Culture LGBT en France

Comme pour la culture LGBT en général, la culture LGBT en France recouvre trois délimitations qui peuvent se superposer, à savoir, l'ensemble des pratiques culturelles des personnes LGBT en France, la manière dont les personnes LGBTI de France parlent de leur homosexualité, leur bisexualité, leur transidentité ou leur intersexuation dans l'art et, enfin, la manière dont ces sujets sont abordés par la culture française cis et hétérosexuelle, et notamment comment elle négocie leur visibilité.

Pour des articles plus généraux, voir Culture LGBT et LGBTI en France.

Cultures LGBTQI+

Littérature lesbienne

Pour un article plus général, voir Littérature lesbienne.

Natalie Barney tient un salon au début du XXe siècle à Paris fréquenté par des autrices lesbiennes.

Au début du XXe siècle à Paris, une communauté lesbienne internationale devient de plus en plus visible et centrée sur les salons littéraires organisés par des lesbiennes américaines telles que Nathalie Barney et Gertrude Stein. Cette communauté produit des œuvres lesbiennes en français et en anglais, telles qu'Idylle Saphique par Liane de Pougy, des poèmes de Renée Vivien, les propres épigrammes de Barney, de la poésie et plusieurs ouvrages de Stein[u 1].

Dans les années 1950, les pièces de l'autrice Violette Leduc Ravages sont censurées parce qu'elles contiennent des passages lesbiens explicites. Les passages supprimés sont publiés dans les années 1960 sous le titre Thérèse et Isabelle et adaptés dans un film de 1968 portant le même titre[u 1].

Littérature gaie

L'émergence d'une véritable littérature gaie date du milieu du XIXe siècle, avec la poésie érotique d'Albert Glatigny, Laurent Tailhade, Paul Verlaine et Arthur Rimbaud (Hombres, Sonnet du trou du cul)[o 1]. Ces publications se font sous pseudo ou dans la clandestinité[o 1].

La fin du XIXe et le début du XXe siècle voient l'émergence de romans évoquant des relations homosexuelles : À rebours, de Joris-Karl Huysmans, Monsieur de Phocas de Jean Lorrain, ainsi que les œuvres de Marcel Proust, Joséphin Péladan, Léon-Paul Fargue, Marcel Jouhandeau et Robert de Montesquiou[o 1].

La littérature gaie des années 1920 est elle-aussi très riche : André Gide, dont notamment le roman Corydon, est une figure centrale de cette époque, aux côtés de ses proches Pierre Herbart et François Paul Alibert, qui écrivent respectivement L'Âge d'or et Le Supplice d'une queue[o 1]. À la même époque, Roger Martin du Gard publie les mémoires du Lieutenant-colonel de Maumort et Les Thibault[o 1]. L'époque est encore à la répression : Jean Cocteau fait éditer clandestinement Livre blanc[o 1].

Littérature jeunesse

Dans les années 1990, alors que la littérature jeunesse aborde la question de l'homosexualité, c'est essentiellement sous le prisme du SIDA, pour aider les enfants à gérer le deuil d'un proche[a 1]. C'est dans les années 2000 qu’apparaissent les premiers romans jeunesse où l'héroïne développe une relation lesbienne[a 1].

Bande-dessinée

Dans les années 1950, la bande-dessinée est destinée à un public enfantin et il est impensable d'y parler de relations amoureuses ou sexuelles, a fortiori homosexuelles[p 1]. Il faut attendre l’irruption de l'Argentin Copi dans la presse des années 1960 pour parler d'homosexualité, de lesbianisme ou de transidentité et les années 1980 pour que la BD, devenue plus adulte, puisse aborder ces thèmes[p 1].

Lorsque le Journal de Fabrice Neaud (1996) rencontre le succès, il semble que la mention de son homosexualité dans la bande dessinée autobiographique ne pose plus problème. On note aussi l'apparition de Tom de Pékin, graphiste et dessinateur inspiré, collaborant au SNEG et à Têtu. La bande dessinée lesbienne Les Marsouines d'Arbrelune et Jour de pluie est cependant autoéditée. La collection « Bulles gaies » publie des œuvres d’inspiration autobiographique comme Les Folles Nuits de Jonathan de Jean-Paul Jennequin ou Jean-François fait de la résistance d'Hugues Barthe[p 2], et un magazine gay et lesbien marseillais, Hercule et la toison d’or, révèle de nouveaux talents comme Hélène Georges. Les illustrateurs Kinu Sekiguchi et Sven de Rennes tentent quelques bandes dessinées proches des productions espagnoles et japonaises.

Une tentative de magazine porno gay a été réalisé (Ultimen) par un organisme de vidéo porno, distribué en kiosque mais sans support médiatique : le titre s'est arrêté. H&O devient l'un des principaux acteurs de la diffusion de BD gay en France avec notamment les œuvres de Logan.

Si les personnages gays et lesbiens deviennent de plus en plus fréquents à la fin des années 1990, ils sont soit des personnages secondaires, soit représentés de manière pornographique ou caricaturale[p 1]. La fin des années 2000, avec la publication en 2008 de Princesse aime Princesse, œuvre de Lisa Mandel et en 2010 de Le bleu est une couleur chaude, de Jul' Maroh, sélectionné au festival d'Angoulème, marque un tournant dans la bande-dessinée lesbienne[p 1]. Pour Lisa Mandel, ce tournant vient d'une reprise de confiance des autrices lesbiennes et auteurs gays, qui osent plus proposer leurs propres histoires aux maisons d'éditions, où le bon accueil critique compense des retours homophobes de certains festivals ou parties du public[p 1].

Musique

En France, les artistes qui deviennent des icônes gays parlent rarement de relations entre hommes explicitement : l'identification se fait plutôt par la projection, où une femme parle de désir (hétérosexuel) envers un homme et où le public peut y puiser une représentation de l'amour gay[p 3]. Ces chanteuses ont aussi une féminité exacerbée, une forte stylisation vestimentaire jouant sur les code du genre, allant de la féminité exacerbée à l'androgynie, et une forte présence de thématiques dramatiques faisant écho au traumatisme de l'homophobie ou plus tard de l'épidémie de SIDA[p 3]. Parmi les chanteuses francophones particulièrement appréciées par le public gay français, on peut citer Dalida, Barbara, Mylène Farmer, Sheila, Mistinguett, Sylvie Vartan, Line Renaud, Amanda Lear ou encore Mireille Mathieu[p 3]. L'arrivée du disco en France, ainsi que les remix technos de ces artistes, leur permet de faire partie des sets joués dans les boîtes de nuit gays et ainsi de renouveler leur public. Cet investissement du public gay est souvent à double sens, avec une partie de ces chanteuses qui s'engagent par la suite dans la lutte contre le VIH[p 3].

À la fin des années 1990 et au début des années 2000, le collectif Pussy Killer s'impose comme la référence techno des soirées lesbiennes et underground parisiennes, notamment du Pulp[a 1]. Un autre nom de la même époque est Liza N'Eliaz, de style hardcore[a 1]. Si la grande majorité des soirées parisiennes passent essentiellement de la musique électronique et de la variété, les soirées à thématique « ethnique » (afro-caribéennes, arabisantes ou asiatique) proposent plus de diversité, avec la présence de R'n'B, raï, hip-hop et reggae[u 2].

Danse

Loïe Fuller, danseuse américaine installée à Paris et compagne de Gab Sorère

La danseuse américaine, Loïe Fuller, installée en France pour sa carrière, participe activement à la vie de salon autour de Natalie Barney et est l'une des premières personnalités de la danse en France à être ouvertement homosexuelle[o 2].

Cinéma

Adèle Haenel au festival de Cannes 2017. Ouvertement lesbienne, elle joue dans plusieurs films LGBT, tels que Naissance des pieuvres et Portrait de la jeune fille en feu de son ex-compagne Céline Sciamma, ainsi que 120 Battements par minute de Robin Campillo.

La fin des années 1980 / début des années 1990 est marquée par la création de trois festivals de cinéma LGBT en France permettant de valoriser les thématiques d'identité, de désir, de genre, et de politique peu valorisées ou difficilement financées dans les circuits classiques. Le premier d'entre eux est Cineffable, fondé en 1989 pour valoriser le cinéma lesbien international; se déroulant en non-mixité féminine, il est un grand moment de socialité communautaire[p 4]. Les autres festivals, que ce soit Désir... Désirs (Tours, 1993), Chéries-Chéris (Paris, 1994), Reflets (Marseille, 2002), Vues d'en face (Grenoble, 2002), Face à Face (Saint-Étienne, 2006), Des images aux mots (Toulouse, 2007), ZeFestival (Nice, Marseille et Monaco, 2008), In&Out (Nice, 2008) et Écrans mixtes (Lyon, 2011), tous à thématique LGBT générale, se donnent à la fois l'objectif d'informer un public cisgenre et hétérosexuel mais aussi d'être un moment de retrouvailles de la communauté LGBT locale.

Outre les festivals français qui diffusent des films français et étrangers, les films français sont diffusés dans les festivals hors de l'hexagone, notamment en Belgique francophone avec le généraliste Festival du Film Gay et Lesbien de Bruxelles ou encore Massimadi, dédié aux films LGBT d'Afrique et de ses diasporas[u 3].

Il faut attendre la fin des années 1990 pour qu'émerge une visibilité mainstream des films réalisés et/ou écrits par des créateurs et créatrices LGBT français, dont la reconnaissance et la visibilité croissent tout au long du début du XXIe siècle : Patrice Chéreau, Catherine Corsini, Christophe Honoré, François Ozon, Virginie Despentes, Céline Sciamma, Alain Guiraudie, Robin Campillo, Nicolas Maury, les couples Patrick Mario Bernard/Pierre Trividic ou Olivier Ducastel/Jacques Martineau ou les documentaristes Sébastien Lifshitz et Amandine Gay.

Drag et spectacles de travestissement

Si la culture drag stricto sensus naît aux États-Unis et gagne en particulier en popularité dans les années 1980, la France connait tout au long du 20ème siècle des formes de travestissement théâtralisé, que ce soit dans la culture cabaret du Paris du début du siècle ou par les actions des Mirabelles et des Gazolines dans les années 1970[o 3],[u 4]. Dans cette culture cabaret, en particulier au Madame Arthur, au Carrousel, se mêle le travestissement aux premières visibilités de femmes transgenres en France[note 1],[o 3]. Un autre cabaret, le Elle et Lui, vise quant à lui un public lesbien, et s'y mêlent femmes travesties, lesbiennes masculines et hommes trans[o 3]. La loi de 1949 interdisant aux artistes de cabaret de se produire avec des perruques, des faux seins, des robes ou des chaussures à talons fait que les femmes trans, se retrouvent à avoir plus d'opportunités de travail que les hommes travestis[o 3].

Michou, directeur du cabaret éponyme et figure du spectacle de travestis français de la seconde moitié du 20ème siècle.

Le passage de « travesti » à « drag queen » se fait au cours de la seconde moitié du 20ème siècle, par l'intermédiaire de « reine », terme utilisé à la fois pour désigner un homme homosexuel et comme partie récurrente des noms des personnages de drag : ainsi, Jean Genet, dans son œuvre, crée les personnages de la « Reine de Roumanie » et de la « Reine-Oriane »[u 5]. Le changement permet aussi d'affranchir le vocabulaire de l'identité de l'artiste : un travesti est forcément un homme, tandis qu'une drag queen peut être une femme, telle que La Briochée, drag queen et femme trans[p 5].

Si des cabarets travestis continuent à exister dans la seconde moitié du 20ème siècle, dont le plus célèbre est le Cabaret Michou de Montmartre[p 6], La culture véritablement drag queen se développe en France à partir du milieu des années 1990 dans les clubs, mais aussi les documentaires et la musique, tels que le titre Let me be a Drag queen du groupe Sister Queen ou la présence de danseuses drag queen lorsque Mylène Farmer chante Sans contrefaçon en concert, avant de décliner au début des années 2000[o 4],[u 6]. Seule exception de la période, les Sœurs de la Perpétuelle Indulgence, groupe militant international présent en France depuis 1991 et visible à toutes les marches des fiertés françaises[o 4]. Chez les Sœurs, comme chez les drag queens des années 1990, les questions de la visibilité et de la lutte contre le VIH sont centrales à la pratique drag[u 6].

En 1994, Marianne James crée la comédie musicale L'Ultima Récital, où elle incarne la drag queen Ulrika von Glott, une diva nazie ; ce personnage lui sert notamment à dénoncer la montée de l'extrême-droite en France, en particulier du front national[p 7]. En raison de la forte corpulence d'Ulrika, de son « langage châtié » et de sa popularité auprès du public gay et donc d'une confusion entre la pratique drag et le travestissement, des rumeurs circulent qu'Ulrika est en réalité jouée par un homme[p 7].

Cookie Kunty au dragathon Paris, 14 avril 2019. Elle porte une tenue inspirée d'un costume de scène de Madonna réalisé par Jean-Paul Gaulthier, qui servira aussi d'inspiration au premier défilé de la saison 1 de Drag Race France.

Apparue en France au milieu des années 1990, la scène drag king reste dans le pays assez limitée par rapport à ce qu'elle peut être à Londres ou aux États-Unis[o 5]. Le premier atelier drag king en France a lieu à Paris en juin 2002 à l'nitiative de Paul B. Preciado, qui sera ensuite rejoint par Sam Bourcier, Louis(e) de Ville, Camille Delalande, Victor Le Maure et Viktor Marzuk à Paris et Rachele Borghi et Arnaud Alessandrin à Bordeaux[a 2]. Ces ateliers sont souvent liés au milieu lesbien et féministe, avec en 2004 la tenue d'un atelier drag king à Violette and Co suivi d'un défilé à Cineffable[a 2]. Chriss Lag consacre dans les années 2010 deux documentaires aux drag kings de France, le premier spécifiquement à Louis(e) de Ville, portrait d’une bad girl !, le suivant, Drag Kings, plus généraliste[a 2].

La scène française de la culture drag renaît ensuite grâce à la visibilité que permet l'émission RuPaul’s Drag Race, diffusée en France par Netflix[p 8]. En 2020, Nicky Doll est la première drag queen française à y participer, permettant une médiatisation plus importante de l'univers des drag queens en France[p 9],[p 10]. Certaines chaines de télévisions, telles qu'Arte ou Canal+ proposent des programmes originaux avec des artistes drag françaises, mettant ainsi en lumière les drag queen venues d'ailleurs que des hauts lieux du drag français (Lille, Paris ou Lyon), permettant ainsi le développement de la scène drag sur une plus grande partie du territoire, en particulier Toulouse, Bordeaux et Marseille[p 11],[u 6]. Ce développement vient aussi d'un besoin de la communauté LGBT+ de proposer une visibilité forte, en réaction à la place médiatique prise par La Manif pour tous ; d'une manière plus complexe, il s'agit aussi d'un besoin d'avoir des espaces festifs, positifs, afin de ne pas limiter la sociabilité LGBT+ aux manifestations, que ce soit pour le mariage pour tous ou l'ouverture de la procréation médicalement assistée aux couples de lesbiennes[u 7].

La diffusion de la culture drag s'accompagne de son institutionnalisation : des municipalités, telles que Bordeaux, financent des spectacles drag lors du mois des fiertés[u 7].

La pratique drag des années 2010 est aussi politisée autour de la théorie queer, en particulier de la notion de performance de genre : Teresa de Lauretis, Judith Butler ou le français Sam Bourcier sont invoqués par les drag queens comme des références et, réciproquement, les drag queens qui commencent le drag par jeu du travestissement trouvent dans le milieu une circulation d'idées politiques qui influencent ensuite leur pratique[u 6]. Ces idées sont ensuite partagées à un public plus large, par l'organisation de lectures DragQueer[u 6].

« [Ru Paul Drag Race] c’est joli, ça fait rêver. Mais la vie d’une Drag française de province c’est pas les contrats de RuPaul pour Netflix »
M.B., drag queen française en 2019

Malgré la visibilité croissante, le milieu drag français reste très précaire : à peine une poignée de drag queens françaises arrivent à faire du drag leur source principale de revenus, mais la majorité doivent cumuler un travail alimentaire en plus de leurs performances. Ce cumul est rendu difficile par le temps nécessaire pour faire du drag (déplacements, répétitions, conception des scenarii et réalisation des costumes) mais aussi la peur d'être reconnu comme drag queen par son employeur et de subir alors de l'homophobie au travail[u 6].

En juin 2022, France Télévision lance Drag Race France, animée par Nicky Doll, Kiddy Smile et Daphné Bürki et où participent 10 drag queens : La Kahena, Lova Ladiva, La Briochée, Kam Hugh, Elips, La Big Bertha, Lolita Banana, La Grande Dame, Soa de Muse et Paloma[p 12]. L'édition française est la première à inclure des Drag Kings.

Mode

Haut inspiré du tricot de marin, Jean-Paul Gaultier, Kunsthal Rotterdam, 2013

De nombreux créateurs de mode sont des hommes homosexuels, et cela est vrai aussi en France : Jean-Paul Gaultier, qui puise dans la culture homosexuelle, en particulier Tom of Finland, Jean Genet et Querelle de Rainer Werner Fassbinder pour signer son tricot de marin rayé[o 6]. Parmi d'autres créateurs reconnus, on peut citer Yves Saint Laurent, Azzedine Alaïa ou Karl Lagerfeld[o 6].

Au début des années 1990, Thierry Mugler crée un scandale en présentant une collection de prêt-à-porter féminin avec uniquement des femmes trans et des hommes travestis comme mannequins[o 6].

Représentations LGBT dans la culture française

Télévision

Collaboration entre l'INA et l'Association des journalistes LGBT illustrant la manière de parler d'homosexualité à la télévision française et réalisée pour les Out d'or 2017

Aux débuts de la télévision française, dans les années 1950, les seules personnalités ouvertement homosexuelles sont issues du monde du spectacle, telles que Charpini ou Colette Mars[1].

Le , Les Dossiers de l'écran organisent le premier débat de l'histoire de la télévision française consacré à l'homosexualité. Y sont invités des écrivains ne cachant pas leur orientation (Roger Peyrefitte, Yves Navarre et Jean-Louis Bory), deux médecins, un prêtre, et le député Paul Mirguet, à l'origine d'un amendement classant l'homosexualité comme « fléau ». Pour le chercheur Mathias Quéré, « c'est la première fois que l'homosexualité est montrée à une heure de grande écoute avec un visage honorable ». 19 millions de téléspectateurs regardent l'émission[p 13].

Durant les années 1970 et le début des années 1980, la télévision participe à l'émergence du militantisme gay et lesbien, qui accompagne la multiplication des associations : tribune d'André Baudry, interviews de militants dénonçant les discriminations homophobes[1]. Mais l'arrivée de l'épidémie de sida occulte cette dynamique pendant la décennie 1980, éclipsant tous les autres sujets LGBT dans l'actualité télévisuelle[1]. Ce n'est qu'avec les débats sur le PACS, à la fin des années 1990, que la télévision recommence à parler d'homosexualité sous l'angle des droits[1].

Fictions

Les chaînes télévisées françaises ne produisent historiquement pas de série traitant du sujet. Dans la sitcom Les Filles d'à côté, diffusé sur TF1 de 1993 à 1995, ainsi que dans sa suite, Les Nouvelles Filles d'à côté, diffusé sur la même chaîne de 1995 à 1997, figure le personnage de Gérard, prof de sport, culturiste, dont l'homosexualité est supposée mais jamais affirmée.

Un tournant dans la représentation de l'homosexualité est l'arrivée en 2005 du couple formé par Thomas Marci et Nicolas Barrel dans la série télévisée de France 3 Plus belle la vie. Traité de façon assumée, avec moins de pathos et de revirements sexuels que le personnage de Laurent Zelder dans Avocats et Associés sur France 2 ou celui de Gaël dans La Vie devant nous sur TF1, ce couple marseillais apporte une image plus banalisée et intégrée de l'homosexualité.

En 2017, France Télévisions produit pour sa plateforme de fictions web Studio 4 sa première série LGBT, Les Engagés, créée par Sullivan Le Postec qui chronique en 10 épisodes de 10 minutes la vie de militants d'un centre gay et lesbien à Lyon[p 14].

Télé-réalité

L'homosexualité fait partie de la télé réalité dès ses débuts dans les années 2000, avec la présence du candidat Steevy Boulay dans la première saison de Loft Story ou divers coming-out dans la deuxième saison de Star Academy, la seconde saison du Loft ou Secret Story[p 15]. Cette présence ne s'accompagne pas d'une acceptation totale : la presse de l'époque ironise sur la présence indispensable de personnes gaies ou lesbiennes dans les émissions[p 16], la première saison de Star Academy est témoin d'un monologue homophobe d'un candidat sans que cela ne fasse réagir et les émissions dont la rencontre amoureuse est le sujet principal, tel que L'Île de la tentation, Bachelor, le gentleman célibataire ou Greg le millionnaire, restent au début exclusivement hétérosexuelles[p 15].

La visibilité des candidats gays et candidates lesbiennes dans la télé-réalité avance parallèlement à l'acceptation de l'homosexualité dans la société française, que ce soit dans Koh-Lanta, The Voice, Le Meilleur Pâtissier, ou des émissions centrées sur le couple et la rencontre, tels que Quatre mariages pour une lune de miel, L'Amour est dans le pré, La Villa des cœurs brisés ou Recherche appartement ou maison[p 15].

La transidentité suit la même dynamique, avec un candidat trans, dans la première saison de Secret Story et une candidate, dans Les vacances des Anges, bien que des angles transphobes dans la manière dont les sociétés de production présentent la transidentité persistent[p 15].

Cette présence est bien reçue par le public : les candidats et candidates ouvertement LGBT reçoivent beaucoup de soutien, notamment de personnes LGBT ayant appris à s'accepter grâce à la représentation positive qu'ils et elles incarnent, mais aussi de personnes cis et hétérosexuelles, qui témoignent avoir mieux compris et accepté l'orientation sexuelle ou l'identité de genre de leurs proches grâce à ces émissions[p 15].

Autres programmes

Laurent Ruquier est l'un des premiers présentateurs de la télévision française ouvertement homosexuel.

Ce n'est qu'à la fin des années 1990 que les animateurs gays osent ouvertement parler de leur homosexualité. Le pionnier est Laurent Ruquier, qui fait son coming-out en 1997, avant le début de sa carrière télévisuelle[p 17]. Il est suivi en 2009 par Stéphane Bern, Alex Goude en 2015 et Frédéric Lopez en 2016[p 17]. Tous témoignent d'avoir reçu de nombreux messages de jeunes gays les en remerciant[p 17].

Animateurs et chroniqueurs gays ont des opinions divergentes concernant l'acceptabilité de l'homosexualité masculine à la télévision française. Pour l'humoriste Jarry, le milieu de la télévision n'accepte que les hommes homosexuels qui ne sont pas trop efféminés, pas trop visibles[p 18]. Pour Matthieu Delormeau, au contraire, ce sont les gays très féminins qui sont mis en avant, citant Benoit Dubois et Bilal Hassani, premier homme gay à danser avec homme dans Danse avec les stars[p 19]. Il considère que cette représentation est nuisible à la cause LGBT car caricaturale, suscitant de nombreuses réactions lui reprochant de considérer les gays efféminés comme moins dignes d'être montrés que les autres.

Le , France.tv Slash met en ligne le documentaire Queendom, 3 histoires drag, qui propose une immersion dans la vie de trois drag queens parisiennes afin de mieux comprendre leur mode de vie, leur culture et leur métier[p 20].

Notes

  1. Maxime Foerster met en garde contre la confusion existant, dans de nombreuses sources, entre les performances de femmes trans et celles d'hommes travestis.

Références

Universitaires

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  3. Jonatan de Lemos Agra Nascimento, « Un festival cinématographique intersectionnel dans un contexte postcolonial: Étude socio-historique du Festival Massimadi, “festival des films LGBT d'Afrique et ses diasporas” (Bruxelles, 2013 – 2018) », Master inter-universitaire de spécialisation en Études de Genre, (lire en ligne, consulté le )
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  6. Arnaud Alessandrin, « Drag in the city : éléments pour une analyse du paysage Drag Queen français », Le sujet dans la cité, vol. Actuels n° 12, no 2, , p. 235–248 (ISSN 2112-7689, DOI 10.3917/lsdlc.012.0235, lire en ligne, consulté le )
  7. Arnaud Alessandrin, « Drag in the city : éléments pour une analyse du paysage Drag Queen français », Le sujet dans la cité, vol. Actuels n° 12, no 2, , p. 235–248 (ISSN 2112-7689, DOI 10.3917/lsdlc.012.0235, lire en ligne, consulté le )

Ouvrages

  1. Jean-Baptiste Coursaud, « Littérature gay », dans Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes, Larousse, (ISBN 2-03-505164-9 et 978-2-03-505164-6, OCLC 300482574, lire en ligne)
  2. R. de Gubernatis, « Danse », dans Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes, Larousse, (ISBN 2-03-505164-9 et 978-2-03-505164-6, OCLC 300482574, lire en ligne)
  3. Maxime Foerster, « Paris et l'âge d'or de la culture cabaret transgenre », dans Elle ou lui ? : une histoire des transsexuels en France, La Musardine, (ISBN 978-2-84271-400-0 et 2-84271-400-8, OCLC 798388722, lire en ligne)
  4. Elisabeth Lebovici, « Drag queen », dans Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes, Larousse, (ISBN 2-03-505164-9 et 978-2-03-505164-6, OCLC 300482574, lire en ligne)
  5. Pascal Le Brun-Cordier, « Drag king », dans Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes, Larousse, (ISBN 2-03-505164-9 et 978-2-03-505164-6, OCLC 300482574, lire en ligne)
  6. Anne Boulay et Marie Colmant, « Mode », dans Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes, Larousse, (ISBN 2-03-505164-9 et 978-2-03-505164-6, OCLC 300482574, lire en ligne)

Associatives

  1. Dyke Guide, Atprod,
    Consultable aux ARCL
  2. Alexandre Alessandrin, Miroir/Miroirs : Genderfucking ! - Masculinités et féminités... et tout le reste ?, t. 2, (ISBN 978-1-291-69786-5)

Presse

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  3. « Ces chanteuses vénérées par les gays », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
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  7. François DEVINAT, « Marianne James, la diva d'«Ultima récital», à l'affiche à Paris. Boule de swing. », sur Libération (consulté le )
  8. « Verra-t-on plus de drag queens à la télévision française en 2020? », sur Le HuffPost, (consulté le )
  9. « Meet Nicky Doll, the first French queen in RuPaul's Drag Race | Get Ready With Me | Vogue Paris », sur YouTube, (consulté le )
  10. « Nicky Doll (RuPaul's Drag Race): Qui est la délicieuse Française de l'émission ? », sur www.purepeople.com (consulté le )
  11. Louise Guibert, « Drag-queens, les reines de la nuit au grand jour », sur Libération (consulté le )
  12. « Et voici les dix drag-queens candidates de « Drag Race France » », sur www.20minutes.fr (consulté le )
  13. Ariane Chemin, « « Ça ne s’attrape pas, l’homosexualité » : en 1975, « Les Dossiers de l’écran » abordent pour la première fois le sujet à la télévision », sur lemonde.fr, (consulté le ).
  14. « Série « Les Engagés », la première série gay signée France Télévisions », sur vsd.fr, .
  15. Thomas Rietzmann, « La télé-réalité : notre pire alliée ? », Têtu, no 228, , p. 90-95
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Autres références

Bibliographie

Culture

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Cinéma

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  • Alain Brassart, L'homosexualité dans le cinéma français, Nouveau monde, (ISBN 978-2-84736-220-6 et 2-84736-220-7, OCLC 85336270, lire en ligne)
  • Lucille Cairns, Sapphism on screen : lesbian desire in French and Francophone cinema, Edinburgh University Press, (ISBN 978-0-7486-2663-2, 0-7486-2663-8 et 1-280-83389-0, OCLC 150890043, lire en ligne)

Télévision

  • Brigitte Rollet, Télévision et homosexualité : 10 ans de fictions françaises 1995-2005, Harmattan, (ISBN 978-2-296-04400-5 et 2-296-04400-X, OCLC 182917487, lire en ligne)

Drag

  • Alexandre Alessandrin, Miroir/Miroirs : Genderfucking ! - Masculinités et féminités... et tout le reste ?, t. 2, (ISBN 978-1-291-69786-5)

Voir aussi

Articles connexes

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