Viktor Bout

Viktor Anatolievitch Bout (en russe : Виктор Анатольевич Бут), né le à Douchanbé, au Tadjikistan[1] actuel (à l'époque l'URSS), est l’un des plus influents et importants trafiquants d'armes au monde. Il est spécialisé dans la vente d'armes dans des pays sous embargo de l'ONU. Certains médias l'ont surnommé le « marchand de mort[2] » et « seigneur de guerre[3] ».

Pour les articles homonymes, voir Bout.

Viktor Bout
Biographie
Naissance
Surnoms
« le marchand de la mort », Victor Bout, Boris, Vadim Markovich Aminov, Viktor Bulakin, Victor Anatoliyevich Bout, Victor But, Viktor Budd, Viktor Butt, Lord of War, Todeshändler, le marchand de pipes
Nationalités
Formation
Institut militaire du ministère de la Défense de l'URSS (d)
Activités
Autres informations
Condamné pour
Lieu de détention
United States Penitentiary, Marion (en) (depuis )

Arrêté en 2008 en Thaïlande, il est extradé aux États-Unis et condamné le à 25 ans de réclusion criminelle, peine qu'il purge actuellement au centre pénitentiaire fédéral de Marion (en), en Illinois.

Biographie

Officier polyglotte dans l'Armée rouge

Ancien élève de l'Institut militaire des langues étrangères de Moscou (qui forme les officiers du GRU, le renseignement militaire soviétique), il travaille ensuite comme officier dans l'aviation russe[4], comme interprète. Viktor Bout parle russe, farsi, anglais, français, allemand, portugais, espagnol, xhosa, zoulou[5] et espéranto[6]. En 1987, il participe pendant plusieurs semaines à une opération de maintien de la paix en Angola[7],[8]. Il passe ensuite deux ans au Mozambique[9]. Militaire à Vitebsk (Biélorussie) lors de l'effondrement de l'URSS et de la dissolution de son unité en 1991, il se reconvertit à vingt-quatre ans dans le trafic d'armes[5]. Il a profité, après la chute du mur de Berlin, des offres à bas prix des armes soviétiques dans des bases militaires livrées à elles-mêmes[10].

Trafiquant fréquentable

Bout se fait remarquer sur la scène internationale lorsqu'il s'avère qu'il fournit illégalement des armes à de nombreux protagonistes en Afrique dans les années 1990, notamment au Liberia, en Sierra Leone, au Rwanda, en Angola, en République démocratique du Congo (où il procure un avion à Mobutu Sese Seko pour lui permettre de fuir, en 1997[9]), en Afghanistan[4], en Colombie, au Sri Lanka et aux Philippines. Il a fourni des armes au régime déchu de Charles Taylor au Liberia[11], et est fortement soupçonné d'avoir violé l'embargo sur les armes au Soudan (guerre civile au Darfour). Pendant la guerre civile en Angola, Viktor Bout approvisionne l'UNITA[5], mais aussi l’armée gouvernementale en mines anti-personnel puis en équipement de déminage[12]. En Afghanistan, après avoir approvisionné l’Alliance du Nord[réf. nécessaire], il fournit les talibans en armes[11]. Ses avions immatriculés dans des pays africains ont aussi servi au déploiement de l'armée française au Rwanda en 1994[13]. Selon le journaliste d’investigation Alain Astaud, Bout a transporté en du matériel de déminage pour l’ONG britannique HALO Trust (en)[5].

En raison de ses considérables capacités logistiques, Bout a été prestataire de services pour le transport d'hommes et de matériels de l’ONU en Somalie en 1993 (opération Restore Hope), puis en 1994 lors de l'opération Turquoise au Rwanda, afin d'acheminer 2 500 soldats français et leur matériel en temps voulu[14],[1]. Il a également fourni des moyens de transport au PAM et à certaines ONG après le tsunami de 2006, ainsi qu'aux États-Unis dans le cadre des guerres en Afghanistan (jusqu'à fin 2005) et en Irak (plusieurs centaines de vols jusqu'en , également affrétés par l’état-major britannique, selon le journaliste Jean-Michel Vernochet), ainsi que pour les firmes KBR, Halliburton et FedEx en Irak). Il a également collaboré avec l'ONU et le Programme alimentaire mondial.

Organisation impeccable

À la fin de la guerre froide, il a récupéré de nombreux pilotes et une soixantaine d'appareils (Antonovs, Iliouchines, hélicoptères[11]) en Europe de l’Est. En quelques années, Viktor Bout est devenu propriétaire ou utilise plusieurs compagnies aériennes pour transporter des armes, comme Air Cess (basée à Charjah, aux Émirats arabes unis[12]), Aerocom, TransAvia et Centrafrican Airlines, ainsi que des avions immatriculés en Belgique, au Kazakhstan, et dans de nombreux pays d’Afrique (Eswatini, Liberia, République centrafricaine, Guinée équatoriale). À l’apogée de ses activités, il aurait eu à sa disposition une soixantaine d’avions, soit la plus grande flotte privée au monde[12]. Grâce à ses contacts, il assure l’acquisition d’armes dans les stocks de l’ancien bloc de l’Est (Moldavie, Ukraine, Bulgarie), assurant sans intermédiaire leur livraison à ses commanditaires. Jusqu'à 300 personnes auraient travaillé pour lui[15], 1000 selon d'autres sources[9].

Il multiplie les sociétés-écrans, ce qui lui permet de créer dans des pays peu regardants des compagnies aériennes – parfois fictives – et de justifier les vols. Le recours à de faux certificats d’utilisation finale ou des changements de destination en cours de vol permet d’acheminer les armes. De plus, ses compagnies aériennes transportent également des marchandises licites, notamment des poulets surgelés et des fleurs[16].

Viktor Bout s'est toujours défini comme un simple homme d'affaires. Dans plusieurs interviews, il déclare n'avoir jamais eu de contacts avec les Talibans ou Al-Qaida[17]. Il a fait l’objet de deux tentatives de meurtres en 1998.

Arrestation et condamnation

Faisant l'objet de sanctions de la part de l'Organisation des Nations unies et d'un mandat d'arrêt international, il se réfugie en 2001 à Moscou, où il échappe aux tentatives d’arrestation grâce à ses cinq passeports, ses différentes identités et de puissants appuis que dénoncent les enquêteurs belges[11].

À partir de 2002, une plainte est déposée par la Belgique pour le blanchiment de 325 millions de dollars, Viktor Bout est recherché par Interpol. Lors du dépôt d’une demande de sanction au conseil de sécurité des Nations unies contre les trafiquants d’armes, la France le mentionne nommément, mais les États-Unis le font retirer ; il en est de même en 2004 lors d’une résolution française contre Charles Taylor. Ce n’est qu’en que le département du Trésor des États-Unis gèle ses comptes aux États-Unis.

Le , Viktor Bout est arrêté à Bangkok, en Thaïlande, par des agents de la Drug Enforcement Administration qui le soupçonnent d'avoir voulu vendre des missiles sol-air et des lance-roquettes anti-blindage[4] aux Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC)[18],[19]. En collaboration avec les polices roumaine, danoise et des Antilles néerlandaises, les agents américains se sont fait passer pour des représentants des FARC[20].

Le département de la Justice des États-Unis souhaite l’inculper pour terrorisme car les FARC sont considérés comme un mouvement terroriste aux États-Unis[12]. Le procureur en chef du Tribunal spécial pour la Sierra Leone demande un procès sur l’action de Viktor Bout en Afrique[21].

En août 2009, en première instance, un tribunal thaïlandais refuse l'extradition de Viktor Bout vers les États-Unis[22] afin qu'il soit jugé pour trafic d'armes avec les FARC et complot envers des ressortissants américains, mais la cour d'appel autorise son extradition le [23]. L'extradition a lieu le [24]. La Russie, qui réclame sa libération, juge cette extradition illégale.

Bout a été condamné par un jury de Manhattan le .

Le un juge fédéral de New York le condamne à 25 ans de prison et à une amende de 15 millions de dollars[25].

Documentaires et enquêtes

Films

  • En 2009, Viktor Bout : le trafiquant qui a armé le monde, documentaire de Tom Mangold (diffusé par la BBC en Grande-Bretagne et Canal + en France).
  • En 2015, Le tristement célèbre M. Bout, documentaire de Maxim Pozdorovkin et Tony Gerber (diffusé par Arte en France).

Youtube

    Vidéo externe
    Les nouveaux VRP de la guerre, 26 août 2021, Investigations et Enquêtes

    Livres

    • En 2007, Stephen Braun et Douglas Farah ont publié un livre sur Bout intitulé Merchant of Death: Money, Guns, Planes, and the Man Who Makes War Possible (Le Marchand de mort : argent, armes, avions et l’homme qui rend les guerres possibles)
    • Victor Bout un pion majeur sur l'échiquier pour Washington et Moscou, collectif LIESI, éditions Delacroix.


    Dans la fiction

    Films

    Littérature

    • Le roman Igla S de Gérard de Villiers (SAS no 192, 2012) évoque Viktor Bout : les services secrets russes montent une manipulation du FBI dans le but d'échanger un agent du FBI contre Viktor Bout.
    • Le roman Le Piège de Bangkok de Gérard de Villiers (SAS n°180, 2009) évoque l'arrestation de Bout à Bangkok et les manœuvres des services américains pour obtenir son extradition vers les États-Unis.

    Notes et références

    1. Viktor Bout, « le marchand de la mort », évite une extradition vers les États-Unis, Le Monde,
    2. « La Thaïlande accepte d'extrader le "marchand de mort" Viktor Bout aux États-Unis », Le Point du 20 août 2010.
    3. « 'Lord of War' arms dealer Viktor Bout arrested in Thailand », timesonline.co.uk du 6 mars 2008.
    4. « Le marchand d'armes russe Viktor Bout arrêté en Thaïlande ». Dépêche Reuters du 7 mars 2008, par Nopporn Wong-Anan.Lire en ligne sur le site de Libération.
    5. Alain Astaud, « À Bout portant : Portrait du trafiquant d'armes « Victor B » », numéro 66, décembre 2005 [archive du ], sur www.amnistia.net, Les Enquêtes interdites, www.amnistia.net, (consulté le )
    6. (eo) ”Komercisto de la morto” estas esperantisto.
    7. (en) « Who is Viktor Bout », csmonitor.com du 22 octobre 2009.
    8. (en) « Arms and the Man », The New York Times du 17 août 2003.
    9. (en) « Arms and the Man », The New York Times du 17 août 2003.
    10. SFR.fr
    11. Benjamin Valverde, Le Trafic illicite d'armes légères, travail universitaire de DESS de géopolitique, université Paris-I Panthéon-Sorbonne/ENS, 2004, p.65
    12. Saïd Aït-Hatrit, Viktor Bout, « marchand de mort » de l’Afrique, interpellé en Thaïlande, Afrik, 7 mars 2008.
    13. Thomas Borrel, Yanis Thomas, L'Empire qui ne veut pas mourir: Une histoire de la Françafrique, Seuil, , p. 691
    14. Laurent Léger, Trafic d’armes, Bout Turquoise, Bakchich, 20 septembre 2006
    15. (en) « Who is Viktor Bout », csmonitor.com du 22 octobre 2009.
    16. (en) « Flying anything to anybody », The Economist du 18 décembre 2008.
    17. (en) « Belgium Issues Warrant for Former Soviet Army Officer Believed to be Running Arms Smuggling Network », transcription d'une interview réalisée par CNN le 4 mars 2002.
    18. (en) « Russian Charged With Trying to Sell Arms », The New York Times, 7 mars 2008.
    19. « Le « marchand de mort » est arrêté en Thaïlande », Le Devoir, 7 mars 2008.
    20. « Un géant du trafic d'armes arrêté à Bangkok », Libération, 7 mars 2008.
    21. « Le Lord of War ne sera pas extradé de la Thaïlande vers les États-Unis », Le Monde, 11 août 2009.
    22. « Bangkok refuse de livrer Viktor Bout aux États-Unis », RFI, 11 août 2009.
    23. « La justice thaïlandaise ordonne d'extrader le trafiquant d'armes Viktor Bout aux États-Unis », dépêche AFP du 20 août 2010.
    24. « Thaïlande : le marchand d'armes russe Viktor Bout extradé aux États-Unis », Le Monde, 16 novembre 2010.
    25. « Fin de parcours d'un des plus grands "marchands de mort" », 6 avril 2012.
    26. « Viktor Bout, le « marchand de mort » en passe d'être extradé vers les États-Unis », Libération du 20 août 2010.

    Voir aussi

    Bibliographie

    • (en) Stephen Braun et Douglas Farah Merchant of Death: Money, Guns, Planes, and the Man Who Makes War Possible, Wiley - First Edition, 2007, 320 p.

    Liens externes

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