Réacteur à onde progressive

Un réacteur à onde progressive, ou réacteur à onde de combustion, en anglais Traveling Wave Reactor (TWR), est un concept jamais réalisé de réacteur nucléaire qui convertit un isotope fertile en isotope fissile par transmutation nucléaire lors de son fonctionnement.

Simulation numérique d'un réacteur à onde progressive. Rouge : U-238, vert : Pu-239, bleu : zone de forte densité de neutrons

À la différence des réacteurs actuels de type REP ou REB, qui utilisent de l'uranium enrichi, cet hypothétique réacteur convertit lui-même son combustible, qui peut être de l'uranium naturel, de l'uranium appauvri ou du thorium, en produit fissile. Son nom fait référence au fait que les réactions de fission ne sont alors pas réparties dans tout le volume du cœur d'une centrale nucléaire mais ont lieu dans une coque qui se propage du cœur vers l'extérieur.

Historique

Les réacteurs à onde progressive ont été imaginés dans les années 1950 et ont été étudiés sporadiquement depuis. Le concept d'un réacteur qui pourrait produire son propre combustible dans son cœur fut initialement proposé et étudié en 1958 par Saveli Feinberg, qui le nomma « breed-and-burn »[1]. Michael Driscoll publia une recherche supplémentaire sur le concept en 1979[2], puis Lev Feoktistov en 1988[3], Edward Teller et Lowell Wood en 1995[4],[5], Hugo van Dam en 2000[6] et Hiroshi Sekimoto en 2001[7].

Aucun réacteur à onde progressive ne fut construit. Toutefois, en 2006, la société Intellectual Ventures lança le projet TerraPower pour mettre au point et commercialiser une première version de ce type de réacteur. TerraPower est une gamme de réacteurs de faible et moyenne puissance de 300 à 1 000 MW[8]. Bill Gates a fait référence à TerraPower pendant sa conférence TED[9] en 2010.

TerraPower a signé le un accord avec China National Nuclear Corporation (CNNC) pour développer son réacteur à onde progressive. TerraPower, largement financée par Bill Gates, prévoit de construire une centrale de démonstration de 600 MWe, baptisée TWR-P, suivie par des centrales commerciales de 1 150 MWe à la fin des années 2020[10].

Bill Gates, président de la compagnie TerraPower, a annoncé en que le prototype de réacteur à onde progressive de TerraPower sera construit en Chine pour une mise en service prévue en 2024[11].

Début , la coopération de TerraPower avec CNNC a été actée par la création d’une coentreprise, Global Innovation Nuclear Energy Technology Company Ltd, détenue à parts égales par les deux entreprises qui partageront les droits de propriété intellectuelle[12]. Mais fin 2018, les nouvelles réglementations américaines sur les transferts de technologie à destination de la Chine ont forcé TerraPower à renoncer à ce partenariat et à rechercher un autre partenaire, car, selon Bill Gates, les réglementations américaines sont trop restrictives pour permettre de construire le réacteur prototype aux États-Unis[13].

Physique du réacteur

Les publications sur TerraPower[14],[15],[16] décrivent un réacteur de type piscine refroidi au sodium liquide. Le réacteur utilise principalement l'uranium appauvri comme combustible, mais nécessite une petite quantité d'uranium enrichi ou d'une autre matière fissile pour démarrer la réaction de fission. Une partie des neutrons rapides engendrés par les réactions de fission sont absorbés par l'uranium environnant, qui est transmuté en plutonium suivant la réaction :

.

Un cœur de réacteur est donc chargé en matériau fertile et une réaction en chaîne est déclenchée par l'addition localisée d'une petite quantité de matériau fissile. Une fois la réaction démarrée, on distingue quatre parties dans le cœur : une zone appauvrie qui contient des produits de fission et des restes de combustible, la zone où se produit la fission du matériau fertile généré, la zone de surgénération où le combustible fissile est produit par absorption de neutrons par le combustible fertile et la zone source qui contient le matériau fertile intact. Avec le temps la zone de fission progresse en consommant la matière fertile placée devant elle et laissant des restes de combustion derrière elle. La chaleur produite est transformée en électricité par un dispositif à turbine classique.

Combustible

Contrairement aux réacteurs à eau pressurisée, les réacteurs à onde progressive peuvent être, au moment de leur construction, chargés de suffisamment d'uranium appauvri pour produire de l'énergie pendant toute leur durée de vie[16]. Ils consomment substantiellement moins d'uranium que les réacteurs à eau pressurisée par unité d'électricité produite grâce à une combustion de carburant plus élevée, une meilleure efficacité thermique et la densité plus grande du combustible. Un réacteur à onde progressive réalise le retraitement « en passant » sans nécessiter l'usage de réactions chimiques complexes comme dans les surgénérateurs classiques. Cela limite les quantités de matières fissiles en circulation et freine du même coup la prolifération nucléaire[15].

L'uranium appauvri est un sous-produit de l'industrie de séparation isotopique disponible en quantités importantes. En France, le stock s'élevait à 250 000 tonnes en 2009[17]. Comme les autres technologies surgénératrices, les réacteurs à onde progressive permettraient d'augmenter considérablement les ressources en combustible nucléaire.

Voir aussi

Références

  1. (en) S.M. Feinberg, “Discussion Comment”, Rec. of Proc. Session B-10, ICPUAE, United Nations, Geneva, Switzerland (1958).
  2. (en) M.J. Driscoll, B. Atefi, D. D. Lanning, “An Evaluation of the Breed/Burn Fast Reactor Concept”, MITNE-229 (Dec. 1979).
  3. (ru) L.P. Feoktistov, “An analysis of a concept of a physically safe reactor”, Preprint IAE-4605/4, in Russian, (1988).
  4. (en) E. Teller, M. Ishikawa, and L. Wood, “Completely Automated Nuclear Reactors for Long-Term Operation” (Part I), Proc. Of the Frontiers in Physics Symposium, American Physical Society and the American Association of Physics Teachers Texas Meeting, Lubbock, Texas, United States (1995).
  5. (en) Edward Teller, Muriel Ishikawa, Lowell Wood, Roderick Hyde, John Nuckolls,"Completely Automated Nuclear Reactors for Long-Term Operation II : Toward A Concept-Level Point-Design Of A High-Temperature, Gas-Cooled Central Power Station System" (Part II), Proc. Int. Conf. Emerging Nuclear Energy Systems, ICENES'96, Obninsk, Russia (1996) UCRL-JC-122708-RT2.
  6. (en) H. van Dam, “The Self-stabilizing Criticality Wave Reactor”, Proc. Of the Tenth International Conference on Emerging Nuclear Energy Systems (ICENES 2000), p. 188, NRG, Petten, Netherlands (2000).
  7. (en) H. Sekimoto, K. Ryu, and Y. Yoshimura, “CANDLE: The New Burnup Strategy”, Nuclear Science and Engineering, 139, 1–12 (2001).
  8. (en) K. Weaver, C. Ahlfeld, J. Gilleland, C. Whitmer and G. Zimmerman, “Extending the Nuclear Fuel Cycle with Traveling-Wave Reactors”, Paper 9294, Proceedings of Global 2009, Paris, France, September 6–11, (2009).
  9. (en) Innovating to zero!, Bill Gates TED. Consulté le .
  10. (en)TerraPower, CNNC team up on travelling wave reactor, World Nuclear News, 25 septembre 2015.
  11. (en)Bill Gates is pushing a new clean energy — and it's not solar or wind, TechInsider, 25 avril 2016.
  12. Bill Gates et la Chine s’allient pour développer les réacteurs du futur, SFEN, 7 novembre 2017.
  13. Bill Gates' nuclear venture hits snag amid U.S. restrictions on China deals: WSJ, Reuters, 1er janvier 2019.
  14. (en) R. Michal and E. M. Blake, “John Gilleland: On the traveling-wave reactor”, Nuclear News, p. 30–32, September (2009).
  15. M. Wald, « 10 Emerging Technologies of 2009: Traveling-Wave Reactor », MIT Technology Review,
  16. « Gilleland, John »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?) (consulté le ) (2009-04-20). « [« http://www.nuc.berkeley.edu/node/1077 »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?) (consulté le ) TerraPower, LLC Nuclear Initiative] » , University of California at Berkeley, Spring Colloquium. Consulté le October 2009.
  17. ANDRA, “Inventaire national des matières et déchets radioactifs 2009”
  • Portail de l’énergie
  • Portail du nucléaire
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.