Pont Colbert

Le pont Colbert est un pont tournant de la fin du XIXe siècle en fer puddlé et laminé situé dans le port de Dieppe, en France. Il est mis en service en 1889. C'est le dernier grand pont tournant d'Europe à fonctionner dans sa configuration d'origine[1], ce qui lui vaut d'être inscrit aux monuments historiques en 2017[2], complété par un classement en [3].

Pont Colbert

Le pont Colbert en avril 2017.
Géographie
Pays France
Région Normandie
Département Seine-Maritime
Commune Dieppe
Coordonnées géographiques 49° 55′ 38″ N, 1° 05′ 07″ E
Fonction
Franchit Chenal entre l'avant-port et l'arrière-port
Fonction Pont routier D925
Caractéristiques techniques
Type Pont métallique, pont tournant
Longueur 70,5 m
Portée principale 47 m
Largeur 8,60 m
Hauteur 7,113 m
Matériau(x) Fer puddlé et laminé
Construction
Construction 1887-1888
1944-1946 (reconstruction partielle)
Inauguration 1925
Mise en service
(reconstruction partielle)
Architecte(s) Paul Alexandre
Entreprise(s) Société Fives-Lille Cail (mécanisme)
Société des ponts et travaux en fer (tablier et structure)
Historique
Anciens noms Grand Pont
Pont Neuf
Pont qui tourne
Pont du Pollet
Protection  Classé MH (2020)
 Inscrit MH (2017)
Géolocalisation sur la carte : Seine-Maritime
Géolocalisation sur la carte : Normandie
Géolocalisation sur la carte : France

Situation

Le pont Colbert porte la route départementale 925 (D925), il permet de relier le quai du Carénage à l'avenue du Général-Leclerc, dans le quartier populaire du Pollet, en franchissant le chenal qui mène de l'avant-port à l'arrière-port et aux bassins de commerce (le bassin du Canada et le bassin de Paris).

Histoire

Genèse du projet

Le projet d'un pont dans le port de Dieppe pour relier le quartier du Pollet au centre-ville émerge dans les années 1880 dans le cadre de la politique de grands travaux d'améliorations des voies de communication et des ports nationaux initiée en 1878 par Charles de Freycinet (d'où son nom de « plan Freycinet »), alors ministre des Travaux Publics dans le gouvernement de Jules Dufaure, puis lui-même Président du Conseil à partir de [2],[4].

Dieppe fait partie des chantiers prioritaires et le est promulguée une loi sur l'amélioration et l'agrandissement du port, qui débute immédiatement par le percement d'un nouveau chenal de 40 mètres de large au milieu du quartier de pêcheurs du Pollet[4],[5]. 173 immeubles sont détruits et le quartier est désormais coupé en deux, c'est pourquoi en 1883 la municipalité, alors dirigée par Alexandre Anquetin, vote la construction d'un pont tournant pour relier à nouveau les deux rives du chenal[2].

Construction

Panneau « Danger ».

Les travaux du port continuent en 1887 par le creusement des bassins de commerce, puis le pont, dessiné dans un souci d'intégration à son environnement par l'architecte et ingénieur Paul Alexandre, est assemblé en seulement quatre mois en 1888[2]. La superstructure et le tablier sont construits par la société des ponts et travaux en fer, tandis que le mécanisme est l'œuvre de la Société Fives-Lille Cail qui a déjà mis en place trois ans plus tôt celui du pont levant de la rue de Crimée, à Paris[5].

Il est mis en service le après des essais concluants[2],[5]. Avec ses 70,5 mètres de portée, il bat le précédent record de 67 mètres pour un pont tournant détenu depuis 1874 par le pont Victoria dans le port de Leith, en Écosse[5]. Le record ne tient cependant que six mois puisqu'en est ouvert le pont d'Arenc, à Marseille, qui lui ravit la place avec ses 90 mètres de long[5].

Il n'a pas encore de nom officiel et est surnommé Grand Pont, Pont Neuf ou encore Pont qui tourne par les habitants (bien que son voisin le pont Ango, terminé en 1881, soit aussi un pont tournant)[4]. C'est en 1925 qu'il est officiellement inauguré et baptisé Pont Colbert, en hommage à Jean-Baptiste Colbert qui s'était rendu à Dieppe en 1672 et avait déjà fait agrandir le port[2],[5].

La modernisation et la guerre

Entrée du pont en avril 2017.

En 1929, les machines à vapeur sont remplacées par des machines électriques sous la forme de deux pompes de 90 CV[5].

En 1938, des trottoirs en encorbellement sont ajoutés, et la bande centrale supprimée[5].

Le pont est dynamité par l'armée allemande en 1944 en même temps que le pont Ango pendant la bataille de Normandie. Fort heureusement, il reste en grande partie préservé, seule une portion de 12 mètres s'étant effondrée. Le pivot est abîmé mais le reste du mécanisme est intact[5]. Le quai est consolidé par les forces alliées puis la structure perdue est reconstruite à l'identique après la guerre[2] et remise en service en , après deux ans de travaux compliqués par le manque de main-d'œuvre et la pénurie de matières premières[5]. Il devient alors le seul pont tournant du port car le pont Ango est rebâti comme pont basculant[4].

La machinerie centrale est supprimée en 1961, puis en 1980 le platelage en bois d'azobé est remplacé par un caillebotis métallique. Un système de télésurveillance est ajouté en 1986 puis, trois ans plus tard, le centenaire du pont est l'occasion d'une grande fête au cours de laquelle une flamme postale commémorative est éditée[5].

La structure métallique est rénovée en 1999[5].

Le XXIe siècle et la bataille pour la rénovation

Tablier du pont en 2018.

À la fin des années 2000, la démolition du pont et son remplacement par un ouvrage plus moderne sont envisagés puis annoncés par le syndicat mixte du port de Dieppe en 2009. Ce projet provoque une levée de boucliers parmi une partie de la population locale qui se rassemble dans une association, le Comité pour la sauvegarde du pont Colbert, qui adresse une pétition de 4 000 signatures aux autorités et obtient, en 2016, l'inscription du pont à la liste annuelle des sept merveilles européennes les plus en danger de l'association Europa Nostra de défense du patrimoine[6],[7]. Le projet finit par être annulé au profit d'une rénovation[1].

Fin , un avis favorable à l'inscription aux monuments historiques est rendu par la commission régionale du patrimoine et des sites ; inscription signée par la préfète Nicole Klein en [8]. Trois ans et demi plus tard, en , le pont obtient son classement aux monuments historiques décidé à l'unanimité de la commission ; l'arrêté est signé quelques semaines plus tard par Roselyne Bachelot, la ministre de la Culture[9],[10]. Le classement ouvre la voie à l'attribution de fonds publics de l'État pour à la rénovation[3]. Ports de Normandie, propriétaire du pont, œuvre pour étudier sa restauration. Les études ont débuté en 2019 et s'achèveront en 2022. Les travaux de restauration sont attendus pour fin 2022.

Fin 2021 le plan de financement n'est pas bouclé, faute d'une annonce par l’État du montant de sa participation.

Description

Le pont Colbert est une imposante structure de fer puddlé et laminé. Son tablier fait 70,5 mètres de long, dont 47 m de portée au-dessus du chenal. L'ensemble pèse, dans sa version d'origine, 810 tonnes réparties de la manière suivante : 499,5 tonnes pour le tablier, 234,5 tonnes de lest, 40,3 tonnes pour le chevêtre et enfin 36 tonnes pour la partie du mécanisme attachée au tablier. Cette masse totale augmenta en 1938 lorsque furent ajoutés les trottoirs, puis diminua légèrement en 1980 au moment du remplacement du bois d'azobé par un caillebotis métallique[5].

Mécanisme

Le rail de guidage.

Le mécanisme qui permet de faire tourner le pont est hydraulique et utilise tout simplement l'eau du chenal. L'eau est pompée puis le mécanisme est actionné par deux grands vérins qui entraînent une lourde chaîne (constituée de 200 mailles de 14 kg chacune) autour du pivot[5].

Le manœuvre nécessite la présence de deux techniciens : un manœuvrier dans la cabine et un machiniste qui règle la circulation (routière et piétonne) au moyen de feux clignotants et de barrières. Le tout prend entre 2 et 3 minutes, et peut descendre à 90 secondes si nécessaire[5].

L'hiver, afin de prévenir le risque du gel qui pourrait bloquer le mécanisme, le pont a la caractéristique d'utiliser du fumier, doublé en cas de températures très basses (inférieures à −8 °C) par un brasero à coke[5].

Notes et références

  1. Stéphane William Gondoin, « L’avenir du pont Colbert de Dieppe », sur patrimoine-normand.com, (consulté le ).
  2. DM, Léa Pérou, « Dieppe: le Pont Colbert inscrit aux monuments historiques », sur france3-regions.francetvinfo.fr, (consulté le ).
  3. Anne Bertrand, « Le pont Colbert à Dieppe est classé aux Monuments historiques », sur francebleu.fr, .
  4. « Deux ponts et une passerelle », sur dieppe.fr (consulté le ).
  5. « À propos du pont », sur pontcolbert.fr (consulté le ).
  6. Laurent Derouet, « Le pont Colbert de Dieppe enfin classé monument historique », sur leparisien.fr, .
  7. (en) « European experts present report on the rehabilitation of Colbert Bridge in Dieppe, France », sur europanostra.org, .
  8. Veronique Weber, « Le pont Colbert à Dieppe officiellement inscrit aux Monuments historiques », sur lesinformationsdieppoises.fr, .
  9. Arrêté n° 24 du 2 novembre 2020 portant classement au titre des monuments historiques du pont Colbert à Dieppe (Seine-Maritime), page 53
  10. « À Dieppe, le pont Colbert est officiellement classé Monument historique », sur paris-normandie.fr, .

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

  • Portail de la Seine-Maritime
  • Portail des ponts
  • Portail des monuments historiques français
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.