Émile Berchmans

Émile Berchmans, né en 1867 à Liège et mort en 1947 à Bruxelles, est un peintre et graveur liégeois, et l'un des principaux affichistes belges du début du xxe siècle.

Pour les articles homonymes, voir Berchmans.

Émile Berchmans
Émile Berchmans (photographie de la Revue illustrée du 15 avril 1899)
Naissance
Décès
(à 79 ans)
Bruxelles
Sépulture
Nom de naissance
Émile Charles Louis Berchmans
Nationalité
Activités
Formation
Maîtres
Lieu de travail
Mouvements
Père
Fratrie

Biographie

Jeunesse et formation (1867-1888)

Émile Berchmans est le fils du peintre Émile-Édouard Berchmans, frère du sculpteur Oscar Berchmans, neveu du peintre et professeur Henri Berchmans, et cousin du sculpteur Jules Berchmans[1],[2],[3],[4].

Comme le décrit Maurice des Ombiaux[3] : « Dès sa plus tendre enfance, Émile Berchmans vit donc dans une atmosphère d'art. Il joue avec les couleurs qu'il trouve dans la maison. [...] Ses parents habitaient aux portes de Liège, une maison de la route de Campine, à coté d'un relais de diligence. Les chevaux tout harnachés qui attendaient immobiles, l'arrivée de la patache, le remplissaient d'admiration. Le visage collé à la grille, il les regardait longuement, puis essayait de les dessiner, voire même de les peindre. Et comme il n'arrivait pas à les reproduire aussi bien qu'il l'aurait voulu, il attendait le retour du père pour solliciter une aide. [...] Mais il ne se découragea pas pour cela ; on ne le voyait jamais que crayonnant ou peinturlurant. »

Il va étudier à l'Académie royale des beaux-arts de Liège dès 1882, où il est l'élève d'Adrien de Witte[1],[2],[4], et en même temps il esquisse pour son père des projets de plafonds et de panneaux décoratifs[3]. Il s’adapte bien aux exigences du métier de décorateur, sachant utiliser différentes formes d’art plastique pour satisfaire aux commandes. D’esprit curieux, il se renseigne également sur tout ce qui se fait en la matière en Angleterre, en France et en Allemagne[3].

Découverte de la gravure, premières affiches et Caprice revue (1888-1890)

Un accident Pan Pan…Pan Pan, 11 février 1888, Caprice-Revue, Liège, Université de Liège

Il participe à la courte aventure (1887-1888) de Caprice revue, « un hebdomadaire artistique de 8 pages, où les poèmes, les nouvelles et les billets d’humeur côtoient des critiques artistiques et théâtrales et des chroniques mondaines »[5]. Sur les soixante-cinq magazines publiés, vingt-huit sont agrémentés d’une planche de bande dessinée en quatrième de couverture. Ces planches sont illustrées par un groupe de jeunes artistes de la maison Bénard, fondateur de la revue : Armand Rassenfosse, Auguste Donnay, Ernest Marneffe et enfin Émile Berchmans, qui sont tous alors agés de vingt à vingt-cinq ans. Georges Marc en est le rédacteur en chef, puis il est remplacé par Maurice Siville, qui est alors co-directeur de la revue littéraire La Wallonie[4],[5].

Distillerie de l'Helicex, 1895 (Lithographie en couleurs, 54 x 74 cm), Paris, Bibliothèque nationale de France

Émile Berchmans livre quatre planches pour Caprice revue, elles sont « toutes muettes, aux chutes cruelles et violentes. »[5] Frédéric Paques offre quelques détails supplémentaires[5] : « Ainsi, dans Le faro ou le robinet mal placé (7 juillet 1888), un cafetier enfonce dans son crâne le robinet qu’il destinait à un tonneau et dans Un accident pan pan… pan pan (11 février 1888) une acrobate est coupée en deux par le fil sur lequel elle faisait un numéro d’équilibriste. Berchmans explore différentes possibilités graphiques : cases rondes ou carrées, voire absence de cases, rendus en aplats noirs, grisés ou hachures. Il développe un style graphique personnel qu’on aurait aimé voir s’affiner. »

En 1888, une fois ses études à l’Académie achevées, il se réunit chaque semaine avec François Maréchal, Armand Rassenfosse et Auguste Donnay, et, ensemble, ils s’initient à la gravure sous la tutelle d’Adrien de Witte[6]. Durant cette période, il fait des essais à l’eau-forte, la pointe sèche, l’aquatinte, le vernis mou, mais aussi la lithographie et l’illustration[1],[2]. Cette même année, il presente sa première exposition à l’Association pour l’Encouragement des Beaux-Arts, et commence à créer, avec Armand Rassenfosse, des affiches pour l'imprimerie d'Auguste Bénard à Liège[1],[2].

Émile Berchmans : affichiste, peintre décorateur et illustrateur (1890-1904)

Émile Berchmans réalise la plus grande partie de sa carrière dans la région de Liège et y effectue de nombreux travaux de décoration dans des édifices privés et publics. Il décore la coupole de l'église Saint-Michel à Aix-la-Chapelle[4] ainsi que plusieurs grands plafonds : celui du foyer et de la salle de spectacle du Grand-Théâtre de Verviers, celui d'une des salles du Casino de Spa[1],[2] et surtout celui du Théâtre Royal de Liège qu'il peint en 1903 (son frère Oscar Berchmans réalise le lustre)[1],[2],[7]. Il collabore avec Gustave Serrurier-Bovy à la décoration du château de la Chapelle-en-Serval, près de Compiègne, en 1901. Ce dernier est engagé pour meubler le château et réalise, entre autres, un piano, qui est exposé au Grand Curtius[8]. Émile Berchmans a réalisé les panneaux peints du piano ainsi que du casier à musique. Il est également l'auteur de l'affiche imprimée chez Bénard pour le magasin de Bruxelles de la maison Serrurier-Bovy[8].

Lucien de Samosate, Dialogues des courtisanes, 1902 (Traduction par Jules de Marthold, lithographies d'Émile Berchmans), Paris, Édition Boudet

Il signe des lithographies illustrant, en 1902, une nouvelle édition traduite par Jules de Marthold des Dialogues des Courtisanes de Lucien de Samosate[2],[3],[9]. Il illustre les Paroles d'un croyant de Félicité de La Mennais et réalise des dessins originaux (en-têtes, culs-de-lampe, lettrines) pour le magazine La Plume de Léon Deschamps durant de nombreuses années[3],[10]. Il collabore aussi à la Revue illustrée[4],[11] et illustre le Diplôme de la médaille d'or de l'Exposition universelle de Liège de 1905[3],[12] .

Diplôme de la médaille d'or de l'Exposition universelle de 1905

Avec Armand Rassenfosse et Auguste Donnay, il devient l'un des principaux affichistes de l'imprimerie d'Auguste Bénard à Liège : la collaboration entre les trois artistes liégeois et l'imprimeur français est à la base d'une production graphique à l'avant-garde de l'art de l'affiche en Europe à la fin du xixe siècle et au début du xxe siècle, comme le décrit M. Demeure de Beaumont dans le Petit Bleu en 1897[3]: « Ils ont, par les moyens les plus simples, avec des éléments presque rudimentaires, exprimé tout leur art national, presque la quintessence de son génie et ainsi se sont placés au summum de l'Affiche belge. »

En 1892, il est le premier président du Royal Football Club de Liège. En 1896, il épouse Joséphine Pieper[13], héritère de la fabrique d'armes Établissements Pieper de Herstal, qui, de plus, produit des bicyclettes[14]. Le couple a une fille, Marcelle[15], qui mourra alors qu'elle est à peine âgée de 30 ans, en laissant deux enfants, Jean et Jeanine[13]. En 1902, il réalise Jeunesse, peinture à l'huile qui fait partie des collections du Musée des beaux-arts de Liège[16].

Il expose régulièrement durant cette période : au Cercle des Beaux-Arts de Liège[2], aux salons de La Libre Esthétique en 1895, 1896 et 1899, et aussi au Salon des indépendants de 1899 à Paris[4].

Carrière à l'Académie des beaux-arts de Liège (1904-1934)

La dame aux camélias, 1915-1920 (Lithographie en couleurs, 83 x 61,4 cm)

En 1904, Émile Berchmans est nommé professeur de composition historique et de croquis à l’Académie royale des beaux-arts de Liège[1], assure les cours de peinture et d’arts décoratifs à partir de 1922, et est directeur de l'Académie de 1930 à 1934[1],[2],[4].

Il poursuit également son activité artistique durant cette période. En 1907, il effectue un dessin pour la couverture de l'ouvrage Les Farces de Sambre-et-Meuse de Maurice des Ombiaux[3]. En 1910, il travaille avec Gustave Serrurier-Bovy à la décoration du Château Wiser à Embourg[1]. Enfin, il est membre du comité organisateur de l'Exposition Internationale de Liège en 1930[1]. Parallèlement, il continue jusqu'en 1934 son activité d'affichiste pour l'imprimerie d'Auguste Bénard, dirigée par Armand Rassenfosse à partir de 1907, au décès de l'imprimeur.

Dernières années à Bruxelles (1934-1947)

En 1934, il se fixe à Bruxelles, où il meurt le 5 novembre 1947[17]. Il est inhumé au Cimetière de Robermont à Liège.

Œuvre

Style

Émile Berchmans se distingue dans de nombreuses disciplines : dessin, peinture à l´huile, aquarelle, gravure, lithographie, affiche et illustration, dans des genres tels que le portrait, les natures mortes, le nu, des scènes de genre ou des compositions allégoriques et symboliques[1],[2],[3]. Il développe un style décoratif et synthétique, proche du symbolisme de Pierre Puvis de Chavannes[10],[18]. Il utilise différents types d’art plastique pour s'adapter aux sujets abordés comme le décrit avec justesse Albert Moxhet[1]:

« Le talent d'Émile Berchmans est multiple parce que, généralement, appliqué à des techniques différentes et subordonné au sujet traité. Ayant conservé de l'enseignement reçu d'Adrien de Witte, un sens très solide de la composition, le peintre peut varier son expression : proche de l'Art Nouveau dans les affiches et les thèmes mythologiques, son pinceau se fait différent dans sa peinture de chevalet où il sera tour à tour symboliste, réaliste, intimiste, et, dès 1910, plus impressionniste, sous l'influence peut-être d'Auguste Donnay, avec qui Berchmans allait volontiers peindre sur le motif. »

Maurice des Ombiaux abonde dans le même sens[3]: « Émile Berchmans, comme Auguste Donnay, plient leur talent aux nécessités de la commande. D'autre part, s'ils font de l'art appliqué, ce n'est pas par simple virtuosité, ni pour le plaisir de montrer ce qu'ils sont capables de faire ; leurs œuvres décoratives ont une destination bien déterminée d'avance. Il y en a qui brossent des panneaux décoratifs, les exposent et les offrent comme ils feraient de tableaux de chevalet. Ce n'est point le cas des artistes liégeois. La souplesse de Berchmans s'accommode de toutes les difficultés, on dirait même qu'il les recherche pour la joie d'exercer son ingéniosité naturelle. »

Affiches

Émile Berchmans « donne d'autant plus de vigueur aux aplats de couleurs qu'il les souligne par le dessin » dans les affiches qu'il réalise et se distingue donc en particulier comme coloriste[19]. Fabienne Dumont ajoute[20] : « (Émile Berchmans) crée des compositions sobres, aux formes en aplats de couleurs vives, soulignées d'un cerne. The Fine Art... est une de ses plus célèbres compositions ; datée de 1895, elle est stylisée, sobre et reflète l'influence de l'Art nouveau (souples arabesques du fond, très décoratives). »

Parmi les nombreuses affiches créées par Émile Berchmans, Maurice des Ombiaux commente[3]: « D'Émile Berchmans, il faut citer en première ligne : La Legia, La Musique, le Bock de Koekelberg, The Fine Art, L'Amer Mauguin, Pôle Nord, où la sûreté du dessin se marie à l'éclat de la couleur, où la vigueur n'oublie jamais d'être élégante. On pourrait encore en citer d'autres qui firent, autant que celles-là, le renom de l'artiste à l'étranger. »

Plusieurs des affiches commentées par Maurice des Ombiaux sont également mentionnées par Maurice Bauwens dans Les Affiches étrangères illustrées[21] : « Son affiche pour l'Amer Mauguin, au contraire est vraiment décorative et tout à fait réussie. Les attitudes de l’homme et de la femme sont bien observées ; un contraste habile des couleurs attire l’oeil. [...] une excellente affiche pour une compagnie d’Assurance contre le vol de bijoux : un fond rouge, adroitement disposé, fait ressortir le dessin, d’une finesse merveilleuse. [...] L’amusante affiche qu’il a exécutée pour l’ouverture du Pôle Nord à Bruxelles est moins personnelle que ses autres œuvres. [...] M. Libotte-Thiriar annonce sa brasserie par une des meilleures affiches d’Émile Berchmans ; elle représente une jeune femme levant un verre de bière. L’affichiste liégeois, qui recourt souvent aux teintes plates, s’est cette fois directement inspiré des Japonais. Certains critiques le blâmeront sans doute d’avoir mis à profit sa science de l’art japonais, mais je ne pense pas que les Anglais aient seuls le privilège d’appliquer à la décoration les étonnants procédés de cet art. »

Maurice Bauwens, toujours dans Les Affiches étrangères illustrées, offre quelques commentaires additionnels[21] : « Sa première affiche pour une Exposition d'Architecture et d'Art décoratif séduit par une charmante simplicité de tons et de lignes ; le mouvement de la jeune fille qui dépose une gerbe sur un chapiteau est absolument gracieux. [...] M. Berchmans a dessiné pour le Sunlight Savon une affiche qui est un petit chef-d’œuvre : une mère lave son enfant, tandis que celui-ci insouciant lance des bulles de savon. Ce délicieux spécimen d’affiche, qui ne forme qu’une bande assez petite, réunit toutes les qualités spéciales de l’annonce murale ; il montre bien à quel magnifique résultat un artiste peut arriver avec des moyens fort simples et une fraîcheur de tons charmante. [...] Nous tenons à mentionner spécialement une curieuse pièce affichée à Paris et faite pour l’Art Indépendant. Le texte fort long de cette affiche se fusionne si agréablement avec le dessin, que, loin de lui enlever sa légèreté, il le complète d’intéressante façon. [...] Signalons enfin un magnifique projet destiné à The Fine Art, la Compagnie d’Assurance contre le vol de bijoux [...] : un enfant, une merveille de dessin, avec un serpent en manière d’auréole, tient en main un lis brisé, emblème de la vie fugitive, tandis que le serpent, symbolisant l’éternité, justifie la devise ; Ars longa, vita brevis. [...] Ce délicieux document, simplement tiré en vert, rouge et noir, ne sera pas placardé avant le mois de décembre prochain [...]. »

Il convient également de mentionner l'affiche réalisée en 1896 pour l'Association pour l'encouragement des beaux-arts de la ville de Liège, qui est reproduite dans Les Maîtres de l'affiche (Planche 108)[22].

Association pour l'encouragement des beaux-arts de la ville de Liège, 1896 (Lithographie en couleurs, 86 x 126 cm), Paris, Bibliothèque nationale de France

Enfin, l'affiche qu'Émile Berchmans a réalisé pour la Fabrique Nationale en 1897-1898 de Cycles à chaîne, cycles sans chaîne présente des qualités plastiques et une composition allégorique typiques des affiches réalisées par l'artiste. Au sujet de cette affiche, Alexandre Sumpf souligne dans un article de 2011[23] « la souplesse du trait et la pureté du coloris » qui dotent la composition de vitalité, et que l'on retrouve, selon son analyse, « dans l’inscription de la marque (Fabrique Nationale) et des produits proposés (cycles à chaîne et cycles sans chaîne), qui se fait en grosses lettres avec des couleurs vives (rouge et bleu) qui tranchent avec le fond blanc. »[23] Il pointe ensuite « le médaillon qui montre l’emblème de la marque (une paire de pédales croisée d’un fusil entourées des lettres FN, pour Fabrique Nationale) qui rappelle les produits qu'elle propose et qui mentionne la distinction remportée par la bicyclette de la marque à l’Exposition internationale de Bruxelles de 1897. »[23] Enfin, il se centre sur « la représentation d'une divinité antique, Niké, déesse ailée (qualité représentée ici à hauteur de tête) de la mythologie grecque qui symbolise la victoire, et qui, dans l'affiche, tient une fourche de vélo à la place du glaive traditionnel. À sa droite, autre référence mythologique, une corne d’abondance, qui regorge de pièces mécaniques (pédalier, boulons, etc.). »[23]

Fabrique Nationale, cycles à chaîne, cycles sans chaîne, 1897-1898 (Lithographie en couleurs, 101 x 70 cm), Barcelone, Musée national d'Art de Catalogne

Par après, Alexandre Sumpf commente dans son article[23] que l'affiche « insiste sans hésiter sur le thème guerrier (les "victoires", l’emblème et les roues/cibles), exploitant la double vocation d’Herstal (son image de marque) comme un argument de vente auprès des clients » et que l'excellence technique de la marque et du produit son évoqués par l’abondance du motif mécanique (les pièces détachées) et les mentions des distinctions. L'ensemble suggère une « notion de victoire » : la marque est « performante et, ses "armes" à la main, fin prête à conquérir un nouveau terrain en battant les autres (succès aux concours), tout comme les militaires qu’elle équipe le font dans leur domaine. »[23]

Décoration du plafond du Théâtre royal de Liège (1902-1903)

La peinture murale, de forme ovale, mesure 20 mètres sur 16,5 mètres avec une découpe centrale de 4,5 mètres de diamètre pour le lustre, qu'a réalisé son frère Oscar Berchmans. L'œuvre a été restaurée durant la dernière grande phase de travaux de l’Opéra royal de Wallonie entre 2009 et 2012[7],[24].

Maurice des Ombiaux décrit l'œuvre en ces termes[3]:

« Dans un rayonnement de beauté, de jeunesse et de gloire, le divin Apollon Musagète apparaît. À sa gauche se trouve un groupe gracieux des neufs sœurs qui se partagent tous les charmes du monde. Les muses, mères des arts, resplendissent de l'éclat du dieu de lumière. À sa droite, quelques pères de la musique moderne, graves, recueillis, semblent attendre l'instant sacré où il dardera sur eux quelques-uns de ses rayons. C'est le charmant Lulli, Gluck et Grétry, Rossini, Wagner et Gounod, escortés de leurs créations : Faust et Marguerite, le Barbier de Séville, Brunnehilde qui dort sur le roc élevé entourée de flammes, tandis que les vaillantes filles de Wotan, les Walkyries, ses sœurs, chevauchent à travers un ciel de tempête. De l'autre coté, Terpsichore conduit un cramignon qui ondule comme une écharpe de gaze, s'atténue, se fond et se perd dans le lointain. La danse et la chevauchée viennent mourir auprès d'Orphée qui chante aux accords de la lyre, tandis que l'aigle plane à ses pieds. »

La description de l'œuvre sur le site de l’Opéra royal de Wallonie[7] est similaire à celle de Maurice des Ombiaux mais fournit quelques détails supplémentaires sur les muses représentées dans la peinture :

« Au centre de la toile, trône Apollon, dieu des arts. À sa gauche, les neuf Muses, éternelles inspiratrices, qui symbolisent chacune une discipline artistique. Il y a Érato, muse de la poésie lyrique, avec un air pensif. À ses côtés, Melpomène, muse de la tragédie, brandit un poignard d’un geste ample qui met en mouvement sa toge verte. Plus loin, se trouvent Terpsichore, la muse de la danse, vêtue d’un rose délicat, et quelques danseuses. Puis s’illustrent ensuite la poésie et la musique avec Calliope, Thalie, Euterpe et Polymnie ainsi que l’astronomie avec Uranie, et l’histoire avec Clio. Plus excentré, avec sa lyre, Orphée charme les Muses. À la droite d’Apollon, place à quelques compositeurs avec Grétry, Gluck et Lully portés par un nuage, et plus près du socle, Rossini, Wagner et Gounod présentent au dieu Apollon leurs créations. Avec Faust, Méphistophélès et Marthe, Gounod offre son Faust ; Rossini, lui, présente Il Barbiere di Siviglia au travers d’une scène réunissant Figaro et Bartolo ; quant à Wagner, avec Brünhilde, Wotan et les Walkyries, il illustre Der Ring des Nibelungen. »

Renouveau (1897)

L'œuvre est une lithographie en couleurs, exécutée pour L'Estampe Moderne, publiée en juin 1897[26]. La gravure est précédée d'une serpente légendée du nom de l'artiste, du titre et d'une présentation de l'artiste[27] : « E. Berchmans est un des artistes les mieux doués de la jeune école belge ; il s'est plus particulièrement révélé jusqu'ici aux amateurs par ses affiches de symbolisme ingénieux et de coloration délicate. Dans Renouveau, où un satyre et une faunesse s'en vont enlacés à travers les futaies reverdies, on retrouve les qualités du dessinateur habile et du peintre épris de poésie. »

Renouveau, juin 1897 (Lithographie en couleurs, 8,5 x 30 cm), Paris, L'Estampe moderne

Maurice des Ombiaux commente pertinemment[3]: « Dans le bois où le pourpre de l'horizon mange encore les troncs d'arbres, dans le bois rendu plus mystérieux par l'approche de la nuit, la faunesse ardente accourt à travers les taillis caresser la barbe de bouc d'un dieu terme dont le visage s'anime d'un sourire plein de lubricité. [...] C'est d'un magnifique panthéisme, d'un panthéisme à la fois ardent et contenu. Émile Berchmans, nous restitue les heures divines du temps "où la grâce était nue", de l'âge d'or du monde où la beauté joyeuse sublimait tous les êtres. »

Catalogue et musées

L'œuvre d'Émile Berchmans est ample, dispersée en de nombreux panneaux décoratifs, peintures murales, tableaux de chevalets, gravures, estampes, affiches, et croquis, et donc difficile de répertorier. L'inventaire partiel réalisé en 1907 par Maurice des Ombiaux est de 22 peintures à l'huile, 36 pastels, 20 aquarelles, 6 eaux-fortes et vernis mous, plus de nombreuses œuvres décoratives, affiches et illustrations[3]. Selon Jacques Parisse[28], le Musée de la Vie wallonne conserve 345 affiches d'Émile Berchmans.

L'inventaire le plus complet de l'œuvre d'Émile Berchmans est probablement celui effectué en 1978 par Cécile Renardy qui liste[13] : 73 peintures à l'huile, 92 aquarelles, pastels ou gouaches, 65 affiches (lithographies publicitaires), 38 dessins, 27 estampes (ce qui inclus les gravures et les lithographies sans intention publicitaire), 23 techniques mixtes, 29 travaux d'illustration de différents livres, magazines ou journaux, et enfin 33 œuvres décoratives dans divers immeubles privés et publics.

Des œuvres d'Émile Berchmans sont présentes dans les collections du Musée de la Vie wallonne (Liège)[28], du musée de La Boverie (Liège)[18],[16], du Grand Curtius (Liège)[8], du Musée Wittert (Liège)[16],[29], du Musée d'Ixelles (Bruxelles)[16], des Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique (Bruxelles)[3],[16],[30], du Vleeshuis (Anvers)[16], de la Bibliothèque nationale de France[31], du Musée national d'Art de Catalogne[32], du Delaware Art Museum (en)[33], du Museum of Fine Arts, Boston[34], de la National Gallery of Art[35] et du Museum of Modern Art[26].

Galerie

Le professeur et ses élèves

En tant que professeur à l'Académie royale des beaux-arts de Liège, Émile Berchmans adopte une pédagogie respectueuse envers ses étudiants, comme le décrit Marcel Laruelle[13] : « Jamais, il ne voulait imposer son point de vue aux élèves... Animateur, plus que professeur, soucieux des idées des autres dont il était à l'écoute, [...] ». Flory Roland, une de ses anciennes élèves, le confirme[13] : « Émile Berchmans n'a jamais voulu imposer sa façon de faire, il donnait de simples conseils ; il était un excellent professeur, tout ce que l'on peut lire dans les traités les plus célèbres, il nous l'a montré à sa manière, au fur et à mesure des difficultés que nous rencontrions. »

Quelques élèves notables d'Émile Berchmans[1],[2] :

Expositions

Il expose également de 1892 à 1903 au Cercle royal des Beaux-Arts de Liège[2].

Prix et distinctions

Réception critique

« C'est une œuvre d'art qu'Émile Berchmans a réalisée là. Les attitudes des personnages sont d'une simplicité très neuve. Les groupes se relient sans effort, ils se complètent l'un l'autre. [...] Ici le charme naît de tonalités très différentes, harmonisées par des roses tendres et des lilas infiniment distingués qui feraient penser, si toute comparaison de ce genre n'était oiseuse, aux admirables compositions du grand peintre vénitien Tiepolo. »[3]

 Maurice des Ombiaux au sujet des peintures murales de l’Opéra royal de Wallonie

« Cet artiste possède une souplesse de talent et une chaleur d'imagination vraiment surprenantes qui lui font traiter avec une égale aisance les sujets les plus variés, changeant de technique comme il change d'inspiration. »[38]

 Vittorio Pica, cité par Alfred Micha

« Ce peintre amoureux des légendes mythologiques, qu'il interprète avec une poésie toute lyrique, a peu travaillé de la pointe et du brunissoir ; mais dans les planches qu'on lui doit, on retrouve le souple talent, la magnifique fantaisie, la coloration chaude et nuancée qui distinguent ses suaves pastels, ses toiles et ses fresques harmonieusement composées, où des figures nues, aux chairs palpitantes, évoquent les fables païennes et les temps antiques... La joie chez lui, la joie de vivre, de sentir, d'aimer, de se mêler à la vie des herbes et des fleurs, à la vie des eaux et du ciel, règne souverainement dans ses estampes. »[10]

 Sander Pierron

« Émile Berchmans voit la figure humaine comme l'expression la plus haute du même paysage. L'âme des ruines, l'âme du vent, l'âme du couchant, l'âme de l'aube prennent à ses yeux des formes humaines. [...] La sensualité de Berchmans apparaît aussi dans ses nus. Ils évoquent la jeunesse d'un bel animal. Ils participent du jeu régulier des forces naturelles. La lumière caresse amoureusement ces corps qui vivent en elle. [...] L'œuvre du peintre liégeois exprime cette même ardeur à animer la vie dans ses métamorphoses, cette même harmonie, ce rayonnement de la beauté, cette félicité ineffable. »[3]

 Maurice des Ombiaux

« Émile Berchmans se caractérise par un sens de l'allégorie souple et ondoyant : il possède l'imagination, le caprice, le goût et la grâce. Comme Donnay, mais autrement, il a l'esprit métaphorique : il pense en aimables images ; le jeu et l'amusement des allégories sont comme le tour naturel de son art. C'est un esprit meublé de lignes et de formes, comme un répertoire, et il y puise avec sûreté les éléments d'une œuvre qui trouve encore le moyen d'être personnelle. La femme, la beauté des attitudes sans voiles lui ont fourni des thèmes de dilection, où se révéla sa maîtrise adroite et rythmique. »[38]

 Camille Lemonnier, cité par Alfred Micha, lors d'une conférence à l'Exposition universelle et internationale de Liège en 1905

Notes et références

  1. Jacques Goijen, Dictionnaire des peintres de L'école Liégeoise du Paysage, Liège, École Liégeoise du Paysage Éditions, , 657 p. (ISBN 2-9600459-04), p. 56
  2. Pierre Somville, Marie-Christine Depouhon et Gilbert Depouhon, Le Cercle royal des Beaux Arts de Liège 1892-1992, Bruxelles, Crédit Communal, , 128 p. (OCLC 35121530), p. 18 et 58
  3. Maurice des Ombiaux, Quatre artistes liégeois: A. Rassenfosse - Fr. Maréchal - A. Donnay - Em. Berchmans, Bruxelles, Librairie Nationale d'Art et d'Histoire G. Van Oest & Cie, , 109 p. (OCLC 894210857), p. 64-80 et 103-106
  4. Bruno Fornari, Micheline Josse et Christine Rouffin, « Dictionnaire des Peintres belges: 280 BERCHMANS, Émile », sur peintres.kikirpa.be (consulté le )
  5. Frédéric Paques, « Caprice-Revue: Avant la norme »
  6. Maurice Kunel, François Maréchal Aquafortiste, Liège, Éditions de l'œuvre des artistes, , 141 p. (OCLC 247395390), p. 77
  7. « L’Opéra Royal de Wallonie-Liège fête ses 200 ans! – Épisode 02 », sur Opéra Royal de Liège Wallonie (consulté le )
  8. « Piano de Gustave Serrurier et Emile Berchmans | Grand Curtius », sur www.grandcurtius.be (consulté le )
  9. Lucien de Samosate, Jules de Marthold et Émile Berchmans, Dialogues des courtisanes, Édition Boudet, Librairie Lahure, (OCLC 53881627, lire en ligne)
  10. Sander Pierron, L'École de Gravure de Liège, Bruxelles, Édition de "Savoir et Beauté" Revue d'Art et d'Enseignement, , 102 p. (OCLC 65411706), p. 43-47
  11. « Revue illustrée / F.-G. Dumas, directeur / Émile Berchmans », sur Gallica, (consulté le )
  12. Corneille Bastjaens, « Emile Berchmans, Diplôme de l'Exposition universelle de Liège (1905) », sur MES CIMAISES, (consulté le )
  13. Cécile Renardy, Émile Berchmans 1867 - 1947 ; Essai d'inventaire de l'oeuvre, Liège, Affaires culturelles de la Province de Liège, , 118 p. (OCLC 1067697711, lire en ligne)
  14. Paul Delforge, « Henri I Pieper | Connaître la Wallonie », sur connaitrelawallonie.wallonie.be, (consulté le )
  15. Openarchieven, « Marcelle Elisabeth Charlotte Henriette Berchmans, geboren op 29 augustus 1899 te Liège »
  16. « BALaT KIK-IRPA | See Photo Library results », sur balat.kikirpa.be (consulté le )
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  18. Jean-Patrick Duchesne (rédaction de l'article), Alain Delaunois (conseil éditorial) et Régine Rémon (direction), La Boverie. Catalogue des collections du Musée des beaux-arts de Liége. Volume 2, Gand, Éditions Snoeck, , 296 p. (ISBN 978-94-6161-532-9), p. 188-189
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Annexes

Bibliographie

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  • Jacques Goijen, Dictionnaire des peintres de l'École liégeoise du paysage, Liège, École liégeoise du paysage Éditions, 2014, p. 56.
  • Rita Lejeune et Jacques Stiennon, La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, Bruxelles, La Renaissance du Livre, tome II, 1978, p. 547 (article de Pierre Somville) et p. 562 (article de Georges Comhaire et Francis Vanelderen) ; tome III, 1979, p. 341 (article de Fabienne Dumont).
  • Alfred Micha, Les graveurs liégeois, Liège, Imprimerie Bénard, 1908, p. 107-139.
  • Maurice des Ombiaux, Quatre artistes liégeois: A. Rassenfosse - Fr. Maréchal - A. Donnay - Em. Berchmans, Bruxelles, Librairie Nationale d'Art et d'Histoire G. Van Oest & Cie, 1907, p. 64-80 et 103-106.
  • Sander Pierron, L'École de Gravure de Liège, Bruxelles, Édition de "Savoir et Beauté" Revue d'Art et d'Enseignement, 1923, p. 43-47.
  • Cécile Renardy, Émile Berchmans 1867 - 1947 ; Essai d'inventaire de l'oeuvre, Liège, Affaires culturelles de la Province de Liège, 1978.
  • Liliane Sabatini, Le Musée de l'Art wallon, collection Musea Nostra, Bruxelles, Ministère de la Communauté française de Belgique / Crédit Communal de Belgique, 1988.
  • Pierre Somville, Marie-Christine Depouhon et Gilbert Depouhon, Le Cercle royal des Beaux Arts de Liège 1892-1992, Bruxelles, Crédit Communal, 1992, p. 18 et 58.
  • Jacques Stiennon, Jean-Patrick Duchesne, Yves Randaxhe (dir.), de Roger de le Pasture à Paul Delvaux. Cinq siècles de peinture en Wallonie, Bruxelles, Éditions Lefebvre & Gillet, Les Éditeurs d'Art Associés, Art&Fact, 1988.
  • Vers la modernité, le XIXe siècle au Pays de Liège, catalogue d'exposition (Liège, -), Liège, 2001.

Liens externes

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