualité de cœur, purifié et éclairé par l’Esprit », de nombreux auteurs chrétiens ont cherché à préciser le sens de cette pauvreté et ce qu'il fallait faire pour l'obtenir.
Ainsi, cette « pauvreté dans l’esprit » s'obtient, d'après ces auteurs, par une humilité volontaire face à Dieu, un accueil libre et joyeux de ses faiblesses (morales, physiques, psychologiques), une attention tournée vers Dieu et l'autre. C'est aussi un chemin de dépouillement de toutes les « richesses intérieures, les dons reçus de Dieu », un renoncement aux consolations et grâces spirituelles que Dieu veut nous donner.
Ce renoncement, cet appauvrissement, libre et joyeux est associé, pour les chrétiens, à la promesse de posséder le Royaume des cieux, et donc de « jouir de la présence de Dieu » ; ce bonheur étant possible, d'après certains auteurs[Lesquels ?], « dès à présent ».
Définitions
La pauvreté spirituelle
La notion de pauvreté spirituelle trouve sa racine dans les Béatitudes, dans l'évangile de Mathieu :
- « Bienheureux les pauvres en esprit, le Royaume de Dieu est à eux » (Mt 5,3).
Sœur Lise Marsan distingue cette pauvreté spirituelle de celle qui est évoquée dans le récit des Béatitudes de l'évangile de Luc : « Heureux, vous qui êtes pauvres, car le royaume de Dieu est à vous ! » (Lc 6,20). Cette béatitude (ce verset de l'évangile de Luc) ferait plus référence à une pauvreté matérielle[1], alors que la pauvreté spirituelle (dans l'évangile de Mathieu) ferait référence à une attitude du cœur du fidèle dans sa relation à Dieu (les anawims)[2]. Cette attitude du cœur est reprise dans le Catéchisme de l'Église catholique, qui indique que les « pauvres spirituels » se reconnaissent par « leur qualité de cœur, purifié et éclairé par l’Esprit », ce sont eux qui formeront le « peuple bien disposé » (pour Dieu)[3]. Le catéchisme ajoute que Jésus appelle « pauvreté dans l’esprit » l’humilité volontaire d’un esprit humain et son renoncement ; et saint Paul, dans son épitre, donne en exemple la pauvreté de Dieu quand il dit : « Il s’est fait pauvre pour nous » (2Co 8,9)[4].
Si sœur Lise Marsan définit la pauvreté spirituelle comme « nos refus d’aimer, nos péchés, notre cœur fermé… », elle précise le sens du mot « pauvre » comme « celui qui est conscient d’un vide et qui se tourne vers Dieu ». Ainsi, pour elle,« les pauvres en esprit sont les personnes qui se courbent intérieurement, qui se soumettent totalement à Dieu pour puiser en lui leur force ». C'est aussi toute personne normale qui vit sa réalité d’être humain, son humanité avec ses besoins : « Le pauvre, c’est la personne qui, plongée dans la douleur et sous la lumière de Dieu, prend conscience de ce que signifie être créature et non créateur. Le pauvre, c’est la personne qui se sait ou se sent malade ou vieillissant, faible, vulnérable, petit, qui l’accueille avec tout ce que la pauvreté comporte de solitude, d’incapacité et qui l’accepte… »[2].
Le père Marie-Eugène de l'Enfant-Jésus indique un « chemin de dépouillement » : le pauvre en esprit doit devenir pauvre de « toutes les richesses naturelles et surnaturelles, tous les biens naturels, intellectuels et spirituels en dehors de Dieu lui-même »[5]. C'est ce que disait avant lui Jean de la Croix, dans son livre La Montée du Carmel : « la pauvreté spirituelle, la nudité sensitive consiste à se passer volontiers de tout appui, de toute consolation perceptible, tant pour l'intérieur que pour l'extérieur. »[6]. Mais aussi : « en éteignant toute joie vaine prise dans les œuvres, on obtient la pauvreté d'Esprit. »[7]. Dans son Cantique Spirituel et dans la Vive Flamme d'Amour, il précise que l'âme doit se dépouiller de (renoncer à) toutes les consolations, les joies spirituelles que Dieu donne pour devenir pauvre en Esprit[8].
Enfin, Thérèse de Lisieux, indique que le désir de cette pauvreté ne suffit pas, elle ajoute (dans une de ses lettres) qu'en plus de ce désir (de pauvreté), il faut aimer cet état de pauvreté :
- « il faut consentir à rester pauvre et sans force et voilà le difficile car « Le véritable pauvre d'esprit où le trouver ? il faut le chercher bien loin » a dit le psalmiste[9].. il ne dit pas qu'il faut le chercher parmi les grandes âmes, mais « bien loin », c'est-à-dire dans la bassesse, dans le néant... ». Et elle termine en disant :« Ah! restons donc bien loin de tout ce qui brille, aimons notre petitesse, aimons à ne rien sentir, alors nous serons pauvre d'esprit et Jésus viendra nous chercher, si loin que nous soyons il nous transformera en flammes d'amour »[10].
Conséquences
Pour sœur Lise, « seul le pauvre d’esprit peut aimer, car pour aimer il faut avoir besoin de l’autre. Être pauvre, c’est être dans un état de réceptivité… comme quelqu’un qui prend un bain de soleil… La pauvreté radicale arrache la personne à tout ce qui fait obstacle au don total de l’amour. Cette pauvreté est ouverture à l’envahissement… et ça fait peur… s’il fallait que Dieu m’envahisse, que les autres m’envahissent… et pourtant cette disposition conduit à la liberté intérieure. Le vrai pauvre n’est jamais aigri quand il tend la main »[2].
Pour le père Marie-Eugène de l'Enfant-Jésus, la vertu de pauvreté spirituelle permet de purifier la vertu théologale d'espérance, il dit : « C'est dans la pauvreté spirituelle que l'espérance trouve sa pureté qui fait sa perfection. Seule la pauvreté spirituelle peut assurer la perfection de l'espérance. L'espérance est obtenue par l'élimination de tout le reste, par ce dégagement souverain qu'est la pauvreté spirituelle. ». À ce sujet il cite saint Jean de la Croix : « Moins l'âme possède les autres choses, plus elle a de capacité et d'aptitude pour espérer ce qu'elle désire, et par conséquent plus elle a d'espérance.[...] plus la mémoire se dépouille et plus elle acquiert d'espérance ; par la suite, plus elle a d'espérance et plus elle est unie à Dieu. Car plus une âme espère en Dieu, plus elle obtient de Lui. »[5]
Le royaume des cieux
Le Catéchisme de l’Église catholique reprend le verset des béatitudes et indique que « le Royaume des cieux, objet de la promesse faite à David[11] sera l’œuvre de l'Esprit-Saint ; il appartiendra aux pauvres selon l’Esprit »[12]. Il précise que ce « Royaume appartient aux pauvres et aux petits, c’est-à-dire à ceux qui l’ont accueilli avec un cœur humble »[13]. Le catéchisme ajoute que le terme "bienheureux" « révèle un ordre de félicité et de grâce, de beauté et de paix », ainsi que la joie des pauvres qui possèdent déjà (dès aujourd'hui) le Royaume[14]. Enfin, si Jésus « se lamente sur les riches, [c'est] parce qu’ils trouvent dans la profusion des biens leur consolation »[15]. Et le catéchisme conclut : « l’abandon à la Providence du Père du Ciel libère de l’inquiétude du lendemain. La confiance en Dieu dispose à la béatitude des pauvres : "Ils verront Dieu" »[16]. Pour sa part, le père Marie-Eugène ajoute : « C'est bien à cette pauvreté qui n'attend plus que Dieu qu'est promis, en effet, le royaume de Dieu. Seul le sentier du rien, qui est dénuement total, parfait détachement et pauvreté absolue, conduit au tout qui est Dieu et en assure la possession. ». Reprenant une citation de Jean de la Croix, il ajoute : « C'est quand elle [l'âme] est parfaitement dépouillée de tout, qu'elle jouit parfaitement de la possession de Dieu et est unie à Dieu. »[5].
Le père Mas Arrondo, dans son livre Toucher le Ciel indique que dans les 5e demeures[17], « on commence à jouir amplement du ciel sur la terre. Beaucoup plus de personnes y vivent qu'on ne peut le penser »[18]. Et « que chacun reçoit en gage, à l'intérieur de lui-même, le royaume de Dieu. C'est un don gratuit accordé par Dieu le Père »[19].
Citations
- Catherine de Sienne : (citant une parole de Dieu) : « Tu n'es rien, Je suis tout. »
- Saint Augustin : « l’orgueilleux cherche la puissance terrestre, tandis que le pauvre en esprit recherche le Royaume des Cieux »[20].
- « Le vrai pauvre, disciple de Jésus Christ, est toujours tenté de dire MERCI quand il donne… Le pauvre est celui qui se fait un cœur accueillant à toute personne, un cœur neuf toujours prêt à s’étonner, à se laisser séduire »[2].
- « La pauvreté est une disposition de l’âme faite d’une disponibilité totale à Dieu parce qu’elle vient d’une humble conviction de sa misère spirituelle… j’ai des péchés, des faiblesses, je ne suis pas aussi bonne que je le voudrais… mais Dieu est là… il m’attend… Le pauvre a mis tout son espoir dans le Seigneur. Être pauvre, c’est être avide de recueillir ce que Dieu dispense quand on se fait capacité d’accueil… »[2].
- « Ô ma bonne Mère, dites bien à Jésus que j'accepte la souffrance, le combat, la lutte, et que par vous je lui abandonne tout, sans désir de récompense, sans rien recevoir en retour. »[21].
Notes et références
- Voir l'article Pauvreté évangélique.
- Sr Lise Marsan, ss.cc.j.m., « Heureux les pauvres en esprit, car le Royaume des cieux est à eux. », sur Sœur des Saints Cœurs de Jésus et Marie, ssccjm.org (consulté le ).
- CEC § 716.
- CEC § 2546.
- Marie-Eugène de l'Enfant-Jésus et Marie-Laurent Huet, Je veux voir Dieu, Toulouse, Éditions du Carmel, , 9e éd éd. (1re éd. 1957), 1380 p. (ISBN 978-2-84713-273-1), p. 827-829.
- Jean de la Croix, La Montée du Carmel, Livre 3, Chapitre 13, § 1.
- Jean de la Croix, La Montée du Carmel, Livre 3, Chapitre 29, § 3.
- Dans ses œuvres, Jean de la Croix indique que dans le cheminement vers Dieu, le fidèle reçoit parfois des soutiens, des encouragements de la part de Dieu, sous forme de consolations (joies spirituelles, extases, ...). Ainsi, le fidèle, pour être pauvre, doit accepter de renoncer à ses consolations (qui sont des richesses reçues de Dieu) pour devenir pauvre en esprit.
- Thérèse fait référence à Im II,11,4 citant Pr 31,10 ; et non les psaumes.
- Thérèse de l'Enfant Jésus, Œuvres Complète, Éditions du Cerf, , 1600 p. (ISBN 978-2-204-04303-8), p. 553, Lettre N°197.
- 2S 7, Ps 89, Lc 1,32-33
- Catéchisme de l'Église catholique, Pocket, coll. « Spiritualités & Religions », , 3315e éd. (1re éd. 1992), 992 p. (ISBN 978-2-266-09563-1, lire en ligne), § 709.
- CEC § 544.
- CEC § 2546 (Lc 6,20).
- CEC § 2547 (Lc 6,24).
- CEC § 2547.
- Il fait référence aux 7 demeures du Château intérieur de Thérèse d'Avila.
- Antonio Mas Arrondo (trad. de l'espagnol), Toucher le Ciel, Toulouse, Éditions du Carmel, coll. « Carmel Vivant », , 350 p. (ISBN 978-2-84713-320-2), p. 156.
- Mas Arrondo 2015, p. 157.
- CEC § 2546 ; S. Augustin, serm. Dom. 1, 1, 3 : PL 34, 1232).
- Marthe Robin, Marthe Robin Journal : décembre 1929 - novembre 1932, Les cahiers de Marthe Robin, , 520 p. (ISBN 978-2-915534-10-8), p. 94 ().
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- Heureux les pauvres en esprit, car le Royaume des cieux est à eux sur le site des Sœurs des Saints Cœurs de Jésus et Marie.
- Portail du catholicisme
- Portail du christianisme
- Portail de la spiritualité