Archéologie expérimentale

L'archéologie expérimentale vise à reconstituer la chaîne opératoire des vestiges archéologiques à travers l'expérimentation, notamment en retrouvant leur mode de fabrication, leur fonction, leur usage ainsi que les raisons de leur rejet.

Ne doit pas être confondu avec Reconstitution historique.

Abattage expérimental d'arbre avec une réplique d'herminette néolithique.
Expérience de découpe de bison à l'aide de répliques d'outils de pierre taillée utilisés par l'homme de Néandertal.
Loupe de fer, exemple de sidérurgie expérimentale.
Reconstitution du déplacement d'un menhir (menhirs de Monteneuf, archéosite de Brocéliande)

Processus

Les archéologues expérimentateurs se basent sur les traces existantes : les résultats de fouilles (objets, restes...), d'observations topographiques, d'études d'archives ou d'images[1] qui permettent de définir un protocole de recherche et les protocoles nécessaires d'expérimentation[2].

Ils tentent ensuite de reconstituer au mieux les objets ou de reproduire les techniques suivant le protocole défini[3]. Les résultats sont ensuite comparés avec les objets originaux, les vestiges connus ou les résultats d'observations[1], par d'autres scientifiques que ceux ayant défini la recherche[2], ce qui aboutit à une confrontation des résultats avec les traces initiales[2].

Objectifs

Le but premier de l'archéologie expérimentale est de participer à la connaissance du passé au-delà des limites de la recherche et de la déduction. L'archéologie classique est en effet par essence limitée aux faits laissant une trace incontestable. Des éléments tels que les techniques utilisées pour produire un effet déterminé ou la durée de vie des constructions vont pouvoir être éclaircis en partie par l'expérimentation, en s'intéressant à l'aspect technique et pratique (fonctions des objets)[3] ainsi que, parfois, au fonctionnement du groupe effectuant le travail[4]. L'archéologie expérimentale a pour objectif de permettre de reconstituer les artefacts et les structures mais également les techniques du passé (comme par exemple la réduction directe en bas fourneau[5]) grâce à l'expérimentation[6].

La démarche utilisée pour atteindre ces buts peut être une simple validation d'hypothèse[2] ou une recherche à l'aveugle.

Le résultat final d'une démarche d'archéologie expérimentale reste une hypothèse[1], qui ne saisit qu'une partie de la vie de l'époque[4].

L'archéologie expérimentale peut également servir de base à une présentation au grand public, en proposant des visites ou des démonstrations à vocation pédagogique[1].

Moyens

Il est possible de pratiquer à différentes échelles : reconstitution d'un bâtiment en extérieur afin d'en étudier le vieillissement, taille de pierres en laboratoire[1]...

Il n'y a pas de limite aux techniques pouvant être expérimentées[1]. Certaines sont effectuées sur un temps long, pour voir le résultat du passage du temps sur l'objet reconstitué (maison laissée à l'abandon[1], four de potier laissé en terre durant 30 ans[2]).

Le laboratoire TRACES de l'université de Toulouse 2 dispose d'un plateau consacré à l'archéologie expérimentale préhistorique[7].

Historique

Les premiers travaux d'archéologie expérimentale datent du XIXe siècle.

En France, l'archéologie expérimentale démarre sous Napoléon III, qui fait reconstituer des machines de guerre  aujourd'hui conservées au musée d'Archéologie nationale[8]  et des fortifications romaines[8].

En 1864, est réalisée en France la reconstitution d'un pilum à la suite de la découverte de pointes en fer de ce type de javelot lors de la fouille du site du siège d'Alésia à Alise-Sainte-Reine. Les recherches portent alors sur l'utilisation de l'arme et sa portée, et permettent des déductions quant aux techniques de guerre de l'armée romaine[8].

En Allemagne, l’archéologue amateur Niels Frederik Bernhard Sehested (de) est considéré comme un des pères de la discipline[9] : en 1879, il a construit une cabane en rondins à Soholm, alors au Danemark, avec des outils de l'âge de pierre, et qui ont été longtemps conservés dans le musée en plein air Den Fynske Landsby à Odense[10].

En France, certains travaux d'Eugène Viollet-le-Duc sur les monuments français peuvent être considérés comme partie de la mise en pratique de l'archéologie expérimentale[2]. Alexandre Brongniart, directeur de la Manufacture nationale de Sèvres, fait réaliser diverses expérimentations durant la première moitié du XIXe siècle pour retrouver des techniques de céramique disparues[2]. L'archéologie expérimentale est alors au service de la Nation[2].

La véritable naissance de l’archéologie expérimentale scientifique provient des travaux des préhistoriens André Leroi-Gourhan et François Bordes[2],[11]. Dans les années 1970-1980 en France, certains artistes cherchent, avec les archéologues, à retrouver des techniques anciennes autour de la céramique[2].

Projets connus

Notes et références

  1. « L'archéologie expérimentale au village de l'an mil », sur Société d'archéologie et d'histoire du pays de Lorient (SAHPL) (consulté le ).
  2. allios, « Archéologie expérimentale : le mythe d’Orphée », sur L'expérimentation, un matériau pour l'histoire? (consulté le )
  3. « Experimental archaeology - Exar », sur www.exar.org (consulté le )
  4. Jean-Pierre Mohen, « ARCHÉOLOGIE EXPÉRIMENTALE », sur Encyclopædia Universalis (consulté le )
  5. Danielle Arribet-Deroin, « L’expérimentation dans la pratique des archéologues du fer », Les nouvelles de l'archéologie, no 116, (DOI 10.4000/nda.702, lire en ligne, consulté le ).
  6. François Giligny et Anne Lehoërff, chap. 3 « Les cadres de l'interprétation », dans Jean-Paul Demoule, François Giligny, Anne Lehoërff et Alain Schnapp, Guide des méthodes de l'archéologie, La Découverte, coll. « Guides grands repères », , 3e éd., 138-141 p.
  7. « Plateau - Archéologie expérimentale : faune, lithique, tracéologie & géoarchéologie », sur https://traces.univ-tlse2.fr (consulté le )
  8. « Une archéologie expérimentale à ses débuts », sur Aux sources de l'Archéologie nationale (consulté le )
  9. (de) Jürgen Weiner, chap. 6 « Archäologische Experimente in Deutschland. Von den Anfängen bis zum Jahr 1989. », dans Mamoun Fansa (dir.), Staatliches Museum für Naturkunde und Vorgeschichte Oldenburg, Oldenburg, , 51–59 p. (ISBN 3-89442-114-2)
  10. (de) Ahrens, Claus., Wiederaufgebaute Vorzeit : archäologische Freilichtmuseen in Europa, K. Wachholtz, (ISBN 3-529-01838-4 et 978-3-529-01838-1, OCLC 29032976, lire en ligne)
  11. Guillaume Reich, Damien Linder, “Experimental archaeology in France a history of the discipline”, Collectif, Experiments Past: Histories of Experimental Archaeology, dir. Jodi Reeves Flores et Roeland Paardekooper, Leiden, éd. Sidestone Press, 2014, p. 67-84.
  12. « Archéologie expérimentale - Le château fort de Guédelon (XXIe siècle) - Herodote.net », sur www.herodote.net (consulté le )
  13. « Actualité | Un moulin pour Guédelon : archéologie expérimentale », sur Inrap, (consulté le )

Voir aussi

Bibliographie

  • Archéologie expérimentale - actes du Colloque International " Expérimentation en archéologie: Bilan et perspectives ", tenu à l'Archéodrome de Beaune les 6, 7, 8 et 9 avril 1988, t. 1 : le feu, le métal, la céramique, Errance, coll. « Archéologie Aujourd'hui », (lire en ligne).
  • Laurence Bourguignon (dir.), Illuminada Ortega (dir.) et Marie-Chantal Frère-Sautot (dir.), Préhistoire et approche expérimentale, Montagnac, Editions Monique Mergoil,
  • Jacques Collina-Girard (dir.), Le Feu avant les allumettes : expérimentation et mythes techniques, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l'homme, (lire en ligne).
  • Anick Coudart, « L'archéologie expérimentale : quelques aspects de l'expérience anglaise. », Les Nouvelles de l'archéologie, no 3 « L'archéologie théorique », , p. 76-83 (lire en ligne, consulté le ).
  • (en) Christopher Busuttil, « Experimental Archaeology », Malta Archaeological Review, no 9, 2008–2009 (lire en ligne, consulté le ).
  • François Djindjian, chap. 2.8 « Les études expérimentales (archéologie expérimentale) », dans L'archéologie : Théorie, méthodes, et reconstitutions, Armand Colin, , 200-201 p. (lire en ligne).

Articles connexes

Liens externes

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