Typos
Le Typos (en grec : τυπος, « figure » comprendre « le Christ ») est un édit sur la foi publié par l'empereur byzantin Constant II en septembre 648. Il déclare la fin de l’ecthèse d’Héraclius pour tenter de résoudre la crise du monothélisme. Il met fin à toute discussion sur le nombre de volontés du Christ. Ce nouveau formulaire de foi est condamné ainsi que l’Ecthèse par le concile convoqué par le pape Martin Ier à la basilique du Latran à Rome en 649.
Contexte historique
Contexte politique
Problèmes internes : L’Empire byzantin subira plusieurs troubles internes tels que des guerres civiles durant la première moitié du VIIe siècle. Vers l’an 600, l’Empire byzantin est dirigé par l’empereur Maurice (582-602) qui stabilise les frontières de l’empire en combattant les Sassanides à l’est ainsi que les Slaves et les Avars à l’ouest dans les Balkans. En 602, Maurice est renversé par une révolte militaire qui instaure Phocas comme empereur (602-610)[1]. Phocas règne jusqu’an 610 où il est à son tour renversé par Héraclius (610-641)[1]. Héraclius meurt en 641 et laisse la place à son fils Constantin III. Ce dernier meurt après quelques semaines de règne et son fils Constant II prend le pouvoir et règne jusqu’en 668[2]. L’empire est donc déstabilisé par deux guerres civiles et 5 empereurs en l’espace de 40 ans.
Problèmes externes : fragilisé par les troubles intérieurs, l’empire entre dans une succession de conflits contre des peuples extérieurs qui réduisent significativement la taille du territoire de l’empire. En effet, l’empereur Maurice réussit à conclure un traité de paix avec l’empire sassanide et profite de la paix sur la frontière est pour stabiliser à son tour la frontière danubienne aux prises par des incursions Slaves et Avars[1]. Plusieurs décisions prises par Maurice créent un mécontentement dans l’armée qui protège les Balkans. Cette dernière renverse Maurice et instaure Phocas comme nouvel empereur. L’empereur Khosro II de l’Empire perse utilise la mort de Maurice pour reprendre la guerre[3] et pille les régions orientales de l’Empire byzantin. Les Perses ne sont pas le seul problème de Phocas. En effet, les Lombards concluent leur conquête de l’Italie et la frontière danubienne n’est toujours pas pacifiée. Ainsi, avec la situation qui s’aggrave[1], c’est au tour du général Héraclius de renverser Phocas en 610[1] et essaye de rétablir la situation. Les Perses réussissent à prendre la Syrie au cours des années 610 ainsi que l’Égypte et une partie de l’Anatolie. Dans la même décennie, la Thrace est aux prises avec le pillage fait par les Slaves et les Avars qui menacent même Constantinople. La ville est assiégée conjointement, en 626, par les Avars et les Perses[1]. Par contre, en 627, Héraclius réussit à remporter une grande victoire contre les Perses et met fin à leurs incursions[3]. L’empire réussi à reprendre les terres occupées par les Perses et Héraclius triomphe à Constantinople en rapportant notamment la vraie croix prise par les Perses avec la chute de Jérusalem. Par contre, un nouvel ennemi pour l’empire survient au milieu des années 630: les Arabes. Avec la récente expansion de l’Islam, les Arabes attaquent l’empire et remportent notamment une grande victoire en 636 en Palestine[1]. Il en résulte la perte de celle-ci et de la Syrie. L’Égypte tombe aux mains des Arabes en 640/642[1] et donc Constantinople perd définitivement son grenier à blé. Donc, en plus des troubles intérieurs de l’empire, les guerres et les incursions ennemies causent la perte d'un territoire immense.
Contexte religieux
Du point de vue religieux, l’Empire byzantin n’est pas réellement uni au courant du VIIe siècle. En effet, même si l’empire a une population chrétienne, leurs dogmes et leurs croyances peuvent différer d’un endroit à l’autre. Il existe donc plusieurs versions du christianisme : les nestoriens, les monothélites, l’église arménienne (monophysites)... L’idéologie nestorienne veut qu’il y ait deux natures/volonté distinctes du Christ, la première étant selon son humanité et la deuxième étant le côté divin[4]. Le nestorianisme est au centre du débat durant le concile D’Éphèse en 431. C’est lors de ce concile que cette idéologie est condamnée[5]. Il est précisé dans le concile de Chalcédoine (451) le fait que les deux volontés sont unies par l’union hypostatique . L’idéologie des monothélites provient de l’idée originale d’Eutychès et de la contestation du patriarche d’Alexandrie Cyrille (412 à 444) ainsi que son successeur Dioscore (444 à 454) du nestorianisme. Donc, contrairement aux nestoriens, les monophysites croient en une seule nature du Christ[6], que le verbe de Dieu est uni au Christ. Ce conflit théologique continue au long des Ve, VIe et VIIe siècles. En effet, en 639, l’empereur Héraclius ainsi que le patriarche de Constantinople rédigent l’Ecthèse[7], un document qui cherche à réconcilier et unifier les deux idéologies du nestorianisme et du monothélisme. En 646, soit 2 ans avant le typos de Constant II, un moine du nom de Maxime le Confesseur fait une grande campagne contre le monothélisme en Afrique du Nord[8]. Maxime est un moine né à Constantinople. En 624/625, il rejoint le monastère de Saint George à Cyzique où il rédige ses ouvrages :liber asceticus et Centuriae de cariate. En 626, les attaques Perses le forcent à partir en Afrique[9]. C’est là qu’il commencera à combattre le monothélisme. Il écrira plusieurs ouvrages comme les Ambigua ou the Mystagogia[9]. Lors de son combat contre le monothélisme, il décide de rechercher l’aide auprès du patriarche de Rome qui suit le courant nestorien. Le Pape Théodore envoie donc une lettre au patriarche monothéliste de Constantinople Paul II qui tient ferme sa position théologique[8]. Donc, en 647, le patriarche de Rome excommunie Paul pour hérésie. De son côté, le patriarche de Constantinople rompt contact avec le patriarche de Rome. C’est-là, qu’aux prises avec un schisme des églises de Rome et de Constantinople que l’empereur Constant II fait le typos.
Typos un document politique
L’Écthèse de Héraclius était un document principalement théologique qui tente d’unir les nestoriens et les monothélites. Le document fait un compromis : le Christ a deux natures, une divine et une humaine, mais n’a qu’une volonté. Le typos, était quant à lui, un document plus politique que religieux. Le but étant de réunir les fidèles comme celui de l’Écthèse, mais au lieu de tenter un compromis, le typos cherche à clore la discussion[8]. En effet, le typos dicte aux sujets de ne plus parler ni d’une ou de deux volontés du christ pour mettre fin à la dispute et aux séparations religieuses. Cette nouvelle loi est renforcée par des punitions si elle n’est pas respectée. Par exemple, un clerc peut se voir déposé de son poste, un moine excommunié et un simple citoyen peut recevoir un châtiment physique et aller jusqu’au bannissement[8].
Le document
Le typos de Constant II n’a pas survécu jusqu’à nos jours et il n'en est pas fait mention dans les archives byzantines connues. L’information sur le contenu du document vient principalement des archives papales.
Répercussions
La réponse de l’Église romaine face au typos fût de rassembler un concile pour essayer de contrecarrer le nouvel édit impérial. L’Église de Rome étant fermement nestorienne, cherche donc à s’opposer d’une part aux monothélites, mais aussi à l’édit impérial qui, au lieu de chercher une réponse théologique, cherche à clore la discussion. C’est donc en 649 que le pape successeur au pape Théodore, Martin Ier, convoque le concile de Latran sans l’autorisation impériale. Il faut retenir que ce concile ne fait pas partie des conciles œcuméniques reconnus par l’empire. En effet, ce qui rend un concile œcuménique est sa réception face aux autres églises de la chrétienté[5]. Comme le concile se déroule à Rome, qu'il est contesté par d’autres églises et patriarches, le concile ne peut pas prétendre au titre d’œcuménique. Le concile est principalement composé de théologiens venant de l’est de l’Europe, mais également de moines grecs dirigés par Maxime le Confesseur. Le concile dure plusieurs jours, 20 canons sont finalement émis et condamnent le monothélisme. Le Typos n’étant pas respecté par le Pape de Rome, l’empereur Constant II ordonne l’arrestation du patriarche ainsi que celle de Maxime le Confesseur. Le pape est arrêté en 654 par l’exarque Théodore Calliopas et est envoyé à Constantinople[8]. En chemin, le Pape est détenu 19 jours sur l’ile de Naxos puis est envoyé pour être jugé à la capitale de l’empire. Il est accusé de trahison, de conspiration contre l’empereur et est finalement condamné à l’exil en Crimée où il mourra en 655/656[8]. De même, Maxime le Confesseur également accusé de conspiration et d’hérésie, sera envoyé en Thrace. Il semble ensuite avoir reçu un pardon impérial. Malgré tout, il continue à combattre le monothélisme. Il est donc jugé une fois de plus en 662 pour hérésie. Il perd sa langue et sa main droite après un procès et se voit une fois de plus exiler en Géorgie actuelle. Celui-ci meurt la même année[8]. Les événements suscités par le typos sont les précurseurs des grands schismes des deux Églises, celle de Rome et celle de Constantinople.
Notes et références
- Haldon 2003.
- « Constant II Héraclius », sur www.larousse.fr, Encyclopédie Larousse en ligne (consulté le )
- (en) « Khosrow II | king of Persia », sur Encyclopedia Britannica (consulté le )
- « nestorianisme », sur www.larousse.fr, Encyclopédie Larousse en ligne (consulté le )
- Flusin 2012.
- (en) W. H. C. Frend, « Monophysitism », Encyclopedia of Religion, (lire en ligne)
- Drapeyron 1869.
- Bury 1889.
- Siencienski 2010.
Bibliographie
- Eugène Marin, Les moines de Constantinople depuis la fondation de la ville jusqu'à la mort de Photius (3330-898), Paris, Victor Lecoffre, , XX-546 p. (ISBN 9781421239941, OCLC 6978210, lire en ligne).
- (en) John F. Haldon, Byzantium at War AD 600–1453, New York, Routledge, coll. « Essential Histories », , 95 p. (ISBN 9780203494622).
- Bernard Flusin, La civilisation byzantine, PUF, coll. « Que sais-je ? » (no 3772), , 2e éd., 126 p. (ISBN 9782130592532), chap. II (« Le christianisme byzantin »).
- Ludovic Drapeyron, L'Empereur Héraclius et l'Empire byzantin au VIIe siècle, Paris, E. Thorin, , 415 p. (OCLC 457978157, lire en ligne).
- (en) Edward Siencienski, The Filioque : History of a Doctrinal Controversy, New York, Oxford University Press, coll. « Oxford Studies in Historical Theology », (ISBN 9780195372045, DOI 10.1093/acprof:oso/9780195372045.001.0001, lire en ligne).
- (en) John Bagnell Bury, A history of the later Roman Empire : from Arcadius to Irene, 395 A.D. to 800 A.D, vol. II, Londres, Macmillan, , 579 p. (lire en ligne)
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