Charles II (duc de Savoie)

Charles II, que l'on trouve également sous la forme Charles II de Savoie et désigné par certains auteurs comme Charles III, dit le Bon, né au château de Chazey-en-Bugey, le et mort à Verceil le , est duc de Savoie et prince de Piémont (1504-1553).

Pour les articles homonymes, voir Charles II.

Ne doit pas être confondu avec le duc de Savoie Charles-Jean-Amédée, appelé à tort Charles II.

Charles II

Charles II de Savoie, par Jean Clouet.
Titre
Duc de Savoie

(48 ans, 11 mois et 7 jours)
Prédécesseur Philibert II
Successeur Emmanuel-Philibert Ier
Biographie
Dynastie Maison de Savoie
Date de naissance
Lieu de naissance Château de Chazey-sur-Ain (Savoie)
Date de décès
Lieu de décès Verceil (Savoie)
Père Philippe II de Savoie
Mère Claudine de Brosse
Conjoint Béatrice de Portugal
Enfants Adrien-Jean-Amédée
Louis
Emmanuel-Philibert
Catherine
Marie
Isabelle
Emmanuel
Emmanuel
Jean-Marie

Biographie

Origines

Né le au château de Chazey-en-Bugey, propriété de la maison de Savoie, Charles est le premier fils du second mariage de Philippe II, duc de Savoie, avec Claudine de Brosse[1].

Fils cadet, il prend le titre de duc de Savoie, en 1504, au décès de son demi-frère Philibert le Beau, mort sans descendance[2]. Sa demi-sœur est Louise de Savoie, mère du roi François Ier.

Mariage

Le , Charles II est accordé en mariage à Jeanne de Naples, fille de Ferdinand Ier d'Aragon, roi de Naples, et de Jeanne d'Aragon, reine de Sicile. Ce mariage n'ayant pas été consommé, il épousa le Béatrice de Portugal, fille d'Emmanuel, roi de Portugal et des Algarves, et de Marie d'Aragon et Castille, fille des rois Catholiques[2].

Par ce mariage, comme Béatrice est la sœur de l'impératrice Isabelle de Portugal, l'oncle maternel de François Ier devient le beau-frère de Charles Quint.

Les premières difficultés du règne

Le nouveau duc trouve un État obéré de dettes et des domaines diminués par les concessions faites aux trois douairières : Blanche de Montferrat contrôle presque tout le Piémont, Claudine de Brosse possède le Bugey, Marguerite d'Autriche la veuve de son prédécesseur reçoit la Bresse, le Faucigny et le comté de Villars. Louise de Savoie, fille de Janus de Savoie, comte de Genève, tient le Chablais et d'autres apanages.

Il doit commencer son règne par s'imposer face aux exigences de sa demi-sœur Louise de Savoie, qui voulait hériter du duché, de son frère bâtard René qui demandait des fiefs, et son frère Philippe qui soutenait Louise et René.

En 1518, il réforme profondément le vieil ordre savoyard du Collier qui devient l'ordre suprême de la Très Sainte Annonciade.

La révolte de Genève

Après la mort de Charles de Seyssel, le , Charles II tente d'imposer comme évêque de Genève, avec l'appui du Pape Léon X mais contre l'élu du chapitre de Chanoines de la cathédrale, son cousin Jean-François de Savoie, fils illégitime d'un précédent évêque et oncle de Charles II, François de Savoie. Cette mainmise de la Maison de Savoie provoque une forte réaction des Genevois qui s'allient par un traité de combourgeoisie avec le canton de Fribourg le . Le duc envoie René de Challant en ambassade à Berne en et en 1532 afin de tenter d'interrompre le rapprochement ente les villes. La Diète de Thonon en 1534 ne fait que resserrer l'alliance entre les cités helvétiques. Genève se révolte et le duc lui impose un blocus. Pour s'en dégager, la cité fait appel aux Bernois, qui après quelques tergiversations passent à l'attaque le et conquièrent le Pays de Vaud dès le mois de février suivant[3]

Charles II, incapable de réagir, brandit la menace de faire intervenir l'empereur Charles-Quint, dont il est le vassal, mais ce dernier est bloqué à Naples. Dans les territoires contrôlés par les Bernois, la conversion à la Réforme protestante est générale après la fuite de l'évêque de Genève en 1527, le Grand Conseil interdit la messe le bien qu'en majeure partie contrainte la Réforme s'impose, créant de ce fait un fossé cultuel désormais insurmontable. Dans le pays de Vaud et le Genevois, un groupe de seigneurs savoyards, partisans du duc, dénommé « Confrérie de la Cuiller » fait régner la terreur en territoire genevois. En 1530, le duc fait enfermer au château de Chillon, François Bonivard, fils du seigneur de Lunes, partisan du conseil de Genève, qui croupira dans les sous-sols de la forteresse pendant six années.

Entre France et Saint Empire

En 1515 en accord avec les cantons suisses, le duc Charles II refuse le droit de passage par ses États au roi de France Francois Ier. La victoire de ce dernier lors de la bataille de Marignan marque un recul important de l'influence de la Savoie en Italie du Nord. Le duc perd également l'appui de Léon X après la mort de Julien de Médicis, l'époux de sa sœur. Sans armée et sans grands moyens, Charles II ne réussit pas à mettre en place une politique extérieure cohérente. Il change régulièrement d'alliance, entre son neveu François Ier et son beau-frère Charles Quint. Finalement, comme Prince d'Empire il opte pour le second[4].

Profitant des difficultés du duc avec Genève, François Ier de France réclame l'héritage de sa mère Louise de Savoie (demi-sœur du duc Charles II-III), sur la Bresse et le Faucigny. Il franchit la frontière et les Français occupent Chambéry. Une série de défaites entre 1530 et 1536 devant les Suisses passés à la Réforme protestante et les Français prive le duc de la plupart des États de Savoie, ne lui laissant que le comté de Nice et la vallée d'Aoste. La Paix de Nice, signée en 1538, le prive pour une durée de 10 années de l'essentiel de ses territoires. Il négocie sa neutralité avec les Français et ne conserve qu'une petite partie du Piémont. Un gouverneur français est installé à Turin, obligeant Charles II à se réfugier à Nice qui devient sa principale place-forte, ville dans laquelle il développe la production monétaire par des ordonnances de . Le duc séjourne également à Verceil en Piémont.

En 1543, les Franco-Turcs assiègent Nice par terre et par mer. Le , une armée de secours, conduite par Charles II et le marquis Del Vasto incite les assiégeants à lever le siège. Les troupes ducales reprennent peu à peu le contrôle du comté de Nice. Une ferme répression s'abat sur les Niçois qui avaient choisi le camp français. La principale conséquence de ce siège sera de susciter, chez les ducs de Savoie, en particulier le successeur de Charles II, son fils Emmanuel-Philibert (1528-1580), une forte volonté de renforcer les défenses de la place de Nice.

Mort et sépulture

Dépossédé de la majeure partie de ses territoires, Charles II meurt à Verceil, assiégé par les Français d'Henri II, le , dans sa 67e année après un règne malheureux de 49 ans. Son fils, Emmanuel-Philibert, lui succède.

Son corps est enterré dans la cathédrale Saint-Eusèbe de Verceil (Piémont)[5].

Descendance

Charles épouse à Villefranche, à côté de Nice, le l'Infante Béatrice de Portugal (1504-1538), fille de Manuel Ier, roi de Portugal, et de Marie d'Aragon[1]. Par ce mariage, il devient beau-frère de Charles Quint, qui a épousé Isabelle de Portugal. Ils ont[1] :

  1. Adrien-Jean-Amédée (-), prince de Piémont, son corps est inhumé dans la chapelle Saint-Sébastien de la cathédrale Saint-Marie-de-l'Assomption d'Ivrée[5] ;
  2. Louis (1523 † 1536) ;
  3. Emmanuel-Philibert (1528-1580), duc de Savoie et prince de Piémont ;
  4. Catherine (-) ;
  5. Marie (-1531) ;
  6. Isabelle (-) ;
  7. Emmanuel (, † jeune) ;
  8. Emmanuel (, † jeune) ;
  9. Jean-Marie (-), son corps est inhumé dans une chapelle de la cathédrale Sainte-Marie du château de Nice[5].

Charles II ou Charles III ?

Une tradition historiographique permanente et au moins tri séculaire opte pour la forme Charles III de Savoie, depuis le XVIIIe siècle[6], avec L'Art de vérifier les dates[7], en passant par les historiens savoyards « classiques » du XIXe siècle comme Victor de Saint-Genis[8], Joseph Dessaix[9] ou Claude Genoux[10], et modernes comme Henri Ménabréa[11] ou Jacques Lovie[12] et les ouvrages encyclopédiques comme celui de Michel Mourre[13]. Cette dénomination est également celle qui est retenue par Marie-José de Belgique dans ses études sur la maison de Savoie[14] ou encore le site de généalogie en ligne, Foundation for Medieval Genealogy (FMG)[1].

Toutefois, de nombreux historiens anciens — comme Eugène Caïs de Pierlas[15] ou Georges Doublet[16] — et modernes[17] utilisent le nom de Charles II pour dénommer ce prince, de même que les numismates[18],[19],[20],[21], des archéologues[22] et des archivistes[23].

La titulature KAROLVS SECVNDVS (Charles le Second) ou CAROLVS II du duc qui apparaît sur ses monnaies émises tout au long de ses trente-neuf années de règne montre qu'il se fit constamment appeler Charles II et qu'il ne considéra pas le petit Charles Jean Amédée de Savoie, mort à l'âge de huit ans, comme son prédécesseur dans la lignée des Charles de Savoie[24]. Les monnaies frappées au nom du petit Charles-Jean-Amédée ne mentionnent pas Charles II mais KAROLVS IO AME DVX SABAUDIE ou encore K I A (Karolus Iohannes Amedeus en abrégé)[18],[19],[20],[21].

Ascendance

Voir aussi

Bibliographie

  • Louis Charles Dezobry et Théodore Bachelet, Dictionnaire de Biographie et d’Histoire, Paris,
  • Charles Gilliard (1879-1944) La Conquête du Pays de Vaud par les Bernois, 1935, dans lequel il est raconté comment par excès d'ambition le duc perdit tout ce que lui avait laissé son prédécesseur.
  • Claude Genoux, Histoire de Savoie Rééditions : La Fontaine de Siloé, Montmélian 1997, (ISBN 284206044X), chapitre : « Charles III surnommé le Bon ou le Malheureux », p. 248-270.
  • Jean Lullin, Notice historico-topographique sur la Savoie : suivie d'une généalogie raisonnée de la Maison Royale de ce nom.

Articles connexes

Liens externes

Références

  1. MedLands, p. Charles III died 1553 (présentation en ligne).
  2. Jean Lullin, Notice historico-topographique sur la Savoie : suivie d'une généalogie raisonnée de la Maison Royale de ce nom, p. 164.
  3. François-Gabriel Frutaz, Notes sur René de Challant. Monographie, musée neuchâtelois, novembre-décembre 1904.
  4. Jacques Lovie, Les Ducs de Savoie (1416-1713), Société Savoisienne d'Histoire et d'Archéologie, p. 7.
  5. Paolo Cozzo, « Stratégie dynastique chez les Savoie: une ambition royale, XVI-XVIIIe siècle », dans Juliusz A. Chrościcki, Mark Hengerer, Gérard Sabatier, Les funérailles princières en Europe, XVIe-XVIIIe siècle : Volume I : Le grand théâtre de la mort, Les Editions de la MSH, , 412 p. (ISBN 978-2-73511-686-7, lire en ligne), p. 228-230 (Carte).
  6. Histoire Universelle depuis le commencement du monde jusqu'à présent, Amsterdam, 1776, Liv. XXIV, Ch. XIII, p. 128-168.
  7. Maur-François Dantine, Charles Clémencet (dom), Nicolas Viton de Saint-Allais, Ursin Durant, François Clément (dom), Mauristes. Volume XVII, Arthus-Bertrand éditeur, Paris, 1819. Chap. : « Charles III dit le Bon », p. 193-195.
  8. Victor de Saint-Genis, Histoire de Savoie, d'après les documents originaux, Bonne, Conte-Grand & Cie éditeurs, Chambéry, 1869. (3 Vol.).
  9. Joseph Dessaix, La Savoie historique, pittoresque, statistique et biographique, Slatkine (1re éd. 1854), 781 p. (lire en ligne), p. 463.
  10. Claude Genoux, Histoire de Savoie, réédition 1997, La Fontaine de Siloé, (ISBN 284206044X), chap. : « Charles III », p. 248-270.
  11. Henri Ménabréa, Histoire de la Savoie, La Fontaine de Siloé, coll. « Les savoisiennes », (réimpr. 2009) (ISBN 978-2-84206-309-2, lire en ligne), p. 207, « Le règne malheureux de Charles III le Bon ».
  12. Jacques Lovie (professeur honoraire à l'université de Savoie), L'histoire en Savoie. Les Ducs de Savoie (1416-1713) publié par la Société savoisienne d'histoire et d'archéologie, Chambéry, (ISSN 0046-7510), p. 7 & tableau généalogique p. 9.
  13. Dictionnaire encyclopédique d'Histoire, 8 vol., nouvelle édition du Dictionnaire d'histoire universelle, Bordas/J.P. Delarge, Paris, 1978-1982. Articles « Charles II » et « Charles III le Bon », Volume C, p. 889.
  14. La Maison de Savoie, éditions Albin Michel, Paris, 1956, p. 114, note no 2.
  15. Eugène Caïs de Pierlas, « L'Hôtel des Monnaies à Nice », Bulletin de la Société niçoise des Sciences naturelles, Histoire de Géographie, 1886, p. 6.
  16. Georges Doublet, « Le mariage du duc Charles II et de l'infante Béatrice de Portugal », revue Nice historique no 195, p. 105.
  17. Nice et son comté (1200-1580), témoignages et mémoires, descriptions et chroniques médiévales. Ouvrage collectif publié par la Délégation patrimoine historique de la Ville de Nice, Mémoires millénaires éditions, 2010. Textes anciens sélectionnés par l'historien Hervé Barelli. Josiane Rieu (université de Nice Sophia-Antipolis) étudie un texte de 1538 et mentionne « le duc de Savoie Charles II » dans sa communication Le poète et le prince, (p. 139). Blythe Alice Raviola (université de Turin) évoque « Charles II et son fils Emmanuel-Philibert », (p. 175).
  18. Luigi Simonetti, Monete italiane medioevali et moderne, vol. 1, Casa Savoia, parte 1, Ravenne, 1967 : « Carlo II », (p. 212 à 218).
  19. Elio Biaggi, Le antiche monete piemontesi, Éditrice Tipolito Melli, Borgone di Susa, 1978 : « Carlo II », (p. 24).
  20. Sergio Cudazzo, Monete italiane regionali, Casa Savoia, Éd. Numismatica Varesi, Pavie, 2005 : « Carlo II il Buono, duca di Savoia (1504-1553) », (p. 188 à 253)
  21. Jean Duplessy (ing. rech. hon. CNRS), Les monnaies françaises féodales, tome II. Éd. Platt, Paris, 2010.
  22. Dans son étude « Nice au XVIe siècle ou la création d'une place-forte moderne », Marc Bouiron, archéologue de la ville de Nice, évoque « le règne de Charles II (1504-1553) », (p. 11). Il en fait de même en p. 306 dans son étude « François de Belleforest, Comosgraphie universelle ». Claude Salicis, président de l'IPAAM en fait de même dans : « Étude de deux lots de monnaies issues de fouilles anciennes effectuées sur la colline du Château à Nice », Mémoires de l'IPAAM, 2012, p. 379.
  23. Archives départementales des Alpes-Maritimes : « Charles II (1504-1553) entre France et Espagne ». En sens contraire, les Archives municipales de Nice ont édité un « Inventaire analytique des séries anciennes (1176-1792) » où le nom Charles III est utilisé.
  24. Pour un exemple : écu d'or.
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