Amiral de France

La dignité d’amiral de France (ou de grand amiral de France) récompense en France des services militaires exceptionnels pour des amiraux de la Marine. Elle est l'équivalent pour les marins de celle de maréchal de France pour l'Armée de terre. Même si personne ne le porte actuellement, ce titre et cette dignité restent pleinement valables de nos jours : « Le titre de maréchal de France et le titre d'amiral de France constituent des dignités dans l'État. »[1].

Amiral de France

Armée Marine nationale
Statut Officier général
Dignité dans l'État
Désignation Amiral de France
Appellation « Amiral »
Code OTAN OF-10
Équivalence Maréchal de France

Sous l'Ancien Régime

Tombeau au Louvre de Philippe Chabot, comte de Brion, amiral de France au XVIe siècle.

La dignité d'amiral de France a été créée en 1270 par Louis IX, au cours de la huitième croisade[2],[3]. Sous l'Ancien Régime, l’amiral de France est titulaire d'un grand office de la couronne de France équivalent à celui du connétable de France. Chef en titre de la flotte royale, il n'a en réalité qu'un pouvoir limité.

L'amiral de France a la charge des côtes de Picardie, de Normandie, d'Aunis et de Saintonge. Sa charge va s'étendre au début du XVIIe siècle, à la Guyenne puis à la Provence. En temps de guerre, il est chargé de rassembler les navires marchands français pour constituer la flotte. Il doit armer, équiper et ravitailler les navires pour la course, donner les lettres de marque aux corsaires (la course est alors la forme principale de guerre maritime). En temps de paix, il s'occupe de l'entretien de la flotte royale, quand elle existe, mais surtout du commerce maritime et de la flotte marchande.

Durant l'ère moderne, peu d'amiraux ont été des marins — d'ailleurs, à l'exception de Claude d'Annebault, aucun d'entre eux n'a commandé effectivement la flotte. Il faut dire que les pouvoirs réels de l'amiral sont plutôt restreints, en partie à cause de la concurrence des autres amirautés (l'amiral des mers du Levant pour la Provence, l'amiral de Bretagne et l'amiral des mers du Ponant pour la Guyenne), du généralat des galères puis du secrétariat d'État à la Marine.

La charge a surtout beaucoup d'importance politique, tout comme la connétablie (d'où d'ailleurs la suppression de ces deux charges). Pourtant, la charge est lucrative : à l'amiral reviennent une partie des amendes et confiscations prononcées par les sièges d'amirauté, droit d'épave, droits d'ancrage et de congé, droit de naufrage, un dixième des prises de guerre, etc.

Il y a enfin des pouvoirs d'ordre juridique, comparables à ceux exercés par le connétable et les maréchaux : c'est la juridiction de la Table de marbre (siège de l'amirauté) à Paris. Il existe également un autre siège général, établi à Rouen, et des sièges particuliers sur les côtes (une cinquantaine environ). Ces tribunaux exerçaient sur la pêche, la course, les délits et les crimes commis dans les ports, etc. La juridiction de l'amiral de France en elle-même s'exerçait en première instance au civil et au criminel, et en appel des sentences rendues en matière civile par les amirautés locales. Elle jugeait aussi de la validité des prises faites par les corsaires.

L'amirauté de France est supprimée en 1627 par le cardinal de Richelieu qui est grand-maître de la navigation (charge nouvellement créée) et qui veut avoir l'ensemble du pouvoir naval à sa disposition.

Louis XIV rétablit l'office par l'édit du , mais plutôt comme une charge honorifique et lucrative. Le premier titulaire en est le fils légitimé du roi et de sa maîtresse Madame de La Vallière : Louis de Bourbon, comte de Vermandois, âgé de 2 ans ; mais il meurt de maladie alors qu'il n'a que 16 ans au siège de Courtrai de 1683. Son demi-frère, fils légitimé du roi et de Madame de Montespan, Louis Alexandre de Bourbon, comte de Toulouse, lui succède à l’âge de 5 ans : il va s'intéresser à sa charge, par exemple diriger le conseil polysynodique de la Marine ; en 1693, il a 15 ans et, probablement sous le conseil du roi, réunit l’amirauté de Bretagne, encore indépendante, à celle de France[4]. Après la mort du comte de Toulouse en 1737 et une présence dans la fonction longue de cinquante-quatre ans, son fils Louis de Bourbon, le duc de Penthièvre, est titulaire de la charge d’amiral de France jusqu’à la suppression de celle-ci, le [4], soit sur une autre période de cinquante-quatre ans.

Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, les amirautés passent complètement sous le contrôle des secrétaires d'État à la Marine.

À l'époque contemporaine

Après sa dissolution par le décret de l'Assemblée constituante du , la dignité fut rétablie — décret impérial du 13 pluviôse an XIII () ; ordonnance du — puis supprimée et rétablie plusieurs fois. Le dernier amiral de France nommé fut François Thomas Tréhouart (1798-1873), le .

Sous le Premier Empire, la dignité de « grand amiral de France » fut ainsi rétablie le , en tant que l'une des six grandes dignités de l'Empire, et confiée au maréchal Joachim Murat : cette fonction fut purement honorifique car Murat n'eut aucun rôle sur la direction de la flotte française.

Un titre à consonance similaire fut donné à l'amiral Darlan, sous le nom d'amiral de la flotte. Si l'appellation est peu orthodoxe, elle n'a apparemment jamais connu de sanction officielle et correspond par contre à un rôle naval de premier rang : chef d'état-major général de la Marine nationale en temps de paix, l'amiral Darlan devenait commandant en chef des forces maritimes françaises en temps de guerre (par le décret « fondateur » sur l'organisation de la marine militaire du ).

Actuellement, comme cela a été précisé dans l'article 19 de la loi de 2005, « le titre de maréchal de France et celui d'amiral de France constituent une dignité dans l'État »[1]. Amiral de France est donc, à notre époque, un titre et une dignité pleinement valables, nonobstant le fait qu'il n'existe pas de personne vivante à en être dotée.

France Grades de la Marine nationale
Précédé par
Amiral
Amiral de France (dignité)
Suivi par
aucun

Liste chronologique des amiraux de France

Charge remplacée entre 1627 et 1669 par celle de grand-maître de la navigation

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  • Amiral de la flotte : François Darlan, distinction créée en 1939 pour lui. Cette appellation n'est pas une dignité, ni un grade, et ne correspond pas à celle d'amiral de France, mais elle est plutôt une fonction créée ad personam pour donner au chef de l'une des marines les plus puissantes au monde un rang d'importance sur la scène nationale et internationale, à la veille de la Deuxième Guerre mondiale, et ainsi lui permettre de parler d'égal à égal avec notamment l’admiral of the Fleet britannique.

Notes et références

  1. Article 19 de la loi no 2005-270 du 24 mars 2005 portant statut général des militaires.
  2. Alexandre de Miltitz, Manuel des consuls, vol. 1, Londres et Berlin, A. Asher, , « section VII. Angleterre », p. 181, note 2.
  3. Mathieu Le Hunsec, « L’amiral, cet inconnu », Revue historique des armées, no 266, , p. 91-107 (lire en ligne).
  4. « Amirauté de France », sur archivesnationales.culture.gouv.fr.
  5. Louis Moreri, Le Grand dictionnaire historique, tome 1, p. 205, chez Denys Mariette, Paris, 1707.
  6. Anselme de Sainte-Marie, Histoire généalogique et chronologique de la Maison Royale de France, tome 8, p. 742, chez la compagnie des libraires associés, Paris, 1733.
  7. [PDF] Emmanuel Davin, Pierre Médicis ou Miège, de Toulon, amiral de France (XIVe siècle), pp. 3-6, dans Provence historique, tome 12, fascicule 47, 1962.
  8. Carla Bozzolo et Hélène Loyau, « Opération Charles VI - Corpus de La Cour Amoureuse dite de Charles VI », sur https://www.vjf.cnrs.fr/charlesVI/ : « amiral de France, conseiller et chambellan du roi (CHARLES VI), échanson du duc de Bourgogne (BOURGOGNE (de) Jean dit sans Peur), gouverneur de Cambrai, gouverneur de Chartres, gouverneur du pays de l'Alleu, premier lieutenant à Paris »
  9. Jean-Louis Kupper, Alain Marchandisse, Bertrand Schnerb, À l’ombre du Pouvoir, Les entourages princiers au Moyen Âge (Jean-Louis Kupper , Alain Marchandisse) > Les capitaines de Jean sans Peur, duc de Bourgogne 1404-1419 (Bertrand Schnerb), Liège, Presses universitaires de Liège, , 412 p. (lire en ligne), p. 329-342

Annexes

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes

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