Burjites

Les sultans mamelouks burjites, burdjites ou bourjites[1] forment la deuxième dynastie de Mamelouks ayant régné en Égypte de 1382 à 1517. On les désigne parfois sous le nom de Mamelouks de la tour[2] parce qu’ils avaient choisi comme résidence une citadelle à l’est du Caire. On les appelle aussi Mamelouks circassiens[3] ou Mamelouks tcherkesses[4] à cause de leurs origines : ce sont des esclaves pris en Circassie, une région du Caucase où vivaient les Tcherkesses. Ils succèdent aux mamelouks bahrites, également connus comme Mamelouks du fleuve parce que leur campement était sur une île du Nil.

Mausolée du sultan An-Nâsir Faraj ben Barquq (1411) au Caire

Cette dynastie fut très instable, comme en témoignent les règnes extrêmement courts. Les rivalités de pouvoir étaient très importantes dans la désignation du sultan. Ils eurent à se battre contre Tamerlan et ont conquis l’île de Chypre. Leurs querelles continuelles ont certainement facilité leur renversement par les Ottomans.

Histoire

Le Caire. Dans la mosquée du sultan Al-Achraf Sayf ad-Dîn Qaitbay (1474)

Naissance de la dynastie

Depuis 1250, l’Égypte est gouvernée par des mamelouks d’origine turque de la dynastie dite bahrite. En 1377, une révolte se déclenche en Syrie et atteint l’Égypte. Le pouvoir est pris par le circassien (Tcherkesse) Az-Zâhir Sayf ad-Dîn Barquq qui est proclamé sultan en 1382. Le dernier membre de la dynastie bahrite As-Sâlih Zayn ad-Dîn Hajji reprend le pouvoir en 1389, mais Barquq le reprend de manière permanente en 1390, créant ainsi la nouvelle dynastie burdjite.

Le règne des Burjites a connu de graves crises, notamment sur le plan monétaire. En effet le début du XVe siècle a connu une crise de la monnaie sans précédent, ceci est en partie du à la raréfaction des métaux précieux et à la circulation massive des monnaies de cuivre, ces problématiques ont été largement traités par Ahmad al-Maqrîzî et Muhammad ibn Muhammad ibn Khalil al-Asadi, qui ont chacun à leur manière proposé des solutions pour répondre aux problématique de l'époque[5].

Les corsaires chypriotes n'hésitent pas à exercer leur activité notamment en Syrie. En 1425, le sultan mamelouk Al-Achraf Sayf ad-Dîn Barsbay envoie en représailles une escadre pour piller Limassol. L'année suivante, c'est une armée qui débarque et écrase l'armée chypriote à Chirokitia (Χοιροκοιτία) le . Le roi Janus de Chypre est capturé et emmené au Caire mais il est libéré après avoir reconnu la suzeraineté du sultan. Le royaume de Chypre devait verser un tribut aux Mamelouks. Barsbay a aussi fait de fréquents raids en Asie mineure. Il est mort en 1438.

Les relations avec les Ottomans

Inal prend le pouvoir en 1453. Il a de bonnes relations avec les Ottomans qui ont pris peu après possession de Constantinople (). Cette conquête provoqua même une grande joie en Égypte.

Cependant c’est sous le règne de Khuchqadam (1460-1467) que débute la lutte entre l’Égypte mamelouke et les ottomans. En 1464, Khuchqadam et le sultan ottoman Mehmed II sont en désaccord sur le choix du bey de la principauté de Karaman. Deux frères s'opposent : l'un, Ishak, avait obtenu le soutien d'Ouzoun Hassan sultan des Ak Koyunlu (clan des « Moutons Blancs »), l'autre, Pir Ahmed reçoit le soutien de Mehmed II. Mais Pir Ahmed commet l'erreur de chercher un arrangement avec les Vénitiens ; Mehmed considère que c'était une trahison et part en campagne et conquiert Konya et Karaman.

En 1467, Qait Bay provoque la colère de Bayézid II, car son frère est empoisonné pendant une entrevue avec Qait Bay. Bayézid II s’empare d’Adana, de Tarse et d’autres places fortes du sultanat mamelouk. Qait Bay en sort néanmoins vainqueur.

Qait Bay menaçait de maltraiter les chrétiens en Orient afin de soutenir les musulmans exécutés en Andalousie.

Fin de la dynastie

La guerre contre le sultan ottoman Sélim Ier Yavuz a commencé en 1515 et se termine par l’incorporation de l’Égypte et de ses dépendances dans l’empire ottoman.

Al-Achraf Qânsûh Al-Ghûrî est attaqué par Sélim Ier pour avoir laissé le passage à travers la Syrie aux ambassadeurs du Safavide d'Ismaïl Ier en route vers Venise pour organiser une coalition anti-ottomane. La bataille de Marj Dabiq () entre Selim et Qansûh al-Ghûrî accompagné du calife abbasside Al-Mutawakkil III, se solde par une défaite pour les Mamelouks et par la mort de Qansûh al-Ghûrî. Les charges de la cavalerie mameloukes étaient impuissantes devant l’artillerie turque et les janissaires. Le calife abbasside Al-Mutawakkil III est fait prisonnier. Sélim entre dans Alep le . Le jour suivant les prières sont dites en son nom. Sélim s’empare de la Syrie et du Liban. Cette conquête est saluée comme une délivrance du joug mamelouk. Sélim traverse le désert du Sinaï en treize jours. Il bat les Mamelouks une nouvelle fois aux environs du Caire le . Le dernier sultan mamelouk Al-Achraf Tuman Bay est exécuté le .

Liste des sultans burjites

Dates   Lien Arabe[6] Turc  
13821389Az-Zâhir Sayf ad-Dîn Barquq  الظاهر سيف الدين برقوقBarkuk 
1389As-Sâlih Zayn ad-Dîn Hajjifils d'Al-Achraf Zayn ad-Dîn Chabân الصالح زين الدين حاجىHacciSecond règne, dernier sultan de la dynastie Bahrite
13891399Az-Zâhir Sayf ad-Dîn Barquq    Second règne
13991405An-Nâsir Farajfils de Barquq الناصر فرج بن برقوقFarac 
1405Al-Mansûr Abd al-Azîzfils de Barquq المنصور عبد العزيز بن برقوقAbdülaziz 
14051412An-Nâsir Faraj    Second règne
1412Al-Musta`infils du calife Al-Mutawakkil Ier المستعين باللّه أبو الفضل العباسيMüsteynCalife abbasside mis brièvement sur le trône
14121421Al-Muayyad Chaykh al-Muhammudimamelouk de Barquq المؤيد أبو النصر شيخ المحموديMuavyed Şeyh 
1421Al-Muzaffar Ahmadfils de Chaykh al-Muhammudi المظفر أحمد بن الشيخAhmed 
1421Az-Zâhir Sayf ad-Dîn Tatarmamelouk de Barquq الظاهر سيف الدين ططرTatar 
14211422Al-Sâlih Nâsir ad-Dîn Muhammadfils de Tatar الصالح ناصر الدين محمد بن ططرMuhammedrenversé par son précepteur Barsbay
14221438Barsbaymamelouk de Barquq الأشرف سيف الدين برسباBarsbay 
1438Al-Azîz Jamal ad-Dîn Yusuffils de Barsbay العزيز جمال الدين يوسفYusuf 
14381453Jaqmaqmamelouk de Barquq, atabeg de Barsbay الظاهر سيف الدين حقمقÇakmak 
1453Al-Mansûr Fakhr ad-Dîn `Uthmanfils de Jaqmaq المنصور فخر الدين عثمان بن جقمقOsman 
14531460Inalmamelouk de Barquq الأشرف سيف الدين إينال العلائيİnal 
1460Al-Muyyad Chihab ad-Dîn Ahmadfils d'Inal المؤيد شهاب الدين أحمد بن إينالAhmed 
14601467Khuchqadammamelouk de Chaykh al-Muhammudi الظاهر سيف الدين خشقدمKuşkadam/Hoşkadem 
14671468Bilbay  الظاهر سيف الدين بلباي المؤيديBilbay/Yalbay 
1468Timurbugha  الظاهر تمر بغا الروميTimurbuga 
14681496Qait Baymamelouk de Jaqmaq الأشرف سيف الدين قايت بايKayıtbay 
14961498An-Nâsir Muhammadfils de Qait Bay الناصر محمد بن قايت بايMuhammed[7] 
14981500Az-Zâhir Qânsûhmamelouk de Qait Bay الظاهر قانصوهZahir Kansu 
15001501Al-Achraf Janbalat  الأشرف جنبلاطEşref Canbulat 
1501Al-Adil Tuman Bay  العادل طومان بايAdil Tumanbay 
15011516Qânsûh Al-Ghûrîmamelouk de Qait Bay الأشرف قانصوه الغوريKansu GavriMort à la bataille de Marj Dabiq contre le sultan ottoman Sélim Ier
15161517Al-Achraf Tuman Bay  الأشرف طومان بايEşref TumanbayExécuté par le sultan ottoman Sélim Ier Yavuz

Quelques clés pour comprendre ces noms :

  • az-Ẓāhir (الظاهر) l'évident(e), on trouve aussi les translittérations al-Zâhir, adh-Dhâhir, al-Dhâhir.
  • Sayf (سيف ) épée, glaive.
  • ad-Dīn (الدين) la religion.
  • al-Manṣūr (المنصور) le victorieux.
  • an-Nāṣir (الناصر) le défenseur.
  • al-ʾAšraf (الأشرف) le noble, on trouve aussi al-Ashraf / al-Achraf.
  • as-Ṣāliḥ (الصالح) l’arbitre, le conciliateur.
  • al-Muẓaffar (المظفر) le vainqueur, on trouve aussi al-Mudhaffar.

Notes et références

  1. Mamelouks burjites, en arabe : mamālīk al-burjīūn, المماليك البرجيون, les mamelouks de la tour/de la citadelle.
  2. En arabe : burj, برج, citadelle, tour, bastion
  3. Circassien en arabe : al-jākasa, الجراكسة
  4. Tcherkesses en arabe : aš-šarkas, الشركس, tcherkesse, circassien
  5. (en) Islahi, Abdul Azim, « Economic and Financial Crises in Fifteenth-Century Egypt: Lessons from the History », MRPA, (lire en ligne)
  6. D'après (ar) « المماليك البرجيون/الجراكسة/الشركس »
  7. La chronologie donnée par (ar) المماليك البرجيون/الجراكسة/الشركس laisse supposer une interruption du règne en 1497 avec prise de pouvoir temporaire d'Az-Zâhir Qânsûh

Annexes

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

  • Janine & Dominique Sourdel, Dictionnaire historique de l'islam, PUF, coll. « Quadrige », , 1028 p. (ISBN 978-2-13-054536-1), « Mamelouks Syro-Égyptiens », p. 526-529 & « Mamlûk pl. mamâlîk », p. 529
  • André Clot, L'Égypte des Mamelouks 1250-1517. L'empire des esclaves, Paris, Perrin, , 474 p. (ISBN 978-2-262-03045-2)
  • (en) Clifford Edmund Bosworth, The new Islamic dynasties: a chronological and genealogical manual, Edinburgh University Press, 389 p. (ISBN 978-0-7486-2137-8, lire en ligne), « The Burjī line 784-922/1382-1517 », p. 77
  • Clément Onimus, Les maîtres du jeu. Pouvoir et violence politique à l’aube du sultanat mamlouk circassien (784-815/1382-1412), Paris, Editions de la Sorbonne, Bibliothèque historique des pays d’Islam, 2019.
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