Plan neige

Les plans neige sont un ensemble de plans décidés de 1964[1] à 1977[2] en France. Mettant en œuvre les principes de la doctrine neige[3], le but est de créer et d'aménager des stations de sports d'hiver de haute montagne.

Le premier plan neige, décidé en 1964, devait « déterminer un concept de stations d'altitude très fonctionnelles, au service du ski, fondées sur un urbanisme vertical, initier un partenariat unique auprès des collectivités et faire émerger une nouvelle génération de stations très performantes susceptibles d'attirer les devises étrangères »[1]. Il était en effet lancé dans un contexte où l'essor du ski se heurtait à la possibilité de l'absence de neige en moyenne montagne[4]. Il comportait des mesures comme l'octroi de prêts à taux réduits ou l'expropriation des habitants des lieux des futures stations. La première vague de stations concernées comprenait Flaine, Les Arcs, Tignes, SuperDévoluy, Avoriaz[1].

En 1977, lors du discours de Vallouise, le président de la République, Valéry Giscard d'Estaing, met fin aux plans neige au profit d'un tourisme plus « respectueux des sites et des paysages ».

De 1964 à 1977, les plans neige successifs aboutissent à la construction de 150 000 lits (au lieu d'un objectif initial de 350 000) répartis dans plus de 20 stations nouvelles et 23 stations anciennes[1].

Contexte et stations de « deuxième génération »

Courchevel en 1911. Le village ne possède que quelques maisons qui seront rasées pour la construction de la station d'hiver.

Ce projet Neige est tout d'abord intimement lié à l'implantation du ski en France et notamment dans les Alpes françaises et les Pyrénées[FD 1]. Après la création du Ski Club français en 1878, les Français aisés vont de plus en plus à la montagne avec notamment grâce à l'ouverture de certaines écoles de ski[FD 2]. Les Jeux olympiques d'hiver de 1924 qui se déroulent à Chamonix mettent en lumière la nouvelle activité hivernale[FD 3]. Cependant, les infrastructures de ces petits villages nommés par les historiens les « villages-stations » sont plutôt rudes avec peu de confort, peu de pistes et de remontées mécaniques[FD 1]. C'est pourquoi, à cette même époque, les stations pyrénéennes des Eaux-Bonnes et de Cauterets sont favorisées pour leur confort et leur capacité hôtelière importante et les touristes délaissent peu à peu ces villages-stations[FD 4].

À petite échelle, certaines de ces petites stations vont faire des aménagements, comme l'installation d'une ligne de chemin de fer à Bagnères-de-Luchon par exemple, ou encore la construction de nouveaux chalets pour attirer des skieurs, mais un problème reste présent : la réflexion urbanistique[FD 5]. Ces petits villages n'ont jamais été pensés architecturalement pour devenir des stations et ne sont pas du tout adaptés, manquent d'hôtels, de boutiques, de remontées mécaniques... Les travaux sont trop onéreux pour ces petites communes qui n'ont pas la capacité technique d'accueillir ces touristes fortunés[FD 4].

L'État français commence à voir l'opportunité de gagner de l'argent avec ce nouveau tourisme hivernal et c'est en 1946 que le département de la Savoie rentre dans le nouvel âge des stations avec l'invention de la « station en site vierge »[FD 6]. La première se nomme Courchevel. Moderne et pratique, elle devient un point fort de l'économie du département[FD 4]. C'est avec cet essai concluant de la création d'une nouvelle station que commencent officieusement les plans neige[FD 7].

L’afflux de touristes finit par pousser les promoteurs à proposer aux communes alpines des projets qui trouvent leur origine dans une volonté gouvernementale, parallèlement au développement des stations balnéaires de la côte languedocienne, dans un cadre de « déclaration d'utilité publique » offrant des facilités aux promoteurs privés et la possibilité d’expropriations ou d'usage de sites vierges[5].

Lancement des plans neige

Après sa nomination comme Premier ministre en 1962, Georges Pompidou entame de grands travaux de politique d'aménagement du territoire, dont ceux des plans neige, aidé par la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR) créé en 1963. Maurice Michaud, ingénieur des ponts et chaussées et homme de main Pompidou pour la réalisation de ce projet faramineux, forme et prend la direction en de la Commission interministérielle d’aménagement de la montagne (CIAM), devenue en 1970 le Service d’étude et d’aménagement touristique de la montagne (SEATM)[6],[7],[8]. Créée spécialement pour le projet, cette commission lance des appels à projet pour la construction et la modernisation des stations de ski françaises dans un contrat de promoteur aménageur[9]. L'entreprise voulant construire ces lotissements et le domaine skiable doit à la fois acheter le terrain et bâtir les immeubles et faire construire les pistes et les remontées mécaniques[9]. Certains entrepreneurs se portent tout de suite candidats, comme Roger Godino qui finit par construire la station des Arcs en Savoie[10]. Le lancement de ces plans est peu commun[réf. nécessaire] du fait qu'aucune planification du nombre de stations modernisée n'est réalisé. Ce chiffre doit dépendre du nombre de promoteurs acceptés pour la construction ou le réaménagement des stations.

Les oppositions des municipalités à céder leurs terrains restent faibles, et certaines villes les plus sceptiques au projet finissent par céder sous la pression politique[11].

Objectifs et enjeux du projet

Plagne Centre, qui ouvre en 1961, fait partie des constructions des plans neige. On y retrouve l'architecture typique avec de grosses barres d'immeubles en béton.

« Le plan neige doit déterminer un concept de stations d’altitude très fonctionnelles, au service du ski, fondées sur un urbanisme vertical, initier un partenariat unique auprès des collectivités et faire émerger une nouvelle génération de stations très performantes susceptibles d’attirer les devises étrangères. »

 Commission interministérielle d’aménagement de la montagne

L'objectif des plans neige était quelque peu différent du résultat présent quelques années plus tard. Cependant, il y avait de nombreux objectifs et attentes vis-à-vis de ce nouveau grand chantier français. Les enjeux sont à la fois économiques, politiques et sportifs.

Tout d'abord, un chantier long de quinze ans de 1964 à 1977 avec 350 000 lits d'hôtels et d'immeubles envisagés, la création de 23 nouvelles stations de ski, des villes nouvelles et stations intégrées[9], plus modestes et moins luxueuses pour un sport moins élitiste. La rénovation du parc déjà existant est prévue pour une vingtaine de stations sur la liste. La France est à l'époque au plus au pic de l'exode rural et le but est aussi de redynamiser la montagne avec ces nouvelles constructions[12].

Un enjeu sportif est aussi bien présent dans les envies de Georges Pompidou pour que la France devienne une grande destination du tourisme hivernal. La création d'une réelle filière de sports d'hiver en France est importante pour la préparation à l'accueil de nouveaux Jeux d'hivers, ceux de 1968 à Grenoble[12].

Principales stations à construire

Principales stations à rénover

1965 : lancement des travaux et stations de « troisième génération »

La Plagne Bellecôte. Le principe des habitations au pied des pistes. Les skieurs descendent la piste et se rend au pied des immeubles.

À partir de début 1965, les travaux commencent. L'État avait demandé une certaine cohérence architecturale entre chaque station, cependant ce n'était pas vraiment du goût des promoteurs. C'est pourquoi un faible nombre d'architectes sont acceptés pour dessiner les stations. Marcel Breuer est retenu pour Flaine, l’Atelier d'architecture en montagne et l'architecte Charlotte Perriand pour les Arcs, Jacques Labro pour la station d'Avoriaz et Michel Bezançon pour La Plagne[FD 5]...

En même temps, une nouvelle façon de bâtir ces stations voit le jour prônant une adaptation à la géographie du lieu [FD 8]. Les habitations de haute altitude doivent répondre à des critère précis, à la fois robustes pour pouvoir lutter face au vent mais aussi avec un confort permettant d'accueillir des locaux à ski dans l'immeuble. Ces nouvelles stations sont totalement réorganisées sous forme d'un « amphithéâtre », terme utilisé par les architectes. Au niveau de la scène de celui-ci, un grand parking positionné en flanc de montagne. Dans les premiers rangs, des immeubles avec au rez-de-chaussée des boutiques et des cafés ; dans les rangs du fond, le domaine skiable[FD 8]. Cette nouvelle organisation permet aux skieurs de chausser les skis dans leur immeuble au pied des pistes dans une station intégrée. La voiture n'est plus nécessaire, car tous les commerces sont à proximité. Cela permet aussi une vision agréable depuis les immeubles, à la fois sur le flanc de la montagne, mais aussi du côté opposé le front de neige, sur l'arrivée des pistes et le départ des remontées mécaniques[FD 8].

Notes et références

  • Franck Delorme, « Du village-station à la station-village. Un siècle d’urbanisme en montagne », In Situ Revue des patrimoines, Marseille, (DOI 10.4000/11243, lire en ligne, consulté le )
  • Autres références
  1. L'héritage du Plan neige. En 1964, la France lançait un grand programme d'aménagement des stations. Avec quelques ratés... sur Libération
  2. Juridique et institution : Le plan Neige sur Montagne Leaders
  3. H. François, De la station ressource pour le territoire au territoire ressource pour la station le cas des stations de moyenne montagne périurbaines de Grenoble, Thèse de doctorat, en Aménagement de l'Espace, Université Joseph Fourier, Institut de Géographie Alpine, 2007
  4. « Le plan Neige, ou quand la haute montagne se pare de béton (1964-1977) », sur France info (consulté le )
  5. « La station de ski ou le passé d'une utopie », sur LExpress.fr, (consulté le )
  6. J.-F. Lyon-Caen.
  7. Philippe Révil et Raphaël Helle, Les pionniers de l'or blanc, Glénat, , 199 p. (ISBN 978-2-7234-4566-5), p. 19.
  8. Jean-François Lyon-Caen, « Courchevel 1850 : la « superstation » des Alpes françaises. L'invention d'une pensée nouvelle pour l'urbanisme et l'architecture en montagne », Revue de géographie alpine, vol. 84, no 3, , p. 54 (lire en ligne).
  9. « Plan Neige — Géoconfluences », sur geoconfluences.ens-lyon.fr (consulté le )
  10. « Le plan Neige, ou quand la haute montagne se pare de béton (1964-1977) », sur Franceinfo, (consulté le )
  11. Autopsie de Super-Cervières (extrait de la Paparelle n°11 - juin 2015)
  12. Aurélien ANTOINE, « Le Plan Neige : quand l'État réinventa la station de ski », sur Alti-Mag, (consulté le )

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

 : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • Franck Delorme, Du village-station à la station-village. Un siècle d’urbanisme en montagne, Marseille, In Situ Revue des patrimoines, (DOI 10.4000/11243, lire en ligne)
  • Daniel Gilbert et Philippe Viguier, La Compagnie des Alpes : développement, stratégie et internationalisation d’un acteur majeur du tourisme et des loisirs en France, Geoconfluences, (lire en ligne)
  • Emmanuelle George-Marcelpoil et Hugues François (dir.) et Hugues François, De la construction à la gestion des stations : L’émergence de logiques de groupes dans la vallée de la Tarentaise, Geoconfluences, (lire en ligne)

Liens externes

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