Cycle combiné
Un cycle combiné (CC), expression déclinée en CCPP (de l'anglais combined cycle power plant) ou CCGT (de l'anglais combined cycle gas turbine), est un mode combiné de production d'énergie ou une centrale électrique utilisant plus d'un cycle thermodynamique.
Principes
Une turbine à combustion transforme une partie de l’énergie fournie par le combustible en énergie mécanique pouvant ensuite être convertie en électricité au moyen d'un générateur électrique.
Cette fraction (généralement moins de 50 %) dépend du cycle thermodynamique choisi ainsi que des températures supérieure et inférieure atteintes par le cycle. Pour des températures données, le cycle de Carnot théorique possède l’efficacité énergétique théorique maximale. En combinant deux cycles, voire plus, tels que le cycle de Brayton et le cycle de Rankine, on peut augmenter l'efficacité énergétique du système. Les centrales à cycle combiné avec turbine à combustion fonctionnant au gaz les plus récentes atteignent ainsi des rendements sur pouvoir calorifique inférieur (PCI) de plus de 60 % (62,22 % à la centrale thermique de Bouchain en , 63,08 % à la centrale japonaise de Chubu Electric Power’s Nishi-Nagoya Thermal Power Station Unit 7-1 en [1], plus de 64 % à la centrale américaine de Florida Power & Light en Floride en [2]), contre 35 % pour les centrales thermiques au gaz classiques brûlant le gaz dans une chaudière[3].
Le gaz naturel et le fioul (léger) peuvent être utilisés directement. Les centrales de type cycle combiné à gazéification intégrée (CCGI) recourent à la gazéification d'autres combustibles comme le charbon.
Les cycles combinés utilisant le gaz comme source primaire d'énergie
Une centrale à gaz à cycle combiné, abrégée CCGT (de l'anglais Combined Cycle Gas Turbine) ou TGV (turbine gaz-vapeur), est une centrale thermique qui associe deux types de turbines, la turbine à combustion et la turbine à vapeur. Chacune de ces turbines entraîne une génératrice qui produit de l'électricité (configuration « multi-arbres », en anglais « multi-shaft ») ou les deux types de turbines sont couplées à la même génératrice (en anglais « single-shaft »).
Les centrales à cycle combiné sont conçues pour un fonctionnement en semi-base (entre 2 000 et 6 000 h/an) et constituent généralement un moyen d'ajustement du parc de production, concourant ainsi au bon fonctionnement du réseau électrique.
Dans une centrale à cycle combiné, la turbine à combustion est actionnée par les gaz issus de la combustion à haute température (jusqu'à 1 500 °C). En sortie, les fumées produites par la combustion sont encore suffisamment chaudes (entre 400 et 650 °C environ) pour générer de la vapeur d'eau dans une chaudière au moyen d'échangeurs de chaleur. La vapeur sous pression ainsi produite entraîne une turbine à vapeur. Il est enfin nécessaire de disposer d'une source froide (eau de rivière, eau de mer, aéroréfrigérant) pour évacuer la chaleur nécessairement produite par le cycle de vapeur. La chaleur restante peut aussi être récupérée pour faire de la cogénération. Différentes configurations de centrale sont conçues :
- une turbine à combustion, une turbine à vapeur et un alternateur sur la même ligne d'arbre (configuration à « arbre unique ») ;
- une turbine à combustion avec son alternateur et une turbine à vapeur avec son alternateur (configuration « multi-arbres ») ;
- deux turbines à combustion avec chacune son alternateur et une turbine à vapeur avec son alternateur (configuration « multi-arbres ») ; les trois alternateurs peuvent alors être identiques.
De façon approximative, la turbine à vapeur a une puissance égale à 50 % de celle de la turbine à combustion à laquelle elle est associée.
La configuration « multi-arbres » a l'avantage de permettre le démarrage et la montée en puissance rapides des turbines à combustion, la turbine à vapeur ayant généralement des temps de démarrage et de montée en puissance plus grands. La configuration à arbre unique diminue le nombre de machines, donc l'encombrement, mais démarre plus lentement.
La technologie des cycles combinés date de la fin des années 1970. En France, le premier exemple a été construit en 1980 dans une papeterie. Grâce à une turbine à combustion de 25 MW et à une turbine à vapeur (à contre-pression) de 9 MW, l'installation fournissait la totalité de l'électricité et de la vapeur de procédé nécessaire au fonctionnement de la papeterie.
L'évolution favorable du prix du combustible gazeux ou liquide par rapport au prix du charbon et la mise sur le marché de turbines à combustion de beaucoup plus forte puissance a provoqué, dans les années 1990 un fort engouement mondial (France exceptée) pour cette technologie.
Les dernières évolutions (2011) chez les grands constructeurs mondiaux sont conçues pour améliorer le rendement à charge partielle des turbines à combustion ainsi que les prises et diminutions de charge rapides du cycle combiné. Cela permet de garder ces centrales en service à charge partielle à un coût raisonnable lorsque l'énergie du réseau vient de centrales solaires ou d'éoliennes, et ainsi de compenser très rapidement les variations de puissance en cas de disparition brutale du soleil (passage de nuages, ou éclipse partielle, voire totale) ou du vent, ou lors de fortes demandes ponctuelles du réseau. En effet, si une éclipse totale est rare, les usagers, lorsqu'elle se produit, allumeront brusquement la lumière.
Cycles combinés gaz et environnement
Les CCGT permettent de réduire de 50 % les émissions de CO2, de diviser par trois les oxydes d'azote (NOx) et de supprimer les rejets d'oxydes de soufre (SO2) par rapport aux moyens de production thermique à flamme « classiques »[4]. En outre, lorsque la combustion utilise du gaz naturel, cela ne produit ni particules de poussières, ni odeurs ; malgré leur nom, la plupart des turbines à combustion (TAC), autrement appelées "turbines à gaz" (TG) peuvent brûler divers combustibles liquides, et c'est la teneur en soufre du combustible utilisé qui provoque la présence d'oxydes de soufre à l'échappement. L'utilisation du gaz naturel comme combustible dans les CCGT présente donc des avantages notables en matière de pollution atmosphérique[5].
Concernant le processus de refroidissement, la technologie du refroidissement du circuit par air de la partie turbine à vapeur, si elle est choisie, permet de limiter les consommations d’eau de manière significative par rapport aux centrales du même type utilisant le refroidissement par eau, et permet également d'éviter d'influer sur la température des cours d'eau ou des étendues d'eau concernés[6].
Pour certains partisans de la sortie du nucléaire[7], les cycles combinés gaz, au côté de l'efficacité énergétique et des énergies renouvelables, constituent un recours indispensable.
Les centrales électriques à cycle combiné gaz en France (CCG)
La part de la production électrique à partir de gaz dans le mix énergétique français restait très modeste (1 %), comparée à celle de ses voisins (40 % en Italie, 35 % au Royaume-Uni, en Espagne et en Autriche). Toutefois, les CCG furent clairement inscrits dans les objectifs français en matière de production d'énergie à la fin des années 2000 : l'arrêté du relatif à la programmation pluriannuelle des investissements en électricité[8] prévoit ainsi de moderniser le parc de production d'électricité à partir d'énergies fossiles en vue d'en réduire les impacts environnementaux. Afin d'accompagner ce programme de modernisation, l'article 3 de cet arrêté prévoit notamment la réduction de moitié du parc de centrales à charbon, trop émetteur de CO2, et que « le parc centralisé de production d'électricité à partir de gaz naturel sera développé. »
La programmation pluriannuelle des investissements en électricité 2009[9] retient comme hypothèse la réalisation d'au moins dix CCGT à l'horizon 2012.
La fin des années 2000 et le début des années 2010, avec l'ouverture du marché de la production électrique et un différentiel important entre les prix du gaz et de l'électricité, voit de nombreux projets de centrales à cycle combiné se monter en France. Mais à partir de 2013, la baisse du prix de l'électricité associée à une hausse du prix du gaz et à une baisse du prix du charbon (rendant le fonctionnement des centrales à charbon plus économiquement intéressantes) ont entraîné le gel de plusieurs de ces projets et la mise sous cocon de quelques centrales déjà construites.
Les centrales à cycle combiné en 2018
Le premier exemplaire de forte puissance de CCGT construit en France a été la centrale de DK6 active depuis à Dunkerque, avec une capacité de 790 MWe. Elle brûle du gaz naturel et des gaz sidérurgiques provenant de l'usine Sollac proche.
Deux centrales sont exploitées sous la marque CELEST. Elles ont été construites par Siemens pour Poweo[10],[11]. La première à Pont-sur-Sambre (Nord), de 412 mégawatts, mise en service en 2009, et l'autre à Toul (Meurthe-et-Moselle), de 413 mégawatts, mise en service début 2013. Ces deux centrales sont opérées par Siemens. Un temps possédées par l'autrichien Verbund (qui avait racheté Poweo et était encore propriétaire de ses moyens de production après la revente de l'activité distribution à Direct Energie), elles ont été rachetées fin 2014 par le fonds d'investissement américain KKR[12], puis par Total en 2018[13].
GDF-SUEZ (aujourd'hui Engie) a fait construire CyCoFos 424 MWe, mise en service début 2010 à Fos-sur-Mer dans les Bouches-du-Rhône. La centrale CombiGolfe, d'Electrabel (société belge, propriété de GDF-SUEZ), a ajouté une capacité de 432 MWe également à Fos-sur-Mer et a mis en service, en , la centrale de Montoir-de-Bretagne (Loire-Atlantique) qui ajoute 435 MWe de capacité.
La SNET (propriété du groupe allemand E.ON) a fait construire deux unités de CCG sur son site de la centrale thermique Émile Huchet, alors uniquement au charbon, à Saint-Avold (Moselle) totalisant 860 MWe (2 × 430 MWe). Elle prévoyait également la construction de plusieurs groupes de cycles combinés gaz à l’horizon 2010-2015 sur les sites de ses trois autres centrales à charbon historiques (Hornaing, Lucy et Provence), ainsi que sur le site de Lacq (Pyrénées-Atlantiques); mais ces projets semblent abandonnés, notamment ceux d'Hornaing (site fermé en 2013[14]) et de la centrale de Lucy dont le site, qui héberge une centrale au charbon, a fermé courant 2014[15].
L'énergéticien suisse Alpiq, via sa société 3CB[16](Centrale à Cycle Combiné de Bayet), exploite une centrale de 408 MWe à Bayet (Allier), près de Saint-Pourçain-sur-Sioule, depuis juin 2011. Cette centrale a été rachetée en par Total Direct Énergie pour seulement 45 M€[17].
Alpiq avait développé à Monchy-au-Bois (Pas-de-Calais) un second projet[18], qui disposait de toutes les autorisations administratives requises mais a été mis en sommeil pour raisons économiques.
Deux unités à cycles combinés ont été construites par EDF à Martigues (Bouches-du-Rhône) et une à Blénod-lès-Pont-à-Mousson (Meurthe-et-Moselle). Le site de Martigues possède deux cycles combinés de 465 MW chacun équipés d'une post-combustion, ils réutilisent les turbines à vapeur des anciennes unités chauffées au fioul. Le site de Blénod-lès-Pont-à-Mousson possède un CCGT de 430 MW qui a été inauguré en [19]. À la suite d'une fuite sur un circuit d'huile, un incendie s'est déclaré le sur une des turbines de la centrale de Martigues, entraînant l'indisponibilité des deux cycles combinés pendant plusieurs mois. L'un a pu redémarrer en , l'autre était annoncé pour [20].
Une centrale de 575 MW a été construite à la Centrale thermique de Bouchain dans le Nord ; sa mise en service a été réalisée au printemps 2016[21]. Elle remplace la centrale au charbon située sur le même site et qui a fermé en et était en cours de démantèlement à l'été 2015[22]. Bouchain utilise la nouvelle turbine à combustion de type 9HA construite par General Electric à Belfort, alors la turbine à gaz la plus puissante au monde[23].
Direct Energie portait un projet sur la commune de Verberie (Oise), bloqué en 2013 à la suite d'un rejet du projet lors de l'enquête publique[24]. La société a mené un autre projet pour un CCGT à Hambach (Moselle), retardé par un refus en 2012 du permis de construire par le tribunal administratif de Strasbourg[25] et au point mort en 2012. En coopération avec Siemens, Total Direct Énergie mène un projet de centrale de 446 MWe à Landivisiau[26] dans le Finistère. Les premiers travaux sont intervenus en [27], pour une mise en service commerciale prévue au second semestre 2021[28] et réalisée en [réf. nécessaire]. Le fonctionnement de cette centrale d'un coût de 450 millions d'euros sera soutenu financièrement dans le cadre du Pacte électrique breton, visant à sécuriser l'approvisionnement électrique de la Bretagne[29].
Rendement de la filière gaz
Le rendement global de la filière gaz pour la production électrique apparaîtrait plus faible si l'on tenait compte du transport, de la liquéfaction/gazéification et des stations de compression sur les gazoducs. L'approvisionnement des CCGT en gaz est délicat car la demande des clients de ces centrales varie fortement selon l'heure de la journée, et est plus forte, également quand les autres consommateurs en demandent le plus. Le volume modulé appelé par ces centrales électriques à gaz représenterait - selon une étude prospective publiée en [30] - déjà 50 % du volume modulé des consommations des autres consommateurs desservis en France par le réseau GRT Gaz, et ce chiffre devrait doubler (s'élever à 100 % en 2012), puis quadrupler (200 % en 2020) si la tendance se confirmait, ce qui dépasserait largement les capacités actuelles de stockage de gaz et leur souplesse intra-journalière (dès 2011 peut être selon l'étude pour les mois de novembre-octobre). Une généralisation de la méthanisation des déchets urbains et de boues d'épuration offrirait une source de gaz supplémentaire, mais insuffisante, d'autant que ce gaz fait aussi l'objet d'une demande pour les véhicules. Une autre limite pourrait être les besoins de limiter les pertes en ligne des grands réseaux électriques centralisés et les émissions anthropiques de gaz à effet de serre, certains estimant toutefois qu'il sera moins difficile et plus « rentable » de décarboner les émissions de ces grosses centrales que celles de sources plus diffuses.
Une « concertation gaz » est menée sous l'égide de la Commission de régulation de l'énergie afin d'adapter le fonctionnement du réseau de transport de gaz français (modulations horaires, etc.) aux exigences de fonctionnement des CCGT. Le fonctionnement en semi base exige en effet de disposer d'une flexibilité infra-journalière en matière de consommation de gaz.
Notes et références
- Chubu Electric Power's Nishi-Nagoya Thermal Power Station Unit 7-1 Recognized by Guinness World Records as World's Most Efficient Combined Cycle Power Plant: Achieved 63.08% Power Generation Efficiency, Chubu Electric Power Co., Inc. et Toshiba Energy Systems & Solutions Corporatio, sur chuden.co.jp, 27 mars 2018.
- GE announces first commercial operation of its 7HA.03 turbines, dieselgasturbine.com, 7 juin 2022.
- , Qu’est-ce qui différencie une centrale à gaz à cycle combiné d’une centrale classique ?, connaissancedesenergies.org (consulté le 29 janvier 2020).
- Qu’est-ce qu’un Cycle Combiné Gaz, EDF (consulté le 3 mars 2013).
- [PDF] Déclaration de Dominique Voynet, Ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, Assemblée nationale, 11 juin 1998 : "Le gaz naturel carburant présente de grands avantages notamment vis-à-vis de la pollution atmosphérique", sur Vie-publique.fr.
- Exemple de CCGT à refroidissement par air, sur 3cb.fr
- : Dominique Voynet : "La baisse de la consommation d’électricité grâce à la sobriété et à l’efficacité, la montée en puissance par la production à partir des énergies renouvelables et la construction de centrales à gaz à cycle combiné à haut rendement - indispensable pour la pointe et la demi base et déjà en cours en France, mais pas par EdF - permettront de programmer au fur et à mesure la sortie du nucléaire", sur stop-epr.org
- arrêté du 15 décembre 2009 relatif à la programmation pluriannuelle des investissements en électricité, sur Légifrance.
- programmation pluriannuelle des investissements en électricité 2009 [PDF], Ministère de l'Écologie (France).
- « Les premières turbines Siemens arrivent à Pont-en-Sambre », L'Usine nouvelle, (consulté le ).
- « Siemens recrute pour la centrale électrique de Toul », L'Usine nouvelle, (consulté le ).
- La Voix du Nord, « PONT-SUR-SAMBRE : Examen réussi pour la centrale Celest à cycle combiné au gaz naturel », La Voix du Nord, (lire en ligne , consulté le ).
- « Pont-sur-Sambre - Le groupe KKR vend la centrale électrique à cycle combiné à gaz à Total », sur La Voix du Nord, (consulté le ).
- « Eon confirme son projet "biomasse" à Gardanne mais lâche Hornaing », Usine Nouvelle, 28 septembre 2012 ; yahoo Actu
- La Centrale de Lucy fermera le 31 mars 2014, lejsl.com, février 2013.
- 3CB
- Centrales à gaz : le pari audacieux du français Direct Energie
- 3CA
- Le premier Cycle combiné gaz (CCG) inauguré, Blénod les PaM, février 2012
- "Martigues : après l'incendie, la centrale de Ponteau reste à l'arrêt ", [La Provence], 11 mars 2015.
- Les actualités de la centrale thermique de Bouchain, EDF (consulté le 20 mai 2021).
- éBouchain : la turbine de 380 tonnes déchargée et prête à être transportée jusqu’à la centrale , la Voix du Nord, Alice Bonvoisin, 15 juillet 2015
- Monique Clemens, "GE lance la plus puissante turbine à gaz au monde", Les Échos, 28 mai 2015.
- Projet de centrale électrique à Verberie : c'est non., Le Parisien, le 12 mars 2013
- Hambach : décision du tribunal administratif de Strasbourg centraleelectriquehambach.fr, 14 mars 2012
- http://www.landivisiau-lacentrale.com/
- "Centrale à gaz de Landivisiau. Les travaux commencent ce lundi ", Ouest-France, 31 janvier 2015
- avec AFP, « Centrale à gaz de Landivisiau. L’Allemand Siemens reçoit une commande de 450 millions », sur Ouest France, (consulté le ).
- « Qu’est-ce que le Pacte Electrique Breton ? », sur Landivisiau la centrale (consulté le ).
- Étude de GRT Gaz citée par Enerpress, 26 avril 2010, no 10, page 1.
Articles connexes
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