Tour Saint-Rieul
La tour Saint-Rieul est une ancienne église catholique située à Louvres, en France. C'était la deuxième église de Louvres en plus de l'église voisine Saint-Justin. L'on ignore pourquoi un bourg modeste comme Louvres avait deux églises ; dans le pays de France, seul Gonesse était dans le même cas. L'église Saint-Rieul a été désaffectée au culte à la Révolution française, et sa nef et son unique bas-côté ont été démolis en 1801. Subsistent un clocher et un chœur roman de la première moitié du XIIe siècle, ainsi qu'au sud, deux travées du XVIIe siècle sans grand caractère. Cet ensemble a servi de prison de 1796 jusqu'au début de la Troisième République. Depuis la fermeture de la prison, la tour est devenue le clocher de l'église Saint-Justin, qui en a toujours été dépourvue. En même temps que l'église voisine, la tour Saint-Rieul a été classée monument historique par arrêté du [1]. Entre 1979 et 2008, le rez-de-chaussée a abrité le Musée intercommunal d'archéologie et d'histoire, transféré ensuite dans un nouveau bâtiment et devenu le musée Archéa.
Partie de |
Église Saint-Justin et tour Saint-Rieul (d) |
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Destination initiale |
Culte |
Destination actuelle |
Patrimoine municipal |
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Construction | |
Propriétaire |
Commune |
Patrimonialité |
Classé MH () |
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Adresse |
Rue Saint-Justin / rue des Deux-Églises |
Coordonnées |
49° 02′ 28″ N, 2° 30′ 23″ E |
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Localisation
La tour Saint-Rieul est située dans le département français du Val-d'Oise, en pays de France sur la commune de Louvres, au centre ancien du bourg, à l'angle des rues Saint-Justin et des Deux-Églises. L'élévation occidentale empiétait légèrement sur la rue Saint-Justin, qui délimitait anciennement la façade quand l'église était encore complète. L'élévation septentrionale donne sur la rue des Deux-Églises, où l'église Saint-Justin lui fait face. Le chevet et l'élévation méridionale ne sont que partiellement visibles depuis la voie publique.
Historique
La tour Saint-Rieul au sud de l'église Saint-Justin constitue un important vestige de la deuxième église de Louvres, construite au second quart du XIIe siècle, et comprenant un chœur et un clocher de style roman, ainsi que deux travées de style classique ajoutées au sud au cours du XVIIe siècle. Elle était placée sous la double invocation de saint Rieul de Senlis et de la Vierge. La coexistence de deux églises se faisant face dans un petit bourg rural tel que Louvres soulève des interrogations. Dans tout le pays de France, seulement Gonesse et Saint-Denis avaient possédé deux ou plusieurs églises paroissiales. Luzarches et Montmorency avaient une église paroissiale et une église collégiale, où des chanoines priaient pour le salut des âmes des membres de la famille seigneuriale. Comme explication de la particularité à Louvres, certains auteurs évoquent le partage du bourg entre deux seigneurs, ce qui par contre n'a rien d'exceptionnel et n'a habituellement pas d'incidence sur le nombre d'églises. Charles Huet n'exclut pas que la fondation des deux églises remonte aux deux saints auxquels elles sont consacrées, Rieul de Senlis et Justin, martyrisé à Louvres au IVe siècle. Les liens des deux saints avec Louvres auraient donc été aussi forts que la population leur aurait construit une église pour chacun. L'abbé Lebeuf n'est pas persuadé de l'authenticité de la légende selon laquelle il y aurait fait tomber une idole de Mercure en prononçant le nom de Notre Seigneur, et situe l'événement à Montmélian car il y a question d'une montagne[2],[3],[4].
Or, rien ne prouve l'existence de l'église Saint-Justin avant le XIIe siècle, et Rieul a seulement fait de la prédication à Louvres, avant qu'il ne devienne le premier évêque de Senlis. Au moins l'église Saint-Rieul existe effectivement depuis le passage de l'évangélisateur éponyme. Dès la même époque, une vaste nécropole existait autour de l'église, qui n'était pas qu'un simple cimetière de village : des fouilles ont mis au jour les sépultures de plusieurs personnages de haut rang aristocratique, contemporains et sans doute très proches du roi Clovis Ier. Le riche mobilier des fouilles est en partie exposé au musée Archéa. L'abbé Lebeuf mentionne la donation d'une terre à Louvres par sainte Fare, au VIIe siècle ; elle tenait cette terre de son père Hagnéric, proche du roi Thibert II. La nécropole a pris une expansion considérable à l'époque mérovingienne, et en tant que cimetière paroissial, a continué d'être utilisée jusqu'au XIXe siècle. L'on a donc tendance d'accorder à l'église Saint-Rieul une vocation de chapelle cimétériale, ce qui peut également expliquer ses dimensions modestes. Cette explication ne résout pas non plus toutes les questions qui se soulèvent, car l'on ne connaît pas d'autres cas de cohabitation entre église paroissiale et chapelle cimétériale dans le nord de l'Île-de-France. Plusieurs constats faits par l'abbé Lebeuf vont dans le sens de la chapelle cimétériale : aucun pouillé du diocèse de Paris ne mentionne deux cures à Louvres, et les chartes et bulles qu'il a consultées (dont les plus anciennes de la fin du XIe siècle) ne permettent de conclure à l'existence de deux églises. Il en résulte que l'église Saint-Rieul n'était pas paroissiale au Moyen Âge : les églises priorales, par exemple, ne sont pas non plus mentionnées dans les pouillés. La tradition orale locale affirmant l'antiquité de l'église Saint-Rieul, Lebeuf estime que c'était l'église paroissiale primitive, dédiée initialement à saint Justin, et que l'actuelle église Saint-Justin aurait été construite quand l'église Saint-Rieul était devenu trop petite. Ceci explique aussi l'absence de clocher sur l'église Saint-Justin. Mais l'abbé Lebeuf est conscient du fait que les façades des églises Saint-Justin et Saint-Rieul datent bien de la même époque, et il n'explique pas pourquoi l'église Saint-Rieul a été reconstruite après son désaffection comme église paroissiale. Il ne qualifie pas l'église Saint-Rieul comme désaffectée. Elle reste donc affectée au culte, mais il n'y a aucune mention relative à un deuxième curé ou une deuxième paroisse[2],[3],[5].
De différents sondages archéologiques ont permis de mettre au jour les fondations de trois chapelles édifiées successivement à l'emplacement de l'église romane actuelle. Leurs contours sont matérialisés dans le sol, et l'on peut s'étonner de leurs très petites dimensions, sachant que l'édifice actuel est lui-même très exigu. Le premier sanctuaire dépassait à peine la base du clocher ; il a été daté de la limite IIIe / IVe siècle et se terminait par un chevet plat, marqué en bleu. Le deuxième sanctuaire est carolingien ; il remonte au IXe siècle et est marqué en jaune. Finalement, les contours d'une chapelle pré-romane du Xe siècle (ou chapelle romane de la fin du XIe siècle si c'est de celle-ci que proviennent les chapiteaux et bases des arcatures aveugles) sont marqués en vert. L'église romane du second quart du XIIe siècle, dont une partie subsiste à ce jour, ne se composait que d'une nef sans bas-côtés, d'un clocher central et d'une petite abside au chevet plat, ces deux derniers éléments entrant justement dans la composition de l'actuelle tour Saint-Rieul. La nef allait jusque dans la rue Saint-Justin et occupait essentiellement l'emplacement de l'actuel parvis. Le second étage du clocher est gothique, et a été ajouté pendant la seconde moitié du XIIe siècle au plus tôt. Au cours du XVIIe siècle seulement, un collatéral est adjoint à l’église romane au sud[2],[3].
Désaffectée à la Révolution, la nef est utilisée pendant quelques années comme fonderie de cloches, puis l'église est transformée en prison en 1796, et la nef sert de cour de promenade. En raison de son mauvais état et dans la perspective de récupérer les matériaux, elle est abattue en 1801. La prison sert encore jusqu'en 1872, et elle fait même l'objet de travaux de restauration à plusieurs reprises. Un célèbre prisonnier est Eugène-François Vidocq en 1805. Le logement à l'étage est aménagé en 1850 et repris en 1866 ; il accueille le sonneur de cloche après la désaffection de la prison[2],[3]. Une première restauration conservatoire des vestiges de l'église est entreprise en 1894/95. Les deux église sont classées au titre des monuments historiques par arrêté du [1]. Entre 1979 et 2008, la tour Saint-Rieul a abrité le Musée intercommunal d'archéologie et d'histoire, transféré ensuite dans un nouveau bâtiment et devenu le musée Archéa[6]. La tour demeure propriété municipale. Sa vocation de clocher a été réaffirmée par l'installation de deux nouvelles cloches en 2000, fondues par les établissements Bollée d'Orléans et sonnant en Mi et Sol. Elles s'ajoutent à l'unique cloche que la Révolution avait laissé en place, qui pèse 1 800 kg et sonne en Do[3]. L'ancien musée reste quant à lui sans affectation et ne contient plus que de vitrines vides.
Description
Aperçu général
En contemplant la tour depuis le parvis, l'on se situe à l'emplacement de l'ancienne nef de l'église Saint-Rieul, au nord le long de la rue des Deux-Églises, ou à l'emplacement du collatéral sud du XVIIe siècle. Orientée légèrement vers le nord-ouest du côté de la façade occidentale, l'église se composait d'une nef non voûtée, séparée de son unique collatéral sud par un mur percé de deux arcades ; d'un chœur de deux travées, dont la première est la base du clocher et la seconde une abside carrée au chevet plat ; d'un croisillon sud (si l'on considère la base du clocher comme croisée d'un transept incomplet) ; et d'une chapelle latérale sud du chœur, qui est plus courte que la seconde travée du chœur et se termine par un mur biais. Les nombres des travées qui subsistent sont donc au nombre de quatre, qui communiquent entre elles par quatre arcades. La chapelle latérale sud est recouverte d'un plafond en lattis, et les autres travées sont voûtées d'arêtes. Le clocher possède un étage intermédiaire entre sa base et son étage de beffroi roman. Ce premier étage, dont la destination initiale est inconnue, est recouverte par un plafond de charpente. Le second étage, c'est-à-dire l'étage de beffroi roman, est voûté d'ogives. Les autres travées de l'église ont été munis d'un étage en 1850, qui a servi de logement au gardien de la prison, puis au sonneur de cloches. L'accès se fait par un escalier derrière le chevet[7],[8],[9].
Extérieur
L'on sait par l'abbé Lebeuf que la sculpture du portail occidental ressentait le XIIe siècle[10]. La façade occidentale actuelle n'est authentique qu'à partir de l'étage de beffroi roman du clocher, sachant qu'elle ne date que de la restauration de la fin du XIXe siècle. La platitude des contreforts ne reflète pas leur physionomie d'origine, qui reste intacte au nord (voir ci-dessous). Le cordon de billettes avant la dernière retraite des contreforts latéraux provient de cette restauration. La moulure torique en dessous du glacis qui marque le début de l'étage de beffroi, ainsi que le glacis lui-même, ont également été refaits et n'ont pas leur équivalent dans l'architecture romane de la région. Par contre, les arcades bouchées au niveau du rez-de-chaussée sont authentiques. Celle à droite qui comporte le portail actuel fait apparaître de simples moulures au niveau des impostes. Celle à gauche est surtout intéressante, car elle représente l'arc triomphal bouché. La faible largeur de cette arcade s'explique par l'épaisseur des murs, et les contreforts font apparaître le clocher plus large qu'il ne l'est. L'arcade est à double rouleau, ce qui indique déjà qu'elle ne peut être antérieure au début du XIIe siècle, et le rang de claveaux supérieur est agrémenté d'une archivolte torique, ce qui est rare à l'intérieur des églises avant le second quart du XIIe siècle. Mais avant et surtout, l'arcade est brisée, et si l'arc brisé paraît dans l'Aisne assez tôt dans le XIIe siècle, l'on sait que les arcades brisées à l'intérieur des églises font leur apparition dans la région avec la nef de Villers-Saint-Paul, et le transept de Rieux, vers 1125 / 1130. L'arcade repose sur les tailloirs des chapiteaux de deux demi-colonnes et de quatre demi-colonnettes appareillées[2],[3].
L'étage de beffroi roman se caractérise à la fois par la hauteur relative de ses deux baies abat-son par face, et par la pauvreté de sa sculpture, dans une région où les clochers roman sont parvenus à leur épanouissement[11]. Il n'y a plus de contreforts à ce niveau. Les angles du clocher sont décorés d'une colonnette appareillée chacun, dont les corbeilles des chapiteaux ne sont pas sculptés. Les baies s'ouvrent entre deux colonnettes à chapiteaux et sous une archivolte torique, et possèdent une seconde archivolte analogue qui retombe sur une colonnette unique au centre, et des colonnettes identiques aux autres à gauche et à droite. Les tailloirs présente une moulure torique, qui se poursuit sur les murs au niveau des impostes des fenêtres, y compris sur les colonnettes d'angle. Les chapiteaux sont décorés de feuilles d'acanthe travaillées au trépan. Il n'y a point de corniche. Le second étage de beffroi datant de l'époque gothique présente deux contreforts plats à chaque angle, scandés horizontalement par deux larmiers. Les deux baies abat-son gémelées par face sont en arc à peine brisé. Par rapport à l'étage roman, une troisième archivolte s'est ajoutée, et les colonnettes se sont amincies. L'étage gothique est également dépourvu de corniche. Les murs se terminent par des balustrades ajourées, dont le motif sont des trèfles, au nombre de cinq par face. Le toit actuel est une basse pyramide recouverte d'ardoise. Sur un plan général, l'étage de beffroi gothique appartient à la lignée des clochers gothiques du Vexin français qui a donné comme représentants les plus emblématiques les clochers d'Auvers-sur-Oise, de Champagne-sur-Oise et de Grisy-les-Plâtres, mais la tour Saint-Rieul est loin d'atteindre leur qualité[2],[3].
L'élévation septentrionale est également d'un grand intérêt, car c'est l'unique élévation de l'église romane qui subsiste sans altérations, abstraction fait de la nef : l'escalier devant le chevet et l'étage partiellement construit en colombages altèrent fortement son caractère, même si ces ajouts du milieu du XIXe siècle ont déjà leur valeur historique. Au nord, apparaissent donc les contreforts à ressauts de la base du clocher, qui sont légèrement différents tous les deux. Ils présentent une ou deux retraites moyennant un fruit présent sur leurs trois flancs, et trois retraites moyennant un glacis. Par ailleurs, le mur se retraite également par un fruit à la limite entre le rez-de-chaussée et le premier étage. C'est à côté de la baie de l'étage que les contreforts se terminent par un quatrième glacis. La baie est surmontée d'un cordon de billettes, qui se poursuit sur le mur et sur les contreforts : c'est ce cordon qui a été restitué sur le mur occidental. La baie s'ouvre sous un arc à double rouleau, dont les angles sont simplement chanfreinés. Le rang de claveaux supérieur repose sur les tailloirs des chapiteaux aux volutes d'angle de deux colonnettes en délit. Les impostes de la baie sont dotés de tablettes taillées de la même façon que les tailloirs, qui sont simplement biseautés. Au niveau du rez-de-chaussée, la base du clocher et la seconde travée du chœur possèdent toutes les deux des baies similaires. Ici, le cordon de billettes est remplacé par un cordon de fleurs de violette ; l'archivolte supérieure des fenêtres est moulurée d'une gorge et d'un tore ; et la sculpture des chapiteaux est plus élaborée, avec des tiges nouées deux par deux au milieu des faces, et des palmettes aux angles. L'on peut rapprocher ces fenêtres de celle de la base de clocher de Nesles-la-Vallée (vers 1130-1140), de la baie occidentale de Haravilliers (après 1140) et de l'église Saint-Justin, ou de la première fenêtre haute au nord de la nef de Saint-Clair-sur-Epte (après 1150)[2],[3].
- Fenêtre au nord du chœur.
- Fenêtre au nord de la base du clocher.
- Chapiteau à droite de cette fenêtre.
- Fenêtre au nord du 1er étage du clocher.
- Chapiteau au sud de l'arc triomphal.
Parties du XVIIe siècle
Le faux croisillon sud et la chapelle latérale sud du chœur sont du début du XVIIe siècle et placés sous l'influence du classicisme. C'est par le croisillon sud que s'effectue l'entrée depuis la démolition de la nef. Il est recouvert d'une voûté d'arêtes supporté par des pilastres nus logés dans les angles, et décorée d'une clé de voûte carrée ornée d'une rosace et de rinceaux. Le croisillon communique avec la chapelle latérale sud par une arcade plein cintre non moulurée et même pas chanfreinée, dont le profil des impostes est celui utilisé pour les tailloirs des pilastres. Une arcade brisée a été percée dans le mur méridional du clocher après son achèvement : au-dessus, subsiste en grande partie une baie romane presque entièrement bouchée, qui devait être identique à celles qui existent toujours au nord, vers la rue des Deux-Églises. L'arcade est simplement chanfreinée ; ses impostes sont moulurés d'un filet et d'un quart-de-rond concave. Cette arcade est réputée datant du XIIIe siècle, mais son peu de caractère n'autorise pas une datation précise, elle peut tout aussi bien dater du XIVe siècle.
La chapelle latérale est très courte, et son mur du chevet est biais. Elle communique avec la seconde travée du chœur par une arcade en plein cintre très surhaussé qui est encore partiellement romane, mais son caractère ne se révèle que de l'autre côté. Cette travée est simplement plafonnée en bois. L'éclairage naturel est procuré par deux grandes baies en plein cintre au remplage Renaissance standard, composé de deux arcatures plein cintre surmontées d'un oculus en forme de soufflet. — L'on ignore tout sur les parties jouxtant le chœur et la base de clocher avant la construction du collatéral de style classique[2],[3].
- Croisillon sud, vue vers le nord.
- Coisillon sud, arcade vers la chapelle sud.
- Croisillon sud, clé de voûte.
- Chapelle latérale sud, vue vers l'ouest.
- Chapelle latérale sud, vue vers le nord (dans le chœur.
- Chapelle latérale sud, plafond.
Base du clocher
La base du clocher occupait la position centrale entre la nef et la seconde travée du chœur, qui subsiste également. Elle a une largeur de 4,20 m et une profondeur de 3,70 m environ, et est recouverte d'une voûte d'arêtes moderne, percée en son centre d'un trou pour la remontée des cloches. Le mur du nord est allégé par deux arcatures plaquées en plein cintre non moulurées, qui retombent sur les hauts tailloirs des chapiteaux aux volutes d'angle de trois colonnettes en délit. Au sud, à gauche de l'arcade vers le croisillon sud, une colonnette semblable a été dégagée et montre que la même disposition existait au sud. Le chapiteau central des arcatures du nord (ou un autre semblable) a été englobé dans la voûte d'arêtes au moment de sa construction, ce qui permet de penser que la voûte devrait être contemporaine de la construction du collatéral sud. Les soubassements des arcatures peuvent tenir lieu de bancs, comme dans les bas-côtés de Villers-Saint-Paul. Les fenêtres au-dessus des arcatures sont entourées d'un tore, ce qui n'est pas le cas dans la seconde travée du chœur.
Chaque angle de la base du clocher est occupé par un pilier carré de faible diamètre, engagé dans les murs et muni d'un tailloir. La mouluration complexe et soignée du tailloir indique une date avancée dans le XIIe siècle, vers la fin de la période romane. Les chapiteaux voisins ont les mêmes tailloirs, et vu leur sculpture résolument romane, il doit bien s'agir d'une disposition d'origine. Des colonnettes à chapiteaux sont logées dans les deux angles rentrants. Ils supportent des arcs en tiers-point, qui à l'ouest et à l'est correspondent aux doubleaux secondaires de l'arc triomphal vers la nef (visible depuis l'extérieur) et l'arc triomphal vers la seconde travée du chœur. Au nord et au sud, ces arcs peuvent être interprétés comme des formerets, compatibles avec un voûtement d'ogives.
Si les voûtes d'ogives sont introduites dans la région assez tôt dans le XIIe siècle, et si les bases des clochers de Saint-Christophe de Cergy et Nesles-la-Vallée sont voûtées d'ogives dès l'origine (1130 / 1140), la disposition dans la tour Saint-Rieul ne parle pas en faveur d'un voûtement d'ogives prévu dès le départ. En effet, les voûtes d'ogives romanes vont de pair avec de gros chapiteaux généralement placés de biais. Ici, il n'y a jamais eu de chapiteaux ayant pu correspondre à des ogives, et l'angle saillant des piliers engagés occupe moins de place que les colonnettes elles-mêmes, alors que ces piliers auraient dû recevoir les ogives. En cas d'un voûtement d'ogives décidé après coup, il aurait été plus logique de renoncer aux formerets (en raison du manque de place pour leurs supports) qu'à des colonnes engagées et des chapiteaux réservés aux ogives. Le plus probable est donc que la base du clocher a toujours été voûtée d'arêtes, les formerets étant toutefois inspirées des premières voûtes d'ogives. Ce constat et la forme en tiers-point prononcé indiquent une construction pendant le second quart du XIIe siècle, conformément aux observations faites à l'extérieur[12].
- Chœur, vue dans la base du clocher.
- Base du clocher, vue vers le sud dans le croisillon.
- Base du clocher, arcature aveugle au nord.
- Colonnette subsistant des arcatures aveugles au sud.
- Supports de l'arc triomphal côté nord.
- Chapiteaux au sud de l'arc triomphal.
Seconde travée du chœur
Lors de la transformation en prison, la base du clocher et la seconde travée du chœur ont été subdivisées en deux étages, et les chapiteaux ont été en grande partie endommagés. Au sud de l'arc triomphal vers la seconde travée du chœur, ils sont assez bien conservés. Un gros chapiteau correspond à l'arcade, et deux chapiteaux plus petits aux doubleaux secondaires qui existent de chaque côté. Les motifs sont simples : feuilles plates recourbées en volutes aux angles, une fleur rosacée à six lobes comme réminiscence des rosettes des chapiteaux corinthiens[13], des tiges nouées deux par deux. L'arcade elle-même est en tiers-point et simplement chanfreinée, mais les doubleaux secondaires sont toriques. L'arcade plus étroite donnant sur la chapelle latérale sud semble avoir été percée après coup. Elle s'ouvre sous une archivolte analogue aux doubleaux secondaires de l'arcade vers la base du clocher, mais l'intrados n'est pas mouluré. Curieusement, le chapiteau à gauche (côté est) est situé trop bas.
Avec environ 4 m de largeur et 3 m de profondeur, la seconde travée du chœur est encore plus exigüe que la base du clocher et se termine par un chevet plat. Certaines dispositions sont analogues, dont notamment les formerets et les arcatures plaquées, qui sont au nombre de deux au nord, et du nombre de trois à l'est. Comme déjà signalé, les fenêtres ne sont pas (ou plus) moulurées, et une autre différence est que les rangs de claveaux au-dessus des formerets prennent également appui sur les chapiteaux, qui sont presque entièrement noyés dans les piliers engagés occupant les angles, disposition déjà observée dans la base du clocher. Ces chapiteaux supplémentaires ne sont pas usuels, et encore moins leur position coincée, qui ne fait apparaître qu'un tiers ou un quart des faces de leurs corbeilles. On est tenté de conclure à un réemploi. Pour ce qui est de la plausibilité d'un voûtement d'ogives, l'on ne trouve pas d'éléments nouveaux par rapport à la base du clocher. Il convient de regarder de plus près les arcatures aveugles. Elles appartiennent au même type que celles des églises d'Arronville, de Parnes, de Saint-Clair-sur-Epte et d'Us, dont les plus anciennes remontent à la limite XIe / XIIe siècle. Les arcs ne sont pas moulurés. Les tailloirs carrés ne sont moulurés que sur les faces latérales. Les chapiteaux aux volutes d'angles sont d'une facture archaïque et pourvus d'une large astragale torique. Les fûts des colonnettes en délit sont toujours cylindriques et non gravés ou moulurés. Les bases à griffes sont de deux types différents et présentent soit un tore, une scotie et un gros tore aplati, soit un tore et des cannelures à arêtes vives[2],[3].
Ce sont visiblement les arcatures décoratives qui ont motivé la datation pour la limite XIe / XIIe siècle par l'abbé Lebeuf au milieu du XVIIIe siècle, reprise par l'architecte en chef des monuments historiques de la fin du XIXe siècle. Faute d'études archéologiques sur la tour Saint-Rieul, cette datation a toujours été recopiée. Elle n'est pas convaincante pour les autres éléments en élévation : fenêtres relativement grandes pour la période romane, cordons de fleurs de violette, arcades en tiers-point, archivoltes toriques extérieures des fenêtres du rez-de-chaussée et des arcades, présence d'arcs formerets, tailloirs finement moulurés des chapiteaux des arcades ou des formerets, hauteur importante des baies abat-son de l'étage de beffroi roman du clocher (dont l'abbé Lebeuf dit déjà qu'elle est du XIIe siècle). Comme le montre la nef de Saint-Clair-sur-Epte, des fenêtres du même type sont encore couramment utilisées à la période gothique primitive, et les fleurs de violette apparaissent encore sur la façade de Champagne-sur-Oise vers 1235. Les formerets ne se généralisent qu'à partir du milieu du XIIe siècle, mais ne sont pas toujours la règle.
Les chevets plats sont connus dans la région à la période préromane, mais deviennent l'exception dans la région avec l'introduction du voûtement en cul-de-four au dernier quart du XIe siècle au plus tard. Ensuite ils reviennent avec l'apparition du voûtement d'ogives, qui devient relativement fréquent au second quart du XIIe siècle : pendant les premières décennies, l'on ne sait réaliser que des voûtes carrées ou rectangulaires. Les plus anciens chœurs au chevet plat qui subsistent dans les environs sont ceux des églises de Mogneville (vers 1130 / 1140), Noël-Saint-Martin (commune de Villeneuve-sur-Verberie, vers 1140) et Saint-Christophe-en-Halatte (commune de Fleurines, vers 1150). Les chapiteaux et bases des arcatures plaquées peuvent très bien être des réemplois. Par plusieurs caractéristiques, à savoir un chevet plat remontant à la période romane, l'existence de formerets sans certitude sur un éventuel voûtement d'ogives, et une décoration soignée en dépit de l'exigüité du sanctuaire, l'ancienne église Saint-Rieul se distingue d'édifices comparables et représente ainsi un témoin important de l'architecture romane dans la région[10].
- Seconde travée du chœur, côté nord.
- Seconde travée du chœur, vue vers le sud-ouest.
- Chœur, vue vers le sud.
- Chapiteau des arcatures aveugles.
- Base cannelée des arcatures aveugles.
- Base attique des arcatures aveugles.
Annexes
Bibliographie
- Charles Huet, « Louvres », Églises du Val-d’Oise : Pays de France, vallée de Montmorency, Gonesse, Société d’histoire et d’archéologie de Gonesse et du Pays de France, , p. 168 et 174-175 (ISBN 9782953155402)
- Jean Lebeuf, Histoire de la ville et de tout le diocèse de Paris : Tome second, Paris, Librairie de Fechoz et Letouzey (réédition), 1883 (réédition), 693 p. (lire en ligne), p. 295-304
Articles connexes
Liens externes
Notes et références
- « Tour Saint-Rieul », notice no PA00080105, base Mérimée, ministère français de la Culture
- « Inventaire général du patrimoine culturel - tour Saint-Rieul », notice no IA00080287, base Mérimée, ministère français de la Culture.
- Huet 2008, p. 162-163.
- Lebeuf 1883 (réédition), p. 295-296.
- Lebeuf 1883 (réédition), p. 299.
- « Le musée ARCHEA : un petit musée devenu grand) », sur ville de Louvres (consulté le )
- « Doc. 2 : Plan, coupe et élévation par A. Simil, architecte », notice no IA00080287, base Mérimée, ministère français de la Culture.
- « Doc. 6 : Plan de la prison de Louvres, dressé en 1801 », notice no IA00080287, base Mérimée, ministère français de la Culture.
- « Doc. 7 : Plan des masses par V. Lenoir, architecte », notice no IA00080287, base Mérimée, ministère français de la Culture.
- Lebeuf 1883 (réédition), p. 296.
- Anne Prache, Île-de-France romane, La Pierre-Qui-Vire, Zodiaque, coll. « Nuit des temps vol. 60 », , 490 p. (ISBN 2736901053), p. 484-494.
- Voir un travail de synthèse fondamental relative à la question : Dominique Vermand, « La voûte d’ogives dans l’Oise : les premières expériences (1100-1150) », Groupe d’étude des monuments et œuvres d’art de l’Oise et du Beauvaisis - L’Art roman dans l’Oise et ses environs (actes du colloque organisé à Beauvais les 7 & 8 octobre 1995), Beauvais, , p. 123-168 (ISSN 0224-0475).
- Louis Régnier, Excursions archéologiques dans le Vexin français – ouvrage posthume – deuxième série, Gisors, Imprimerie Benard-Bardel et fils, , 170 p., p. 85.
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