Bulle (économie)
La notion de bulle économique, bulle de prix, bulle financière, ou encore bulle spéculative, désigne la situation où un niveau de prix d'échanges sur un marché (marché d'actifs financiers : actions, obligations, marché des changes, marché immobilier, marché des matières premières, cryptomonnaies, etc.) est artificiellement excessif par rapport à la valeur financière intrinsèque (ou fondamentale) des biens ou actifs échangés.
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La bulle se forme dès que la logique de formation des prix devient essentiellement « auto-référentielle », quand le raisonnement d'arbitrage entre les différents actifs ne s'applique plus : un prix démesurément élevé aujourd'hui se justifie uniquement par la croyance qu'il sera « plus élevé demain », alors que la comparaison avec les prix d'autres actifs ne peut le justifier. Dans ce genre de situation, dite parfois « exubérante » ou « euphorique », les prix s'écartent de la valorisation économique habituelle sous le jeu de croyances des acheteurs, croyance pouvant être créée et entretenue par ceux qui tirent profit de la bulle. La bulle est donc un mécanisme d'enrichissement artificiel et non durable, fondé sur la création d'un pseudo-patrimoine dont la valeur est fausse car basée sur de fausses richesses et décorrélée du réel. Comme l'explique le banquier d'affaires Raphaël Rossello, quand la bulle s'effondre, ses responsables sont rarement traduits en justice, car ils ont généralement utilisé des procédés légaux pour faire croître la spéculation jusqu'à éclatement de la bulle[1].
Ce genre de comportement plus ou moins irrationnel des marchés, créant des anomalies de prix, fait partie des phénomènes qu'étudie la finance comportementale.
Le mot français de bulle dans le sens de « bulle financière » vient de l'anglais « bubble », il s'agit d'une métaphore indiquant que les prix sur un marché spécifique augmentent de façon rapide et sans raison solide, et sont vulnérables et exposés à une chute instantanée, à l'image d'une bulle qui s'élève et qui éclate. En 1720, le Parlement anglais vota le Bubble Act après le krach des titres de la South Sea Company. Quand on demanda à Isaac Newton, maître de la monnaie de Londres depuis 1697, ce qu'il pensait de cette affaire il répondit qu'il « pouvait calculer les mouvements des corps célestes, mais pas la folie des gens ».
Causes
Une bulle est souvent due à la combinaison :
- de conditions macroéconomiques apparaissant, à tort ou à raison, favorables et durables, et qui constituent l'impulsion du mouvement puis la justification illusoire de son amplification excessive ;
- d'une spéculation haussière où les risques individuels du crédit sont couverts par la possibilité de revendre à la hausse en cas de défaillance individuelle, plaçant ainsi les acteurs du crédit de ce marché haussier à la merci collective d'un retournement de tendance ;
- de faibles taux d'intérêt des banques centrales durant une période de plusieurs mois ou années, incitant les acteurs économiques à fortement emprunter, mais en se plaçant dans une position collectivement risquée en cas de remontée des taux (on peut alors parler de « bulle monétaire ») ;
- de mimétismes euphoriques collectifs, ou comportement moutonnier (en voyant les autres acheter et gagner de l'argent, grâce à la hausse des cours, on veut participer soi-même à la « fête ») ;
- et parfois de mythes (le mythe du golden boy ou la facilité qu'il y aurait à gagner de l'argent en spéculant sans relâche, dans les années 1980 ou bien la nouvelle économie dans la deuxième moitié des années 1990) qu'on évoque dans un climat de rumeurs ;
- difficultés à valoriser un secteur d'activité, comme celui de l'information sous forme de bit, qui verra donc sa valeur baisser.
Historique, évolutions
Les bulles financières sont nombreuses dans l'histoire des bourses de valeurs et celle des crises monétaires et financières. En voici quelques exemples :
- la tulipomanie du XVIIe siècle en Hollande, l'une des premières fortement documentées ;
- le krach lié à la spéculation sur les actions de la Compagnie des mers du Sud en 1720 conduit le Parlement anglais à voter le Bubble Act
- la grande spéculation immobilière à Paris, Berlin et Vienne du début des années 1870, qui débouche sur le grand krach de Vienne en 1873, puis sur la Grande Dépression (1873-1893).
- la bulle internet de la fin des années 1990
- la bulle immobilière, liée à la crise des subprimes de 2007 et sa conséquence, la crise financière de 2008, dans la plupart des régions urbanisées occidentales. Selon des économistes, elle a touché les agglomérations à fortes contraintes urbanistes en matière de permis de construire et pas celles à faibles contraintes[2]. Ses autres moteurs furent la note de « triple A », la meilleure, accordée de manière complaisante à des produits financiers finançant les crédits immobiliers risqués[3], et les faibles taux d'intérêt [réf. nécessaire], décidés pour stimuler l'économie après l'éclatement de la bulle internet et les attentats du 11 septembre 2001, six ans plus tôt.
- Gérard Valin s'est inspiré de Jérome Kerviel dans sa pièce Bling-Bling Bank publiée dans son recueil Irénée et Pierre publié par l'Harmattan en 2021.
Quand une bulle financière cesse de se développer, elle risque un effondrement brutal[réf. nécessaire]. L'implosion suit l'explosion. La panique suit l'euphorie. Les mécanismes de crédit fondés sur la spéculation haussière disparaissent. La solvabilité des emprunteurs, reposant sur la vente rapide[réf. nécessaire], à prix élevé, en cas de défaillance, est soudain revue à la baisse. Les spéculateurs attirés par les plus-value haussières se retirent. Les prix chutent de plus en plus fortement. La bulle financière est percée par un krach boursier.
Les bulles financières et leur percement influent sur les cycles économiques étudiés par de nombreux économistes (principalement, Clément Juglar et Nicolaï Kondratieff) depuis le XIXe siècle, au même titre que les politiques monétaires. Autrement dit, les krachs boursiers sont suivis par des dépressions (phases 3 des cycles) et des baisses des taux directeurs afin d'accroître la consommation et les dépenses dans la perspective de contrecarrer les conséquences negatives de la crise. La croissance économique et l'emploi sont les principaux objectifs attendus.
La bulle immobilière américaine à son paroxysme de 2007 est chiffrée par certains experts de l'urbanisme et de l'immobilier à 4 000 milliards de dollars, un montant voisin étant évoqué pour la bulle immobilière européenne. Une partie porte sur une bulle purement financière susceptible de s'effondrer en quelques mois. Une autre disparaîtra plus lentement avec les migrations[réf. nécessaire], les mutations économiques[réf. nécessaire] ou les assouplissements réglementaires[réf. nécessaire].
En outre de nombreuses valeurs boursières ou monétaires sont en partie adossées à des créances immobilières. Une fois titrisées, ces dernières figurent indirectement dans de nombreux portefeuilles, eux-mêmes titrisés, ou dans les actifs de sociétés cotées en bourse. Certains auteurs estiment le cumul des valorisations participant de la bulle financière de 2008 à cinquante fois le PIB mondial, soit plus de 2 millions de milliards de dollars (2 000 000 000 000 000 $)[réf. à confirmer][4].
Squeeze et corner
Une bulle présente des différences fondamentales avec deux autres phénomènes qui causent des prix élevés :
- le squeeze (« pression »), en français (short squeeze, en anglais) qui est une situation de déséquilibre entre l'offre et la demande qui amène, pour des raisons techniques (nécessité règlementaire de livrer des actifs avant une certaine date, par exemple, cas de l'achat sur marge), les vendeurs à découvert à clôturer leurs positions à des prix excessivement élevés ;
- le corner (« acculer dans un coin »), qui est la même chose, mais organisée et planifiée par un ou plusieurs individus. L'un des plus fameux est le corner de l'argent métal organisé par les frères Hunt en 1980, mais il y en a eu d'autres, en particulier sur les marchés d'emprunts d'État et ceux de produits agricoles faisant l'objet d'un marché à terme.
Le corner sur le cuivre de 1887 avait entraîné un krach boursier et le suicide du patron d'une grande banque française. Le 27 et 28 octobre 2008, dans un contexte de crise globale affectant entre autres le secteur automobile, un corner d'une ampleur considérable sur Volkswagen a fait grimper la valeur à plus de 450 % en deux jours, faisant d'elle la plus grosse capitalisation boursière mondiale pendant quelques heures avant de retomber les jours suivants. Le phénomène survenant après l'annonce de Porsche de détenir 74 % du capital du constructeur allemand a créé un véritable vent de panique parmi les gestionnaires de hedge funds qui ont dû boucler leurs positions de vente à découvert de peur de perdre davantage.
Notes et références
- Banquier d'affaires face aux crises ? Raphaël Rossello, Thinkerview, YouTube (2 h, 20 min ; sous licence CC BY-NC-SA 4.0), 4 mars 2021 (positionner le curseur de la ligne de temps à 21:15.
- (en) S&P/Case-Shiller Home Price Indices - Standard & Poor's.
- "Les agences de notation rattrapées par la crise des subprimes", par Antoine d’Abbundo (avec AFP) , dans La Croix du 03/02/2015 .
- Marianne, no 598 ; sources chiffres : Banque mondiale, FMI.
Voir aussi
Articles connexes
- Histoire des bourses de valeurs
- Bulle boursière
- Bulle du carbone
- Bulles des crypto-monnaies
- Bulle immobilière
- Bulle Internet
- Bulles des tulipes
- Théorie du plus grand fou
- Compagnie des mers du Sud
- Crises monétaires et financières
- Crise financière de 2008
- Spéculation
- Krach
- Fluctuation des cours de la bourse
- Analyse technique (des cours)
- Squeeze
- Corner
- Achat sur marge
Documentaires
- Faites sauter la banque, documentaire de Pascal Vasselin sur les rouages humains et financiers d'une bulle spéculative et d'un krach, dans l'exemple de la crise asiatique de 1997. Diffusé en 2002 sur la chaîne franco-allemande Arte et sur la chaîne britannique BBC.
Liens externes
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