Château de Peyrepertuse
Le château de Peyrepertuse (en occitan : Castèl de Pèirapertusa) est un ancien château fort dit « cathare »[note 1], aujourd'hui en ruine dont les vestiges se dressent sur la commune française de Duilhac-sous-Peyrepertuse dans le département de l'Aude, en région Occitanie. Il est le centre du micro-pays et de l'ancienne seigneurie du Peyrepertusès (en occitan : Pèirapertusés) de Pèira pertusa qui veut dire « pierre percée[2] ».
Château de Peyrepertuse | |
Château de Peyrepertuse et son enceinte. | |
Nom local | Castèl de Pèirapertusa |
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Période ou style | Médiéval |
Type | Château fort |
Début construction | Xe siècle |
Fin construction | XIIIe siècle |
Destination initiale | Résidence seigneuriale |
Destination actuelle | Ruines |
Protection | Classé MH (1908)[1] |
Site web | www.peyrepertuse.com |
Coordonnées | 42° 52′ 15″ nord, 2° 33′ 19″ est |
Pays | France |
Anciennes provinces de France | Languedoc |
Région | Occitanie |
Département | Aude |
Commune | Duilhac-sous-Peyrepertuse |
Les ruines du château font l’objet d’un classement au titre des monuments historiques par arrêté du [1]. Il est candidat pour l'inscription au patrimoine de l'Unesco.
L'inscription du château et ses abords aux sites naturels a été abrogée au profit du classement en 2017 du site du « Puech de Bugarach et de la crête nord du synclinal du Fenouillèdes » englobant le château[3].
Localisation
Les vestiges du château se dressent sur une crête calcaire à près de 800 m d'altitude, en haut d'une colline qui sépare Duilhac-sous-Peyrepertuse du village de Rouffiac-des-Corbières, dans le département français de Aude, dans le massif des Corbières.
Position stratégique, dominant garrigue et vignes, il permet à la fois de voir loin dans les différentes vallées qui l'entourent, de contrôler les cols ou de communiquer par signaux avec le château de Quéribus un peu plus au sud.
La vue du château depuis Duilhac (au sud) est impressionnante en raison de l'abrupt de 30 à 40 mètres sur lequel le château est posé. L'entrée principale se trouve du côté nord mais, à l'époque des cathares, un passage dérobé permettait, après un chemin étroit derrière un gros éperon rocheux, de pénétrer dans le château au moyen d'une échelle amovible. Aujourd'hui la poterne du passage dérobé est fermée, mais le chemin est toujours présent (le passage derrière l'éperon est exceptionnel) et il est possible de terminer l'ascension par une voie d'escalade.
Historique
Le château fait partie des « Cinq Fils de Carcassonne » avec les châteaux de Quéribus, Puilaurens, Termes et Aguilar, tous situés au sommet de pitons rocheux « imprenables ». Il est surnommé la « Carcassonne céleste » car c'est le plus grand des cinq châteaux et qu'il était aussi vaste que Carcassonne[4].
Le site est occupé à l'époque romaine dès le début du Ier siècle av. J.-C., comme l'ont montré des fouilles récentes. En 806, apparaissent les premières mentions du château dans l'Histoire[réf. nécessaire]. Le Perapertusès, nom du pays dépendant de Peyrepertuse, appartient au comté de Razès jusqu'en 874. À ce moment-là, il en est détaché, ainsi que la vicomté de Fenouillèdes avec laquelle il est juridiquement lié, et rattaché au comté de Cerdagne jusqu'en 988[5]. Il passe ensuite au comte de Besalú, une petite ville située en Catalogne entre Figueres et Olot, comme cela est rapporté dans un texte de 1020. Le suzerain est alors le comte Bernard Taillefer de Besalú. La première mention du château date de 1070[réf. nécessaire][note 2].
Il passe ensuite dans le comté de Barcelone en 1111, puis dans la vicomté de Narbonne. À partir de 1180, le comte de Barcelone, Alphonse II devenu roi d'Aragon s'émancipe de sa vassalité au roi de France. La zone devient de facto une frontière.
À l'époque de la croisade des albigeois, il est le fief de Guillaume de Peyrepertuse qui, ne voulant pas se soumettre, est excommunié en 1224. Ce dernier se soumet après l'échec du siège de Carcassonne, et le château devient une forteresse royale en 1240. En 1242, Saint Louis décide de le renforcer et de lui ajouter une deuxième partie, le donjon Sant Jòrdi, situé plus en hauteur sur la crête ; le donjon Sant Jòrdi est alors construit en 1250-1251 et on réaménage le Donjon Vieux ainsi que l'église Sainte-Marie qui existait antérieurement[note 3]. La situation est confuse dans cette région jusqu'à la signature du traité de Corbeil en 1258 laissant libres la Catalogne et le Languedoc. Il fixe aussi la frontière juste au sud du château de Peyrepertuse. Celui-ci, comme ses voisins, les châteaux de Puilaurens et Quéribus, est alors une des forteresses royales reconstruites à la fin du XIIIe siècle pour assurer la défense de la frontière vis-à-vis du royaume d'Aragon puis de l'Espagne jusqu'au XVIIe siècle. Le château est alors défendu, en 1258, par neuf sergents d'armes sous le commandement d'un capitaine[8]. En 1321, la cité de Carcassonne reçoit l'ordre de livrer à la garnison de Peyrepertuse vingt casques à large bord plat, dix-sept arbalètes de deux sortes différentes ainsi que neuf crocs « nécessaire à l'équipement dudit château »[9].
En 1355, le château est remis en état de défense et Henri de Transtamare, prétendant au trône de Castille, défait à Navarette, est autorisé par le roi de France Charles V à s'y réfugier.
En 1542, Jean de Graves, seigneur de Sérignan, s'empare du château au nom de la Réforme, mais est pris et exécuté.
Le château est déclassé en tant que place frontière lors du traité des Pyrénées en 1659, ayant perdu son intérêt stratégique car la frontière avec l'Espagne s'est déplacée au sud vers la ligne pyrénéenne. Bien que la citadelle ait beaucoup moins de valeur depuis l'annexion du Roussillon en 1658, une faible garnison commandée par un officier subalterne est maintenue jusqu'à la Révolution française, époque où elle est abandonnée. Vendues comme bien national en 1820, ses ruines subsistent jusqu'à aujourd'hui. La première campagne de consolidation du monument commence en 1950.
De nos jours
Ses ruines accueillent aujourd'hui près de 100 000 visiteurs par an. À 800 m d'altitude, elles dominent le vignoble des Corbières et le village de Duilhac.
On y accède par une route qui s'arrête juste au-dessous de la falaise sur un parking, les visiteurs peuvent ensuite utiliser un chemin (environ un quart d'heure) pour faire le tour du château par l'est et rentrer par l'entrée principale côté nord. Même si le château est en ruines, la plupart des murs sont encore debout, certaines pièces sont encore bien conservées, notamment la chapelle fortifiée dans le bas-château.
Un sentier de grande randonnée, une variante du sentier cathare, part du village de Duilhac (prendre la route du château sur quelques centaines de mètres avant de prendre à droite un petit chemin qui coupe les lacets).
Par temps d'orage ou de grand vent, la montée est fortement déconseillée et souvent interdite pour protéger les visiteurs de la foudre et des glissades dangereuses dans l'escalier Saint-Louis[note 4], qui relie l'ancien château au donjon, déjà fort glissant par beau temps.
La falaise de calcaire est propice à l'escalade et les voies aboutissent toutes ou presque dans l'enceinte, les grimpeurs terminant leur ascension sous le regard des touristes spectateurs.
Description
Les ruines actuelles datent pour l'essentiel du XIIIe siècle (époque française)[6].
Le château mesure 300 mètres de long et 60 mètres de large dans sa plus grande largeur, et présente une allure générale d'un immense vaisseau de pierre, avec sa proue effilée sur laquelle on disposait une pierrière[11].
L'entrée, précédée d'une barbacane, se trouve au nord et en constitue l'unique accès, à l’exception d'une poterne dérobée accessible par une échelle mobile. Le reste du château est inaccessible de par les falaises qu'il surplombe. Tout le château est entouré de remparts soigneusement accrochés en haut des à-pics. Mais la muraille de la partie nord est plus accessible et plus imposante que celle de la partie sud qui est composée de pentes très abruptes. Il est composé de deux esplanades à l'est et à l'ouest. Celle de l'est est bordée d'une courtine de 120 mètres de long jalonnée par deux tours de plan semi-circulaire. Cette enceinte « basse » a conservé son chemin de ronde formé de dalles reposant sur des corbeaux. Le côté sud est défendu par l'à-pic de la falaise. L'angle nord-ouest abrite la porte d'entrée. On peut observer sur cette esplanade le château primitif du comte de Besalù et la chapelle du XIIe siècle[12]. Une ancienne citerne d'eau est visible près du château primitif.
Le donjon vieux est formé de l'église Sainte-Marie, de style roman, et d'un logis, constitué de deux pièces voûtées superposées. Quatre citernes[note 5], d'une capacité variant entre 12 et 40 m3[13], alimentaient le château[note 6]. La tour du « logis du Gouverneur » est pourvue d'archères en bêche. Une courtine crénelé rejoint le chevet de l'église Sainte-Marie qui a été surhaussé et fortifié ; les merlons sont percés d'archères[6].
Sur l'esplanade ouest se dresse le château plus récent perché sur le roc Sant Jòrdi. Il a été construit sur l'ordre du roi saint Louis en 1242 pour renforcer la forteresse. Pour y accéder, un escalier dit « de Saint-Louis » assez vertigineux monte le long de la paroi du roc. Le « donjon de Sant Jòrdi » est un château avec son propre système de défense capable de résister aux assaillants ayant réussi à accéder à la forteresse et possédait sa propre chapelle dans le donjon, la chapelle Sant Jòrdi (Saint-Georges) à nef unique.
Les archéologues ont découvert sur le site des fours à usage domestique[15]. Un passage voûté de 2,80 mètres de long permettait d'accéder à la source « Font de la Jaqueta » située en contrebas de la forteresse[16].
- Le château vu depuis le parking d'accès.
- La partie basse du château.
- Le château protégé par un abrupt spectaculaire côté ouest.
- Détail d'une courtine du bas-château.
- Vue générale du château depuis la vallée du Verdouble.
- Autre vue du château.
- Vue aérienne du château.
Notes et références
Notes
- Le terme « château cathare » est incorrect ou au moins discutable, cf. l'article détaillé.
- C'est dans le texte de 1020 qu'est mentionné une première fortification. Un véritable château n'apparaît qu'au début du XIIe siècle[6].
- Les comptes du chantier de (re)construction donne le chiffre de 150 à 200 personnes pour l'année 1250-1251[7].
- Vers 1242, le roi de France, Saint Louis, demande au sénéchal de Carcassonne de faire réaliser l'escalier « au moindre prix »[10].
- On a découvert un canal de remplissage d'une des citernes[13].
- Ont a retrouvé dans une salle desservant la tour à citerne à filtration, une meule de pierre[14]
Références
- « Ruines du château de Peyrepertuse », sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture.
- Eydoux 1969, p. 39.
- « Puech de Bugarach et de la crête nord du synclinal du Fenouillèdes », sur DREAL Occitanie.
- Émission télévisée C'est pas sorcier, « Carcassonne : une cité au temps des chevaliers ! »
- Jordi Bolòs i Masclans, « Atles dels comtats de Rosselló, Conflent, Vallespir i Fenollet (759-991) » (ISBN 9788423207343, consulté le ).
- Mengus 2021, p. 73.
- Nicolas Mengus, Châteaux forts au Moyen Âge, Rennes, Éditions Ouest-France, , 283 p. (ISBN 978-2-7373-8461-5), p. 69.
- Mengus 2021, p. 167.
- Mengus 2021, p. 178.
- Mengus 2021, p. 76.
- Josyane et Alain Cassaigne, 500 châteaux de France : Un patrimoine d'exception, Éditions de La Martinière, , 395 p. (ISBN 978-2-7324-4549-6), p. 39.
- Eydoux 1969, p. 44.
- Mengus 2021, p. 231.
- Mengus 2021, p. 235.
- Mengus 2021, p. 197.
- Mengus 2021, p. 232.
Annexes
Bibliographie
- [Bayrou 1990] Lucien Bayrou (dir.), Jocelyne Joussemet, Isabelle Seguy, Patrice Alessandrini, Christian Bouvier, Jean Blanc, Bernard Doutres, Patrick Fontan et Bernard Seret, « L'église Sainte-Marie de Peyrepertuse (Château de Peyrepertuse, commune de Duilhac-sous-Peyrepertuse): Les fouilles archéologiques », Archéologie du Midi Médiéval, t. 8-9, , p. 39-98 (lire en ligne)
- Lucien Bayrou (dir), préface de Marcel Durliat, Peyrepertuse, forteresse royale, Carcassonne, Centre d'Archéologie Médiévale du Languedoc, 2000, 292 p., numéro supplémentaire 3 [lire en ligne].
- Lucien Bayrou, Languedoc-Roussillon gothique : L’architecture militaire de Carcassonne à Perpignan, Paris, Picard, , 288 p. (ISBN 978-2-7084-0957-6, présentation en ligne), p. 172-178.
- Lucien Bayrou, « Reconstruction et réaménagements des châteaux devenus royaux dans les Corbières après le traité de Corbeil (XIIIe – XIVe siècles) », dans Patrimoines du Sud, 2019, no 10 [lire en ligne].
- Madeleine et François Burjade, Lucien Bayrou, Le château de Peyrepertuse. Guide du visiteur, Centre d'archéologie médiévale du Languedoc, Carcassonne, 2005/2006 (ISBN 978-2-95043212-4).
- Henri-Paul Eydoux, Châteaux fantastiques, t. I, Flammarion, , 269 p. (ASIN B0014WI10E).
- Réédition : Châteaux fantastiques, t. I, Cherche-Midi, (ASIN B003BQEBR8).
- Henri-Paul Eydoux, « Châteaux des pays de l'Aude », p. 172-181, dans Congrès archéologique de France. 131e session. Pays de l'Aude. 1973, Société française d'archéologie, Paris, 1973.
- Gauthier Langlois et Charles Peytavie, « Châteaux en Pays cathare », Archéothéma, no 23, .
- Gauthier Langlois, « Petits établissements monastiques masculins des Corbières : un encadrement religieux dense (IXe – XIIIe siècles) », dans Bulletin de la Société d’études scientifiques de l'Aude, t. CXIII, (ISSN 0153-9175, lire en ligne), p. 51-68.
- Sous la direction de Jean-Marie Pérouse de Montclos, Le guide du patrimoine Languedoc Roussillon, Hachette, Paris, 1996, p. 439-441 (ISBN 978-2-01-242333-6).
Articles connexes
Liens externes
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