Alexandre Daguet
Alexandre Daguet, né le à Fribourg et mort le à Couvet dans le canton de Neuchâtel, est un historien, homme politique et pédagogue suisse. Assistant du Père Girard à Fribourg, il est à considérer comme un des principaux penseurs de l'éducation en Suisse romande, notamment au travers de ses nombreux positionnements dans l'Educateur[1], la revue des institutrices et des instituteurs de la Suisse romande qu'il dirige de 1865 à 1889. Docteur honoris causa de l'université de Berne, il est fait officier d’Académie de la République française sous le ministère Bardoux en 1879.
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(à 78 ans) Neufchâtel-en-Bray |
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Biographie
Né à Fribourg en 1816, un des bastions du catholicisme en Suisse, Daguet se forme chez les Jésuites du Collège St-Michel, alors fréquenté par les enfants des grandes familles françaises. Habité par un fort sentiment national, Daguet complète sa formation en autodidacte en dévorant les écrits de Johann Heinrich Daniel Zschokke, Albrecht von Haller, du doyen Bridel ou des poètes rustiques alémaniques comme Jeremias Gotthelf ou Johann Martin Usteri (de)[2]. En 1841, Daguet fonde l’Emulation, la première revue culturelle du canton de Fribourg dans laquelle il s'attache à façonner une histoire en compilant ses particularismes[3].
En 1837, il est engagé comme maître d'histoire à l'école moyenne centrale de Fribourg. Il participe à la fondation de la société d'histoire du canton[4] et de celle de la Suisse romande[5] en 1837[6]. Attaqué par les ultramontains fribourgeois pour ses idées libérales et patriotiques, il s'installe à Porrentruy où il dirige l'école normale du Jura bernois entre 1843 et 1848 et fonde la Société jurassienne d'Emulation[7]. Rappelé par le régime radical à Fribourg, il prend la direction de l'école cantonale. Les conservateurs y reviennent au pouvoir en 1857 et Daguet n'est pas reconduit dans ses fonctions. Le Conseiller d’État genevois Tourle s’emploie à le faire nommer à l’école polytechnique de Zurich, sans succès[8]. Daguet vit alors de sa plume. En 1858, les autorités politiques fribourgeoises le placent finalement à la tête de l’école secondaire des jeunes filles[9].
En 1866, année où il est fait docteur honoris causa de l'université de Berne pour son œuvre d'historien, il est engagé à l'Académie de Neuchâtel comme professeur d'histoire nationale, en même temps que Ferdinand Buisson. Les deux hommes vont coopérer en matière d'éducation jusqu'à la mort de Daguet en 1894. Buisson cherche à attirer son collègue suisse à Paris afin de construire "une œuvre internationale d'éducation"[10]. Ce sera finalement un autre Suisse, James Guillaume, qui s'exilera à Paris en 1878 pour devenir la cheville ouvrière du Dictionnaire de pédagogie et d'instruction primaire[11]. Toutefois, Daguet va se construire un solide réseau avec des personnalités françaises de premier plan : on le retrouve à Paris lors de l'exposition universelle de 1867 où il propose en Sorbonne la création d'une Association pédagogique universelle[12]. Il va également se faire le protecteur des proscrits français qui s'exileront en Suisse à la suite du coup d'État de Louis Napoléon Bonaparte. Il accueille le peintre Gustave Courbet et son ami de jeunesse, l'écrivain réaliste Max Buchon[13]. Il rencontre Jean Macé lorsque celui-ci est contraint de fuir Strasbourg en 1870 pour s'installer à La Neuveville en Suisse. Edouard Charton le visite à Neuchâtel à plusieurs reprises et le publie dans le Magasin pittoresque. Il nourrit par ailleurs une longue correspondance avec Frédéric Passy, le fondateur de la Ligue internationale et permanente de la paix, prix Nobel de la paix en 1901.
En 1870, il adhère, avec son beau-père l’avocat Alexandre Favrot, à l’Église vieille-catholique et se rapproche de Hyacinthe Loyson, alors installé à Genève[14]. Deux ans plus tard, il entre en franc-maçonnerie et fréquente la loge La Bonne Harmonie[15] à Neuchâtel[16].
Il consacre les dernières années de sa vie à la publication de la biographie du Père Girard débutée peu après la mort du pédagogue fribourgeois en . Celle-ci paraîtra finalement de manière posthume à Paris en 1896, grâce au soutien des cadres de la IIIe République comme Ferdinand Buisson ou Jules Steeg.
Publications
- L’Émulation, revue culturelle du canton de Fribourg, 1841-1846.
- Histoire de la Confédération suisse depuis les premiers temps jusqu'en 1860, Neuchâtel & Paris, Leidecker, 1861 (7 rééditions et plusieurs traductions).
- Histoire abrégée de la Confédération suisse à l'usage des écoles et des familles, Neuchâtel, Leidecker, 1863 (16 rééditions).
- Rapport sur l'exposition scolaire de Paris en 1867, Lausanne, Imprimerie Borgeaud, 1868.
- Manuel de pédagogie ou d'éducation à l'usage des personnes qui enseignent et des amis de l'éducation populaire, Neuchâtel, Delachaux, 1871 (5 rééditions).
- Le Père Girard et son temps. Histoire de la vie, des doctrines et des travaux de l'éducateur suisse (1765-1850), Paris, Fischbacher, 1896.
Bibliographie
- Auguste Schorderet, « Alexandre Daguet et son temps (1816-1894) », Annales fribourgeoises, vol. IX, nos 1,2-3, .
- Louis-Edouard Roullet, « Alexandre Daguet : un professeur fribourgeois à l’Académie de Neuchâtel (1866-1894) », Passé Pluriel, .
- Jean-Daniel Dessonnaz, « Alexandre Daguet (1816-1894) », 1700-Bulletin d’information de la ville de Fribourg, no 94, .
- Simone de Reyff, « L’idéal favori d’Alexandre Daguet ou les pages littéraires de l’Émulation », Les Cahiers du musée gruérien, no 5, .
- Alexandre Fontaine, Alexandre Daguet (1816-1894) : racines et formation d’un historien libéral-national oublié (Mémoire de licence), Université de Fribourg, (lire en ligne).
- Alexandre Fontaine (préf. Michel Espagne), Aux heures suisses de l'école républicaine : Un siècle de transferts culturels et de déclinaisons pédagogiques dans l'espace franco-romand, Paris, Demopolis, (ISBN 978-2354570712).Cet ouvrage a été couronné du Prix Louis Cros 2015 par l'Académie des sciences morales et politiques.
- (de) Alexandre Fontaine, « Schweizer Historiker und transnationaler Erzieher : der Freiburger Intellektuelle Alexandre Daguet (1816-1894) », Freiburger Geschichtsblätter, no 92, , p. 131-158.
- Alexandre Fontaine, « La fabrication d'un roman cantonal : Alexandre Daguet (1816-1894): une histoire pour les Fribourgeois », Annales fribourgeoises, vol. 76, , p. 47-56.
Références
- « Le Père Girard d’Alexandre Daguet », sur www.revue-educateur.ch (consulté le )
- Alexandre Fontaine, Alexandre Daguet (1816-1894) : racines et formation d’un historien libéral-national oublié, Université de Fribourg, 2005.
- Voir le numéro consacré à l'Emulation, Cahiers du Musée gruyérien, Bulle, 5/2005.
- Francis Python, « Portrait de la SHCF », sur shcf.ch (consulté le )
- « Societe d'histoire de la Suisse Romande - SHSR », sur shsr.ch (consulté le )
- Francis Python, "La société cantonale d'histoire et le souci de la mémoire fribourgeoise", Équinoxe, Lausanne, 10/1993, p. 145-157.
- Voir Claude Hauser, Jura, les sept clichés capitaux. Essai d'histoire culturelle, Neuchâtel, Editions Alphil, 2015.
- Voir la correspondance entre Tourle et Daguet, Archives de l’État de Neuchâtel, Fonds Daguet.
- Article Alexandre Daguet dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne.
- Alexandre Daguet, "Rapport sur la marche de l’Éducateur", L’Éducateur, 17/1882, p. 259.
- Patrick Dubois, Le “Dictionnaire” de Ferdinand Buisson : aux fondations de l’école républicaine, Bern, Peter Lang, 2002.
- Alexandre Fontaine, "Entre ambitions universalistes et concurrences internationales. Retour sur le pari manqué de l’Association pédagogique universelle (1863-1900)". Histoire de l’éducation, 139/2013, p. 31-50.
- Lettres de Courbet et de Buchon à Daguet, Archives de l’État de Neuchâtel, Fonds Daguet.
- Voir la correspondance entre les deux hommes, Archives de l’État de Neuchâtel, Fonds Daguet.
- « Loge N° 27 "La Bonne Harmonie" à l’Orient de Neuchâtel », sur vrijmetselaarsgilde.eu (consulté le )
- Voir l'autobiographie dressée par Daguet pour son entrée dans la loge, in Alexandre Fontaine, Aux heures suisses de l'école républicaine, Paris, Demopolis, 2015, p. 231-234.
Liens externes
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