Phare de Tévennec

Le phare de Tévennec est situé à la pointe occidentale de la Bretagne (département du Finistère), dans la partie nord du raz de Sein au large de la pointe du Van. Automatisé dès 1910 du fait de son accès difficile, il accompagne le feu de la Vieille dans la sécurisation du passage du raz de Sein, qui présente de nombreuses difficultés.

Phare de Tévennec
L'îlot et le phare de Tévennec par mer calme.
On aperçoit au loin la pointe du Raz
et le phare de la Vieille.
Localisation
Coordonnées
48° 04′ 17″ N, 4° 47′ 43″ O
Baigné par
Adresse
Histoire
Architecte
Construction
Automatisation
7 février 1910
Patrimonialité
Gardienné
Non (Sans gardien depuis 1910)
Visiteurs
Non
Architecture
Hauteur
15 m
Hauteur focale
24 m ou 28 m
Élévation
24 m
Matériau
Équipement
Portée
9 milles (blanc)
6 milles (rouge)
Feux

Feu à secteurs blanc de 90° à 345° et rouge de 345° à 90°. Masqué de 0° à 90°.

Feu auxiliaire blanc intense entre 324° et 332°
Aide sonore
Sans
Identifiants
ARLHS
Amirauté
D0866
List of Lights
MarineTraffic
NGA
Localisation sur la carte du Finistère
Localisation sur la carte de France

Il a été inscrit monument historique par arrêté du [1],[2].

La maison-phare est connue pour ses légendes qui la disent maudite.

Sécuriser le raz de Sein

La construction du phare d'Ar-Men, destiné à sécuriser la chaussée de Sein au large de l'île du même nom, a commencé en 1869. Mais il existe aussi un passage maritime entre l'île de Sein et la pointe du Raz qui constitue une forme de raccourci : le raz de Sein. L'endroit est très dangereux cependant, à cause de violents courants (raz en breton signifie « courant rapide »). L'augmentation croissante du cabotage dans les parages justifie que l'on facilite aux navires la fréquentation de ce passage, notamment de nuit. Ce sera la raison d'être du phare de Tévennec et du phare de la Vieille. En outre, le lancement du chantier de Tévennec (1869), puis celui de la Vieille (1879), devaient permettre d'occuper les équipes travaillant sur Ar-Men, lorsque le mauvais temps leur imposait un chômage technique, ce qui était fréquent.

Architecture et construction

Dessinés en 1869 par l'ingénieur Paul Joly, également responsable de l'architecture d'Ar-Men, les plans de l'établissement de Tévennec prévoient, pour le phare lui-même, une tour carrée de 11 mètres de haut et 2,40 mètres de côté. Une maison d'habitation destinée au gardien jouxte la tour. Longue de 8,8 mètres et large de 7,3 mètres, elle comprend une cuisine, deux petites chambres et un grenier. Une plate-forme, rehaussée d'un mur de protection, entoure le bâtiment, construit pour l'essentiel à l'aide de pierres extraites directement de l'îlot. L'escalier qui conduit au débarcadère est quant à lui taillé à même la roche.

Préconisée par la commission des phares dès 1860, mais commencée seulement en 1869, la construction s'achève cinq ans plus tard. Le chantier est conduit par l’ingénieur Paul Joly sur un projet de Léonce Reynaud. Le feu du phare de Tévennec est mis en service pour la première fois le .

Historique du feu

  • Le premier feu installé en 1875 est un feu fixe secteur blanc et rouge.
  • Le , le feu est alimenté au gaz.
  • Le feu est automatisé le .
  • De nouveaux travaux rendent le feu alimenté au propane le .
  • En 1939, un feu auxiliaire directionnel intense dans le relèvement à 328° est installé au sommet de la tourelle de la galerie. Il est à feu scintillant, secteurs blanc et rouge
  • En octobre 1994, des panneaux solaires sont installés pour assurer l'alimentation électrique du phare

Un phare maudit ?

Compte tenu des particularités du site sur lequel il est érigé, le phare de Tévennec est assez inclassable. Ce n'est pas vraiment un phare de haute mer — un « enfer », selon la classification inventée par les gardiens — puisqu'il n'est pas directement entouré d'eau. Et c'est à peine un « purgatoire », c'est-à-dire l'un de ces phares installés sur une île. Le rocher sur lequel est érigée la maison-phare peut en effet difficilement prétendre à ce titre. Bien que son sommet s'élève à 14 mètres au-dessus du niveau de l'eau, il est fréquemment balayé par les embruns et il reste très délicat d'y aborder, voire impossible, dès que la mer est formée.

L'appellation conviendrait d'autant mieux ici que ce phare jouit d'une très sinistre réputation auprès des marins et des habitants du cap Sizun[3]. On raconte à son propos toutes sortes d'histoires : des gardiens qui deviennent fous en quelques mois, d'autres qui meurent brutalement, dont l'un dans les bras de son épouse, qui l'aurait alors mis au saloir pour conserver son corps jusqu'à la relève suivante... Des cris lugubres, prêtés aux âmes des nombreux naufragés ayant trouvé la mort sur l'îlot, se feraient entendre de temps à autre, entre les rochers[3].

Jean-Christophe Fichou a montré récemment[4] que la plupart des récits dramatiques concernant les gardiens de ce lieu étaient très largement imaginaires, même s'il est vrai que le premier gardien en 1875, Henri Guézennec, y perdit la raison, de même que le second, Alain Menou, en 1885, et que par la suite trois autres gardiens y perdirent la vie[5].

Il reste que l'erreur initiale de l'administration des Ponts et Chaussées est sans doute de ne pas avoir considéré Tévennec comme un phare de pleine mer. Il a été classé en tant que fanal de quatrième catégorie, et un seul gardien y a été affecté à l'origine, avec pour mission d'assurer son service à l'année longue, comme ses confrères installés dans les maisons-phares du littoral (les « paradis »).

Or, la vie sur le rocher de Tévennec est probablement aussi difficile que dans bien des phares en mer. Par ailleurs, des plongeurs ont découvert dans les années 1990[6] une grotte sous-marine traversant l'îlot de part en part[3]. Lorsque des vagues s'y engouffrent, l'air s'en échappe par des failles dans la roche, ce qui produit des hululements tout à fait sinistres, les constructeurs du phare y entendaient « Kers cuit ! Kers cuit ! Ama ma ma flag ! », signifiant « Va-t'en ! Va-t'en ! Ici c'est ma place ! » en breton[3],[7]. La présence de goélands la nuit peut aussi expliquer les cris rauques et les hurlements rapportés par les gardiens[6].

Histoire des gardiens de Tévennec

Cela dit, les difficultés propres à ce poste n'échappent pas longtemps à l'administration des phares et balises. Dès , l'autorisation d'affecter à Tévennec un second gardien est délivrée par le ministère compétent, de façon à pouvoir établir une rotation sur l'îlot[8]. Mais, les candidats restent rares et ceux qui acceptent le poste ont tôt fait de demander leur mutation. L'aide épisodique reçue de la part du troisième gardien de phare de la Vieille à partir de 1885 n'y change rien[8].

En , pour tenter de remédier à ces difficultés de recrutement, il est décidé que Tévennec serait désormais desservi par un gardien accompagné de sa femme[8], qui assurerait les fonctions d'auxiliaire pour un salaire de 50 francs par mois[8]. Un premier couple s'installe dès la fin de l'année : les Milliner[8].

Trois ans plus tard, ce sont la Penmarchaise Marie Quéméré[9] qui s'y installa avec son mari Louis, gardien du phare, et un enfant de 9 mois, en décembre 1900[5]. Ils resteront cinq ans à ce poste, presque un record pour le phare de Tévennec. Marie Quéméré, qui a donné naissance à trois enfants au cours de cette période[8], ira même jusqu'à dire, vers la fin de ses jours, qu'elle a passé sur cet îlot inhospitalier quelques-uns des meilleurs moments de sa vie...[réf. nécessaire] Le ravitaillement de l'île s'effectue alors toutes les deux semaines, « temps permettant » bien sûr, ce qui est loin d'être toujours le cas[8]. Mais, les Quéméré jouissent alors des services de quelques poules et d'une vache, importée avec son fourrage, car aucune herbe ne pousse sur Tévennec[8]. Ils engraissent également un cochon.[réf. nécessaire]. Ils furent affectés en 1905 au phare de l'Île aux Moutons[5].

Toutefois, après cette trêve relative dans l'histoire chaotique et malheureuse des gardiens du phare de Tévennec, les démissions et les plaintes reprennent de la part des successeurs des Quéméré. Un dernier couple — les Ropart — accompagné de deux enfants, y séjournera quelque temps[8]. Mais, là encore, ils réclament rapidement leur mutation. Finalement, face à ces difficultés, l'administration des Ponts et Chaussées renonce à faire garder Tévennec et y installe en 1910 un feu permanent automatique (réalimenté tous les 6 mois)[8]. La mesure a sans doute aussi des motifs d'ordre économique[8]. Depuis cette date, plus personne n'a habité longuement à Tévennec[8] sauf en 2016 lors du séjour du président de la SNPB pendant 69 jours en solitaire de février à mai.

Naufrage

Le , le cargo norvégien Trane, immatriculé à Bergen, venant de Castro Urdiales et à destination de Middlesborough, victime de la brume, heurte les rochers du Pont des Chats à proximité de l'Île de Sein. Le baliseur Léon-Bourdelles[10] de Brest, le prend en remorque, aidé ensuite par le remorqueur Puissant[11] mais le Trane finit par couler à mi-chemin entre la Pointe du Van et le phare de Tévennec sur une grande dune de maërl[12].

La deuxième vie de Tévennec

Une convention d'occupation de la légendaire maison-feu de Tévennec (raz de Sein) a été signée le à Brest pour une durée de 10 ans entre les services de l'État et la Société nationale pour le patrimoine des phares et balises (SNPB), association fondée en 2002 représentée par son président en exercice, Marc Pointud[13]. À terme l'objectif de la SNPB est d'ouvrir une maison d'artistes, après restauration progressive des lieux[13].

Abandonné de tout gardiennage depuis 1910, Tévennec est un élément emblématique du patrimoine des phares. La SNPB projette de faire appel au mécénat privé pour financer ce projet exceptionnel dans le cadre des dispositions de la loi sur le mécénat d'[13]. Cette signature s'inscrit dans le processus du Grenelle de la mer et procède des volontés conjointes de la SNPB, des services de la DIRM et de la mission pour le patrimoine auprès de la direction des Affaires Maritimes[14].

La maison est ceinturée par une terrasse qui offre un point de vue exceptionnel à 360° sur le raz de Sein et la mer d'Iroise. Les assauts du mauvais temps et les années d'absence d'entretien ont eu raison de l'état des lieux[13]. Le toit fut d'ailleurs emporté par la tempête en 1910 et trois fois en tout depuis son automatisation[13]. Le toit et l'intérieur sont en très mauvais état. Les boiseries ont été démantelées à 80%, les planchers de l'étage sont atteints de pourriture ainsi que la plupart des souches des poutres. L'ensemble est complété par une citerne, une salle non fermée sous la terrasse et un four à pain, un des rares exemples pour un phare en mer, avec Cordouan ou le Phare des Triagoz. Un ancien petit appentis dont il ne reste que la base des murs est visible à mi-hauteur de l'escalier qui conduit au phare. Au pignon nord de la maison on distingue les embases des anciennes cuves à gaz installées lors de la mise en service du feu permanent[15].

Le projet de restauration de Tévennec est lauréat 2012 des « Coups de Cœur » du Cluster maritime français[16].

Dans l'optique de sensibiliser le public ainsi que d'alerter le mécénat des entreprises pour la sauvegarde des phares, Marc Pointud a séjourné 69 jours en solitaire et sans ravitaillement sur le phare du au [17]. Relevant d'une expérience physique et intime, cette aventure largement médiatisée en France comme à l'étranger, a permis de trouver les entreprises nécessaires à la restauration des lieux. Un livre sur Tévennec et le journal de bord du séjour est sorti fin 2017 aux éditions Coop Breizh.

Le , le youtubeur Mamytwink publie une vidéo dans laquelle il passe une nuit dans le phare (celle du 14 au ), accompagné de deux amis ainsi que de Marc Pointud[18]. Dans cette vidéo, ils racontent notamment des faits historiques sur le phare et leur nuit passée au phare.

En , les plans numériques en 3D[19] de l'intérieur de la maison-phare et de l'extérieur ont été levés par deux entreprises lyonnaises spécialisées dans le cadre du mécénat d'entreprise. L'ensemble de l'îlot a été aussi relevé en photogrammétrie. Grâce à ces plans très précis les travaux à réaliser peuvent être programmés. La première tranche consistera en la réfection du toit et de la charpente qui ont subi d'importantes dégradations dues aux infiltrations d'eau au cours du temps. Par ailleurs, une entreprise spécialisée dans la maîtrise d'œuvre en matière de restauration des bâtiments du patrimoine intervient pour la conduite de ce chantier exceptionnel[15].

Le phare de Tévennec est concerné par le plan de restauration des phares en mer mis en place par le ministère de la Mer, en [6].

Notes et références

  1. « Arrêté n° 2016-12336 du 31 décembre 2015 portant inscription au titre des monuments historiques du phare de Tévennec (Finistère) » [PDF], sur Préfecture de région Bretagne.
  2. Notice no PA29000081, base Mérimée, ministère français de la Culture
  3. Camille Allain, « Bretagne : Abandonné pendant un siècle, le phare maudit va de nouveau être habité », sur 20minutes.fr, (consulté le ).
  4. Fichou et alii, Phares, 1999
  5. Serge Duigou, Phares de Bretagne, Jos Le Doaré, (ISBN 978-2-85543-357-8).
  6. Timothy Gaignoux, « Tévennec, un phare habité de légendes », dimanche Ouest-France, vol. Finistère, no 1215, , p. 21 (ISSN 0999-2138, lire en ligne, consulté le ).
  7. Emilie Colin, « Les lieux hantés en Bretagne », sur France 3 Bretagne, (consulté le ).
  8. « Phare de Tevennec », sur Phares de France (consulté le ).
  9. Marie Quéméré, décédée en 1956 à Loctudy.
  10. « Le baliseur Léon Bourdelles », sur francois.delboca.free.fr.
  11. « Le Puissant », sur Union Française Maritime.
  12. Bruno Jonin et Paul Marc, Mémoires englouties : Histoires sur les épaves du Finistère, t. 1, Quimper, ASEB éditions, (ISBN 2-9508434-0-9).
  13. Ilyass Malki, « L’homme qui s’apprêtait à vivre dans un phare hanté », sur Vice, (consulté le ).
  14. « Projet Tévennec », sur SNPB.
  15. Ronan Larvor, « Un grand chantier se prépare pour Tévennec en 2020 », sur Le Télégramme, (consulté le ).
  16. « Coup Coeur CMF », sur Cluster Maritime Français.
  17. « Deux mois seul dans un phare pour sauver le patrimoine maritime », sur Big Browser, Le Monde (consulté le )
  18. « Des youtubeurs ont passé une nuit sur Tévennec », sur jactiv.ouest-france.fr, (consulté le )
  19. « Grande première : Tévennec modélisé en vue de sa prochaine restauration », sur Société Nationale pour le Patrimoine des Phares et Balises, (consulté le )

Voir aussi

Littérature

Tévennec a inspiré :

  • Anatole Le Braz, L'Esprit du phare,
  • Louis Le Cunff, Feux de mer.
  • Jean Danzé, Les guetteurs de Tévennec

Bibliographie

  • Jean-Christophe Fichou, Noël Le Henaff, Xavier Mével, Phares. Histoire du balisage et de l'éclairage des côtes de France, Douarnenez, Éditions Le Chasse-Marée/Armen, 1999, 451 pages,
  • Jean-Pierre Abraham, « Tévennec », La Place royale, Le Temps qu'il fait, 2004. L'écrivain Jean-Pierre Abraham, qui fut aussi gardien de phare à Ar-Men, raconte une visite à Tévennec,
  • Tristan Berteloot, « L’île de Sein, asile de phare : Sur le rocher breton, les déboires des anciens gardiens de Tévennec alimentent les peurs et les légendes. », Libération, (lire en ligne).
  • Marc Pointud, "Lumière sur Tévennec - Les portes de l'enfer" Editions Coop Breizh. Parution Seconde édition en 2019. L'histoire du rocher et du phare de Tévennec suivie du journal des 69 jours passés en solitaire par l'auteur entre février et .

Articles connexes

Liens externes

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