Politique en Tunisie
De 1956 à 2011, la politique en Tunisie a été dominée par le régime du Rassemblement constitutionnel démocratique sous les présidents Habib Bourguiba puis Zine el-Abidine Ben Ali. La révolution tunisienne provoque le départ de Ben Ali et permet la tenue d'élections libres.
L'Assemblée constituante élue le 23 octobre 2011 a adopté en 2014 une nouvelle Constitution prévoyant un régime parlementaire mixte avec un exécutif bicéphale[1], démocratique et multipartite.
Histoire
Après le départ de Zine el-Abidine Ben Ali, deux gouvernements transitoires se succèdent avant l'élection d'une Assemblée constituante le . Elle adopte le une loi sur l'organisation provisoire des pouvoirs publics régissant les organes de l'État jusqu'à la promulgation d'une nouvelle Constitution.
La loi prévoit que l'Assemblée constituante soit chargée du pouvoir législatif, de l'élection du président de la République, du contrôle du gouvernement et de la rédaction de la nouvelle Constitution. Le président de la République est le chef d'État, il est élu à bulletin secret par l'Assemblée constituante qui peut le révoquer à la majorité absolue de ses membres ; le président de l'Assemblée constituante assure l'intérim en cas de vacance. Le gouvernement exerce le pouvoir exécutif. Le chef du gouvernement est nommé par le président de la République et doit obtenir la confiance de l'Assemblée. Il nomme les ministres et préside le Conseil des ministres. L'Assemblée constituante peut censurer le gouvernement ou un ministre en particulier[2].
Les élections de 2011 sont remportées par le parti Ennahdha, qui ne dispose toutefois pas de la majorité absolue. Le président de la République Moncef Marzouki (Congrès pour la République) est élu le par l'Assemblée constituante et, le , il charge Hamadi Jebali (Ennahdha) de former le nouveau gouvernement.
À la suite du meurtre de Chokri Belaïd et à la tentative infructueuse de former un gouvernement de technocrates, Jebali démissionne le et Ennahdha désigne Ali Larayedh pour lui succéder. Son gouvernement est investi le .
L'Assemblée constituante adopte la nouvelle Constitution de la Tunisie le . Mehdi Jomaa forme ensuite un gouvernement composé de personnalités indépendantes, dans l'attente de l'élection de la nouvelle Assemblée des représentants du peuple, prévues le .
Constitution
La Constitution tunisienne de 2014 a été adoptée par l'Assemblée constituante le (200 voix pour, 12 contre et 4 abstentions)[1] en remplacement de la Constitution de 1959. Elle est entrée en vigueur le .
La Constitution est issue d'un compromis entre Ennahdha et les autres partis de l'Assemblée constituante. Elle affirme dans son préambule vouloir concrétiser « les objectifs de la révolution »[3]. L'article 1 précise :
« La Tunisie est un État libre, indépendant et souverain, l'Islam est sa religion, l'arabe sa langue et la République son régime. […] »
La nouvelle Constitution prévoit un régime semi-présidentiel dans lequel le président de la République dispose de certaines prérogatives, telles que nommer le chef du gouvernement. L'islam est la religion d'État mais la Constitution ne fait pas mention de la charia[1] et précise que « La Tunisie est un État à caractère civil » (art. 2) et consacre la liberté de conscience (art. 6). Le chapitre II de la Constitution dresse la liste des droits fondamentaux des Tunisiens et oblige l'État « à garantir la représentativité des femmes dans les assemblées élues » (art. 34)[4].
Institutions
Assemblée des représentants du peuple
Le pouvoir législatif est confié à l'Assemblée des représentants du peuple, élue au suffrage universel direct[4]. La première élection de l'Assemblée a lieu le . Elle est remportée par le parti séculier Nidaa Tounes, qui obtient 86 sièges, Ennahdha passant de son côté de 85 à 69 représentants.
L'Assemblée est élue au scrutin proportionnel pour un mandat de cinq ans. Elle peut être dissoute par le président de la République si elle ne parvient pas à accorder sa confiance à un gouvernement[4].
Président de la République
Le président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans[4]. Les candidats à l'élection présidentielle doivent être âgés d'au moins 35 ans, être de confession musulmane et s'engager, s'ils sont élus, à renoncer à toute autre nationalité que la nationalité tunisienne. Le président est compétent pour définir la politique générale en matière de défense, de relations étrangères et de sécurité intérieure. Le président promulgue les lois et il peut renvoyer à l'Assemblée des représentants du peuple les projets de loi afin qu'elle procède à une lecture supplémentaire. Il peut également soumettre certains projets de loi au référendum. Lorsque l'Assemblée est dissoute, il peut gouverner par décret-loi avec l'accord du chef du gouvernement. En cas de vacance provisoire de la présidence, ses pouvoirs sont exercés par le chef du gouvernement. Si la vacance dépasse soixante jours, le président de l'Assemblée des représentants du peuple assure l'intérim jusqu'à l'élection d'un nouveau président[4].
Le premier tour de la première élection présidentielle suivant l'adoption de la Constitution a lieu le . Le second tour qui a lieu le 21 décembre et qui oppose le candidat de Nidaa Tounes, Béji Caïd Essebsi, au président sortant, Moncef Marzouki, issu du Congrès pour la République, aboutit à la victoire du premier.
Après le décès de Caïd Essebsi le , Mohamed Ennaceur devient président de la République par intérim[5]. Quelques semaines plus tard, le , Kaïs Saïed est élu président de la République avec 72,71 % des voix exprimées[6].
Gouvernement
Le gouvernement se compose du chef du gouvernement et des ministres et secrétaires d'État qu'il désigne. Après l'élection de l'Assemblée des représentants du peuple, le président de la République désigne le candidat du parti arrivé en tête pour former un nouveau gouvernement. Il doit obtenir la confiance de l'Assemblée avant d'être nommé chef du gouvernement. Le chef du gouvernement « détermine la politique générale de l'État ». Il nomme les membres du gouvernement en consultation avec le président de la République et attribue les différents portefeuilles. Il préside le Conseil des ministres, gère l'administration d'État et nomme la haute fonction publique. Le gouvernement est responsable devant l'Assemblée des représentants du peuple[4].
Cour constitutionnelle
La Constitution de 2014 prévoit la création d'une Cour constitutionnelle au plus tard un an après les premières élections législatives suivant la période de transition[4]. Celle-ci devra exercer le contrôle de constitutionnalité a priori des projets de loi à la demande du chef du gouvernement, du président de la République ou de trente élus de l'Assemblée des représentants du peuple. La Cour pourra aussi se prononcer a posteriori sur la constitutionnalité des lois adoptées qui lui seront soumises par les tribunaux, à la demande des parties lors d'un procès[1].
L'Assemblée constituante a créé une Instance provisoire chargée du contrôle de la constitutionnalité des projets de loi[4] ; elle est toutefois incompétente pour juger les lois préalablement adoptées.
Justice
La justice judiciaire se compose des tribunaux de première instance, des tribunaux de second degré et de la Cour de cassation.
La justice administrative se compose des tribunaux administratifs de première instance, des tribunaux administratifs d'appel et du Tribunal administratif supérieur.
La justice financière se compose de la Cour des comptes et de ses différentes instances.
Instances constitutionnelles indépendantes
L'article 125 de la Constitution prévoit l'existence de cinq autorités indépendantes de régulation[1] :
Partis politiques
Longtemps dominé par le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) de Zine el-Abidine Ben Ali, héritier du mouvement indépendantiste mené par Habib Bourguiba, la vie politique tunisienne compte, à la suite de la révolution, 209 partis politiques actifs en novembre 2017[7].
Les principaux partis politiques sont :
- Ennahdha ;
- Tahya Tounes ;
- Nidaa Tounes ;
- Machrouu Tounes ;
- Front populaire ;
- Afek Tounes ;
- Courant démocrate.
Le journaliste Alain Gresh estime que dans les années qui ont suivi la révolution, les débats se sont focalisés sur la Constitution et la place de l'islam, au point « d'occulter les questions économiques et sociales. En fait, des deux côtés de la barrière, les forces en présence partageaient les mêmes positions : elles n'étaient pas hostiles aux politiques néolibérales. Après 2013, malgré les divergences et la mise en scène d'un affrontement majeur entre deux camps, Ennahdha et Nidaa Tounes, ont en fait géré le pays de façon consensuelle, parce que ces partis n'avaient pas de désaccord fondamental sur les questions économiques et sociales »[8]
Références
- « Libertés, droits des femmes : les avancées de la Constitution tunisienne », Le Monde, (ISSN 0395-2037, lire en ligne, consulté le ).
- « Décret-loi n° 2011-14 du 23 mars 2011, portant organisation provisoire des pouvoirs publics », sur wipo.int, (consulté le ).
- « Constitution tunisienne du 26 janvier 2014 » [PDF], sur marsad.tn.
- « Constitution de la République tunisienne » [PDF], sur marsad.tn, (consulté le ).
- Benoît Delmas, « Tunisie : Mohamed Ennaceur président par intérim », Le Point, (ISSN 0242-6005, lire en ligne, consulté le ).
- « Élection présidentielle en Tunisie : Kaïs Saïed, ou le nouveau paradigme tunisien », Le Monde, (ISSN 0395-2037, lire en ligne, consulté le ).
- Frida Dahmani, « Tunisie : à quoi servent les partis ? », Jeune Afrique, (ISSN 1950-1285, lire en ligne, consulté le ).
- Rosa Moussaoui, « Alain Gresh : « Le Moyen-Orient est la région la plus inégalitaire du monde » », L'Humanité, (ISSN 0242-6870, lire en ligne, consulté le ).
Liens externes
- « Portail du gouvernement tunisien », sur fr.tunisie.gov.tn (consulté le ).
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