The Beatles: Get Back

The Beatles: Get Back est un documentaire musical américano-britannico-néo-zélandais en trois épisodes réalisé par Peter Jackson. Diffusé en primeur entre le et le sur la plate-forme Disney+, il est tiré de près de 60 heures d'images inédites et 150 heures d'audio[n 1], tournées et enregistrées entre le 2 et le 31 janvier 1969 par Michael Lindsay-Hogg, sur les plateaux de cinéma de Twickenham à Londres, ainsi que dans le studio de fortune de la compagnie Apple Corps, lors des séances de répétitions et d'enregistrements des Beatles, ponctuées par leur ultime concert, à peine public, sur le toit de leur immeuble. L'album Let It Be et le film homonyme, sortis en 1970, en étaient tirés.

Pour les articles homonymes, voir Get Back (homonymie).

The Beatles: Get Back

Logo du documentaire.

Genre Documentaire musical
Création Peter Jackson
Participants George Harrison
John Lennon
Paul McCartney
Ringo Starr
Billy Preston
Musique The Beatles
Pays États-Unis
Royaume-Uni
Nouvelle-Zélande
Production
Durée 2 h 37 min + 2 h 53 min + 2 h 18 min
= 7 h 47 min.
Production Walt Disney Pictures
Apple Corps
WingNut Films
Diffusion
Diffusion Disney+
Date de première diffusion 25, 26 et
Site web disneyplusoriginals.disney.com/movie/the-beatles-get-back

Cette mini-série en trois parties, dont la durée frise les huit heures, reprend le titre d'origine du projet et veut prendre le contrepied de ce que Lindsay-Hogg avait décidé d'accentuer dans le choix du montage sur un peu plus de 80 minutes : les déboires du groupe phare des années 1960 en train de se disloquer. Selon Peter Jackson, « la réalité est très différente du mythe » et l'ambiance n'était pas aussi malsaine qu'on l'a longtemps cru. De fait, le documentaire montre bien quatre musiciens qui restent très amis, collaborant pour faire évoluer chaque composition, créant leur musique dans une ambiance qui devient excellente après le départ des studios de Twickenham pour celui, plus intime, du sous-sol d'Apple Corps et l'arrivée de Billy Preston aux claviers pour les accompagner. Toutefois, jusqu'à la dernière minute, le groupe n'arrive pas à se mettre d'accord sur la finalité de son projet, ce qui occasionne d'interminables discussions, et tous les éléments qui vont mener à la séparation des Beatles plus tard dans l'année sont notables dans ce documentaire qui est présenté chronologiquement, sous forme de calendrier égrenant un jour après l'autre au début de chaque « chapitre ». Le concert de 42 minutes donné sur le toit de l'immeuble de Savile Row, le 30 janvier 1969, y est notamment montré dans son entier en écran divisé.

D'un point de vue musical, ces séances sont extrêmement prolifiques puisqu'on y voit le groupe créer, répéter et enregistrer en 21 jours, outre toutes les chansons de Let It Be, l'essentiel de celles qui figureront dans Abbey Road, et plusieurs morceaux qui apparaîtront sur les albums de Harrison, McCartney et Lennon après la séparation du groupe.

Histoire

Les dernières séances ont eu lieu au 3 Savile Row, dans le nouveau studio du groupe, et où le concert sur le toit s'est déroulé le 30 janvier 1969.

À peine deux mois et demi après la fin des séances d'enregistrement de l'Album blanc, le groupe s’attelle déjà à un nouveau projet[1]. À l'initiative de Paul McCartney, il est planifié de produire une émission de télévision dans laquelle on verrait le groupe jouer certaines chansons de leur album double. Comme le tournage ne peut se faire assez rapidement, on choisit plutôt d'effectuer un retour aux sources vers une production épurée et surtout live en studio comme lors de l'enregistrement de Please Please Me, leur premier album. Contrairement à cet opus, qui reprenait plusieurs chansons déjà bien rodées de leur répertoire de scène incluant six reprises, les chansons de ce prochain album sont nouvelles. Les trois compositeurs du groupe en ont apporté beaucoup, puisque outre les douze qui finiront sur Let It Be un an plus tard, ils abordent aussi des ébauches de celles qui figureront sur Abbey Road et d'autres qui apparaîtront sur leurs albums solos après la séparation du groupe. Il va s'agir de répéter tout ce matériel et d'aboutir à un concert télévisé où les chansons seront jouées en direct. Le groupe espère pouvoir écrire des chansons lors de ces répétitions mais seule Get Back y est créée de toute pièces. Cette chanson donnera son titre aux trois ébauches de l'album du producteur Glyn Johns qui seront toutes rejetées[2]. Une de ces tentatives sera incluse dans la réédition de l'album Let It Be en 2021 avec sa pochette proposée, un pastiche de leur premier album britannique.

Mais le groupe a beaucoup de mal à se mettre d'accord sur la nature même de cet éventuel concert. L'horaire matinal des séances et l'ambiance froide du studio Twickenham où commencent les répétitions le 2 janvier 1969 rendent la tâche difficile et le groupe perd de sa cohésion en la présence constante de Yoko Ono, la muse bientôt épouse de John Lennon, mais aussi sous l'œil des caméras et les microphones de Michael Lindsay-Hogg qui tournent en continu ; exaspéré, George Harrison quitte même le groupe pour quelques jours[2]. Le guitariste revient à condition de changer le lieu des répétitions et d'abandonner l'idée d'un concert. Le claviériste américain Billy Preston, de passage en Angleterre, est invité à participer aux enregistrements et sa présence apporte énormément au groupe, musicalement et humainement.

Les répétitions et l'enregistrement des chansons, qui aboutiront sur l'album Let It Be, se déplacent dans leur nouveau studio au sous-sol des bureaux d'Apple Corps, la compagnie des Beatles, et sur le toit de l'édifice lors d'un concert extérieur. En dehors des chansons Get Back et Don't Let Me Down sorties en single en 1969, crédité à « The Beatles with Billy Preston », les bandes audio et les images sont laissés de côté pour plusieurs mois car le groupe se lasse du projet. À partir de février, mais surtout durant l'été aux studios EMI, le groupe se consacre à l'enregistrement de l'album Abbey Road. Le 20 août 1969, ils sont, pour la dernière fois, réunis tous les quatre en studio afin mettre la dernière touche à la chanson de John Lennon, I Want You (She's So Heavy)[3]. Abbey Road est publié le 26 septembre 1969.

Le film Let It Be sort finalement en salle en trois semaines après l'annonce de la séparation du groupe[4]. Simultanément, le disque Let It Be est publié à partir du matériel enregistré plus d'un an auparavant. Cet ultime album des Beatles n'a plus grand-chose à voir avec le projet épuré de départ, puisque Allen Klein a confié les bandes au producteur américain Phil Spector qui ajoute cordes, cuivres, chœurs sur plusieurs titres et de l'écho partout[5]. Le traitement de The Long and Winding Road provoquera la colère de Paul McCartney, qui n'a pas été consulté à ce sujet, et qui précipitera son annonce de la séparation du groupe le 10 avril 1970, rompant en fait un secret, dans la mesure où John Lennon a mis fin aux Beatles dès le mois de septembre 1969[6].

Le groupe n'existe déjà plus et aucun des membres n'est présent à la première du film[7]. Le documentaire de 80 minutes a été subséquemment présenté à la télévision et dans des cinémas de répertoire durant cette décennie et vendu en 1981 en formats VHS et LaserDisc, entre autres[8], mais il n’est plus en circulation depuis. Il a été question de le rééditer en version DVD dans les années 2000, mais le côté glauque de ce montage y a mis un frein. En 2017, Apple Corps donne accès à Peter Jackson à près de 60 heures des images et 150 heures des enregistrements de Lindsay-Hogg restés inédits depuis 50 ans. Le réalisateur néo-zélandais, grand fan du groupe, ne sait pas à quoi s'attendre, mais en les visionnant, il découvre tout ce qui le motive à se lancer dans l'aventure[9]. Il convainc ainsi Ringo Starr et Paul McCartney[9], et en 2018, ce dernier officialise le projet, déclarant qu'un nouveau montage plus positif, qui utiliserait d'autres séquences parmi les nombreuses heures qui ont été tournées, sortirait en 2020 pour célébrer le cinquantenaire de sa sortie[10]. La sortie du documentaire est repoussée à cause de la pandémie de Covid-19 et est mis en ligne sur la plate-forme Disney+ fin novembre 2021.

Entre la restauration des images (tournées en 16 mm pour la télévision, et à l'époque, transférées en 35 mm pour le cinéma, altérant leur qualité), la synchronisation de l'audio et en utilisant des procédés révolutionnaires (une nouvelle technologie basée sur l'intelligence artificielle servant à isoler les différents sons enregistrés par les magnétophones Nagra et permettant notamment d'entendre les conversations jusque là inaudibles), Peter Jackson et son équipe de quatorze personnes en Nouvelle-Zélande auront passé quatre années à produire ce documentaire[11].

Série documentaire

Première partie : du 2 au 10 janvier 1969

  • Diffusé sur Disney+ le 25 novembre 2021
  • Durée : 2 h 37
  • Lieu : Twickenham film studios
Les Twickenham Film Studios de Londres où le groupe répète durant huit jours

Le documentaire s'ouvre avec un résumé visuel de l'histoire des Beatles, de leurs début à Liverpool, à la fin des années 50, jusqu'à 1968. En septembre de cette année, entourés d'un public pour la première fois en deux ans, les Beatles ont enregistré le clip promotionnel de Hey Jude, tourné par Michael Lindsay-Hogg dans les studios de Twickenham. L'expérience leur ayant plu, ils développent une nouvelle idée : interpréter, lors d'un concert pour une émission de télévision, des chansons tirées de leur dernier album, surnommé le « Double blanc », sorti le 22 novembre 1968 qui a atteint la première place des charts américains (pendant neuf semaines) et britanniques (pendant huit semaines). Le plateau de tournage n'étant pas rapidement disponible, le groupe se décide donc à tenter d'écrire et répéter quatorze nouvelles chansons qui devront être complétées en un mois. Le producteur Denis O'Dell, le producteur du film The Magic Christian mettant en vedette Ringo Starr et qui doit être tourné aux studios de Twickenham, a réservé le plateau 1 pour le groupe jusqu'à la fin janvier. Le groupe veut un retour à ses racines : tout sera fait en live, juste quatre musiciens interprétant leurs chansons en direct. Mais la question de savoir où et comment aura lieu le spectacle prévu reste en suspens. Des répétitions à cet hypothétique concert, tout doit être filmé. Ils choisissent de continuer avec le réalisateur du même âge qu'eux (Lindsay-Hogg a 28 ans, comme John et Ringo, Paul en a 26 et George, 25), qui installe ses caméras 16 mm et ses micros pour magnétophones Nagra afin de capter le tout. Au départ, selon l'idée de Paul McCartney, il ne s'agit que de filmer les répétitions pour une petite séquence qui précèderait le show télévisé. Et pour celui-ci, Lindsay-Hogg a une idée à laquelle il semble beaucoup tenir : ce show devrait avoir lieu dans le théâtre antique de Sabratha en Libye, un endroit lumineux, au bord de la mer, où le groupe amènerait son propre public, et où il y aurait aussi un public local (« des centaines d'Arabes », dit-il).

Chaque jour, la forme que doit prendre ce concert télévisé est discutée, il est aussi question de le faire sur un paquebot qui emmènerait le public jusqu'en Libye, et pourquoi pas en Grande-Bretagne dans un orphelinat ou un hôpital pour enfant ? En attendant, le groupe répète. Tantôt quelques notes de standards du rock'n'roll ou d'autres classiques de la musique populaire anglophone, tantôt de façon plus approfondie, avec leurs propres chansons, et il y en a beaucoup qui prennent forme durant ces journées dans la froide ambiance de ce qui apparaît comme un gigantesque hangar. Les quatre musiciens sont assis en cercle, Yoko Ono est constamment présente, silencieuse aux côtés de John Lennon. Ils attendent que du matériel d'enregistrement quatre pistes soit apporté à Twickenham (il sera finalement débarqué d'un camion et Glyn Johns effectuera les branchements) et évoquent le studio que leur ami « Magic Alex » (Alexis Mardas) est en train de leur construire à Savile Row, dans les sous-sols du bâtiment de leur compagnie Apple Corps.

Les répétitions commencent le jeudi 2 janvier 1969. Dès le départ, le groupe travaille sur Don't Let Me Down, Two of Us, et I've Got a Feeling. Au piano, Paul McCartney travaille Let It Be, The Long and Winding Road, Golden Slumbers, She Came In Through the Bathroom Window, Carry That Weight, Another Day, The Back Seat of My Car. Quant à George Harrison, il a apporté All Things Must Pass, I Me Mine, For You Blue, Old Brown Shoe, Isn't It a Pity, mais semble de plus en plus agacé. Il est venu accompagné d'un de ses amis, Shyamsunder Das, adepte Hare Krishna, qui s'assied dans un coin du studio. Les Beatles retravaillent Across the Universe, se penchent sur les chansons de Lennon Gimme Some Truth et On The Road to Marrakech (précédemment composée sous le titre Child of Nature) qui deviendra Jealous Guy, revisitent One After 909, etc. Les chansons évoluent au fur et à mesure, notamment les paroles qui sont affinées sur place. Lennon remarque que le groupe n’a jamais répété autant de chansons à la fois. Les moments de complicité musicale entre Paul McCartney et lui sont encore nombreux. Ringo est toujours là, impassible derrière sa batterie à donner le tempo. Les choses se passent moins bien avec George : le 6 janvier, Paul McCartney s'énerve avec ses camarades sur l'ébauche de Two of Us, estimant qu'ils ne jouent pas bien ensemble, s'en prenant aussi au guitariste assis en face de lui, qui lui répond : « Je jouerai tout ce que tu voudras. Et si tu ne veux pas que je joue, je ne jouerai pas. Tout ce qui te fera plaisir, je le ferai. » Le lendemain matin, le futur single Get Back part littéralement de rien, Paul se mettant à riffer sur sa basse Höfner à la recherche d'une mélodie qui prend forme au fur et à mesure, avec l'aide de George et Ringo en l'absence de John, qui arrive toujours en retard.

Des blagues potaches fusent également tous les jours. Par exemple, lors de sa partie chantée sur I've Got a Feeling, John Lennon change « Everybody had a hard year » en « Everyboby has a hard on » (soit, « tout le monde bande ») et McCartney ajoute, en référence à une de leurs précédentes chansons : « except me and my monkey ».

Il y a beaucoup de musique, mais aussi beaucoup de discussions. Lors de l'une d'elles, George Harrison dit : « Je pense qu'on devrait divorcer. » Paul McCartney répond : « J'ai déjà dit ça lors d'une précédente réunion. Je crois que nous nous en approchons », et Lennon ajoute « Mais alors, qui va s'occuper des enfants ? » McCartney lui répond « Dick James (en) », le gestionnaire de Northern Songs, la maison d'édition des chansons du groupe. Il y a des moments de bonne humeur et d'énergie musicale, de franche rigolade, de cohésion, et d'autres où Paul fustige le manque de motivation de ses camarades sur la finalité du projet en cours. George Harrison note que le groupe ne sait plus prendre une direction claire depuis la mort de leur manager Brian Epstein (le 27 août 1967), et Paul McCartney surenchérit en disant qu'ils n'ont plus de discipline depuis sa disparition. Au bout de quelques jours, la photographe Linda Eastman, nouvelle petite amie de Paul, se joint à l'équipe. On la voit papoter avec Yoko Ono. Autour du groupe, il y a également leur assistant Mal Evans, lequel apporte une enclume pour scander Maxwell's Silver Hammer, et l'ingénieur du son Glyn Johns. George Martin est souvent présent, tout comme Maureen Cox, épouse de Ringo. Le réalisateur Michael Lindsay-Hogg tente de savoir dans quelle direction veut partir le groupe dans la perspective de ce show dont George Harrison dit, à un moment : « Je crois qu'on devrait oublier cette idée. »

Le 10 janvier, Paul demande sèchement à John d'arrêter de gratter les cordes de sa guitare, car il est à la recherche d'un arrangement, avant de lancer « On part déjeuner ? » C'est à ce moment que George Harrison annonce à ses camarades : « Je quitte le groupe. » « Quand ? », lui demande John Lennon. « Maintenant. Passez des annonces, trouvez-moi un remplaçant. On se reverra dans les clubs. » L'après-midi, les trois autres continuent à jouer dans une ambiance délétère. Lennon lâche « J'ai tellement les boules ! » (I'm so pissed!). Ils se lancent aussi dans un bruyant bœuf sur fond de vocalises de Yoko Ono, à la place et au micro que Harrison vient juste d'abandonner. Lennon suggère de faire appel à Eric Clapton ou de se partager les parties de guitare de leur camarade. Michael Lindsay-Hogg demande à John si quelqu'un a déjà « sérieusement » quitté le groupe auparavant. Ce dernier répond « Ringo », allusion à l'enregistrement de l'album précédent. Neil Aspinall explique que, selon lui, George n'en peut plus d'être sous la coupe du tandem Lennon/McCartney quand il s'agit de décider quoi jouer et comment le jouer, et la difficulté qui en résulte pour placer ses propres chansons. George Martin note que ce dernier fait cavalier seul en tant qu'auteur-compositeur alors que ses deux camarades forment une équipe. « Bon, les chatons, on fait quoi, maintenant ? » demande Lennon. Finalement, Paul, John et Ringo se regroupent, s'enlacent et décident d'aller voir George pour qu'il revienne. Une réunion va se dérouler chez Ringo Starr, en présence aussi de Linda et de Yoko. La première partie de The Beatles: Get Back s'achève sur la mention que celle-ci s'est très mal passée.

Deuxième partie : du 13 au 25 janvier 1969

  • Diffusé sur Disney+ le 26 novembre 2021
  • Durée : 2 h 53
  • Lieux : Twickenham film studios et studios d'Apple Corps

Quand l'équipe du projet retourne aux Twickenham Film Studios le 13 janvier, le premier présent, Ringo Starr, explique que la réunion avec George Harrison s'est d'abord bien passée mais que tout s'est ensuite effondré. Paul McCartney arrive avec Linda qui précise que, lors de cette réunion, « Yoko répondait à la place de John ». Paul se montre compréhensif, expliquant qu'il n'a aucun problème avec leur couple, qu'ils sont amoureux et que c'est normal. Cependant, cet amour fusionnel pose quelques difficultés dans les moments créatifs, car McCartney comprend que désormais, il ne s'adresse plus au seul Lennon. Il lance aussi de façon prémonitoire : « Ça va paraître d’un comique incroyable, dans cinquante ans : « Ils se sont séparés parce que Yoko s’est assise sur un ampli ! » » À l'arrivée de John, il se réfugient tous deux dans la cafétéria pour avoir une discussion privée, ignorant qu'un micro a été caché dans un pot de fleurs. Ils se disent leurs quatre vérités et évoquent leur relation dominante avec George. « C'est une blessure purulente ; hier, nous l'avons laissée s'approfondir, et nous ne lui avons donné aucun bandage » dit Lennon. Ils affichent leur volonté d'aplanir les angles. McCartney lâche « S'il ne revient pas, ce sera un vrai problème. Et quand nous serons très vieux, nous serons tous d'accord entre nous, et nous chanterons tous ensemble. »

Les trois membres restants continuent à jouer, travaillent sur Mean Mister Mustard, et Polythene Pam, affinent les paroles de Get Back, cherchant le nom du personnage qui deviendra « Sweet Loretta Martin ». Décidés à faire revenir George Harrison, ils doivent attendre quelques jours que ce dernier revienne de son déplacement à Liverpool. À son retour, ils se réunissent à nouveau chez Ringo Starr avec cette fois un entretien constructif et une conclusion positive. Pour les quatre musiciens, il n'est plus question de finir le projet par un show télévisé, mais de continuer à répéter devant les caméras de Michael Lindsay-Hoog et à enregistrer leur nouvel album pour déboucher sur un film, s'achevant potentiellement par un concert en plein air. De plus, ils font un choix important en décidant de quitter le froid hangar de Twickenham et de rejoindre le studio « seize pistes » qu'Alexis Mardas a prétendu construire pour eux dans le sous-sol du bâtiment du 3, Saville Row, en plein cœur de Londres, où est situé le siège de leur compagnie Apple Corps. Alors que le plateau de Twickenham est vidé et que Mal Evans déménage les instruments, Paul vient avec Glyn Johns enregistrer une démo de Oh Darling au piano.

Billy Preston (ici en 1971) apporte beaucoup au groupe dès son arrivée

Le 16 janvier, George Harrison et Glyn Johns se rendent à Saville Row, et ce qu'ils y découvrent les laisse pantois. Les bricolages de « Magic Alex » n'assurent absolument pas des conditions normales d'enregistrement. Glyn Johns envoie alors un S.O.S. à George Martin, leur producteur de toujours chez EMI, pour le prêt de deux magnétophones 4 pistes qui vont être installés dans le studio, les travaux (insonorisation comprise) étant réalisés en un week-end. Le 20 janvier, les quatre musiciens viennent y faire une première répétition en interdisant la présence des caméras. Ils rapportent que celle-ci s'est déroulée au mieux : « Good vibes, man », répond George Harrison à la question posée à ce sujet par Lindsay-Hogg. Le lendemain, en attendant que le studio soit fonctionnel, le groupe s'amuse beaucoup et continue à faire le bœuf sur de nombreux classiques du rock'n'roll ou sur des réinterprétations hilarantes de leurs anciennes chansons.

Un « running gag » va parsemer la suite du documentaire. Quelques semaines plus tôt, le 11 décembre, Michael Lindsay-Hogg a filmé le spectacle des Rolling Stones, The Rock and Roll Circus, auquel John Lennon a participé. Il manque une introduction à la prestation des Stones et le réalisateur demande au Beatle de la faire pour lui : « Mesdames et Messieurs, The Rolling Stones ! » À de nombreuses reprises, Lennon lâchera cette phrase face caméra au départ de l'enregistrement d'une chanson ou d'une autre.

Pour réaliser leur projet dont tous les morceaux doivent être joués live, les Beatles évoquent souvent le besoin d'avoir un claviériste qui viendrait les épauler. Il se trouve que, le 22 janvier, leur vieil ami Billy Preston est de passage à Londres et leur rend visite au studio, invité par George Harrison. Les Beatles connaissent Billy Preston depuis 1962 lorsque, adolescent, il jouait à Hambourg avec Little Richard. Ils sautent donc sur l'occasion et proposent au jeune musicien de jouer avec eux. D'un seul coup, le jeu au piano électrique Fender Rhodes de Preston sur I've Got a Feeling éclaire tous les visages et provoque de grands sourires, tout le monde est absolument ravi, la musique se réchauffe. Il en va de même avec Don't Let Me Down et avec Get Back, où ils aménagent des passages pour qu'il y joue des solos. Ils vont lui demander de les accompagner tous les jours et John Lennon lui dit : « Tu pourrais être sur notre album ! », « Tu plaisantes ? » répond Preston, qui accepte avec joie. « C'est génial ! Tu nous donnes un sacré boost ! On étouffe ! On fait ça depuis des jours et des jours ! », disent-ils en chœur. Toute la suite va se dérouler dans la bonne humeur et dans une excellente ambiance. Les titres de l'album Let It Be prennent ainsi forme avec ce musicien supplémentaire qui leur apporte énormément, humainement et musicalement.

En son absence, le 24 janvier, les quatre Beatles discutent de Billy Preston, du moyen de le payer, et McCartney explique : « Je lui ai demandé ce qu'il avait fait après Hambourg, il m'a dit qu'il nous avait vu monter vers les étoiles, et qu'il n'avait jamais eu l'opportunité d'enregistrer sa propre musique ». Lennon dit qu'il doit devenir un membre du groupe, « On était trois à Twickenham, puis quatre, puis cinq ! ». Harrison ajoute que si il lui demandait, Bob Dylan les rejoindrait lui aussi, pour ce qui deviendrait The Beatles and Co selon Lennon. McCartney fait rire ses camarades en ajoutant : « c'est déjà bien assez difficile à quatre ! ». Billy Preston sera signé sur Apple Records et sortira un premier album produit par Harrison en 1969 et un autre en 1970. Le même jour, Two of Us prend sa forme définitive quand Paul abandonne sa basse pour une guitare acoustique, puis le quatuor s'essaye notamment sur Teddy Boy et Her Majesty. Preston arrive au studio et ils jouent ensemble Dig It à la fin duquel Lennon prononce, avec une voix de fausset, la phrase entendue dans l'album Let It Be : « That was 'Can You Dig It?' by Georgie Wood (en), and now we'd like to do 'Hark, The Angels Come' ».

Alors que John Lennon prépare un rendez-vous avec Allen Klein, qui rêve de devenir leur nouveau manager (ce sera pour le pire), la question du concert pour terminer le film et le projet reste en suspens. La colline de Primrose Hill est envisagée, mais cela ne va pas s'avérer possible. Le groupe continue à travailler les titres supplémentaires Maggie Mae (chanson traditionnelle de Liverpool), Dig a Pony et For You Blue : la prise de cette chanson réalisée le 25 janvier est celle qui finit sur l'album. Dans la salle de contrôle, John Lennon a une idée pour le mixage, approuvée par George Harrison. Il dit alors : « J'ai des tonnes d'idées, je suis célèbre pour ça, un Beatle, quoi ! ». Let it Be est également travaillée avec Paul au piano, John à la basse six cordes et Billy Preston à l'orgue, le tout avec d'innombrables prises, parfois sur des versions où les chanteurs prennent des voix comiques. Finalement, alors que l'échéance approche, Glyn Johns et Michael Lindsay-Hogg exposent leur idée à Paul McCartney : la solution la plus simple ne serait-elle pas de gravir quelques étages et de donner ce concert sur le toit du bâtiment ? Ils y montent avec Ringo Starr pour en étudier la faisabilité, conscients du bruit qui sera produit et du risque d'être interrompus par la police. Dans un premier temps, la solution semble plaire à tout le monde, mais par la suite, Harrison ou McCartney affichent une certaine réticence. Il leur reste quatre jours pour choisir les chansons de leur album et les finaliser. La date choisie pour cette prestation est le mercredi 29 janvier 1969, mais la météo obligera à la repousser d'un jour.

Troisième partie : du 26 au 31 janvier 1969

  • Diffusé sur Disney+ le 27 novembre 2021
  • Durée : 2 h 18
  • Lieux : Bâtiment d'Apple Corps, studio du sous-sol et toit de l'immeuble

Ringo Starr montre au piano sa nouvelle composition à George Harrison : Octopus's Garden. Il n'a que le début. À coté de lui, avec sa guitare acoustique, son camarade l'aide à avancer en trouvant notamment les accords du pont et la « résolution » de la fin du couplet permettant de repartir sur le suivant. Le groupe continue à répéter avec Billy Preston, avec notamment l'ébauche de I Want You (She's So Heavy) de John Lennon (ils commencent à jouer le thème en déclamant les paroles du discours de Martin Luther King en 1963 : I have a dream...) et toutes les chansons destinées à l'album en préparation. Jusqu'au dernier moment, ils discutent de la finalité du projet et de l'opportunité de monter jouer des morceaux sur le toit de leur immeuble. Il faut, par ailleurs, choisir lesquels. Linda Eastman vient au studio avec sa fille de six ans Heather (adoptée par Paul), qui s'amuse beaucoup avec les musiciens, lesquels lui réservent un accueil attendrissant. George Harrison présente sa chanson qu'il intitule Something in the Way She Moves. Le groupe apprend à la jouer, mais le compositeur n'a pas encore toutes les paroles. Attracts me like..., Lennon lui dit : « Tu n'as qu'à dire Attracts me like a cauliflower (m'attire comme un chou-fleur), tu trouveras le bons mots ensuite ! ». Harrison choisit pour commencer Attracts me like a pomegranate (bref, on n'est est pas encore à Attracts me like no other lover). Il chante aussi sur le pont de la chanson : What do you know, Mister Show, I don't know, I don't know (ce qui deviendra You're asking me will my love grow...). La chanson, qui deviendra plus tard dans l'année le seul single n°1 des Beatles signé Harrison, continue d'évoluer dans le studio d'Apple Corps. Le 28 janvier, le groupe s'attaque à une autre chanson de Harrison, Old Brown Shoe lorsque, entre les répétitions, on les voit s'amuser avec un Stylophone apporté en studio par John Lennon[12].

Dans les trois jours qui précèdent le concert sur le toit, deux éléments préfigurent le futur proche du groupe. George Harrison explique à John Lennon et Yoko Ono qu'il a composé suffisamment de chansons « pour les dix prochaines années », et qu'il aimerait bien les enregistrer sur un album à lui, qui serait « comme une libération ». Harrison mettra en pratique cette volonté, comptant parmi les points clé de la séparation du groupe, laquelle se matérialisera l'année suivante, avec un réservoir tel que All Things Must Pass, un album « triple », et le premier grand succès international d'un Beatle en solo. L'autre élément annonciateur est la rencontre entre John Lennon et Allen Klein. Impressionné par l'homme d'affaires américain et sa connaissance précise du groupe, Lennon désire qu'il devienne leur nouvel agent. Klein se rend dans les locaux d'Apple pour une première réunion avec le groupe. Glyn Johns note son intelligence mais juge le personnage suspect. Quelques mois plus tard, Allen Klein sera un élément majeur et supplémentaire des désaccords profonds au sein des Beatles, qui mèneront à leur séparation. Le 30 janvier, les discussions pour se décider à faire ce concert se poursuivent jusqu'à la dernière minute, tandis que le matériel est installé sur le toit du bâtiment. Michael Lindsay-Hogg positionne dix caméras, dont une sur le toit de l'immeuble situé de l'autre côté de Saville Row, d'autres dans la rue, plus une camouflée dans l'entrée de l'immeuble.

Le studio des Beatles se trouve sur Savile Row dans le quartier de Mayfair de la cité de Westminster

Finalement, vers 12h30[13], les musiciens s'installent sur le toit pour une performance devenue célèbre et qui reste la dernière de leur carrière. Ils jouent avec le plein d'énergie et en compagnie de Billy Preston, Get Back trois fois, Don't Let Me Down et I've Got a Feeling deux fois, Dig a Pony et One After 909, improvisant aussi un God Save the Queen. Trois titres joués sur le toit finiront sur l'album Let It Be. Le concert a à peine commencé que des plaintes parviennent à la police. Deux bobbies débonnaires arrivent à la porte du bâtiment, entrent et expliquent qu'ils ont reçu « trente plaintes en quelques minutes », et qu'ils devront procéder à des arrestations pour faire cesser le bruit et le trouble à l'ordre public. Mal Evans essaie de négocier avec eux tandis que, plus haut, le groupe continue à jouer avec de grands sourires. Toute la séquence est proposée en écran divisé, avec les différentes prises de vues, sur le toit, dans la rue, dans le hall d'Apple Corps. Des interviews sont réalisées avec les passants dans la rue, en commençant par « Vous savez qui joue là-haut ? ». La plupart le savent, beaucoup gens de tout âge apprécient, d'autres pas du tout. Les deux policiers parviennent sur le toit, ce qui ne semble pas déranger les musiciens, bien au contraire. Durant la dernière prise de Get Back, Mal Evans doit éteindre les amplis mais Harrison rallume le sien et Evans se résigne à rallumer celui de Lennon. À la fin de la chanson, McCartney improvise : « You've been playing on the roofs again, and that's no good, and you know your Mummy doesn't like that... she gets angry... she's gonna have you arrested! Get back! » (« tu es encore allé jouer sur les toits, c'est mal, tu sais que ta maman n'aime pas ça... elle est en colère... elle va te faire arrêter ! Get back! (Retourne !) » et, au bout de 42 minutes, la prestation se termine. McCartney lâche « Thanks Mo! » à l'adresse de Maureen, la femme de Ringo, qui fait entendre son enthousiasme tandis que Lennon prononce les fameuses paroles qui font rire tout le monde : « J'aimerais vous remercier, au nom du groupe et de nous tous, et j'espère que nous avons réussi l'audition ! »

Le groupe et son entourage écoutent le résultat dans la salle de contrôle du sous-sol, tout le monde bat la mesure, la satisfaction se lit sur les visages. George Harrison suppose que, désormais, « tous les groupes vont vouloir faire leur concert sur le toit ». Ils décident d'enregistrer la suite des chansons dans la foulée, en se réinstallant dans le studio. « No more rooftop now (plus de toit maintenant) », dit McCartney. Mais il va falloir du temps pour redescendre tout le matériel. Le lendemain, le 31 janvier, Two of Us, The Long and Winding Road et Let It Be, qui deviendra la chanson titre de l'album, sont enregistrés. Le générique final du documentaire accompagne des extraits de ces dernières interprétations. I Me Mine et Across the Universe seront finalisées plus tard.

Finalement, en 21 jours, le groupe a créé, répété et enregistré un nombre incalculable de chansons, la quasi-totalité des titres qui figureront sur Abbey Road et de nombreux autres qui apparaîtront sur les albums solo de John Lennon, George Harrison et Paul McCartney après la séparation du groupe. Les Beatles se seront aussi amusés à jouer des dizaines de classiques du rock'n'roll et à réinterpréter nombre de leurs propres classiques. Il est enfin à noter que George Martin, qui ne sera pas crédité comme producteur de l'album paru en mai 1970 après le travail de Phil Spector, est présent avec le groupe, et dans son rôle, du premier au dernier jour du projet. Le premier résultat de ces séances de janvier 1969 sera le single Get Back/Don't Let Me Down, publié le 11 avril 1969, crédité « The Beatles with Billy Preston », produit et mixé par George Martin et Glyn Johns. Il sera n°1 dans une quinzaine de pays, notamment cinq semaines à la première place du Billboard Hot 100.

Fiche technique

Peter Jackson en 2014.

 Sauf indication contraire ou complémentaire, les informations mentionnées dans cette section peuvent être confirmées par la base de données IMDb.

Producteurs délégués : Jeff Jones et Ken Kamins

Distribution

Participants principaux
Participants secondaires
Brèves apparitions

Plusieurs autres personnes tels des employés d'Apple ou techniciens d'EMI, des fans et badauds interviewés dans la rue et les officier de police Ray Shayler, Ray Dagg, Peter Craddock et le sergent David Kenrick y font de brèves apparitions.[14]

Production

Le projet est initié par le directeur général de Apple Corps Jeff Jones et son collègue Jonathan Clyde. Ils approchent Peter Jackson afin de restaurer les images tournées en janvier 1969 dont la grande majorité des 60 heures sont restées inédites, pour un nouveau film documentaire. Le réalisateur qui devait effectuer ce nouveau montage ayant démissionné, Jackson se montre intéressé mais, lui-même grand amateur des Beatles et en possession d'une copie du film original, il a des réticences à réaliser un film sur la dissolution de ce groupe mythique. Il accepte finalement de s'impliquer après avoir visionné toutes ces heures de séquences filmées. Il affirme : « Ce que j'ai trouvé, c'est que j'ai ri continuellement. Je ne faisais que rire. Je riais et riais et riais et je ne pouvais pas m'arrêter ». Lorsqu'il rencontre Paul McCartney à l'arrière-scène de son spectacle à Auckland, en 2017, il surprend l'ex-Beatle quand il lui décrit ce qu'il a vu et le rassure sur ses propres souvenirs. McCartney refusait la restauration du film d'origine, inquiété par la perception globalement glauque qu'il gardait de ce mois passé en studio. Le nouveau projet peut alors débuter[15].

Le , le jour du cinquantième anniversaire du concert des Beatles sur le toit, Apple Corps, en association avec WingNut Films, fait l'annonce officielle que ce nouveau documentaire[16] verra bien le jour et sera réalisé par Jackson[16]. Le réalisateur néo-zélandais déclare : « J'ai été soulagé de découvrir que la réalité est différente du mythe. Après avoir passé en revue les images et les sons réalisés par Michael Lindsay-Hogg dix-huit mois avant leur séparation, j'ai découvert un document historique inestimable. Bien entendu, il y a des tensions, mais rien de la discorde qui est souvent associée à ce projet. Regarder John, Paul, George et Ringo travailler ensemble à la création de ces classiques est non seulement fascinant, mais aussi drôle, exaltant et étonnamment intime. »[16]. Pour accompagner la sortie du documentaire, un beau-livre sera aussi publié[17]. De plus, une sortie éventuelle du film originel restauré a aussi été évoquée[18].

Un magnétophone Nagra modèle III, identique à ceux utilisés lors de ces séances d'enregistrements.

Ce documentaire est conçu à partir de près de soixante heures[15] de pellicules format 16 mm[19], tournés par Michael Lindsay-Hogg[4] et son directeur de la photographie Tony Richmond[20] pendant vingt-et-un jours[n 2], entre le 2[21] et le [22], et de cent cinquante heures de bandes sonores enregistrées[4] avec des appareils Nagra[n 3],[23],[24] Kudelski III maniés par l'ingénieur du son Peter Sutton[24]. Le , il est annoncé que le projet reprend son titre de travail originel, Get Back[4]. La restauration de ces images est effectuée par la boîte néo-zélandaise Park Road Post Production[25], la même équipe responsable du film They Shall Not Grow Old[26]. Il a fallu synchroniser le son et l'image à la main car un clap n'a pas été utilisé[27]. La restauration du son des bandes Nagra ¼ de pouce mono[28] a été effectuée par le développement d'une technique de séparation des différents sons en utilisant un algorithme d'intelligence artificielle, surnommé « Mal » en l'honneur de Mal Evans[29]. On enseigne à l'ordinateur comment reconnaître les voix individuelles, le son des guitares, de la basse ou de la batterie, etc. Ensuite, le programme place chacun de ces sons sur une piste différente afin que les ingénieurs puissent les rendre audible et équilibrer le tout[28]. La remastérisation de la musique, enregistrée par l'équipe de Glyn Johns, est l'affaire de Giles Martin et Sam Okell aux Studios Abbey Road de Londres[25].

La prestation complète du concert des Beatles sur le toit, d'une durée de quarante-deux minutes et filmée avec dix caméras dont cinq sur le toit[30], y a été incluse. Le groupe a joué Get Back trois fois (la première étant une balance audio), Don't Let Me Down et I've Got a Feeling à deux reprises et One After 909 et Dig a Pony. Seules les prestations des trois dernières ont été incluses sur l'album Let It Be, tandis que la troisième tentative de Get Back a été publiée sur Anthology 3 en 1996[31]. Une version live de Don't Let Me Down, un montage des deux prises enregistrées sur le toit afin d'éliminer deux erreurs de John Lennon, a été publiée sur Let It Be... Naked en 2003[32]. Des extraits improvisés de Danny Boy (en) (qu'on peut entendre sur l'album), A Pretty Girl Is Like a Melody (en), God Save The Queen (incomplet dû à un changement de bobine) et le riff de I Want You (She's So Heavy) (joué lors d'un arrêt de l'enregistrement) ont aussi été joués sur le toit[33] sans compter des improvisations par les musiciens, notamment par McCartney sur sa guitare basse.

Tandis que le film Let It Be, sorti après la dissolution du groupe, mettait l'accent sur l'ambiance sombre qui habitait certaines des séances d'enregistrement, ce nouveau montage met en lumière les moments plus heureux de leur collaboration[4] sur ce qui deviendra leur dernier album, bien qu'enregistré avant Abbey Road. Distribué par la Walt Disney Studios, sa sortie en cinéma, aux États-Unis et au Canada, était originellement prévue pour le [19] mais a été repoussée au (et le livre au [17]) due à la pandémie de Covid-19[34]. Un aperçu des images décrites par le réalisateur comme étant « ni une bande-annonce ni un extrait du documentaire, [...] mais présentent plutôt l’esprit et l'énergie du documentaire », est mis en ligne sur YouTube et sur la plate-forme Disney+ le [35]. On n'y voit que des sourires, de francs témoignages de camaraderie, un groupe joyeux en train de s'amuser, de plaisanter et d'enregistrer avec le plein d'énergie dans la bonne humeur, avec son entourage, sur fond sonore de la chanson Get Back[36]. Jackson voulait ainsi mettre du baume au cœur du public en cette fin d'année de pandémie difficile pour tous[37].

Peter Jackson et son monteur Jabez Olssen ont convenu qu'avoir une trame narrative chronologique était la meilleure façon de construire le documentaire. Il pouvait y avoir jusqu'à dix heures de sons et d'images pour une seule journée. La première étape était de monter toutes ces bandes sonores avec les images disponibles pour cette journée. Les caméras avaient assez de pellicule pour tourner en continu pour seulement quinze minutes, alors les cadreurs avaient tendance à filmer quelques secondes ou quelques minutes à la fois. Très rarement, les caméras filmaient la même scène simultanément de deux angles différents alors que la grande majorité du temps, seule une caméra tournait à la fois. Le montage préliminaire effectué, avec une synchronisation du son et de l'image lorsque cela était possible, on procédait ensuite à un choix éditorial pour décider ce qui était important ou intéressant à inclure. Évidemment, le son, autant les conversations que les prestations musicales, ont guidé ces choix. On pouvait, à partir de cela, rajouter des images inutilisés, tournées durant cette même journée, pour combler les vides. Ce premier montage effectué, on s'attaquait alors à une autre journée[24].

Le montage préliminaire de Peter Jackson avait une durée de 18 heures[38] et ceci fut la cause du revirement de situation qui a été annoncé en  ; le documentaire ne sera finalement pas présenté en salle mais aura plutôt une durée de six heures découpées en trois épisodes afin d'être diffusé en primeur sous forme de mini-série sur la plate-forme Disney+, entre le et le [39]. Dans une entrevue donnée en décembre 2021, Jackson raconte que lorsque le montage de six heures fut complété, quelques mois avant sa diffusion, il recommande à Disney que son équipe poursuive le montage pour sa sortie éventuelle en version augmentée. Les producteurs rejettent l'idée disant que les versions rallongées n'ont plus la cote. Jackson se remet donc à la tâche pour réexaminer les parties coupées et, sans en informer Disney ni Apple, rajoute des scènes au documentaire ce qui le rallonge à près de huit heures[40],[41].

Le beau-livre accompagnateur, édité par John Harris (en), est publié par Callaway Arts & Entertainment (en) le 12 octobre. Il contient, sur 240 pages, la transcription de plusieurs conversations du groupe enregistrées durant ces séances, quelquefois différentes de celles entendues dans le documentaire ou en version plus complètes. Le livre est amplement illustré de photos d'Ethan Russell (en) et de Linda McCartney, en plus de nombreuses images tirées directement de la pellicule 16 mm[42]. La bande-annonce officielle et la première des nombreuses affiches promotionnelles du documentaire, un composite des photos d'Angus McBean (en), prises en contre-plongée dans la cage d'escalier des bureaux d'EMI à Londres en 1963 et en 1969 utilisées, entre autres, à illustrer les compilations The Beatles 1962–1966 et 1967–1970, ont été présentées le 13 octobre[43]. Dans cette bande-annonce, le ton plus joyeux voulu par Peter Jackson et l'énergie mise dans la musique apparaissent nettement. L'exaspération et le départ provisoire de George Harrison n'y sont pas éludés, pas plus que les difficultés de Paul McCartney à motiver ses camarades en vue de l'organisation d'un concert. On entend, notamment, une remarque prémonitoire de la part de ce dernier : « Ça va paraître d’un comique incroyable, dans cinquante ans, tu imagines : “Ils se sont séparés parce que Yoko s’est assise sur un ampli !” »[44] Un autre « clip » de 1 minute 25 est mis en ligne le 12 novembre 2021 : on y voit Paul McCartney ébaucher I've Got a Feeling avec le groupe en indiquant les changements d'accord et George Harrison lâcher d'une façon légèrement sarcastique : « Est-ce que c'est celle qui s'appelle I've Got a Feeling ? »[45]

Une avant-première, un montage exclusif de cent minutes du documentaire, est présenté au Cineworld Empire (en) de Londres le 16 novembre, en présence de Paul McCartney, d'enfants et petits-enfants des membres du groupe et de plusieurs célébrités[46]. Deux jours plus tard, Stella McCartney avec Julian et Sean Lennon assistent, à leur tour, à l'avant-première au El Capitan Theater de Hollywood. Ringo Starr, âgé de 81 ans, n'a pas assisté à ces présentations par précaution à la Covid-19[47]. À l'occasion d'une conférence de presse donnée au moment de la mise en ligne[48] de sa série téléréalité, filmée avant l'heure[49], Peter Jackson précise que Disney lui a demandé, dans un premier temps, de l'expurger de tous les jurons et autres blagues potaches prononcés par les Beatles durant le tournage. Il explique que Ringo Starr et Olivia Harrison se sont opposés à toute forme de censure « afin que le portait du quatuor reste authentique », ce qui a contraint Disney à faire machine arrière[48]. Le 5 janvier 2022, il est annoncé qu'une présentation IMAX du concert sur le toit prendra l'affiche en avant première le 30 du même mois et sera présenté en salle du 11 au 13 février[50].

Originellement prévue pour le 8 février, la sortie du documentaire en format Blu-ray et DVD, sans matériel supplémentaire[51] est finalement repoussée jusqu'au 12 juillet à cause d'un problème d'ordre technique[52].

La sortie du film d'origine n'a toujours pas été confirmée. Jackson a voulu que son documentaire soit complémentaire au film de Lindsay-Hogg, n'utilisant que des prises de vue inédites lorsque cela était possible[53]. Dans Let It Be, on pouvait voir et entendre des versions complètes de plusieurs chansons entendues sur l'album en plus d'improvisations de certaines chansons qui ne sont pas retenues dans la version de Jackson, telles You Really Got a Hold on Me ou Bésame mucho.

À partir du 18 mars 2022, une exposition sur ces séances, intitulée Get Back to Let It Be, est présentée pour une année au musée Rock and Roll Hall of Fame à Cleveland en Ohio[54].

Distinctions

Récompenses

  • Producers Guild of America : Gagnant du Award for Outstanding Producer of Non-Fiction Television à Paul McCartney, Ringo Starr, Yoko Ono Lennon, Olivia Harrison[55], Peter Jackson, Clare Olssen, Jonathan Clyde, Jeff Jones et Ken Kamins.
  • Emmy Awards : Nominations pour les prix Outstanding Documentary or Nonfiction Series pour la série au complet, Outstanding Picture Editing for a Nonfiction Program, Outstanding Sound Mixing for a Nonfiction or Reality Program, Outstanding Sound Editing for a Nonfiction or Reality Program et Peter Jackson pour Outstanding Directing for a Documentary/Nonfiction Program pour l'épisode 3[56].

Notes et références

Notes

  1. Ces chiffres divergent d'une source à l'autre; de 57 à 60 heures d'images et de 130 à plus de 150 heures de son.
  2. Le 20 janvier, Harrison réintègre le groupe et les Beatles accèdent à leurs studio Apple pour la première fois. Ils préfèrent refuser l'accès aux caméras. Durant cette vingt-deuxième journée de tournage, des scènes extérieures sont filmées incluant l'arrivée des membres du groupe.
  3. Dérobées par un employé d'Apple dans les années 1970, ces bobines de rubans un quart de pouce ont été retrouvées dans un entrepôt près d'Amsterdam lors d'une descente policière en 2003. Une quarantaine de ces 560 bobines manquent toujours à l'appel bien que deux heures et demie perdues ont été retrouvées dans un montage sepmag (en) du film d'origine.

Références

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Annexes

Articles connexes

Liens externes

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