Axiome de Martin

En théorie des ensembles, l'axiome de Martin, introduit par Donald A. Martin et Robert M. Solovay en 1970[1], est un énoncé indépendant de ZFC, l'axiomatique usuelle de la théorie des ensembles. C'est une conséquence de l'hypothèse du continu, mais l'axiome de Martin est également cohérent avec la négation de celle-ci. Informellement, l'axiome de Martin affirme que tous les cardinaux strictement inférieurs à se comportent comme . C'est une généralisation du lemme de Rasiowa-Sikorski (en).

Énoncé de l'axiome de Martin

Soit un cardinal. On appelle axiome de Martin pour , noté (de l'anglais Martin's Axiom), l'énoncé suivant :

Pour tout ensemble partiellement ordonné satisfaisant la condition de chaîne dénombrable, et pour toute famille d'ensembles denses dans vérifiant , il existe un filtre sur tel que pour tout élément de , est non vide.

L'axiome de Martin est alors l'énoncé suivant :

Pour tout cardinal , est vérifié.

On peut montrer que est faux, ce qui justifie la restriction .

Cohérence relative

Si l'hypothèse du continu est vérifiée, les cardinaux strictement inférieurs à sont et les cardinaux finis, or est un théorème de ZFC : c'est le lemme de Rasiowa-Sikorski (en). Ainsi, l'axiome de Martin est une conséquence de l'hypothèse du continu dans ZFC. Ceci montre que l'axiome de Martin est cohérent avec ZFC.

D'autre part, Donald A. Martin et Robert M. Solovay ont démontré la cohérence de l'axiome de Martin avec la négation de l'hypothèse du continu. Plus précisément :

Théorème  Soit un cardinal régulier et non dénombrable tel que pour tout , on a . Alors il existe un ensemble ordonné de cardinalité vérifiant la condition de chaîne dénombrable tel que [2].

En partant de l'univers constructible de Gödel, la contrainte imposée sur dans le théorème précédent est vérifiée pour tous les cardinaux non dénombrables. On peut ainsi obtenir, par exemple, un univers vérifiant l'axiome de Martin et . La démonstration de ce théorème utilise la technique dite du forcing itéré.

Finalement, la négation de l'axiome de Martin est également cohérente. En effet, l'axiome de Martin implique que est un cardinal régulier. Or la seule contrainte prouvable dans ZFC sur est que c'est un cardinal de cofinalité non dénombrable. Ainsi, il existe des univers dans lesquels n'est pas régulier, donc dans lesquels l'axiome de Martin n'est pas vérifié.

Conséquences de l'axiome de Martin

La plupart des conséquences de l'axiome de Martin expriment le fait que tous les cardinaux inférieurs à se comportent comme .

Ainsi, pour tout cardinal , si est vérifié, alors :

  •  ;
  • L'union de parties de de mesure de Lebesgue nulle est encore de mesure de Lebesgue nulle ;
  • L'union de parties de maigres est encore maigre.

Le cas particulier permet de répondre à certaines questions autrement indécidables dans ZFC :

  • L'hypothèse du continu est fausse ;
  • Il existe un groupe de Whitehead (en) qui n'est pas libre[3] ;
  • Le produit de deux espaces topologiques vérifiant la condition de chaîne dénombrable vérifie encore la condition de chaîne dénombrable ;

Exemples d'utilisations

On donne ici des exemples de démonstrations utilisant l'axiome de Martin.

Théorème  Soit un cardinal. Si , alors toute intersection de ouverts denses de est dense.

Le théorème précédent généralise le théorème de Baire.

Théorème  Supposons . Alors il n'existe pas d'arbre de Souslin (en).

On peut montrer que l'existence d'un arbre de Souslin est équivalente à l'existence d'une droite de Souslin, le théorème précédent montre donc qu'il est cohérent qu'il n'existe pas de droite de Souslin.

Généralisations

On peut obtenir des variantes de l'axiome de Martin en changeant les conditions imposées sur les ensembles partiellement ordonnés considérés. Ainsi, si est une classe d'ensembles partiellement ordonnés et si est un cardinal, on peut considérer l'énoncé suivant :

Pour tout ensemble dans et pour toute famille d'ensembles denses dans vérifiant , il existe un filtre sur tel que pour tout élément de , est non vide.

L'axiome de Martin est le cas où est la classe des ensembles partiellement ordonnés vérifiant la condition de chaîne dénombrable.

Les deux exemples les plus importants sont :

  • le cas où est la classe des ensembles partiellement ordonnés propres et , on obtient alors l'axiome de forcing propre (en) ;
  • le cas où est la classe des ensembles partiellement ordonnés préservant les sous-ensembles stationnaires de et , on obtient alors le Maximum de Martin (en).

Le désavantage des généralisations précédentes est qu'elles nécessitent l'usage de grands cardinaux pour prouver leur cohérence, contrairement à l'axiome de Martin.

Références

  1. (en) Donald A. Martin et Robert M. Solovay, « Internal Cohen extensions », Annals of Mathematical Logic, vol. 2, no 2, , p. 143-178 (DOI 10.1016/0003-4843(70)90009-4, lire en ligne)
  2. (en) Kunen, Kenneth., Set theory, College Publications, , 401 p. (ISBN 978-1-84890-050-9, OCLC 774103981, lire en ligne)
  3. (en) Saharon Shelah, « Infinite abelian groups, whitehead problem and some constructions », Israel Journal of Mathematics, vol. 18, no 3, , p. 243–256 (ISSN 0021-2172 et 1565-8511, DOI 10.1007/BF02757281, lire en ligne, consulté le )
  • Jech, Thomas, 2003. Set Theory: The Third Millennium Edition, Revised and Expanded. Springer. (ISBN 3-540-44085-2).
  • (en-GB) David H. Fremlin, Consequences of Martin's axiom, Cambridge, Cambridge University Press, coll. « Cambridge tracts in mathematics » (no 84), , 325 p. (ISBN 0-521-25091-9).
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