Ambroise Roux

Ambroise Roux, né le à Piscop (Seine-et-Oise) et décédé le [1] à Montfort-l'Amaury (Yvelines)[2], est un industriel et homme d'affaires français[3], qui a dirigé de 1965 à 1982 la Compagnie générale d'électricité, l'une des plus importantes sociétés privées françaises.

Pour les articles homonymes, voir Roux (patronyme).

Ambroise Roux
Fonctions
Président
Association française des entreprises privées
-
Vice-président
Conseil national du patronat français
à partir de
Biographie
Naissance
Décès
Sépulture
Cimetière de Trégastel (d)
Nationalité
Formation
Activité
Père
Autres informations
Distinction

Il est inhumé à Trégastel (Côtes-d'Armor)[2].

Biographie

Origines familiales

Le père d'Ambroise Roux était André Roux (1886-1969). Après un passage dans l’administration des Finances[4] comme directeur au ministère [5], il fut le bras droit de l'industriel textile Jean Prouvost [6], l'éphémère ministre de l’Information du gouvernement de Paul Reynaud en 1940, exproprié à la Libération du premier journal français, Paris Soir, qui tirait avant-guerre à deux millions d'exemplaires.

Après-guerre, menacé d’un procès pour collaboration pendant près de trois ans, Jean Prouvost préfère se cacher, notamment dans l'une des maisons[7] des parents d'Ambroise Roux, à Poncelles[8], où Philippe Boegner l'aide à démontrer qu'il s’est « réhabilité en prenant une part efficace, active et soutenue à la Résistance contre l’occupant », puis créé pour lui en 1949 le magazine Paris-Match dont André Roux est le secrétaire général puis l'administrateur. A la table paternelle, Ambroise Roux « rencontre les grands noms de la presse des années 30 et rêve de les égaler »[4].

Sa mère, Cécile Marcilhacy[9],[1] (1896-1991), était liée aux fondateurs de Rhône-Poulenc[10],[2].

Parcours dans les ministères puis à la CGE

Polytechnicien (X40), ingénieur des ponts et chaussées et ingénieur Supélec[3],[11], à la fin de la Seconde Guerre mondiale, il débute après 1944 comme ingénieur des Ponts et Chaussées de la première circonscription électrique: Paris et sa région[4]. Fin 1949, il entre comme adjoint au directeur du service des brevets chez Poulenc Frères[4],[3], administré encore par son grand-oncle Camille[4], dans le groupe industriel dont la famille de sa mère est une actionnaire important.

Jean-Marie Louvel est nommé du ministre de l’Industrie en février 1950, après avoir été directeur de l'électricité au ministère de l'Industrie[12] et avoir négocié en 1946 d'importantes compensations des actionnaires des compagnies d'électricité nationalisées[13], avec Paul Huvelin et Edmond Roux, de la commission de l'électricité du CNPF, « lot de consolation » pour les anciens du Comité à l'organisation électrique de Vichy, qui « ne trouvent pas leur place à l’EDF », où siègent aussi[14]. Louvel le fait entrer à son cabinet en 1951[3],[2] pour le diriger dès avril 1952[15], sous différents gouvernements [16], qu'il représente comme administrateur (1952 à 1955) d'EDF et de la Trapil[16]. Ambroise Roux supervise alors le Plan, le pool acier-charbon, le lancement de la recherche pétrolière au Sahara[12] mais annonce aussi à la presse « cinq décrets visant à améliorer la situation de l'industrie cinématographique »[17].

Il fait partie du réseau de Jean Jardin, qui, après avoir été directeur de cabinet de Pierre Laval sous le Régime de Vichy, fut un des proches conseillers d'Antoine Pinay, lors de sa présidence du Conseil[18] à la fin de la guerre froide. Le 12 juin 1954, la chute du gouvernement Laniel, à qui succède celui de Pierre Mendès France, contraint Jean-Marie Louvel et son directeur de cabinet à quitter leurs fonctions[12].

Son ami Henri Lafond, financier et haute autorité morale du Patronat, le recommande à Jacques Jourdain, PDG de la CGE, qui l’engage comme directeur général adjoint[4]. Vingt-quatre heures plus tard, Jacques Jourdain rend son dernier souffle et Émile Marterer lui succède[4]. Ambroise Roux devient directeur général de la CGE en 1963[16],[19], l'année où son ancien ministre Jean-Marie Louvel devient administrateur[16] avant d'en prendre la présidence en janvier 1965[16]. Ambroise Roux cumulera les deux fonctions, du 17 juin 1970 [19] à 1982[3],[11]. En septembre 1963, il s'oppose à la solution d'une filiale commune à Bull, la CSF et la CGE, déclarant qu'il ne s'intéresserait à Bull qu'à l'heure du dépôt de bilan, presque atteinte lors du rapport de Roger Schulz nommé administrateur à la demande de Paribas[20]

Vice-présidence du CNPF

Entre-temps admis à la direction du CNPF[2] en 1961 grâce à Henri Lafond, le président de la Banque de l'Union parisienne, il prend la vice-présidence la plus importante, celle de la commission économique générale, fin 1965.

Lors de cette élection, Le Monde souligne que « le nouveau vice-président du CNPF est connu pour défendre des idées économiques très libérales »[16] et « administrateur de nombreuses sociétés »[16] en plus de la CGE « qui emploie près de soixante mille personnes »[16]. En dix ans de présidence, il triple cet effectif, à 180 000 personnes[10].

Lobbying économique et financier

Dans les années 1966-1967, il est dans les médias la voix du CNPF, qui a adopté en 1965 une « charte libérale ». Il milite pour une « législation fiscale plus favorable aux concentrations d'entreprises »[21] et fustige « les déficits des entreprises publiques et de la Sécurité sociale » ou « la prolifération de réglementations paralysantes et par une influence renforcée de l'État ou du secteur public dans des branches importantes de l'économie »[22], tout en saluant l'Europe « capable d'additionner les efforts de chacun et même de multiplier les résultats en évitant les doubles emplois » mais en regrettant qu'elle entrave « par des réglementations compliquées l'intégration européenne » [23]. Soucieux de compétitivité, il dénonce un taux de prélèvements obligatoires de 42%[24], « l'amour de la France pour les canards boiteux », son absence des cinquante premières sociétés mondiales, ou encore « l'insuffisance des marges bénéficaires »[24] qui a fait chuter « le taux d'autofinancement à 65% en 1968 »[24]. Il salue cependant l'amortissement fiscal « le meilleur du monde »[24] et « l'utilité de réformes » créant la TVA[24] ou ramenant l'impôt sur les bénéfices distribués, via l'avoir fiscal, à 25 %[24]. Il réitère ce lobbying après Mai 68, mais en s'inquiétant aussi des « quelques projets absurdes qui ont été récemment évoqués » sur la Participation des salariés aux résultats de l'entreprise, qui conduiraient selon lui « à la ruine de l'économie française »[25]. Opposé à la distribution aux salariés d'actions de leur propre entreprise, il conseille plutôt des fonds commun de placement diversifiés[26] ou « plans d'épargne » pour aller au « capitalisme populaire »[27].

Dans son sillage, le président du CNPF estime que « M. Huvelin : ce qui importe avant tout c'est la défense du franc »[28] lui-même réclamant un mois après que des salaires « sévèrement tenus », pour éviter la dévaluation du franc[29][pas clair]. Le 6 et le 13 mai 1969, il signe deux tribunes en ce sens dans Le Monde[30],[31].

Lobbying dans le nucléaire

À partir de 1969, sur fond de « désir du gouvernement de prendre quelque recul vis-à-vis des grandes sociétés »[32], il est absorbé par le remodelage de son entreprise pour tenter de se placer dans les programmes nucléaires et TGV voulus par le Général De Gaulle et confirmés par le président Georges Pompidou .

Prévue dans le 6ème plan (1971-1975) sous forme d'études, la construction d'une ligne "turbotrain", premier nom du TGV, reliant Paris-Lyon en deux heures, est confirmée lors du conseil interministériel du 26 mars 1971[33] puis par le ministre des transports Robert Galley, après la présentation des prototypes le 23 mars 1972, dans les usines Alsthom à Belfort[34] puis des essais à 220 km/h au printemps 1972 et 300 km/h l'été suivant[35]. La CGE a déjà pris le contrôle d'Alstom, deux ans avant, pour se placer dans le nucléaire, où elle échouera, mais elle rebondira dans le TGV en 1972 et le téléphone en 1973.

EDF accélère le déploiement du nucléaire lors 6ème plan avec six nouveaux réacteurs. Dès mai 1969, Ambroise Roux dessine dans la presse un accord de rationalisation avec son ex-associé Alstom, dont Thomson possédait 18 %, et dont la CGE prend 50% du capital en novembre 1969 [36], après le rachat à Stein et Roubaix de ses chaudières et à la société Rateau ses turbines à vapeur, alors que le chiffre de 40% était encore cité en mai[37].

Ces grandes manœuvres lui permettent de profiter du fait que la société américaine Westinghouse ne se voit pas accorder, en décembre 1968[38], l'autorisation d'investissement dans Jeumont-Schneider par le ministre de l'économie et des finances. Alors que le gouvernement belge a donné son accord à la cession à Westhinghouse des Ateliers de constructions électriques de Charleroi[38], Valéry Giscard d'Estaing suggère à l'américain de s'associer avec un français dans la reprise de la partie française[38], avant d'exprimer un refus plus clair en décembre 1969 [39], obligeant le Baron Empain à se tourner en mai 1970 vers la CGE ou la Compagnie électromécanique (CEM), pour vendre à 200 millions de francs ses 61%[40].

Entre-temps, un groupe français réunissant Alsthom, la CGE et Thomson-CSF est présenté comme un acquéreur potentiel dans la presse[38], selon laquelle, en mai 1970, le gouvernement envisage toujours de privilégier la CGE[40], qui comme Creusot-Loire, filiale du groupe Schneider, doit effectuer le 18 juin 1970 ses propositions de prix pour construire la centrale nucléaire de Fessenheim[40].

La CGE fait valoir que la CGE doit grossir face aux géants General Electric (46 milliards de francs de ventes), Westinghouse (18 milliards), et l'allemand Siemens-A.E.G. (20 milliards)[39]. La CGE et Thomson-C.S.F. font environ 5 milliards chacune, la CGE employant 75 000 personnes dans 150 sociétés, Alsthom 883 millions avec un quart des ventes dans des filiales communes avec la CGE, Jeumont-Schneider et la Compagnie électro-mécanique (CEM), environ 600 millions[41].

La préférence gouvernementale, exprimée à l’Élysée comme à Matignon[40], va contre l'avis initial du baron Empain, qui ne voulait discuter qu'avec le groupe américain[39], de trois députés de la Loire, anciens ministres[40], et des dirigeants de Jeumont-Schneider, plus intéressés par le réseau commercial international du Suisse Brown-Boveri, futur ABB, dont fait partie la CEM[40]. CEM est aussi la préférence du rival Creusot-Loire, qui a déjà deux contrats pour des centrales à Chooz et Tihange[40], et pense qu'une alliance avec la CEM permettrait de mieux garnir leurs carnets de commandes communs[40].

Brown-Boveri présentant l'inconvénient d'être suisse, Alsthom pourrait alors être candidat[40], avec l'aide de la filiale allemande d'électrotechnique de Siemens et AEG[40]. Empain propose ensuite de regrouper Jeumont-Schneider et la partie mécanique de Creusot-Loire dans une association à 50-50 avec la CGE[42], qui refuse car la très rentable cablerie, représentant 40% de Jeumont-Schneider, en est exclue[42]. Elle propose plutôt un échange de participations entre Alsthom et Creusot-Loire[42] et réclame les grosses machines tournantes de l'usine de Jeumont-Nord pour renforcer Alstom[42], fournisseur du TGV, ce qui semble plaire au gouvernement qui veut désormais éviter d'intervenir[42].

Finalement, en juin 1971, Ambroise Roux reconnait publiquement qu'il ne croit plus au dénouement rapide qu'il espérait un an avant [43] puis qu'il s'initie au nucléaire en participant à un groupe chargé d'édifier la centrale atomique de Kaiseraugst, en Suisse, tandis que Schneider affiche de nouveaux rapports avec l'américain Westinghouse Electric[44].

EDF décide finalement en octobre 1971, via « la liberté de gestion dont elle dispose depuis un an »[45], de ne pas passer commande à la CGE des deux centrales nucléaires du Bugey[32], donnant une fois de plus la préférence au rival Creusot-Loire, après avoir obligé la CGE à baisser de 10 % ses prix, même si Ambroise Roux avait déclaré publiquement ne pas concourir à n'importe quel prix[46], un 3ème concurrent, "Babcock et Wilcox" du chaudiériste Babcock, étant sur les rangs[32]. Ambroise Roux avait un temps donné l'illusion d'avoir « remporté la partie » via l'annonce d'un accord avec EDF « faisant l'objet d'une publicité qu'il ne méritait peut-être pas », observe Le Monde[32], suscitant « l'agacement que provoque une recherche trop poussée de soutiens politiques »[32].

Creusot-Loire avait lors de cet automne 1971 déjà « fortement distancé » la CGE grâce au réacteur à eau pressurisée et la centrale nucléaire de Chooz, déjà ouverte, celle en construction à Tihange, trois en commande (Fessenheim 1, Bugey 2 et Bugey 3), et trois en option (Fessenheim 2 plus deux attendues sur un nouveau site)[32].

La CGE réagit en précisant que son chiffre d'affaires est à 45 % avec le secteur privé français et 25 % avec l'étranger[47] et qu'elle prépare l'introduction en Bourse de filiales[47] et coopère de plus en plus avec le chaudiériste Babcock, au sein du Groupement atomique alsacienne-atlantique, pour aller vers la formule alors en vogue de consortium groupant comme en Allemagne plusieurs fournisseurs, « l'EDF étant à la recherche d'un second partenaire », même si « le CEA a toujours éprouvé une préférence marquée » pour le réacteur à eau pressurisée[32].

Le front boursier

Même s'il n'est pas actionnaire de ses sociétés, Ambroise Roux est alors l'un des premiers patrons français à rendre publiques ses prévisions de résultats et de dividendes pour l'année suivante voire la prochaine, quand d'autres préfèrent mettre en doute « l'exactitude des résultats publiés si rapidement par les firmes allemandes ou anglo-saxonnes »[48], avec une transparence d'informations qui « surprennent agréablement dans le désert français »[49]. Dès février 1970, Le Monde soulignait que les investisseurs étaient rebutés par « l'insuffisance des renseignements que nombre d'entreprises leur fournissent sur leurs comptes »[50]. Ambroise Roux avait entre-temps été l'invité d'honneur d'un colloque sur le marketing financier[51].

Il s'oppose par contre au projet de loi de protection des actionnaires minoritaires de Pierre-Bernard Cousté, député du Rhône[52], cosignée par les députés membres et apparentés du parti gaulliste[53], qui réglementait les transferts de trésorerie et prévoyait notamment que l'appartenance d'une filiale à un groupe soit soumise à diverses mesures de publicité et des échanges actions en cas de prise de contrôle, à la suite d'abus qui avaient vu des sociétés se faire pomper leur trésorerie et subir fortes pertes en Bourse malgré la constitution de réserves pendant plusieurs dizaines d'années[52].

Les luttes de pouvoir au CNPF

Bien que « présumé être quand même volontaire » pour succéder à Paul Huvelin à la tête du CNPF, il ne le sera pas annonce Le Monde, en soulignant qu'il est « largement occupé par la présidence de la CGE »[54]. Il parvient à faire cependant élire son candidat, François Ceyrac, président de l'UIMM, au détriment de Pierre de Calan, président du groupement de la mécanique lourde depuis 1969[54] et de son concurrent le chaudiériste Babcock, qui fusionnera un an après avec Fives. François Ceyrac l'emporte aussi sur François Dalle, ami de François Mitterrand et président de l'association Entreprise et Progrès, mais aussi Louis Devaux, président de la Shell française, ou un autre métallurgiste, Jacques Ferry[54].

À la veille de l'arrivée au pouvoir de François Mitterrand, en , Ambroise Roux a le plus gros salaire de France[3].

Lobbying dans l'électronique et informatique

Tombe d'Ambroise Roux à Trégastel en Bretagne.

C'est sous son règne que commence l'époque du début des surfacturations aux PTT puis à France Télécom.

Ambroise Roux est l'un des deux personnages centraux, avec le narrateur, d'une enquête publiée en 2020 par le romancier Eric Reinhardt. Selon les sources citées dans l'enquête, le patron de la CGE aurait en 1974-1975 "obtenu de l'Etat l'arrêt du financement des recherches de Louis Pouzin, pionnier français de l'internet"[55]. S'il est vrai que la CGE s'opposait effectivement à Unidata, consortium informatique européen, et a influencé les décisions industrielles menant à l'abandon du Plan Calcul[réf. nécessaire], en revanche, focalisé sur la téléphonie, Ambroise Roux ne s'intéressait nullement au projet Cyclades [réf. nécessaire], projet de R&D parmi plusieurs autres sur les réseaux numériques. Cyclades (qui n'était pas l'internet, mais l'un de ses ancêtres) sera abandonné en 1978 [réf. nécessaire] pour de tout autres raisons [Lesquelles ?].

Le roman publié en 2020 par Eric Reinhardt raconte comment les recherches menées par Louis Pouzin pour Cyclades ont été stoppées par une lettre du président de l'IRIA (institut public, ancêtre de l'INRIA, demandant leur arrêt"[55], et rendues par ailleurs impossibles par l'abandon du Plan Calcul et d'Unidata[55], consortium informatique européen, sur lesquels étaient organisés les projets industriels de Cyclades[55], dont la technologie menaçait de concurrencer la CGE à moyen terme sur le marché des télécom[55]s, avec un trafic routé par voie informatique plutôt que par les commutateurs à forte marge bénéficiaire vendus par la Compagnie générale d'électricité aux PTT[55].

Le promoteur du capitalisme d'influence

Période Pompidou

L'amitié[10], le rôle de conseiller[3],[2], d'« d'éminence grise »[56], la « relation filiale »[56] ni l' « extrême proximité »[57] avec Georges Pompidou, revendiquée par Ambroise Roux. Ce lien, dont toutes les traces sont postérieures à 1986, et parfois reprises jusqu'en 2011, mais avec plus de distanciation[58], n'a pas été validé par le groupe d'historiens qui a dépouillé les archives présidentielles, rendues publiques en 1996[59], établissant seulement deux ou trois rencontres entre 1969 et 1974. Les rumeurs de l'Affaire Markovic n'ont pas apporté d'éclairage probant non plus sur la question [60].

Il obtient la réputation d'avoir un quasi-monopole pour la fourniture d'équipements dans le domaine électro-nucléaire[2], les transports, et surtout les télécommunications.

Période Giscard d'Estaing

Quant à la période giscardienne, à partir de 1975 la CGE était dans le collimateur de la Direction générale des Télécommunications[réf. nécessaire] dont le patron nommé par Giscard, Gérard Théry, a tout fait pour briser le monopole télécom de la CGE et introduire Thomson sur le marché français de la commutation électronique[réf. nécessaire]. L'influence politique d'Ambroise Roux n'était donc ni plus ni moins grande que celle d'autres grands patrons dans la France de l'époque [réf. nécessaire].

Après l'élection de VGE, Ambroise Roux s'est rapproché du nouveau premier ministre Jacques Chirac[réf. nécessaire]. En mai 1976[61]. En mai 1976, trois mois avant son départ et au moment précis où Thomson vient d'obtenir une partie de la CII, qu'il agrège dans la SEMS, avec ceux de la Télémécanique, en échange de son feu vert à la cession du reste à Honeywell, le gouvernement annonce spectaculairement l'entrée de « nouveaux groupes (Thomson, SAT, Matra, EMD…) »[62], concurrents de la CGE, parmi les fournisseurs des PTT.

Une décision confirmée dès octobre 1976 concernant Thomson[63], contestée car elle créé « une pléthore de systèmes différents »[64] et des complications technologiques [64], au moment où le commutateur temporel revient en grâce. Des investissements considérables ont en effet été effectués par Thomson dans le commutateur spatial[62]. La décision de briser le monopole télécom de la CGE datait en fait du comité interministériel du 25 janvier 1973[62], un an et demi avant l'élection de VGE, tout comme « l'accélération de l’équipement téléphonique »[62].

Il œuvre à se faire la réputation d'un homme toujours discret[10], qui ne revendiquait jamais ouvertement ses succès de lobbyiste[3], mais intervient cependant très souvent dans les médias. Durant sa présidence de la CGE, il ne reçut jamais les syndicats qu'il méprisait[3] et pensait qu'il ne fallait pas les consulter[2]. Ambroise Roux faisait partie du réseau de Jean Jardin, qui fut un des proches conseillers d'Antoine Pinay, lors de sa présidence du Conseil[18] (23 février 1955 – 24 janvier 1956) à la fin de la guerre froide et qui participa en 1955 à la création pendant quelques mois d'un quotidien concurrent du Monde, jugé trop à gauche par les milieux d'affaires, Le Temps de Paris[18].

Gauche au pouvoir

Quatre ans avant son accession au pouvoir, François Mitterrand a rencontré Ambroise Roux, lors d'un déjeuner organisé par Laurence et Pierre Soudet chez eux en mars 1977, dans des termes qui n'ont été racontés qu'après le décès du Président de la République dans la biographie d'Ambroise Roux, Un prince des affaires (1996, Grasset). Ambroise Roux aurait alors posé plusieurs questions sur le Programme commun de la gauche qui lui paraissait "extravagant", que le leader socialiste aurait ignorées[65]. En décembre 1982, Ambroise Roux, qui jouait sous Giscard les « faiseur de rois au CNPF »[6], réunit au Crillon une vingtaine d'entreprises pour créer l'Association française des entreprises privées (Afep), qui obtient du pouvoir socialiste des mesures fiscales pour les entreprises[66], notamment l'aménagement de la taxation sur les plus-values[6]; peu après il fait entrer dans ce club patronal un inconnu, François Pinault[66] puis œuvre pour que la FNAC passe sous son contrôle[67]. Ami d'Edouard Balladur, qui a dirigé une de ses filiales, il a aussi facilité l'ascension de Guy Dejouany, Jean-Marie Messier, Pierre Blayau, Bernard Arnault, Jimmy Goldsmith, Marc Viénot, Pierre Suard, Serge Tchuruk, Didier Pineau-Valencienne, et André Lévy-Lang[67].

Démissionnaire de la présidence de la CGE au moment de la nationalisation[10] de 1982, consécutive à l'arrivée au pouvoir de la Gauche à la suite de l'élection présidentielle de 1981 (alors qu'il était persuadé de la victoire de Valéry Giscard d'Estaing[10]), Ambroise Roux fonde, fin 1982, l'Association française des entreprises privées comme groupe de pression du patronat[10],[3],[2] regroupant les soixante groupes français les plus importants[10] et devient administrateur de la banque Barclays, puis président du Conseil de surveillance en 1991[11]. Il ajoute d'autres mandats de ce type auprès du groupe de la Cité (1987-1991), FNAC (1994).

Première cohabitation

Toujours très influent, il intervient discrètement pour faire adopter des réformes favorables aux entreprises pendant la suite de la présidence de François Mitterrand (taxation limitée des plus-values, carry-back fiscal pour les bénéfices[10], maintien des stock-options, etc.)[3] et il facilite la réforme de Pierre Bérégovoy sur les marchés financiers[10]. Il est membre de 57 conseils d'administration[3].

De 1986 à 1988, lors du retour de la droite au pouvoir, il participe à la création des « noyaux durs » constitués par le nouveau ministre des Finances, Édouard Balladur  qu'il connaît depuis la présidence Pompidou, qu'il avait recruté à la CGE et qui est un ami[2]  et qui doivent contrôler des groupes industriels qui sont privatisés[3], dont son ancienne entreprise, la CGE devenue Alcatel.

Il favorise également la carrière de François Pinault, Georges Pébereau, Pierre Suard, Serge Tchuruk, Jean-Marie Messier[3], Guy Dejouany, Pierre Blayau, Bernard Arnault, Jimmy Goldsmith, Marc Viénot, Didier Pineau-Valencienne, André Lévy-Lang, etc.[10].

En 1995, lors de l'élection présidentielle, il choisit Jacques Chirac contre Édouard Balladur et, en 1997, il conseille au président la dissolution de l'Assemblée nationale[3],[2].

Un personnage se démarquant des autres patrons

Ambroise Roux se démarquait des autres patrons par bien des points : très conservateur sur le plan des mœurs, il interdit aux femmes le port du pantalon, dans ses entreprises[10],[3],[2]. À la CGE, il avait un ascenseur et un cinéma à sa disposition personnelle[2]. Lors d'entretiens privés avec des journalistes, il se vantait de n'avoir « jamais investi un centime de son argent dans aucune de ses entreprises »[3]. Chaque année, il prenait douze semaines de congés, le plus souvent l'été à Saint-Moritz[10]. Ouvertement monarchiste[3] et souhaitant le rétablissement de la royauté en France[10], il participait à la messe annuelle commémorative pour Louis XVI, le [10],[2]. Adepte des sciences occultes[10], il avait écrit un livre sur les tables tournantes[2] et créé un laboratoire de recherche en parapsychologie (psychokinèse[10]) à la CGE[1].

Famille

Ambroise Roux avait épousé Françoise Marion en 1946 et ils avaient deux enfants, un fils, Christian, et une fille, Véronique[1].

Publication

  • Préface à Stanley Krippner et Gerald Solfvin, La science et les pouvoirs psychiques de l'homme, Paris, Sand, 1986, 292 p.

Décorations

Notes et références

  1. (en) Eric Pace, « Ambroise Roux, 77, Pompidou Adviser and French Management 'Godfather' », sur nytimes.com, The New York Times, (consulté le ).
  2. (en) Douglas Johnson, « Obituary : Ambroise Roux », sur independent.co.uk, The Independent, (consulté le ).
  3. Nathalie Bensahel et Pascal Riche, « Ambroise Roux passe de l'ombre à trépas. Le plus puissant lobbyiste du patronat français est mort dimanche à l'âge de 77 ans. Intime de Pompidou, il régnait sur le capitalisme français depuis près de trente ans. », sur liberation.fr, Libération, (consulté le ).
  4. "Le parti des patrons", par Henri Weber, 1986
  5. Dossiers biographiques Boutillier du Retail. Documentation sur André Roux (1939)
  6. "Ambroise Roux prince des affaires", par Hubert Coudurier, le 17 août 1996 dans Le Télégramme
  7. "Un prince des affaires" par Anne de Caumont, Editions Grasset, 2014 -
  8. "Citizen Prouvost: le portrait incontournable d'un grand patron de la presse française", par Marcel Hedrich, Filipacchi Editions en 1994
  9. Hervé Bentégeat, « Ambroise Roux le prince de l'ombre », sur lepoint.fr, Le Point, (consulté le ).
  10. « Barclay's Bank Ambroise ROUX », sur lesechos.fr, Les Échos, (consulté le ).
  11. Portrait dans Les Echos du 27 juillet 2009
  12. "Histoire secrète du patronat de 1945 à nos jours: Le vrai visage du capitalisme français" par Frédéric Charpier, Martine Orange, Erwan Seznec. Editions La Découverte, 2014
  13. "Un grand patronat français peu renouvelé à la Libération" par Hervé Joly
  14. Le Monde avril 1952
  15. "M.Ambroise ROUX nommé vice-président du C.N.P.F". Article dans Le Monde du 19 janvier 1966
  16. "La réforme des programmes a été votée" dans Le Monde du 22 août 1953
  17. Tristan Gaston-Breton, « Jean Jardin, de Vichy à la Quatrième République », 6 août 2009, Les Échos.fr, consulté le 5 octobre 2009.
  18. Le Monde du 19 juin 1970
  19. "L'" affaire " Bull aurait-elle éclaté sans l'intention du gouvernement de dresser un plan-calcul ?" par Alphonse Thélier, le 8 avril 1969 dans Le Monde
  20. Article dans Le Monde du 24 février 1966
  21. Article dans Le Monde du 15 juin 1967
  22. Article dans Le Monde du 23 novembre 1967
  23. Article dans Le Monde du 30 mars 1968
  24. Article dans Le Monde du 12 juillet 1968
  25. Le Monde du 22 novembre 1968
  26. Le Monde du 19 février
  27. "M. Huvelin : ce qui importe avant tout c'est la défense du franc", dans Le Monde du 6 décembre 1968
  28. "Si les salaires ne sont pas sévèrement tenus une dévaluation du franc s'imposera déclare M. Ambroise Roux", Le Monde du 17 janvier 1969
  29. Le Monde du 6 mai 1969
  30. Le Monde du 13 mai 1969
  31. "Vers une réorganisation de l'industrie nucléaire" par Nicolas Vichney dans Le Monde du 25 octobre 1971
  32. "M. GUICHARD CRITIQUE LE PROJET DE TURBOTRAIN PARIS-LYON" dans Le Monde du 13 décembre 1972
  33. "Deux ans d'essais avant de mettre en service le turbotrain à grande vitesse" par Jacques de Barrin, dans Le Monde du 24 mars 1972
  34. "Le turbotrain à grande vitesse circulera entre Paris et Lyon au plus tard en 1980, confirme M. Galley" du 2 octobre 1972
  35. "LA C.G.E. DEVIENDRAIT MAJORITAIRE DANS ALSTHOM" dans Le Monde du 7 novembre 1969
  36. "LES NÉGOCIATIONS ENTRE LES GROUPES THOMSON-BRANDT, C.G.E. ET ALSTHOM PROGRESSENT",Le Monde du 3 mai 1969
  37. "Alsthom, C.G.E. et Thomson-C.S.F. se sont rapprochées pour reprendre Jeumont-Schneider" dans Le Monde du 25 janvier 1969
  38. Article d'Alphonse Thélier dans Le Monde du 8 décembre 1969
  39. "La C.G.E. souhaiterait un dénouement rapide de l'affaire Jeumont-Schneider". Article dans Le Monde du 27 mai 1970, par Jacqueline Grappin
  40. "La C.G.E., Thomson-Brandt-C.S.F. et Alsthom vont tenter de coordonner leurs activités" , par Jacqueline Grappin dans Le Monde du 1 avril 1969
  41. "L'affaire Jeumont-Schneider Le rythme des négociations s'accélère". Article dans Le Monde du 25 novembre 1970, par Jacqueline Grappin
  42. "Article dans Le Monde du 19 juin 1971
  43. "La Compagnie générale d'électricité - si elle baisse ses prix - pourra mettre en chantier la deuxième centrale à uranium enrichi". Article dans Le Monde du 21 septembre 1971
  44. "Utilisant sa liberté de gestion E.D.F. commande à Schneider deux nouvelles centrales nucléaires", Le Monde du 18 octobre 1971
  45. "Article dans Le Monde du 28 septembre 1971
  46. "La C.G.E. acceptera des rapprochements mais pas à n'importe quel prix déclare M. Ambroise Roux" Le Monde du 22 octobre 1971
  47. "Informer c'est prévoir", par François Renard dans Le Monde du 20 décembre 1971
  48. "La CGE voit plus loin", par François Renard dans Le Monde du 25 octobre 1971
  49. "UN PATRONAT NOUVELLE MANIÈRE" . Article dans Le Monde du 19 février 1970
  50. "Le colloque sur le marketing financier a plus traité des difficultés que des solutions". Article dans Le Monde du 5 décembre 1970
  51. "Les actionnaires minoritaires ne veulent plus faire les frais de l'appétit des grosses sociétés" par André Véné dans Le Monde du 20 juillet 1971
  52. "Vers un droit des " groupes de sociétés " pour la protection des actionnaires minoritaires" par André Véné dans Le Monde du 23 février 1970
  53. "A la recherche d'un nouveau patron des patrons", article de Jacqueline Grappin dans Le Monde du 23 novembre 1971
  54. Raphaëlle Leyris, « « Comédies françaises », d’Eric Reinhardt : sur les traces du fiasco de l’Internet français », sur lemonde.fr, (consulté le )
  55. "Ambroise Roux, grand patron « à la française » par Anne-Marie Rocco, dans Le Monde du 7 avril 1999
  56. Livre d'Anne de Caumont
  57. "Les patrons et la politique: 150 ans de liaisons dangereuses" par Jean GARRIGUES Place des éditeurs, 2011
  58. "Archives de la présidence de la République. Georges Pompidou", par Jean Mireille, dans la Gazette des archives en 1997
  59. "Trois ans après", article du 15 mai 1976 dans Le Monde
  60. "Équipement du réseau téléphonique et politique industrielle : les contradictions d’une double ambition (1960-1986)", par Pascal Griset, dans "Les ingénieurs des Télécommunications dans la France contemporaine", par Michel Atten et Pascal Griset, Comité pour l'histoire économique et financière de la France, en 2014
  61. L.M.T. et C.G.E. livreront chacun un central temporel aux PTT", par Jean-Michel Quatrepoint, dans Le Monde du 9 octobre 1976
  62. "L'écheveau du téléphone par Jean-Michel Quatrepoint, dans Le Monde du 30 juillet 1976
  63. Vermatim de "Un prince des affaires (1996, Grasset)", repris dans "QUAND NOS POLITICIENS ONT “OUBLIÉ” par Nicolas Perrin, le 22 août 2020
  64. Article d'Eric Aeschimann, le 14 mars 1996 dans Libération
  65. Nécrologie dans Le Monde du 6 avril 1999

Bibliographie

Annexes

Liens externes

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