Saïd Bouteflika
Saïd Bouteflika (en arabe : سعيد بوتفليقة, en berbère : ⵙⵄⵉⴷ ⴰⵠⵓⵜⴼⵉⵇⴰ), né le à Oujda (Maroc), est un universitaire et un homme politique algérien.
سعيد بوتفليقة
ⵙⵄⵉⴷ ⴰⵠⵓⵜⴼⵉⵇⴰ
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Abdelaziz Bouteflika (frère) |
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Maître-assistant à l'Université des sciences et de la technologie Houari-Boumédiène (USTHB), il est le frère et conseiller spécial d'Abdelaziz Bouteflika dans ses anciennes fonctions de président de la République algérienne démocratique et populaire, sur qui il aurait eu « une influence considérable »[1], notamment après que le président ait été victime en 2013 d'un grave accident vasculaire cérébral.
Le , un mois après la démission de son frère, dans le contexte des manifestations de 2019 en Algérie, il est arrêté et incarcéré provisoirement à la prison militaire de Blida en attente de son procès. Le , il est condamné à quinze ans de prison pour « atteinte à l'autorité de l'armée » et « complot contre l'autorité de l'État » puis finalement acquitté le .
Il reste incarcéré pour corruption dans le cadre des affaires Haddad, Louh mais aussi du financement de la campagne électorale pour le cinquième mandat présidentiel de son frère[2], affaire pour laquelle il est condamné à huit ans de prison en juin 2022.
Biographie
Enfance
Saïd Bouteflika naît en 1958 à Oujda au Maroc, alors base de la Wilaya V, au début de l’ascension de son frère Abdelaziz, alors âgé de vingt ans, auprès de Houari Boumédiène, qui atteint au même moment la tête de la wilaya. Il est le dernier d'une fratrie de neuf[3].
Son père Ahmed[réf. nécessaire] meurt alors qu'il a un an, il est donc élevé par sa mère (qui tient un hammam), sous la tutelle de son frère Abdelaziz, et par là de Houari Boumédiène qui prend le pouvoir par un coup d'État en 1965. Il est élève au collège Saint-Joseph des Frères des écoles chrétiennes, à El-Biar (Alger), puis au lycée tenu par les jésuites, comme certains fils de dirigeants[1], avant la fermeture définitive de ces établissements.
Exil et retour
Diplômé de l'École nationale polytechnique d'Alger[4], il arrive à Paris en 1983 afin de préparer un doctorat en informatique[1]. Son frère, évincé de la succession de Boumédiène, le rejoint, accusé de détournement de fonds[1]. Saïd Bouteflika est titulaire d'un doctorat de troisième cycle de l'université Pierre-et-Marie-Curie (Paris VI). Son principal centre d'intérêt est la reconnaissance des formes, domaine dans lequel il soutient sa thèse[5].
En 1987, les Bouteflika peuvent retourner en Algérie, et Saïd suit son frère[1]. Il devient enseignant et militant syndicaliste universitaire. Il épouse une biologiste. À El Biar, il vit à un étage de son frère[3].
Conseiller spécial
En 1999, alors que son frère Abdelaziz est élu président, il est nommé conseiller spécial par un décret non publiable ; il s'occupe officiellement du service informatique[1]. Effacé jusque-là face à d'autres membres du cabinet comme Ali Benflis ou Larbi Belkheir, Saïd Bouteflika évince le premier en 2003 et le second en 2005[1]. Il gère les campagnes de réélection de son frère en 2004 et 2008, et commence à être présenté comme un successeur potentiel ; il échoue à se faire nommer vice-président[6].
En 2005, Abdelaziz Bouteflika est hospitalisé à Paris pour un ulcère, qui le contraint à ralentir ses activités ; l'importance de Saïd croît. D'après un habitué d'El Mouradia interrogé par Jeune Afrique, « il tient l'agenda du chef de l'État, intervient dans les nominations de ministres, de diplomates, de walis [préfets], de patrons d'organismes publics, et influe sur la vie interne du FLN. Devenu incontournable pour accéder au président, le conseiller spécial prend de facto la direction des affaires à El-Mouradia. »[1]
En 2008, il participe à la réélection de son frère, faisant pression sur des hommes d'affaires pour qu'ils financent la campagne, et fait en sorte que des marchés publics soient confiés à des proches[3]. Un câble américain de cette année-là, révélé par Wikileaks, indique que pour Bernard Bajolet, « La corruption, qui remonte jusqu’aux frères de Bouteflika [Saïd et Abdallah], a atteint un nouveau sommet et interfère dans le développement économique »[7]. Peu de temps après, plusieurs scandales de corruption éclatent, où son nom est cité, peut-être à l'instigation du DRS[8].
En 2013, Abdelaziz Bouteflika est hospitalisé au Val-de-Grâce, à Paris. Pour Jeune Afrique, Saïd Bouteflika reste seul au chevet de son frère, filtrant les accès, donnant des instructions sur la gestion de la crise au Premier ministre Abdelmalek Sellal, qui doit attendre 46 jours pour voir le président[9],[3]. Le Matin affirme même que Saïd Bouteflika a signé lui-même sept décrets de nomination en lieu et place de son frère, et qu'il bloque les autres nominations[10]. Dans le même temps, il intervient dans la crise qui secoue le FLN afin d'imposer un proche comme secrétaire général, puis dans le remaniement ministériel consécutif[11],[12]. Le journaliste et ancien capitaine du DRS Hichem Aboud, qui révèle la gravité de l'état du président, accuse Saïd Bouteflika de « dirige[r] le pays par procuration », d'avoir « trempé dans beaucoup d’affaires de corruption » et de l'avoir fait persécuter pour le faire taire[13].
En octobre de la même année, les rumeurs de succession entre les frères reprennent[14], alors que les manœuvres qui l'opposent au DRS et à son chef, le général Toufik, se poursuivent[15],[16]. Cette guerre politique se manifeste notamment par une nouvelle attaque d'Hichem Aboud qui accuse Saïd Bouteflika de corruption massive et de trafic de drogue, mais également d'homosexualité, qui est illégale en Algérie[17],[18].
Diminué et quasi-paralysé, Abdelaziz Bouteflika se porte finalement candidat à un quatrième mandat lors de l'élection présidentielle algérienne de 2014 et l’emporte, dès le premier tour. Peu de temps après l'élection, alors que son frère est toujours aussi peu visible, des rumeurs de velléités de Saïd de lui succéder se font à nouveau jour[19],[20]. En novembre, un de ses proches[21], l'homme d'affaires Ali Haddad, est le seul candidat à la tête du Forum des chefs d'entreprises[22].
En , le président Bouteflika met fin aux fonctions du général Toufik[23].
Pour Frédéric Pons, Saïd Bouteflika prépare la succession de son frère en se rapprochant des islamistes modérés avec qui il cherche à donner une large assise populaire à la nouvelle équipe qui prendra en main le pays[24].
Le , Saïd Bouteflika surprend en venant soutenir les manifestants qui protestent contre le traitement réservé à Rachid Boudjedra par la chaîne Ennahar TV[25]. Il est hué et exclu de la manifestation[26].
À l'été 2017, pour Le Matin d'Algérie, Saïd Bouteflika est le mieux placé pour succéder à son frère en 2019, mais un tel événement susciterait un tollé[27]. Le nom de l'ancien ministre Chakib Khelil est également cité[28].
Manifestations de 2019 et condamnation
Événements de mars 2019
Le , dans le contexte du Hirak, Saïd Bouteflika, Athmane Tartag, Mohamed Mediène et Louisa Hanoune se réunissent dans une résidence militaire pour décider du renvoi du chef de l'armée, Ahmed Gaïd Salah, et le maintien de Bouteflika en échange de la nomination d'un nouveau Premier ministre chargé de mettre en place la transition promise mi-mars. Après avoir hésité sur le nom du Premier ministre, ils choisissent l'ancien président de la République Liamine Zéroual, qui décline après avoir accepté, invoquant des raisons de santé et le refus du plan par les manifestants[29].
Détention provisoire
Le soir du , après la démission forcée de son frère de la présidence de la République sous la pression de la rue et de l'armée, Saïd Bouteflika aurait été placé[30] en résidence surveillée[31]. Le , il est arrêté puis placé en détention provisoire pour « atteinte à l'autorité de l'Armée » et « complot contre l'autorité de l'État », en même temps que les anciens patrons du renseignement Athmane Tartag et Mohamed Mediène[32],[33].
Bien que contraint de porter un uniforme de prisonnier, Saïd Bouteflika bénéficie cependant de meilleures conditions de détention que les autres personnalités emprisonnées à la prison d'El-Harrach, ayant notamment le droit de lire les journaux[34].
Le procès a lieu le [35]. Saïd Bouteflika a été jugé en compagnie d'autres accusés[36], Louisa Hanoune, secrétaire général du Parti des travailleurs, Mohamed Mediène, ancien patron du Département du Renseignement et de la Sécurité et Athmane Tartag, ancien coordinateur des services de sécurité (CSS).
Procès au tribunal militaire de Blida
Lors du procès, Saïd Bouteflika a rejeté la compétence du tribunal militaire à le juger et a refusé de répondre aux questions du juge. Il a alors demandé à quitter la salle et le juge l’y a autorisé[37].
Lors du deuxième jour du procès, le procureur général du tribunal militaire de Blida a requis une peine de prison de 20 ans à l'encontre de tous les accusés[38]. Au troisième jour, le juge prononce une peine de 15 ans de prison à l'encontre de Saïd Bouteflika, pour « complot avec des réunions » visant à « porter atteinte à l’autorité de l’État et de l’Armée »[39].
Le , il fait appel du verdict[40]. Le procès en appel de Saïd Bouteflika, Athmane Tartag, Mohamed Mediène et Louisa Hanoune se tient devant la Cour d'appel militaire de Blida à partir du [41]. Sa peine de 15 ans de prison est confirmée[42].
Le , après un pourvoi en cassation, il est acquitté par la Cour d'appel militaire de Blida[43].
Financement de la campagne électorale pour le cinquième mandat présidentiel d'Abdelaziz Bouteflika
Dans le cadre du financement de la campagne électorale de son frère, il est poursuivi pour « enrichissement illicite, abus de fonction, dissipation de produits de crime et blanchiment d'argent » et condamné le 6 juin 2022 à une peine de 8 ans de prison[44].
Notes et références
- Farid Alilat, « Saïd Bouteflika : Mister mystère », sur jeuneafrique.com, (consulté le )
- « Algérie : la nouvelle vie du détenu VIP Saïd Bouteflika à El Harrach », sur jeuneafrique.com, (consulté le ).
- Mireille Duteil, « Saïd Bouteflika, l'énigme algérienne », Le Point, 28 mars 2014
- « Algérie: Abdelaziz Bouteflika et les siens », L'Express, (lire en ligne, consulté le ).
- Résumé de la thèse de Saïd Bouteflika
- Farid Alilat, « Algérie : la diplomatie américaine s'intéresse au frère de Bouteflika », Dernières nouvelles d'Algérie repris par Rue89, 05/09/2011
- WikiLeaks. Les frères Bouteflika sont des «rapaces», Gaïd Salah «corrompu» et le Général Toufik qui sait tout sur algerie-focus.com
- Marie Verdier, « Mohammed Hachemaoui: «Le service de renseignement détient tous les leviers du pouvoir en Algérie» », La Croix, 01/10/2013
- « Algérie : quand Saïd Bouteflika orchestre le silence présidentiel », Jeune Afrique, 20/05/2013
- Abubakr Diallo, « Algérie : le frère de Bouteflika soupçonné de signer des décrets », Afrik.com, 08/06/2013
- Farid Aillat, Algérie : Bouteflika forever..., JA.com, 07/10/2013
- « Fin d’un règne mouvementé et incertitudes sur l’avenir politique », challenge.ma, 27 septembre 2013
- Alain Jourdan, «Saïd Bouteflika veut me faire taire. Il n’y arrivera pas», La Tribune de Genève, 19/09/2013
- Kamel Daoud, « Comment l’Algérie a-t-elle pu devenir une monarchie ? », Algérie-Focus, 19/10/2013
- Ihsane El Kadi, « Présidentielle : l’armée algérienne divisée, Bouteflika veut peser sur les choix », Algérie-Focus, 28/07/2013
- Mohamed-Chérif Lachichi, « Le DRS avait prévenu Bouteflika », Liberté, 04/06/2013
- Algérie. Une ambiance explosive, courrierinternational.com, 7/03/2014 issus de David Porter, counterpunch.org
- Guerre politique en Algérie : Saïd Bouteflika répond à Hicham Aboud, afrik.com, 11 février 2014
- Saïd F. pour Tamurt.info, « Saïd Bouteflika se prépare-t-il à succéder à son frère ? », 7 août 2014 et « Tout est fait pour oublier la maladie de Bouteflika », 5 août 2014
- Kamel Daoud, « Guide de l’Algérie pour visiteur étranger : Discussion autour du cheval de l’Emir », 21 octobre 2014
- Yacine Omar, « Ali Haddad : “Oui, je suis proche des responsables militaires et civils” », Algérie focus, 14 novembre 2014
- Ali Titouche, « Présidence du FCE : Ali Haddad boucle sa campagne », El Watan, 24 novembre 2014
- AFP, « Bouteflika remercie Toufik, le puissant chef du renseignement algérien », sur www.lalibre.be (consulté le )
- Frédéric Pons, « L'inquiétant héritage de Bouteflika », Conflits, no 13, janv.-mars 2017, p. 13-16
- Mesbah Salim, « Le coup politique de Saïd Bouteflika », El Watan, 5 juin 2017
- Ali Attar, « Algérie : Saïd Bouteflika exclu du rassemblement contre Ennahar TV » Afrik.com, 3 juin 2017
- Ahcène Bettahar, « Se dirige-t-on droit vers le pire des scénarios en 2019 ? », Le Matin, 23 août 2017
- Jean-Louis Tremblais, « Abdelaziz Bouteflika, un président en pointillé », Le Figaro Magazine, semaine du 1er décembre 2017, page 32.
- Adlène Meddi, « Ce que révèle le « procès du siècle » : les 7 derniers jours de Bouteflika », sur Le Point (consulté le )
- « Au sommet de l’État, la « bande » dénoncée par Gaid Salah est hors d'inquiétude », sur TSA, (consulté le )
- Nicolas Beau, « Saïd bouteflika Algérie, Said Bouteflika en résidence surveillée », sur Mondafrique, (consulté le )
- Le Point Afrique, « Algérie : Saïd Bouteflika a été arrêté », 4 mai 2019
- Athmane Tartag, Mohamed Mediène et Said Bouteflika placés en détention provisoire à Blida, agence APS, 5 mai 2019.
- « Algérie – Abdelaziz Bouteflika : l’exil intérieur – JeuneAfrique.com », sur JeuneAfrique.com (consulté le )
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- « Les avocats de S. Bouteflika, Hanoune et, des généraux Tartag et Toufik interjettent appel du jugement - Algérie360.com » (consulté le )
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- Adlène Meddi, « Algérie : 15 ans de prison pour Saïd Bouteflika et ses co-accusés », sur Le Point, lepoint.fr, (consulté le ).
- Acquittement de Saïd Bouteflika, Mediène, Tartag et Hanoune, site aps.dz, 2 janvier 2021.
- Affaire de la chaîne de télévision "Istimraria" : 8 ans de prison pour Said Bouteflika, site elwatan-dz.com, 6 juin 2022.
Voir Aussi
Liens externes
- Archives de l’université Pierre-et-Marie-Curie.
- « Monsieur frère », Jeune Afrique, no 2742 du au .
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