Alsaciens

Les Alsaciens sont les habitants de l'Alsace et, sur le plan migratoire, un peuple originaire de cette région historique et collectivité territoriale située dans le Nord-Est de la France. Ils sont une part du peuple français, depuis l'acquisition progressive du territoire alsacien par la France[N 1].

Alsaciens
Alsaciens à Turckheim.
Populations importantes par région
Collectivité européenne d'Alsace 1 861 020 (2013)[1]
Hors Alsace 80 000 (2016)[2]
Population totale incertaine
Autres
Régions d’origine Alsace
Langues Alsacien, Welche, Yédisch-Daïtsch, français d'Alsace, français standard
Religions Catholicisme, Protestantisme
Ethnies liées Triboques, Alamans

La dernière estimation de population de l'Alsace administrative est de 1 861 020 habitants en 2013[3], il faut tenir compte du fait que ce chiffre inclut les Alsaciens autochtones et les « Alsaciens d'adoption »[N 2]. Le nombre factuel d'Alsaciens autochtones, en Alsace et dans la France entière, est difficile à estimer, car le gouvernement français ne fait pas ce type de statistiques. Hors Alsace, ils sont estimés en 2016 à un total de 80 000 individus dans le monde[4].

Sur le plan linguistique, les Alsaciens se divisent traditionnellement en deux groupes principaux : les germanophones, parlant l'alsacien (majoritaires), et les romanophones, parlant le welche et le franc-comtois (minoritaires). Sur le plan religieux, ils sont principalement catholiques et protestants, la population alsacienne inclut également une communauté juive.

Ethnonymie

L'ethnonyme et gentilé Alsacien(s) est issu du nom géographique Alsace (voir étymologie du nom Alsace). En allemand, ils sont appelés die Elsässer[5]. Par ailleurs, Elsässer Nation (Nation alsacienne) est mentionné en 1655[5].

Les Alsaciens se distinguent en deux hyponymes depuis 1790 : Bas-Rhinois et Hauts-Rhinois. D'autre part, les Bas-Rhinois surnomment les Hauts-Rhinois Bäckser et inversement, l'origine et la signification de ce terme sont cependant inconnus[6].

En 2020, une hypothèse a été proposée par Alexandre , spécialiste de l'Alsace originaire de la ville d'Obernai en Alsace, concernant l'origine du terme "Bäckser" pour désigner un Alsacien du département inverse. Cette expression prendrait origine du fait que dans le dialecte alsacien, l'on surnomme une boîte qui sonne creuse (ex: une boîte de conserve) "à bäcks". De cette manière, surnommer un Haut Rhinois (ou un Bas Rhinois pour les Hauts Rhinois) "Bäcsker!" Reviendrait à sous entendre que l'alsacien venu de l'autre département serait moins intelligent et aurait une tête vide, contrairement à celui qui vient du sien

Les habitants de l'Alsace sont quelquefois désignés, au XIXe siècle, sous le nom d'« Alsaciens allemands » et cela avant l'annexion de leur région en 1871 par l'Empire allemand[7],[8],[9].

Anthropologie et ethnologie

Selon Philippe Jacques Fargès-Méricourt, les habitants de l'Alsace sont un peuple mixte issu des Gaulois, des Germains, des Romains et des Francs[10]. En l'an 52 av. J.-C., le territoire qui correspond à la future région alsacienne est peuplé par les Rauraques, les Séquaniens et les Médiomatriciens[11] ; s'installent plus tard les Triboques dans la moitié nord de l'Alsace : ils forcent alors les Médiomatriciens à quitter la région et à se retirer au-delà des montagnes[11]. À la suite de l'établissement des peuples germains dans le territoire alsacien (dont les Alamans[N 3]), un changement total apparait : les noms de Rauraques, de Séquaniens, de Triboques et de Médiomatriciens disparaissent, c'est également à cette époque que la région reçoit le nom d'Alsace[N 4],[11].

En 1518 eut lieu une épidémie dansante à Strasbourg durant laquelle de nombreuses personnes dansèrent sans se reposer durant plus d'un mois. Certaines d'entre elles en décédèrent, bien qu'aucun auteur contemporain aux faits n’évoque de décès liés à cette épidémie de manie dansante.

XVIIIe siècle

Au commencement de ce siècle, un intendant, chargé par Louis XIV de donner au duc de Bourgogne, héritier présomptif de la couronne, des notices sur les habitants de l'Alsace, écrivait à ce prince : « Ces peuples ont été ménagés pendant la paix, on s'en est bien trouvé pendant la guerre ; leur naturel est la joie : on ne voyait autrefois dans la province que violons et danses, et cette joie ne s'y est conservée que par la protection que sa majesté leur accorde. Ils aiment le repos et la vie douce. »[12].

Suivant M. Renaudin[N 5], le nombre des habitants qui peuplent les villes, bourgs et villages de la province alsacienne, est évalué à environ cinq cent mille individus vers 1772. Renaudin les répartit en trois classes : la première comprend la noblesse et les premiers magistrats, il s'agit pour la plupart de Français natifs des autres provinces[N 6]. Dans la seconde sont réunis les négociants, les marchands et les artistes. Pour finir, la troisième classe inclut les paysans[13].

Les négociants et les marchands du premier ordre sont économes, laborieux, attachés à leur commerce et à leurs intérêts ainsi que généralement moins prévenants que les Français, ils sont également sérieux et froids avec les gens qu'ils ne connaissent pas. Les artistes sont quant à eux ingénieux, industrieux, inventifs, attachés à leur travail, constants dans leurs recherches et sédentaires, ils ne sortent que les dimanches (et rarement dans la semaine) pour se promener hors des villes. Les plus riches d'entre eux, ceux qui exercent des professions lucratives, sont assez sobres et frugaux. Enfin, ceux qui exercent des professions inférieures, et dont leur état ne contraint pas de sortir de chez eux, sont très sédentaires et n'usent que d'aliments médiocres[13].

Les paysans sont forts, robustes, exercés, propres à la guerre et mieux constitués que les gens de la ville, soutenant mieux les intempéries, les fatigues et les travaux. On les voit soumis à l'ordre public et aux lois autant par habitude que par la crainte des punitions ; ils se départent difficilement des anciens usages pour la culture ordinaire des terres et pour leur genre de vie ; ils se décident avec peine ; ils paraissent soupçonneux, méfiants, intéressés et assez déliés pour saisir leurs intérêts. Les paysans de la Haute-Alsace et particulièrement du Sundgau, sont plus actifs, ardents, violents dans la colère et attachés au Prince. Alors que ceux de la Basse-Alsace sont en général plus lents et plus indifférents[13]. D'autre part, les paysans d'Alsace se nourrissent assez bien et leur nourriture est plus végétale qu'animale, il n'y a que les paysans plus aisés qui mangent souvent de la viande et du poisson. Le plus grand nombre des paysans des montagnes et des collines sont vignerons et par leur état assujettis à des travaux pénibles pendant tout l'été, auxquels d'autres succèdent pendant l'hiver[13].

Les couleurs les plus ordinaires des cheveux sont le blond aux enfants des villes et le blond-roux dans les campagnes ; cette couleur blonde se perd insensiblement, devient plus ou moins brune à vingt-cinq ou trente ans et plus foncée dans un âge plus avancé : les personnes âgées de cette province ont moins communément les cheveux blancs que ceux des pays du midi. Les yeux bleus, vert de mer et jaune doré, sont plus communs que les noirs, surtout chez les filles et les femmes. De plus, il est rare de trouver des Alsaciens dont les yeux et les cheveux soient très noirs, ou avec la peau brune, ces caractères se remarquent plutôt chez les étrangers que chez les natifs de la province alsacienne : la jeunesse a la peau blanche, vermeille, et après avoir contracté différentes nuances, elle devient brune dès l'âge de quarante ans[13].

Les Alsaciens sont communément d'une « hauteur médiocre » à cette époque, les habitants de la montagne et de la Haute-Alsace sont plus grands que ceux de la basse ; ils sont « bien faits », robustes, agiles et d'un embonpoint ordinaire. Quant à ceux qui sont favorisés par la fortune, ils sont assez sujets à grossir à l'âge de quarante ans. Le nombre des garçons, dans la Haute-Alsace, surpasse ordinairement celui des filles[13]. Les femmes sont généralement timides, modestes, sensibles, tendres et compatissantes ; elles paraissent peu animées et montrent peu de vivacité ; elles sont attachées à leurs maris et à leurs enfants qu'elles soignent elles-mêmes ; économes et laborieuses, les soins du ménage forment leur principale occupation[13].

XIXe siècle

Une noce en Basse-Alsace (peinture du XIXe siècle).

D'après une citation du XIXe siècle, les Alsaciens se déclarent : ni Allemands, ni Français, mais Alsaciens[14]. Néanmoins, selon Wahlen, bien que l'Alsace n'ait été réunie au royaume de France qu'au XVIIe siècle, les Alsaciens ont voué une « inaltérable affection à leur patrie adoptive » qui est, au milieu du XIXe siècle, la nation la plus démocratique de l'Europe, fait qui se comprend en rappelant que l'Alsace eut antérieurement une constitution républicaine[15].

Selon M. Fargès-Méricourt, les Alsaciens sont à la fois recherchés par les maisons de commerce de la France et par celles de l'Allemagne vers 1829 ; ils retirent également de grands avantages de leur position, soit dans la carrière militaire, soit dans celle des sciences et de l'enseignement. Cependant, ils ont en général de grands efforts à faire pour corriger leur prononciation qui est particulière à leur province et qui s'applique aux deux langues[10] (français et allemand).

L'Alsacien est en général grand, robuste et bien proportionné ; sa forte constitution le rend propre aux travaux de tout genre ; il supporte également bien les fatigues de la guerre et de l'agriculture[10]. Les traits de son visage sont grands et fortement prononcés ; son teint est coloré. Il a les cheveux bruns, quelquefois blonds ou roussâtres, rarement très noirs. Son tempérament est un mélange du sanguin, du lymphatique et du bilieux, et il passe par des nuances insensibles au phlegmatique. Ses mouvements n'ont pas la vivacité que l'on remarque chez les habitants des pays méridionaux, mais ils sont fermes et se ressentent de la force de son corps et de celle de son caractère[10]. Bien que franc et cordial, son caractère ne se manifeste pas extérieurement, il est froid, mais non pas dissimulé comme le Normand. Par contre, lorsqu'il sort de son calme habituel, il devient « terrible »[15].

De plus, il existe une différence entre le physique et le caractère des Alsaciens méridionaux et ceux des Alsaciens septentrionaux. Les premiers ont la taille élancée, le regard fier, le tempérament bilieux et le caractère très impressionnable ; les seconds ont la taille plus épaisse, les mouvements moins prompts, le tempérament plus lymphatique et le caractère moins pétulant[10]. En général l'Alsacien est d'un caractère facile, égal et disposé à la gaieté, mais sans grande expansion extérieure, il est ordinairement grave et même froid. Studieux et réfléchi, il est plutôt profond que brillant, et, généralement parlant, il cultive avec plus de succès les sciences que les lettres. La table, le vin, la musique et la danse sont ses goûts dominants, il se livre à cette dernière chose avec ardeur[10]. L'Alsacien est bon et reconnaissant, il tient compte du moindre bien qu'on lui fait, et il pardonne facilement le mal. Habitué au spectacle de la guerre, il n'en redoute pas les périls ; familiarisé par ses traditions de famille avec les changements de domination, avec les catastrophes de ses dominateurs temporaires, il a toujours cherché et il est souvent parvenu à en tirer parti pour augmenter son indépendance[10].

Docile au frein des lois, qu'il respecte par-dessus tout, il se révolte à l'idée de l'injustice ou de la persécution : il obéit facilement s'il est conduit avec douceur, mais aux ordres impératifs et violents, aux prétentions exagérées, il oppose le mépris et la force d'inertie ; à l'obsession, il oppose l'opiniâtreté la plus calme, mais aussi la plus imperturbable[10]. Façonné depuis des siècles à l'usage de la liberté, il l'aime et n'en abuse jamais ; ami du travail, il l'est naturellement de l'ordre et de l'économie ; pieux sans superstition, religieux sans fanatisme, il voit un frère dans tout homme de bien et il lui tend une main hospitalière, sans s'informer du culte qu'il professe. Franc, loyal et sincère, il est renommé pour sa bonne foi dans les relations commerciales ; il est également sédentaire par goût et par caractère[10].

Le paysan alsacien sait lire et s'efforce de donner à ses enfants une instruction élémentaire. Sans avoir une très grande activité, il est très laborieux ; mais rien ne saurait le contraindre à s'écarter de la ligne de conduite qu'il s'est tracée[15]. Il ne sort de son calme que lorsqu'il entend jouer les ménétriers le dimanche. À ce signal, les jeunes gens mettent leur bonnet blanc, leur veste de velours à boutons de métal et vont se livrer à la valse et au galop. Aussi, à cette époque, toute famille alsacienne un peu aisée rachète ses enfants du service militaire[15].

En Alsace, comme partout, la foi est plus vive dans les campagnes que dans les villes. Les chaumières catholiques ont pour lambris des images de saints et les fidèles s'acheminent encore vers les lieux de pèlerinage[N 7] et cela pas forcément par piété, également par simple intérêt pour la promenade. Les protestants, plus zélés que les catholiques, se distinguent en général par des mœurs sévères, une allure grave et des habitudes régulières[15]. D'autre part, l'intérieur de leurs maisons rappellent la Hollande : le plancher y est sablé, les meubles reluisent sous la cire et les vastes armoires regorgent de linge. On retrouve parmi les protestants alsaciens quelques coutumes en usage dans le Palatinat. Parmi elles est la Christ nacht (nuit de Noël), qui est impatiemment attendue par les enfants. Aussi, entièrement vêtue de blanc, une personne de la famille remplit le rôle de Christkindel ; elle va prendre par la main les enfants et les introduit dans la pièce, où se trouvent les étrennes qui leur sont destinées ; mais s'ils n'ont pas été sages via de trop graves espiègleries, le hanstrap leur présentera un paquet de verges, ils n'auront alors aucun cadeaux que seule une bonne conduite peut faire obtenir[15].

Bas-Rhinois

Costumes bas-rhinois du XIXe siècle.

Dans la première moitié du XIXe siècle, les Alsaciens du Bas-Rhin sont en général spirituels, laborieux et braves. L'Alsace ayant d'ailleurs fourni aux armées de bon soldats, des officiers distingués et des généraux célèbres[12]. Cette population bas-rhinoise est surtout recommandable par un esprit de sagesse et de justice qui la porte à obéir aux lois et à subvenir aux besoins de l'État sans murmures et sans contrainte. Les Alsaciens sont amis des plaisirs, mais sans négliger les affaires. Parmi leurs amusements, la danse et la musique tiennent le premier rang ; le goût de la danse surtout semble inné dans toutes les classes. Si ce que l'on appelle la bonne compagnie danse l'hiver dans ses salons, le peuple, pour ce plaisir, est infatigable dans toutes les saisons : danser est un besoin des habitants du Bas-Rhin ; il n'est point de village un peu considérable qui n'ait sa musique, point de hameau qui n'ait son ménétrier[12].

La constitution physique de l'habitant du Bas-Rhin est vigoureuse ; sa taille est plutôt haute que moyenne ; ses traits sont grands et fortement prononcés ; son teint est coloré ; il a les cheveux bruns, quelquefois blonds ou blonds-roussâtres, mais rarement noirs ; les yeux bleus ou bruns[12]. Les femmes sont d'une stature moyenne, elles ont les yeux bleus ou bruns, les dents blanches, une belle chevelure, une gorge assez développée et passent en général pour d'excellentes nourrices. Les enfants naissent gros et vigoureux, la plupart avec des cheveux blonds ; mais cette couleur se perd peu à peu et se change en brun[12].

Le régime hygiénique des Bas-Rhinois est sain et nourrissant. Du pain, des légumes, des pommes de terre, des choux salés, des fruits et du fromage, de la viande salée, souvent aussi de la viande fraîche et, dans la plupart des cantons, du vin, tels sont leurs aliments[12]. Le paysan se lève avec le soleil, travaille toute la journée, ou dans ses champs ou dans ses granges. Il a pour se reposer une habitation spacieuse, entièrement séparée des écuries et des étables. Il est bon cavalier ; il aime passionnément les chevaux, dont il se sert exclusivement pour l'agriculture et de tout temps il a été reconnu propre au service des troupes à cheval[12].

On trouve, dans les Vosges du Bas-Rhin, une classe d'hommes qui se distingue des autres habitants, autant par le physique que par les mœurs et le costume ; ce sont les anabaptistes qui habitent les fermes ou tentes isolées répandues sur les montagnes, où ils s'occupent principalement de l'éducation du bétail. Cette industrie les enrichit, en même temps qu'elle les dispense d'un travail trop rude et trop soutenu[12]. Le pain, le laitage et les végétaux forment leurs principaux aliments. Beaucoup d'entre eux sont originaires de la Suisse. Ils sont généralement de haute stature, vermeils, dispos et vigoureux ; ils laissent croître leur barbe, et se rapprochent par la simplicité de leur costume des quakers anglais ; une propreté extrême règne dans leurs habitations, où le voyageur est bien reçu. La candeur et l'intégrité des mœurs s'allient chez eux à la santé et à la vigueur du corps[12].

Sur le plan linguistique, d'après l'enquête de Montbret, il y a 493 432 Bas-rhinois sur 509 926 qui sont germanophones en 1806[16].

Hauts-Rhinois

Costumes hauts-rhinois du XIXe siècle.

Pour donner une idée du caractère et des mœurs des habitants du département du Haut-Rhin, il est nécessaire de les diviser en « hommes de la plaine » et « hommes de la montagne ». Les montagnards seuls conservent encore vers 1835 l'ancien caractère national, remarquable par la franchise des expressions, et par un flegme assez difficile à émouvoir, ils sont pleins de sens et de rectitude, et très attachés aux usages de leurs pères. Cet attachement aux usages antiques se montre jusque dans la couleur et la coupe de leurs vêtements, dans la structure de leurs maisons, dans la forme de leurs meubles et de leurs outils ; aussi les améliorations et les nouveaux procédés dans les arts usuels s'introduisent-ils lentement chez eux[12].

Ils sont laborieux, économes, adonnés par goût à l'agriculture et à l'éducation des bestiaux : sobres par habitude, leur nourriture ordinaire consiste en pommes de terre, en laitages et en légumes ; les dimanches seulement ils font cuire de la viande ou du lard. Les vêtements des hommes sont faits d'étoffes qu'ils fabriquent chez eux. Ils ont des sabots pour chaussure dans leurs travaux, et ne portent de souliers que dans les jours de fête ou lorsqu'ils vont au marché. Sur les coteaux consacrés à la culture de la vigne, le cultivateur plus vif, plus porté à la gaîté, met plus d'expression dans ses discours et dans ses gestes ; sa conversation est bruyante. ll s'emporte ou s'apaise facilement ; d'ailleurs il est naturellement « bon et humain »[12].

L'habitant de la plaine a la taille carrée, la physionomie froide et sérieuse. Il attache du prix aux commodités de la vie ; son caractère a moins de rudesse que celui du montagnard. Dans la plupart des villes, la manière de vivre ne s'éloigne pas beaucoup de celle des départements de l'intérieur. En général, l'habitant du Haut-Rhin est robuste, patient dans ses travaux, bon soldat, toujours partisan de l'utile plutôt que de l'agréable, loyal, franc, soumis aux lois, attaché à sa religion et au sol qui l'a vu naître[12].

Les mœurs sont plus sévères dans la montagne que chez les habitants des vallées, qui partagent leurs travaux entre les soins de l'agriculture et la pratique de métiers industrieux. Elles sont plus relâchées encore parmi les habitants des grandes villes et chez les paysans des villages qui avoisinent les grandes manufactures du pays. Les mariages se font tard ; les hommes attendent d'avoir de vingt-cinq à trente ans pour se choisir une compagne. Il est rare, excepté chez les Juifs, qu'une fille se marie avant vingt ans. Vingt-cinq ans est l'âge où elles se fixent ordinairement[12].

Aussi, les habitations varient dans la montagne et dans la plaine. Les premières, presque entièrement construites en bois de sapin, sont peu élevées : la grange en occupe la presque totalité ; il n'y existe que deux ou trois chambres au plus, y compris la cuisine, pour le logement des familles même les plus nombreuses. La distribution de ce logement est en général mauvaise car elle influe sur la santé de ceux qui l'habitent. Pendant l'hiver, toute la famille se renferme dans le « poêle », chambre contiguë à la cuisine, peu aérée, où se trouve un grand fourneau à marmite, échauffé jusqu'à l'incandescence, qui sert à la cuisson de tous les aliments et même des pommes de terre et des autres légumes de basse qualité destinés à l'engrais des bestiaux. La vapeur qui s'exhale, jointe au défaut d'air et à la chaleur excessive, occasionne souvent des fièvres putrides et des fluxions de poitrine. Enfin, les habitations de la plaine, quoique construites pour la plupart en pierre et en bois de chêne, ne sont ni plus saines ni mieux distribuées que celles des montagnes[12].

Sur le plan linguistique, d'après l'enquête de Montbret, il y a 282 000 Hauts-Rhinois qui sont germanophones en 1806[16].

Juifs

Dans les départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, la haine héréditaire que porte aux Juifs le paysan alsacien n'est pas diminuée vers 1835[12] et cependant il ne sait pas se passer d'eux. Il ne vend ni n'achète sans avoir recours au « Juif ». Celui-ci est son intermédiaire nécessaire, son courtier obligé ; il s'adresse au « Juif » pour acquérir une pièce de terre de dix arpents, comme pour vendre un sac de blé, ou acheter un quartier de lard. On conçoit que les services rendus par les Juifs ne sont pas désintéressés[12].

Ils ont leur droit de courtage et comme ils savent joindre à leur office d'intermédiaire le métier encore plus lucratif de prêteur d'argent, ils finissent par acquérir peu à peu pour eux-mêmes la plupart des terres que, comme entremetteurs, ils se sont chargés de vendre[12]. Ce qui est dit ci-avant ne s'applique qu'à la classe nombreuse des Juifs répandus dans la campagne et qui sont la ruine des cultivateurs ; les grandes villes renferment d'honorables familles israélites, remarquables par leur industrie, leur instruction et leur bienfaisance et où l'on pourrait trouver l'exemple de toutes les vertus patriarcales. La classe des rabbins, surtout, se compose d'hommes vertueux et éclairés qui luttent avec courage par leur exemple et leurs exhortations contre les mauvaises dispositions de leurs coreligionnaires[12].

XXe et XXIe siècles

À la suite de l'annexion de facto de l'Alsace par l'Allemagne nazie en 1940, les Alsaciens sont intégrés de force dans l'armée allemande[17], ils deviennent alors des « malgré-nous » et des « malgré-elles ».

Costume traditionnel

À titre d'exemple, dans les années 1820, le costume des cultivateurs de la Basse-Alsace se compose d'un ample habit noir[N 8], doublé de même couleur et quelquefois de blanc, avec un collet droit et montant, un gilet écarlate et une culotte de peau noire, des bottes molles[N 9] et un chapeau de feutre noir, la corne placée derrière et rabattu par devant[10].

Quant à l'habillement des femmes, il se compose d'une jupe à petits plis tout autour, noire pour les femmes, de couleur ordinairement rouge pour les jeunes filles, avec une large bande verte dans le haut et assez souvent une autre bande de même couleur, mais moins large à l'extrémité inférieure[N 10] ; une espèce de petit dolman sans manches, une pièce d'estomac de drap de soie rehaussé d'or, une cravate noire dont les bouts, très longs, pendent sur le dos, des manches de chemise très amples et très blanches, qui descendent jusqu'au poignet ; un tablier noir pour les femmes, blanc pour les filles[10]. Enfin, les cheveux sont arrangés en deux longues tresses garnies de galons de laine noire et qui descendent souvent jusqu'au-dessous des genoux. Dans plusieurs cantons, les cheveux sont retenus sous un petit bonnet qui a seulement deux côtés et qui a à peu près la forme d'un petit casque, il est noir pour les femmes et de drap d'or ou d'argent pour les filles, avec des rubans rouges ou d'une autre couleur tranchante. Pour les travaux des champs et pour les voyages, les villageoises ont d'énormes chapeaux de paille tressée, qui les protègent parfaitement des ardeurs du soleil ou de l'intempérie de la saison[10].

Migrations

Une famille alsacienne attendant l'embarquement au Havre vers les Amériques.

Les Alsaciens ont entre autres migré aux États-Unis[18], au Canada[19], en Algérie[20] et en France, surtout à Paris[21].

Notes et références

Notes

  1. Il faut également tenir compte des périodes 1871-1918 et 1940-1944, où l'Alsace était annexée à l'Allemagne. Autrement dit, après avoir changé quatre fois de nationalité entre 1871 et 1945, les Alsaciens sont définitivement français que depuis cette dernière année.
  2. Ces derniers étant notamment à Strasbourg.
  3. Les Alamans étaient les plus proches voisins de l'Alsace, ayant déjà fait plusieurs attaques contre les habitants de ce territoire.
  4. Le Rhin, le Jura, les Vosges et la Lauter sont alors ses limites.
  5. Qui est médecin de l'Hôpital de Strasbourg ainsi que inspecteur en survivance des Hôpitaux militaires d'Alsace.
  6. Leur régime et leur manière de vivre sont les mêmes que ceux des villes de l'intérieur du royaume de France.
  7. Celui d'Odilimberg étant le plus célèbre de tous d'après Wahlen.
  8. Confectionné dans les ménages, il est composé de laine et de fil.
  9. Lorsqu'ils ne montent pas à cheval, les bottes molles sont remplacées par de longues guêtres blanches qui montent au-dessus du genou ; lorsqu'ils sont au travail, ils portent un petit tablier très court.
  10. Dans plusieurs cantons, le fond de la jupe est vert et les bandes sont rouges.

Références

  1. Insee et RP
  2. L'Ami hebdo
  3. [PDF]Diagnostic de la région Alsace, Champagne-Ardenne, Lorraine (ACAL), Juillet 2015, p. 7
  4. https://www.ami-hebdo.com/actu/deux-nouvelles-versions-passeport-alsacien
  5. (de) Johann Jacob Kürner, Vorder-Oesterreichische Landtsmanschafft, Wienn, 1655.
  6. Un Bäckser sur jds.fr
  7. Karl Baedeker, Les Bords du Rhin de Bâle à la frontière de Hollande, 4e édition, Coblenz, 1859 « Orbey, village français, appelé Urbis par les Alsaciens allemands ».
  8. Quérard, La littérature française contemporaine, tome 1, Paris, 1842 « inspirer aux Alsaciens allemands le goût pour l'étude de la langue française ».
  9. Heinzmann, Voyage d'un Allemand à Paris et retour par la Suisse, Lausanne, 1800 « Lorsque l'orateur françois descendit de la chaire, il fut remplacé par un gros Alsacien allemand ».
  10. Fargès-Méricourt, Relation du voyage de sa Majesté Charles X en Alsace, Strasbourg, Levrault, 1829.
  11. Jean-Frédéric Aufschlager, L'Alsace : Nouvelle description historique et topographique des deux départements du Rhin, tome 1, Strasbourg, 1826.
  12. Abel Hugo, France pittoresque, ou description pittoresque, topographique et statistique des départements et colonies de la France, Paris, Delloye, 1835.
  13. M. Renaudin, Mémoire sur le sol, les habitans et les maladies de la province d'Alsace, in Richard de Hautesierck, Recueil d'observations de médecine des hôpitaux militaires, tome 2, Paris, Imprimerie royale, 1772.
  14. Le jeu de la reine par la comptesse Dash, Paris, 1857, p. 216 « En eux-mêmes ils se regardent comme libres, et vous disent : Nous ne sommes pas Allemands, nous ne sommes pas Français, nous sommes Alsaciens. »
  15. Auguste Wahlen, Mœurs, usages et costumes de tous les peuples du monde : d'après des documents authentiques et les voyages les plus récents, Bruxelles, 1844.
  16. Sébastien Bottin, Mélanges sur les langues, dialectes et patois, Paris, Almanach du commerce, 1831.
  17. François Joseph Fuchs, L'incorporation de force des Alsaciens dans la Wehrmacht : d'après des documents inédits, 1971.
  18. Norman Laybourn, L'Émigration des Alsaciens et des Lorrains du XVIIIe au XXe siècle, tome II, Au-delà des mers, Association des publications près les Universités de Strasbourg, 1986.
  19. Verbist, Les Belges et les Alsaciens-Lorrains au Canada, Turnhout, van Genechten, 1872.
  20. Fischer, Alsaciens et Lorrains en Algérie : histoire d'une migration, 1830-1914, J. Gandini, 1999 (ISBN 2906431435)
  21. Marc Tardieu, Les Alsaciens à Paris : De 1871 à nos jours, 2004 (ISBN 2268050734 et 9782268050737)

Voir aussi

Bibliographie

  • Appona 68, La liberté en souffrance : Manouches alsaciens 1939-1946 (OCLC 905649707)
  • Véronique Arnould, Alsaciens dans le monde : 100 parcours remarquables, Éd. du Signe, 2016 (ISBN 9782746833845)
  • Charles Béné, L'Alsace dans les griffes nazies, tome IV, Les communistes alsaciens, la jeunesse alsacienne dans la Résistance française, Fetzer, 1978 (OCLC 311376814)
  • Jean-Pierre Brun, Les Alsaciens au Moyen âge : des dynamiques nord-sud en Europe, 2015 (ISBN 9782849605318)
  • Thierry Chardonnet, Les Alsaciens d'autrefois, Sutton, 2018 (ISBN 9782813811769)
  • Georges Delahache, Alsaciens d'Algérie, P. Brodard, 1913 (OCLC 422326396)
  • DNA, Les Saisons d'Alsace : Les Alsaciens dans le monde, émigrés, éxilés et expatriés, no 47, février 2011
  • Janine Erny, Et parmi les pionniers du Far West il y avait des Alsaciens, le Verger, 1999 (ISBN 2908367939 et 9782908367935)
  • Nicole Fouché, Émigration alsacienne aux États-Unis : 1815-1870, Paris, 1992 (ISBN 2859442170)
  • Marie-Claude Monchaux, Les enfants alsaciens, Ouest-France, 1980 (ISBN 285882262X et 9782858822621)
  • Roland Oberlé, La vie quotidienne des chevaliers alsaciens au Moyen Age, Oberlin, 1991 (ISBN 2853691144 et 9782853691147)
  • Charles Schmidt, Les Alsaciens illustres : Portraits en photographie avec notices biographiques, Silbermann, 1864
  • Lucien Sittler, Hommes célèbres d'Alsace, Éd. SAEP, 1982
  • Joseph Strebler, Alsaciens au Texas, Strasbourg, 1975 (OCLC 917924615)

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