Rinceau
Le rinceau est un motif ornemental constitué d'une tige se développant en volutes et en contre-volutes, ornée le plus souvent de feuillages, de fleurs ou de fruits. Cette arabesque sert d'ornement en architecture ou dans les arts décoratifs[1].
Description
Ce sont des motifs composés de feuillages et tiges végétales à enroulements successifs plus ou moins rythmés et ordonnés, souvent déployés sous forme de frises mais pouvant aussi couvrir des surfaces plus importantes. Les végétaux représentés les plus classiques depuis l'Antiquité sont l'acanthe et la vigne. Ils intègrent parfois des roses et peuvent figurer toutes sortes de plantes à fleurs. Les rinceaux sont avant tout des motifs imaginaires et composites qui peuvent s'inspirer d'une très grande variété de végétaux sans respecter leur forme naturelle. Ils contiennent fréquemment des fleurs, des vases, des oiseaux et autres animaux, des mascarons et diverses figures humaines. Lorsqu'ils sont associés à des personnages ou à des animaux, on parle de « rinceaux peuplés ». Ils sont employés pour la décoration graphique, de peinture et/ou d'architecture. Ils peuvent être peints (ex. : enluminure), sculptés, forgés (ferronnerie), modelés (stuc), tissés ou brodés (arts textiles), imprimés, faits de mosaïques, de marqueteries, etc.
Histoire
Des motifs curvilignes et spiralés rythmés, ressemblant parfois beaucoup aux rinceaux, mais généralement sans connotation végétale, sont répandus dans les arts décoratifs dès le Néolithique (culture de la céramique rubanée, culture de Cucuteni-Trypillia, entre autres). On rencontre encore des motifs semblables dans l'Antiquité (art minoen par exemple).
Les rinceaux végétaux, inspirés des branches et des feuillages de la vigne et de l'acanthe, apparaissent dans l'architecture de la Grèce antique, dans les décors des toitures (sima ou chéneau), notamment à l'époque hellénistique. Dès l'époque hellénistique, ils se diversifient dans des mosaïques, des fresques et des frises sculptées, et se répandent dans tout le Bassin méditerranéen, et en Orient jusqu'en Inde après les conquêtes d'Alexandre le Grand. Comme l'ensemble de l'héritage artistique grec, ils se transmettent à la Rome antique où ils seront un des motifs décoratifs parmi les plus diffus et classiques de l'époque impériale. Ils seront de même abondamment employés dans les décors de l'architecture paléochrétienne.
Les rinceaux perdurent durant tout le Moyen Âge en Europe en se diversifiant. Ils sont très abondants dans l'art byzantin, dans la continuité de l'art paléochrétien, que ce soit dans les mosaïques, les ivoires ou les reliefs architecturaux en marbre. Dès le début du Moyen Âge, on les rencontre dans toute l'Europe occidentale, sur des reliefs sculptés, des cercueils, des croix de pierre, des stucs décoratifs, en orfèvrerie, etc. Ils sont notamment très utilisés dans les manuscrits, souvent associés avec des entrelacs, et ils resteront un des motifs décoratifs majeurs de l'enluminure médiévale durant plus d'un millénaire, malgré les évolutions du style (pré-roman, roman, gothique). Ils sont souvent dans les lettrines ou autour, mais peuvent aussi former le motif de fond des miniatures ou encore les encadrer en pleine page. Dans l'architecture romane, ils ornent fréquemment les chapiteaux sculptés. Les pentures en ferronnerie des portes de la cathédrale Notre-Dame de Paris sont un exemple remarquable de rinceaux gothiques. On les rencontre aussi parfois dans les vitraux.
Les motifs curvilignes traditionnels de Chine, mêlés de dragons, paons et autres animaux, prennent très tôt des formes parfois étonnamment semblables aux rinceaux végétaux occidentaux, dès l'Antiquité. Le commerce des objets de luxe sur la route de la soie a mis la Chine en contact avec l'art occidental assez tôt dans l'Antiquité, puis s'est officialisé sous la dynastie Han. Les influences proviennent de Perse, d'Inde, et surtout de la Bactriane hellénistique. L'influence occidentale dans ces motifs se renforce et se fait plus manifeste à partir de la dynastie Tang, en provenance notamment de la Sogdiane et de Byzance. Les rinceaux deviennent peu à peu un motif décoratif parmi les plus importants de l'art chinois. De la Chine ils se sont ensuite diffusés en Corée, au Japon et en Asie du Sud-Est.
Au Moyen-Orient, dans la continuité de l'art byzantin notamment, ils deviennent un des motifs de base de la décoration de l'art islamique, aux côtés des motifs géométriques, favorisés par l'interdiction de la figuration humaine dans l'islam, et ils connaîtront un développement particulier dans l'art persan.
En Europe, les rinceaux retrouvent des formes plus antiques à la Renaissance. Puis ils se diversifient à nouveau durant l'ère baroque des XVIIe et XVIIIe siècles, où ils seront utilisés en abondance dans tous les arts, y compris l'ébénisterie et les arts du textile.
Héraldique
Dans le domaine héraldique, rinceau « se dit aussi en blason, des branches chargées de feuilles[3] ».
Galerie
- La mosaïque grecque hellénistique de la Chasse au cerf de Pella, entourée de rinceaux fleuris, IVe siècle av. J.-C.
- Rinceaux en haut de cette corniche en marbre du grand autel de Pergame, époque hellénistique, IIe siècle av. J.-C.
- Rinceaux romains de vigne sur une porte du temple de Baal, Palmyre.
- Montant d'un porte en marbre à Pompéi, peuplé d'oiseaux, escargots, insectes.
- Rinceaux sculptés dans les trois faces des pilastres de la basilique civile de Leptis Magna, époque romaine.
- Mosaïque du IIe – IIIe siècle, de l'île de Kos, Grèce, encadrée par deux branches de rinceaux, dont la forme est parmi les plus classiques dans l'art romain.
- Un paon perdu dans une forêt de rinceaux. Mosaïque romaine antique de Tunisie.
- Rinceaux de vigne de style gréco-romain en Arabie du Sud, IIe siècle.
- Rinceaux paléochrétiens en mosaïque d'or sur fond bleu nuit décorant le baptistère des Orthodoxes de Ravenne, Ve siècle (voir aussi au baptistère du Latran à Rome).
- Mihrab de la Grande Mosquée de Kairouan couvert de rinceaux de vignes en dorure sur fond peint en bleu, IXe siècle.
- Une lettrine du Sacramentaire de Drogon, manuscrit carolingien, vers 845-855.
- Sacramentaire de Charles le Chauve, vers 875.
- Incipit du Sacramentaire d'Henri II, enluminure ottonienne, vers 1002-1014.
- Mosaïque du XIIe siècle dans l'abside de la basilique Saint-Clément-du-Latran, illustrant la continuité à Rome des modèles antiques et paléochrétiens durant tout le Moyen Âge.
- Page enluminée de la bible de Santa Cruz de Coimbra, Portugal, XIIe siècle.
- Lettrine d'un manuscrit italien, vers 1150.
- Porcelaine chinoise de la dynastie Yuan (vers 1271-1368).
- Porcelaine chinoise de la dynastie Ming (vers 1368-1450).
- Un folio de la Divine Comédie de Dante, Toscane, vers 1386-1388.
- Aspect fréquent des rinceaux dans les manuscrits enluminés gothiques.
- Enluminure d'un manuscrit de Bohème, vers 1400.
- Annonciation encadrée de rinceaux dans Les Belles Heures du duc de Berry, 1405-1409.
- Une page d'un livre d'heures, vers 1460.
- Les rinceaux de la Renaissance, comme ici à la cathédrale d'Albi, s'inspirent des enluminures médiévales mais aussi des grotesques de l'Antiquité romaine.
- Amure du roi de France Henri II, vers 1555, avec une décoration typique de la Renaissance.
- Un tapis persan. Les rinceaux sont arrivés en Iran sous les Séleucides, suivis d'influences byzantines et chinoises.
- Les décors de l'architecture persane sont également riches en rinceaux.
- Marqueteries et bronzes dorés à délicats rinceaux de style Louis XIV, typiques des productions d'André-Charles Boulle.
- Portes d'une armoire française attribuée à Nicolas Sageot, vers 1710.
- Grands rinceaux d'acanthes sur les soieries de la chambre du roi à Versailles, dans la continuité d'une tradition médiévale des chambres royales.
- Robe italienne des années 1700 brodée d'or et d'argent.
- Une veste masculine française du XVIIIe siècle, de style Louis XV.
- Décor de style rococo, dérivé des rinceaux. Château de Ludwigsbourg, Allemagne, première moitié du XVIIIe siècle.
- Rinceaux fleuris en broderie sur une robe anglaise rococo du XVIIIe siècle.
Notes et références
- Alain Rey (dir.), Dictionnaire culturel en langue française, tome IV (ISBN 2 84902 179 - 2), , p. 340.
- Selon une légende médiévale, Biscornet (ou Biscornette) aurait voué son âme au diable deux fois cornu (bis-cornutus) en échange de son aide pour la réalisation d'un tel chef-d'œuvre. Le diable peut exécuter les portes latérales mais pas la porte centrale réservée au passage du Saint-Sacrement. Le non respect du pacte l'oblige à laisser l'âme de Biscornet en paix. Cf Jacques Silvestre de Sacy, L'île Saint-Louis, l'île de la Cité, le quartier de l'ancienne université, H. Veyrier, , p. 147.
- Dictionnaire de l'Académie française, 4e édition, 1762.
Voir aussi
Bibliographie
- Évelyne Thomas, « L'originalité des rinceaux français », dans L'Invention de la Renaissance, actes du colloque tenu à Tours du 1er au , Picard, 2003, p. 177-186.
Articles connexes
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