Statistiques directionnelles

Les statistiques directionnelles (qui incluent les statistiques circulaires et sphériques) sont une discipline des statistiques qui fournit des outils mathématiques pour traiter les observations angulaires, les directions (vecteurs unités dans Rn) ou les rotations de Rn. Plus généralement, les statistiques directionnelles traitent les observations dans des variétés riemanniennes compactes. Gaile et Burt[1] ont posé les premières bases et outils de cette discipline en 1980.

La forme globale d'une protéine peut être représentée par un groupe de points situés sur la sphère unité. L'image ci-dessus illustre l'histogramme sphérique de ces points pour un ensemble de protéines. Le traitement de telles données est le domaine des statistiques directionnelles.[2]

On constate que les outils statistiques usuels ne fonctionnent pas correctement sur des angles : par exemple, il serait absurde que la moyenne d'un angle de 2 degrés et d'un angle de 358 degrés soit un angle de 180 degrés, puisque 0 et 360 degrés correspondent au même angle. Cela illustre la nécessité d'outils statistiques spécifiques à l'étude de données cycliques, comme les angles, mais aussi les périodes répétées (jours de la semaines, mois de l'année, etc.). Le même problème se pose pour des données qui représenteraient des angle dièdres ou des rotations en géométrie 3D, par exemple dans l'étude de la structure des molécules.

Distributions circulaires

Une distribution circulaire représente une variable aléatoire prenant ses valeurs sur un cercle. On considère généralement son paramètre θ comme un angle compris entre 0 et 2 π ou entre -π et π.

Distributions circulaires à densité

Toute fonction de densité de probabilité définie sur R peut être enroulée sur un cercle-unité[3] : la fonction de densité de la variable angulaire est la somme de toutes valeurs f (x) où la valeur de x correspond à l'angle θ, soit :

.

Ce concept peut être étendu à une variable à n composantes θ en sommant n fois sur chaque dimension.

,

où les ek sont les vecteurs de la base canonique.

Voici quelques distributions circulaires courantes.

Distribution circulaire uniforme

Dans cette distribution, chaque angle est équiprobable : la densité de probabilité de la distribution circulaire uniforme est

avec .

Distribution normale enroulée

La densité de probabilité correspondant à une loi normale enroulée (notée WN pour wrapped normal distribution) selon le procédé décrit ci-dessus est :

,

μ et σ sont respectivement la moyenne et l'écart-type de la distribution normale sous-jacente.

On peut également l'écrire au moyen de la fonction thêta de Jacobi :

.

Distribution de Cauchy enroulée

La densité de probabilité correspondant à une loi de Cauchy enroulée (notée WC pour wrapped Cauchy distribution) est :

,

θ0 est le paramètre de position (c'est-à-dire l'angle correspondant au pic de densité) et a le paramètre d'échelle de la distribution.

Distribution de Lévy enroulée

La densité de probabilité correspondant à une loi de Lévy enroulée (notée WL pour wrapped Lévy distribution) est :

,

en considérant comme nulles les valeurs du terme de la somme pour lesquelles , où μ est le paramètre de position et c le paramètre d'échelle de la distribution.

Distribution circulaire de von Mises

Contrairement aux distributions enroulées vues plus haut, la distribution de von Mises est définie directement sur un cercle. Elle est donc particulièrement utile en statistiques circulaires car le calcul de sa fonction de densité ne fait pas intervenir de somme infinie. Si on peut la considérer comme une version enroulée d'une fonction de distribution sur R, il n'existe pas de formule fermée pour cette distribution.

Elle possède des paramètres similaires à la loi normale : une moyenne μ et une concentration κ dont l'inverse 1/κ est analogue à la variance σ2 d'une loi normale, ce qui amène parfois à la qualifier de "loi normale circulaire"[4]. Elle est également une bonne approximation de la loi normale enroulée. Sa fonction de densité est donnée par :

,

I0 est la fonction de Bessel modifiée d'ordre 0.

À noter que la loi circulaire uniforme est un cas particulier de la loi de von Mises pour κ = 0.

Distributions sur des variétés de dimensions supérieures

Il existe des distributions définies sur une sphère (surface de dimension 2), par exemple la loi de Kent[5], ou plus généralement sur une N-sphère comme la loi de von Mises-Fischer (en)[6], sur un tore (loi de von Mises bivariée) ou sur une variété de Stiefel (loi de von Mises-Fischer matricielle (en)).

La loi de Bingham est une distribution sur les droites passant par l'origine en dimension N, ou de manière équivalente, sur un hémisphère de la (N - 1)-sphère, ou encore une (N - 1)-sphère dont les points antipodaux sont identifiés.[7] Par exemple, une loi de Bingham pour N = 2 peut représenter une distribution de droites non orientées passant par l'origine dans le plan (chaque droite coupant le cercle-unité, c'est-à-dire la 1-sphère, en deux points diamétralement opposés). Pour N = 4, c'est une distribution sur la 3-sphère des quaternions unitaires, ce qui correspond à une représentation des rotations en dimension 3. Cela permet d'utiliser cette distribution sur l'espaces des rotations en 3D.

Ces distributions sont utilisés par exemple en géologie[8], en cristallographie[9] ou bien en bio-informatique pour l'étude de la structure des protéines[10].

Moments

Les moments bruts (ou trigonométriques) d'ordre n d'une distribution circulaire f sont définis par

,

avec z = e et Γ un intervalle quelconque de longueur 2π.

Puisque l'intégrale de f sur Γ est nécessairement égale à 1, et que l'on intègre toujours sur un intervalle fini, les moments d'une distribution circulaire existent toujours et prennent une valeur finie.

On définit de même les moments d'un échantillon de taille N :

.

Le moment d'ordre n est un nombre complexe dont on considère souvent le module Rn = | mn | (toujours compris entre 0 et 1) et l'argument θn = Arg(mn). On note souvent R le module R1 du moment d'ordre 1.

Mesures de tendances et dispersion

Il existes des mesures de tendance centrale et de dispersion pour une distribution circulaire ou pour un échantillon tiré de cette distribution.

Moyenne circulaire

La mesure la plus courante de tendance centrale est la moyenne circulaire (en), c'est-à-dire le moment d'ordre 1 de la distribution (ou de l'échantillon). La moyenne circulaire de l'échantillon étant un estimateur sans biais de l'espérance de la distribution. On peut, si la population est suffisamment concentrée sur un support étroit, définir une médiane et un mode de la même manière que pour le cas linéaire.

Dispersion

Les mesures de dispersions les plus utilisés sont :

  • La variance circulaire, définie comme pour un échantillon ou une distribution. La variance sera toujours comprise entre 0 et 1.
  • L'écart-type circulaire . La valeur de l'écart-type est comprise entre 0 et +∞. Cette définition de l'écart-type circulaire, contrairement à l'écart-type linéaire (défini comme la racine carrée de la variance) permet d'obtenir un estimateur de l'écart-type de la distribution sous-jacente dans le cas d'une distribution normale enroulée ou d'une distribution de von Mises.
  • La dispersion circulaire dont les valeurs sont entre 0 et +∞.

Notes et références

  1. Directional Statistics, Concepts and Techniques in Modern Geography, 25, 1980, http://www.qmrg.org.uk/files/2008/11/25-directional-statistics.pdf
  2. Thomas Hamelryck, John T. Kent et Anders Krogh, « Hamelryck, T., Kent, J., Krogh, A. (2006) Sampling realistic protein conformations using local structural bias. PLoS Comput. Biol., 2(9): e131 », PLOS Computational Biology, vol. 2, no 9, , e131 (PMID 17002495, PMCID 1570370, DOI 10.1371/journal.pcbi.0020131, Bibcode 2006PLSCB...2..131H)
  3. (en) Bahlmann, Claus, « Directional features in online handwriting recognition », Pattern Recognition, no 36, , p. 115-125 (lire en ligne)
  4. N. I. Fisher, Statistical analysis of circular data, Cambridge University Press, (ISBN 0-521-35018-2 et 978-0-521-35018-1, OCLC 26256299, lire en ligne)
  5. (en) John T. Kent, « The Fisher-Bingham Distribution on the Sphere », Journal of the Royal Statistical Society: Series B (Methodological), vol. 44, no 1, , p. 71–80 (ISSN 2517-6161, DOI 10.1111/j.2517-6161.1982.tb01189.x, lire en ligne, consulté le )
  6. Ronald Aylmer Fisher, « Dispersion on a sphere », Proceedings of the Royal Society of London. Series A. Mathematical and Physical Sciences, vol. 217, no 1130, , p. 295–305 (DOI 10.1098/rspa.1953.0064, lire en ligne, consulté le )
  7. Christopher Bingham, « An Antipodally Symmetric Distribution on the Sphere », The Annals of Statistics, vol. 2, no 6, (ISSN 0090-5364, DOI 10.1214/aos/1176342874, lire en ligne, consulté le )
  8. (en) David Peel, William J Whiten et Geoffrey J McLachlan, « Fitting Mixtures of Kent Distributions to Aid in Joint Set Identification », Journal of the American Statistical Association, vol. 96, no 453, , p. 56–63 (ISSN 0162-1459 et 1537-274X, DOI 10.1198/016214501750332974, lire en ligne, consulté le )
  9. N. C. Krieger Lassen, D. Juul Jensen et K. Conradsen, « On the statistical analysis of orientation data », Acta Crystallographica Section A Foundations of Crystallography, vol. 50, no 6, , p. 741–748 (ISSN 0108-7673, DOI 10.1107/S010876739400437X, lire en ligne, consulté le )
  10. (en) John T Kent et Thomas Hamelryck, « Using the Fisher-Bingham distribution in stochastic models for protein structure. », Quantitative Biology, Shape Analysis, and Wavelets, vol. 24, no 1, , p. 57-60 (lire en ligne)
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