Collège des Grassins
Le Collège des Grassins est l'un des neuf collèges de plein-exercice de l'ancienne Université de Paris, fondé en 1569 supprimé en 1793.
Sa devise est "Lilium inter spinas" (la fleur au milieu des épines).
Histoire
Le collège des Grassins a été fondé en 1569 par Pierre Grassin (l'aîné), vicomte de Buzancy, sieur d'Ablon, conseiller au Parlement, sur la base d'un testament. Les cours ne semblent cependant avoir débuté réellement que quelques années plus tard. Cette famille était originaire de Sens et le collège était par conséquent destiné à des étudiants pauvres de ce diocèse, ce qui explique la présence, parmi ses élèves et son corps professoral, d'un grand nombre d'intellectuels originaires de l'actuel département de l'Yonne. Son premier nom était d'ailleurs "Collège des enfants pauvres de Sens".
Il a été édifié sur la montagne Sainte-Geneviève, son entrée se situant au niveau de l'actuelle rue Laplace (anciennement rue des Amandiers).
Il était initialement destiné à l'enseignement des humanités et se composait d'un principal et de six grands boursiers, étudiants en théologie ayant déjà subi un examen, ainsi que de six petits boursiers d'humanités et de philosophie (artiens). Chacun des grands boursiers, suivant le vœu du premier bienfaiteur, devait surveiller les études de deux élèves de la catégorie suivante. L'archevêque de Sens était chargé de nommer ces boursiers et devait les choisir de préférence parmi les pauvres écoliers de son diocèse. Il fallait que le principal fût docteur régent licencié, ou au moins reçu bachelier en la Faculté de Théologie de Paris. Il a également été un lieu d'enseignement, et s'est progressivement imposé comme l'un des plus importants collèges de plein-exercice de l'université de Paris, comme ceux de Harcourt, du Plessis ou des Quatre-Nations (ou Collège Mazarin). Le célèbre historien Crevier, lui-même ancien élève, note qu'en 1758 le collège était "l'un des plus fréquentés de l'université" et à la Révolution il est décrit comme "l'un des plus nombreux de Paris". Il a accueilli parmi son corps professoral un certain nombre de rhétoriciens, littéraires et philosophes célèbres. Occasionnellement, des pièces de théâtre y étaient données, telle cette tragédie sur les Gusmans "qui sera représentée sur le théâtre du Collège des Grassins pour la distribution des prix, le 5 d'aoust 1656, à une heure précisement[1]".À partir des années 1670, il se révèle comme l'un des plus ardents foyers de cartésianisme parmi les collèges universitaires de Paris : c'est aux Grassins qu'ont ainsi enseigné en particulier Etienne Marmion et le jeune Edme Pourchot (lui-même originaire de Sens), principal artisan de l'acceptation scolastique de l'œuvre de Descartes en France. Au XVIIIe siècle, ce sont surtout ses professeurs de rhétorique, les deux frères Charles Le Beau et Jean-Louis Le Beau qui rendent le collège célèbre. Une chaire de grec y est fondée en 1753 grâce à un legs d'Edme Pourchot.
Dans les années 1690, le collège a été associé à la communauté irlandaise qui s'était recréée dans le Collège des Lombards (abandonné par les Italiens). Cela mena à la conclusion d'un véritable contrat en 1696, approuvé par l'archevêque de Sens, Hardouin Fortin de la Hoguette. Ceci explique la présence du célèbre philosophe irlandais Michael Moore (Micheal O Mordha) parmi son corps enseignant. Cet accord a été dénoncé en 1708, ce qui marque la fin de la présence irlandaise aux Grassins. La communauté irlandaise est alors réintégrée dans le Collège des Lombards.
Fermé à la Révolution comme tous les anciens collèges de l'université de Paris, il n'a jamais retrouvé de fonction académique et est devenu une propriété privée. Ses bâtiments intérieurs sont entièrement démolis ; ne subsiste qu'une porte d'entrée originale. Le bâtiment du Collège des Irlandais a quant à lui survécu.
Professeurs importants
- Théodore Marcile (1548-1617), d'origine hollandaise, né à Arnhem, premier professeur de rhétorique, commence ses leçons en 1578.
- Pedro Vicente Vadillo, originaire de Valence en Espagne, enseigne la rhétorique en 1578.
- Guillaume Mouret, bachelier en théologie, professeur de philosophie dans les années 1590.
- Nicolas Bourbon (d. 1644), professeur de rhétorique à la fin du XVIe siècle, avant de passer aux collèges de Calvi et de Harcourt, poète latin.
- Jacques Dupont, professeur de philosophie dans les années 1640.
- Guillaume Marcel, professeur de rhétorique dans les années 1640, après avoir quitté la Congrégation de l'Oratoire.
- Étienne du Mesny, professeur de philosophie dans les années 1650.
- Jean Denis, professeur de philosophie dans les années 1660.
- François Le Brun, professeur de philosophie dans les années 1670.
- Pierre Danet (1650-1705) professeur d'humanités dans les années 1670, célèbre auteur de dictionnaire et de travaux de philologie.
- Georges Ozon, professeur de philosophie dans les années 1680.
- Gilles Le Blond, professeur de philosophie dans les années 1680, avant de passer au Collège de La Marche.
- Michael Moore (1639-1723), célèbre professeur irlandais, professeur de philosophie, élu recteur de l'université de Paris (1701-1702).
- Étienne Marmion (1649- >1700), né à Valognes, professeur de philosophie dans les années 1690, comme Pourchot adepte du cartésianisme.
- Edme Pourchot (1651-1734), né à Sens, professeur de philosophie à partir de 1677, qui y commence sa carrière avant de passer au Collège Mazarin (ou des Quatre Nations) pendant 26 ans. Il en fait un foyer de cartésianisme scolaire. Il a aussi été syndic et recteur de l'Université de Paris.
- Jean Christallier, professeur de mathématique et de physique dans les années 1700.
- Michel Godeau (d. 1736), professeur de rhétorique.
- Nicolas Andry de Boisregard (1658-1742), professeur d'humanités durant la fin du XVIIe siècle.
- Alexandre de Prépetit de Grammont, professeur de rhétorique à la fin du XVIIe siècle, recteur de l'université de Paris (1700-1701).
- Jacques Cochet, professeur d'humanités à la fin du XVIIe siècle.
- Philippe Poirier (d. 1753), professeur de philosophie dans les années 1700, puis passé au Collège de la Marche.
- Gaspard Poitevin (d. 1751), commence sa longue carrière comme professeur d'humanités aux Grassins, avant de poursuivre l'enseignement de la philosophie au Collège de Dormans-Beauvais.
- Jean Du Hamel, professeur de rhétorique dans les années 1720, auteur d'une édition des Œuvres d'Horace.
- François Pitet, professeur de philosophie dans les années 1720.
- Guillaume Guillier, professeur d'humanités dans les années 1720-30, auteur d'un célèbre manuel (1732; rééd. 1749) sur les pratiques d'examen à l'université de Paris.
- Robert Basselin, professeur de mathématiques dans les années 1730, célèbre pour ses travaux sur la quadrature du cercle.
- Guy-Antoine Fourneau, originaire du diocèse du Mans, professeur de philosophie dans les années 1740-60.
- Charles Le Beau (1701-1778), né à Paris, professeur de rhétorique entre 1736 et 1755, avant d'obtenir la chaire d'éloquence latine au Collège de France (1752).
- Jean-Louis Le Beau (1721-1766), né à Paris, frère benjamin du précédent, professeur de rhétorique, qui remplace Charles en 1755.
- Julien Cerisier (1729-1809), né à La Lande-d'Airou (Manche), successeur de Charles Le Beau comme professeur de rhétorique, ensuite organisateur de l'École centrale de la Manche et de la bibliothèque d'Avranches.
- Brice-François Chapelle (ou Chappelle), professeur de philosophie dans les années 1760.
- Louvel, professeur de rhétorique dans les années 1760.
- Jean-Edmond Roux, professeur de philosophie dans les années 1780.
- Antoine-Norbert Thirion, professeur de philosophie dans les années 1780.
Élèves célèbres
- Pierre Padet (1581-1665), né à Coutances, étudie la rhétorique aux Grassins avant de poursuivre en philosophie au Plessis. Devient professeur de philosophie et principal du Collège de Harcourt.
- Jean de Mairet (1604-1686), né à Besançon, auteur dramatique et homme de théâtre.
- Sébastien Josse, élève dans les années 1660.
- Philippe Hecquet (1661-1737), né à Abbeville, médecin célèbre.
- François Gesvres (d. 1705), né à Soindres (diocèse de Chartres), futur bénédictin, commence sa formation aux Grassins.
- Jean Fabre, étudiant dans les années 1680.
- Charles Huré (1639-1717), y fut élève, puis professeur 25 ans durant.
- Nicolas Andry de Boisregard (1658-1742), né à Lyon, médecin important, lui-même professeur d'humanités au collège, qui devient Doyen des Professeurs au Collège de France (ancien Collège Royal).
- Louis-François de Fontenu (1667-1759), né au château de Lisledon en Gâtinais, célèbre homme de lettres.
- Jean-Baptiste-Louis Crevier (1693-1765), né à Paris, historien de l'université de Paris, professeur de rhétorique au Collège de Beauvais.
- John O'Neill, irlandais, soutient des thèses au collège des Grassins en 1748.
- Pierre Letourneur (1736-1788), né à Valognes, littérateur et traducteur d'origine normande.
- Sébastien-Roch Nicolas de Chamfort (1741-1794), né probablement à Clermont-Ferrand, célèbre écrivain et moraliste, plus connu sous le simple nom de "Chamfort", étudiant boursier à partir de 1750 et lauréat de plusieurs premiers prix de l'Université.
- Charles-François Delacroix (1741-1805), né à Givry-en-Argonne, futur homme politique important sous la Révolution.
- Jacques-Jean-Alexandre-Bernard Law, marquis de Lauriston (1768-1828), né à Pondichéry, futur maréchal de France et Ministre d'État.
- Alexandre-Romain Honnet (1770-1819), peintre, vainqueur du prix de Rome en 1799.
Principaux et procureurs
- Pierre Aymon, principal dans les années 1570.
- Jean Coqueret, principal du collège dans les années 1630.
- François Framery, principal dans les années 1690.
- Euverte Magenis, irlandais, proviseur du Collège des Lombards, associé au collège en 1696.
- Jean Caillet, prêtre, bachelier de la Sorbonne, principal du collège au début du XVIIIe siècle.
- Martin Cœurderoy, procureur du collège par intérim (1707-1708).
- Jacques Cochet, ancien professeur d'humanités (1708).
- M. Daireux (principal 1763-1772).
- M. de la Neuville (principal 1773-1790).
- Yves-Marie Audrein (1741-1800), dernier principal du collège au moment de la Révolution française (1790). D'origine bretonne, il avait été préfet des études à Louis-le-Grand après le départ des Jésuites, où il avait eu pour élèves Camille Desmoulins et Robespierre. Il est élu député du Morbihan en 1792, et meurt assassiné par les Chouans.
Notes et références
- BnF, Archives et manuscrits, Clairambault 1053-1057. Cette pièce, qui a fait l'objet d'une impression mais qui semble perdue, est aussi mentionnée dans le "manuscrit de Stockholm", catalogue des œuvres de François Chauveau, Bibliothèque nationale de Stockholm (inv. S-16), p. 69, n° III, 65.
Annexes
Bibliographie
- Maximilien Quantin, « Collège des Grassins, rue des Amandiers, à Paris », Annuaire historique du Département de l'Yonne, 2e série, t. 16, 41e année, , p. 250-251 (lire en ligne)
- J.-B. Buzy, Notice historique sur le Collège des Grassins (Sens, 1880).
- Patrick Boyle, "Lord Iveagh and other Irish officers, students at the Collège des Grassins in Paris, from 1684 to 1710", The Irish Ecclesiastical Record, 4/X (Nov. 1901), p. 385-394.
Articles connexes
Liens externes
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