Renaud Victor

Marcel Louis Victor Renaud[1] (dit Renaud Victor, du nom de son grand-père maternel) naît à Paris le 4 mai 1946. Son demi-frère, Charles, est autiste[2]. Il est très jeune lorsque son père quitte le foyer familial[3].

Il fréquente beaucoup les salles obscures dans sa jeunesse, avant de partir vivre trois ans au Dahomey aux côtés de son père adoptif militaire[4]. Quoique ne se jugeant pas « cinéphile », il confie en 1984 avoir été particulièrement inspiré par trois films : Les Amants de la nuit de Nicholas Ray, Baby Doll, et La Fièvre dans le sang d'Elia Kazan[5].

De retour en France en 1961, alors qu'il a 15 ans, aucun établissement scolaire ne l'admet[4]. Il intègre une classe de fin d'études, débouchant sur un centre d'apprentissage[4]. Devenu plombier, puis pompiste[6], il suit à partir de 1969[7], en auditeur libre, des cours de sociologie, d'ethnologie et d'études cinématographies au centre universitaire de Vincennes, et est proche des milieux maoïstes[8].

Après avoir vu Le Moindre Geste, qui le laisse « impressionné et bouleversé », il entre en contact avec son réalisateur, Fernand Deligny[4]. Entre 1972 et 1975, il s'intéresse au lieu de vie de jeunes autistes sous la responsabilité de Deligny à Monoblet[5]. Il s'installe aussi près de Monoblet et loue avec une amie une maison où il accueille un enfant autiste[4] ; devenu « gardois d'adoption »[5], il s'installe longtemps dans ce département[9].

Devant à Deligny une « rupture radicale » avec son idée initiale du cinéma et « une certaine forme de société »[4], promouvant désormais un cinéma « du réel », il tire de l'initiative de celui-ci Ce gamin, là, film expérimental évoquant le cas de Janmari : il rencontre un succès d'estime[5] — Jacques Siclier jugeant par exemple dans Le Monde qu'il « révèle l'essentiel » quant au mode de vie de ces jeunes autistes, avec un résultat « beau, émouvant, sensible »[6]. Aidé sur le plan de la production par François Truffaut, qui obtient des coupes claires et un changement de titre[8], il est formé par Richard Copans (qui devient un proche ami[7]^,[2]) à la maîtrise de la caméra.

En 1980, il donne avec Hé ! Tu m'entends ? une enquête (basée sur un ouvrage de Charly Boyadjian[7]) sur le milieu ouvrier à Grenoble qui convoque sa femme Monique Parelle[10] et leur fils Cyril[8], et qui, restant boudée par le public[5], suscite cette fois la sévérité de la critique[2]. Dans Le Meilleur de la vie (1985), qu'il juge « capital », il campe (pour la première fois avec des acteurs professionnels) l'histoire d'un couple amoureux mais miné par les « contingences extérieures »[5]. En dépit de sa « flamme », le tournage pâtit de conflits au sein de l'équipe et d'un budget faible[2]. C'est, selon Édouard Waintrop, un nouvel échec[7].

Il est ensuite directeur de production de plusieurs longs métrages, pour la société Les Films du passage fondée par Copans[7]. Il participe aussi au collectif Cinélutte, cofondé par le même[8]. En parallèle, il forme plusieurs projets d'adaptations avec Deligny, comme Rue de l'Oural (sur une expérience théâtrale durant les années 1950) ou Peau d'argile (dont l'intrigue se déroule à la Préhistoire). Vers 1989, il filme Fernand Deligny, à propos d'un film à faire, qui donne la parole à l'éducateur alors dans ses dernières années, à propos du rapport entre images et mots[2].

Avec l'aide d'un journaliste de Libération, il retrouve ensuite un détenu évadé, Jean-Yves Beck[2], avec lequel il sympathise et qu'il convainc de se rendre pour purger sa peine et pouvoir ensuite se réinsérer[7]. Il projette un documentaire inabouti, Un homme de trop[3]. Mais cela l'amène à fréquenter la prison des Baumettes, où il filme sa dernière réalisation, De jour comme de nuit (1991), qui traite de l'enfermement à travers un documentaire sur le monde carcéral[11]. En « immersion totale », il n'hésite pas à dormir dans une cellule, seul ou en compagnie de prisonniers[3].

Peu après avoir achevé de réaliser De jour comme de nuit[8], il se trouve « physiquement épuisé »[2]. Il meurt à Avignon le 3 octobre 1991[12], âgé de 45 ans, des suites d'un cancer foudroyant déclaré trois mois auparavant[7]. Il ne peut adapter Yanoama, l'autobiographie d'Ettore Biocca, comme il le projetait[3].

Il repose au cimetière de Monoblet[8].