Littérature lesbienne

La littérature lesbienne est un sous-genre de la littérature traitant des thèmes ou écrit d'un point de vue lesbiens. Il comprend de la poésie, du théâtre, des romans et romans graphiques abordant des personnages lesbiens, et de la non-fiction sur les sujets d'intérêt lesbiens en général.

Pour un article plus général, voir Culture LGBT.

Plusieurs ouvrages de littérature lesbienne en français.

Les œuvres de fiction qui se situent dans cette catégorie peuvent être de tout genre, tels que fiction historique, science-fiction, fantasy, horreur et romance, et existent à destination d'un public jeunesse, adolescent ou adulte.

Certaines œuvres sont reconnues d'importance historique ou artistique et le monde de la fiction lesbienne continue à se développer et à évoluer avec le temps.

Définition

Le périmètre de ce qui relève de la littérature lesbienne fait l'objet de débats : l'identité des autrices, les thématiques abordées, ainsi que le public, visé ou réel, sont les trois critères convoqués pour en définir les contours.

Les chercheuses d'Écrire à l'encre violette - Littératures lesbiennes en France de 1900 à nos jours soulignent en 2022 qu'il n'y a pas que les autrices lesbiennes qui écrivent de la littérature lesbienne, mais que d'autres femmes, ouvertement bisexuelles et pansexuelles, mais aussi à l'orientation difficile à déterminer en raison de la pression sociale lesbophobe poussant des lesbiennes à contracter des mariages hétérosexuels[v 1]. À l'inverse, elles estiment non pertinent d'inclure dans la littérature lesbienne les autrices lesbiennes mais ne parlant pas de relations entre femmes dans leurs œuvres, telles que Marguerite Yourcenar[v 1].

D'autres conceptions de la littérature lesbienne se focalisent moins sur l'identité des autrices que sur les thématiques littéraires abordées. Ainsi, dans La Pensée straight, en 1992, l'écrivaine et penseuse lesbienne Monique Wittig considère qu’À la recherche du temps perdu de Marcel Proust et Le Bois de la nuit de Djuna Barnes comme relevant de la littérature lesbienne, car ces deux œuvres utilisent la lesbienne et le féminin comme point de départ vers l'universalité[u 1]. La professeure émérite de littérature Marilyn R. Farwell, dans Heterosexual Plots & Lesbian Narrative, en 1996, propose comme de définir la littérature lesbienne comme l'ensemble des récits ne respectant aucun des trois piliers de la narration hétérosexuelle : relations amoureuses hétérosexuelles, activité des hommes s'opposant à la passivité des femmes et présence de réseaux relationnels masculins s'opposant à l'isolement des femmes[u 2]. D'autres chercheuses, telles que Terry Castle, Elizabeth Meese ou Susan Lancer, proposent aussi une définition de la littérature lesbienne basée sur le point de vue abordé[v 1][réf. à confirmer].

À l'inverse, le contenu des œuvres peuvent être aussi un critère déterminant pour les exclure de la littérature lesbienne. En 2019, la chercheuse en études du genre et littérature francophone Marta Segarra (en) exclut ainsi les histoires présentant le lesbianisme comme immoral et criminel[u 1], tandis que les chercheuses d'Écrire à l'encre violette, en opposition à Wittig, notent la difficulté de considérer La recherche du temps perdu du champ comme relevant de la littérature lesbienne, car le lesbianisme y est pour elles un prétexte pour parler en réalité d'homosexualité masculine[v 1].

Une constante de la définition de la littérature lesbienne est l'exclusion des fictions voyeuristes fétichisant les relations lesbiennes écrites à destination d'un public masculin ; toutefois, la frontière entre ce qui relève de la soumission au regard masculin et ce qui est une expression de la sexualité lesbienne par et pour les lesbiennes n'est pas tranchée[u 1]. Le critère du public, qu'il soit visé ou celui qui reçoit réellement l'œuvre, peut aussi permettre d'inclure dans la littérature lesbienne des romans écrits par des personnes hétérosexuelles et sans thématique lesbienne a priori, citant Avant que j'oublie d'Anne Pouly et À la demande d'un tiers de Mathilde Forget[v 1].

Marta Segarra propose une synthèse de ces trois critères comme définition de la littérature lesbienne « un corpus d’œuvres, écrites en général par des femmes mais parfois aussi par des hommes, qui se focalisent sur les relations affectives et homoérotiques entre femmes autant sur le plan du contenu que sur celui de la forme »[u 1]. L'approche multi-critère est aussi celle retenue par les chercheuses d'Écrire à l'encre violette[v 1].

Histoire

Sappho
Sappho de Lesbos, représentée dans une peinture de 1904 par John William Godward est à l'origine du terme lesbienne[1]

L'œuvre fondamentale de la littérature lesbienne est la poésie de Sappho de Lesbos. À partir de divers écrits anciens, les historiens et les historiennes ont établi qu'un groupe de jeunes femmes étaient laissées à la charge de Sappho pour leur instruction ou édification culturelle[u 3]. Il reste peu de traces de la poésie de Sappho, mais ce qui en reste témoigne des sujets de prédilection de la poétesse : la vie quotidienne des femmes, leurs relations et leurs rituels. Elle se concentre sur la beauté des femmes et proclame son amour des jeunes filles[u 4].

Les « amitiés particulières » au couvent : La Religieuse de Diderot, écrit vers 1780.
Femmes cloîtrées

Au regard des écrivains masculins, le lesbianisme est longtemps décrit de façon négative comme une anomalie induite par la claustration des femmes, dans le harem musulman imaginé par Chardin et Montesquieu[2] ou au couvent dépeint par Diderot dans La Religieuse[3],[u 5].

XIXe siècle
La diariste Anne Lister.

Au début du XIXe siècle, la poétesse chinoise Wu Tsao devient célèbre pour ses poèmes d'amours lesbiens[u 6]. Ses chansons, selon le poète Kenneth Rexroth, sont « chantées dans toute la Chine »[4].

Bien que le genre lesbien n'ait pas évolué pour constituer un genre à part en Angleterre au XIXe siècle, les écrivaines et essayistes lesbiennes, comme l'écrivaine de fiction surnaturelle Vernon Lee, font parfois allusion dans leurs textes aux lesbiennes[5] ou, comme l'amante de Vernon Lee Amy Levy, écrivent des poèmes d'amour destinés à des femmes en prenant la voix d'un homme hétérosexuel[u 7]. D'autres écrivent en secret. Débutant en 1806, la propriétaire foncière et alpiniste anglaise Anne Lister tient ses journaux intimes complets durant trente-quatre ans, incluant des détails de ses relations lesbiennes et de ses entreprises de séduction, avec des sections lesbiennes écrites en langage codé. Ses journaux ne sont publiés que dans les années 1980[6]. En 2010, ils servent de base pour une production de la BBC, The secret diaries of Miss Anne Lister[p 1].

Au XXIe siècle, l'écrivaine et rédactrice en chef Susan Koppelman compile une anthologie appelée Two Friends and Other Nineteenth Century American lesbian Stories, qui inclut des histoires de Constance Fenimore Woolson, Octave Thanet, Mary Eleanor Wilkins Freeman, Kate Chopin et Sarah Orne Jewett, histoires initialement publiées dans les périodiques de leur temps. De ces histoires, qui vont de l'explicite à l'implicite en ce qui concerne la représentation des thèmes lesbiens, Koppelman dit : « Je reconnais ces histoires comme des histoires sur les femmes aimant les femmes dans la variété des moyens romantiques utilisés que nous n'aurions aucune peine à définir si nous parlions d'hommes et des femmes qui s'aiment les uns les autres.»[u 8].

Depuis les années 1970, la recherche en littérature lesbienne a identifié des relations lesbiennes qui n'auraient pas été étiquetées comme telles dans le contexte du XIXe siècle, en raison des différentes conceptions de l'intimité et de la sexualité. Par exemple, le poème de 1862 Marché gobelin de Christina Rossetti a été lu comme un récit de lesbianisme, même s'il se dépeint lui-même comme un récit d'amour fraternel[7]. La recherche a aussi identifié le potentiel lesbien dans des personnages comme Marian Halcombe dans le roman de Wilkie Collins de 1859 La Femme en blanc. Marian est décrite comme masculine et peu attrayante, et sa motivation principale au long de l'intrigue est son amour pour sa demi-sœur, Laura Fairlie[u 9].

De plus, les chercheurs et les chercheuses se sont engagés dans la lecture avec un angle queer des romans de Charlotte Brontë, en particulier Shirley et la Villette, dans lesquels les personnages principaux féminins s'engagent dans des relations proches voire obsessionnelles avec d'autres femmes. Certaines ont même supposé que Brontë elle-même pourrait avoir été amoureuse de son amie Ellen Nussey ; Vita Sackville-West pense que les lettres entre les deux femmes sont des « lettres d'amour pur et simple. »[p 2].

Les universitaires ont également recherché des traces d'amours lesbiens chez la poétesse Emily Dickinson dans sa relation avec sa belle-sœur, Susan Gilbert, une possibilité qui encourage la lecture queer de nombreux poèmes d'amour de Dickinson[8].

Michael Field est le pseudonyme utilisé par deux femmes britanniques, Katherine Bradley et Edith Cooper, qui écrivaient de la poésie et des poèmes dramatiques ensemble. Bradley est la tante d'Edith, et les deux ont vécu ensemble comme amantes de 1870 à leur décès en 1913 et 1914. Leur poésie a souvent pris leur amour comme objet d'écriture, et elles ont également écrit un livre de poèmes pour leur chien, Whym Chow[9].

Une illustration de Carmilla, de Joseph Sheridan Le Fanu

Certains auteurs masculins canoniques du XIXe siècle ont également incorporé des thématiques lesbiennes dans leur œuvre. Au début du siècle, Samuel Taylor Coleridge, publie son poème narratif inachevé Christabel. Les interactions dans ce poème entre le personnage éponyme féminin et une inconnue nommée Geraldine peuvent avoir des connotations lesbiennes[u 10]. Algernon Swinburne est devenu célèbre pour avoir traité de thèmes scandaleux à l'époque, y compris le lesbianisme et le sadomasochisme. En 1866, il publie des Poems and ballads, qui contient les poèmes Anactoria et Sapphics qui concernent Sappho de Lesbos, et traitent explicitement de thèmes lesbiens. Enfin, Henry James dépeint un mariage de Boston, considéré comme une forme de relation lesbienne, entre les personnages féministes d'Olive Chancelier et Verena Tarrant dans son roman de 1886 Les Bostoniennes.

L'une des œuvres les plus explicitement lesbiennes du XIXe siècle est le roman court de style gothique Carmilla de Joseph Sheridan Le Fanu, d'abord publié sous forme de série entre 1871 et 1872. Considéré comme un précurseur et une source d'inspiration pour le roman de Bram Stoker intitulé Dracula, Carmilla raconte l'histoire de la relation entre l'innocente Laura et la vampire Carmilla, qui suce le sang de Laura dans un acte décrit clairement de façon érotique. Cette histoire a inspiré de nombreuses autres œuvres qui prennent avantage de la figure d'une vampire lesbienne[u 11]. Il a également été adapté en une websérie du même nom sur Youtube dès 2014[u 12].

1900-1950 : l'invention de la « littérature lesbienne »

Natalie Barney tient un salon au début du XXe siècle à Paris fréquenté par les autrices lesbiennes.
Le roman de Radclyffe Hall, en 1928 Le Puits de solitude rencontre des problèmes de censure aux États-Unis et au Royaume-Uni.

Le premier roman en langue anglaise reconnu comme ayant une thématique lesbienne est The Well of Loneliness (en français Le Puits de solitude), publié par Radclyffe Hall en 1928, et qu'un tribunal Britannique jugea obscène parce qu'il défendait des « pratiques contre nature entre femmes ». Le livre est interdit en Grande-Bretagne durant des décennies. Le roman paraît à la même époque que L'Amant de lady Chatterley de D. H. Lawrence, qui comportait aussi un aspect transgressif lié à la sexualité féminine, quoique hétérosexuelle, et qui subit lui aussi la censure. Aux États-Unis, Le Puits de solitude parvient à éviter la censure légale à New York et devant le tribunal de commerce international des États-Unis[10],[11].

En 1923, Elsa Gidlow, née en Angleterre, publie le premier volume de poésie ouvertement lesbienne aux États-Unis, intitulé On a Grey Thread[12],[13]. En 1926, à New York, Eva Kotchever, née en Pologne, propriétaire du café lesbien Eve's Hangout de Greenwich Village, écrit le recueil Lesbian Love. Cet écrit sera l'une des causes de son emprisonnement, puis de son expulsion[14].

Au début du XXe siècle, à Paris, émerge une communauté lesbienne de plus en plus visible. Elle se regroupe notamment dans les salons littéraires organisés par des lesbiennes comme Nathalie Barney et Gertrude Stein. Cette communauté produit des œuvres en français et en anglais : Nightwood de Djuna Barnes, Idylle Saphique de Liane de Pougy, les poèmes de Renée Vivien, les épigrammes de Barney, les poèmes et les ouvrages de Stein. Radclyffe Hall passe également du temps à Paris dans le salon de Barney. Cette dernière aurait d'ailleurs servi de modèle à l'un des personnages du roman Le Puits de Solitude[15]. Colette, qui a connu dans sa vie des épisodes homosexuels, fait une place au lesbianisme dans plusieurs de ses romans, de façon explicite dans Claudine à l'école et Claudine en ménage, plus implicite dans La Seconde et La Retraite sentimentale[16].

L'écrivaine japonaise Nobuko Yoshiya est une autrice importante du début du XXe siècle, écrivant des histoires à propos d'une intense histoire d'amour entre jeunes femmes. Ses écrits peuvent cependant se diffuser librement, car aucune des relations décrites n'est consommée[17].

Virginia Woolf publie en 1928 Orlando, un roman racontant l'histoire d'un poète transgressant les normes de genres. Ce roman est inspiré par son amante, Vita Sackville-West, et est réexaminé dans les années 1970 comme un texte subversif lesbien[18],[19].

La plupart de la littérature américaine des années 1930, 1940 et du début des années 1950, présente la vie lesbienne comme une tragédie, se terminant par le suicide du personnage principal ou sa conversion à l'hétérosexualité[20]. Ces fins tragiques sont requises par les autorités afin que le texte ne soit pas déclaré obscène[21]. Ainsi The Stone Wall, une autobiographie lesbienne avec une fin malheureuse publiée en 1930 sous le pseudonyme de Marie Casal, est l'une des premières autobiographies lesbiennes.

Dès 1939, Frances V. Rummel, une éducatrice et enseignante de français au Stephens College, publie la première autobiographie explicitement lesbienne se terminant bien, dans laquelle deux femmes finissent heureuses ensemble, intitulé Diana: A Strange Autobiography[22]. Cette autobiographie est publiée avec une note disant : « Les éditrices souhaitent qu'il soit expressément compris qu'il s'agit  d'une histoire vraie, la première de son genre dans le cadre d'une lecture publique ». Les critiques littéraires ont depuis décrit cette autobiographie comme une  « fiction »[23].
L'unique roman de Jane Bowles, Two Serious Ladies, publié en 1943, raconte l'histoire d'une romance entre une femme de la bourgeoisie et une prostituée dans un port panaméen[24].

Le roman autobiographique de Tereska Torrès, Women's Barracks (Jeunes femmes en uniforme), témoignage des femmes dans la Résistance.

La résistante Tereska Torrès, engagée à Londres dans les Forces françaises libres du Général de Gaulle publie ses souvenirs en 1950 dans Women's Barracks (Jeunes femmes en uniforme), témoignage de la vie des combattantes pendant la Seconde Guerre mondiale[25].

Sous l'Espagne franquiste, l'écrivaine Elena Fortún (1885-1952), spécialiste de littérature enfantine avec le personnage queer de la jeune Celia[26], censuré durant la dictature, écrit son roman autobiographique Oculto sendero[27], œuvre redécouverte aujourd'hui[28]. Le roman évoque notamment sa relation avec Matilde Ras et l'organisation du cercle saphique de Madrid fondé par Victorina Durán[29].

Marie-Magdeleine Carbet (1902-1996) écrivaine afro-martiniquaise écrit avec sa compagne poèmes, des histoires et des chansons sous le pseudonyme commun de Carbet, ce qui les a laissées libres d'explorer des sujets sensibles, habituellement interdits aux femmes, comme la sexnualité.

De 1950 à 1970 : Pulp fiction et autres
Le Lesbian pulp fiction, comme le Sping Fire  de Vin Packer (Marijane Meaker 1952) a été populaire pendant les années 1950 et 60.

La fiction lesbienne connait un développement phénoménal dans le monde anglo-saxon avec l'avènement du roman de type pulp fiction. Le Lesbian pulp fiction est devenu un genre de fiction dans les années 1950 et 1960[30], bien qu'un nombre important d'auteurs de ce genre soient des hommes utilisant soit un pseudonyme masculin, soit un nom de plume féminin. Une des autrices féminines de pulp fiction lesbienne, qui fait son coming out plus tard en tant que lesbienne, est Ann Bannon, autrice de la série de romans Beebo Brinker.

The Price of Salt (en français Le Prix du Sel) de Patricia Highsmith est considéré comme le premier roman lesbien avec une fin heureuse[note 1]. Dans ce roman, en effet, les femmes lesbiennes ne font pas de dépression, ne sont pas confrontées à un avenir solitaire, et le roman ne se conclut pas par un suicide ou le retour à l'hétérosexualité. Le manuscrit est rejeté par l'éditeur de Highsmith, Harper & Brothers. Il est finalement publié en couverture rigide chez Coward-McCann en 1952, sous le pseudonyme de Claire Morgan. En 1953 paraît une édition en livre de poche chez Bantam Books. L'édition de poche se vend à près d'un million d'exemplaires[32],[33]. En 1990, le roman est réédité par Bloomsbury sous le vrai nom de Patricia Highsmith, avec un nouveau titre, Carol [34]. En 2015, le roman est adapté en film sous le titre Carol.

En 1966, Violette Leduc publie Thérèse et Isabelle, un roman lesbien. Ce court roman devait à l'origine être la première partie du roman Ravages, mais l'éditeur de Leduc lui demanda de la supprimer, la trouvant trop explicite. Le roman Ravages paraît en 1955 chez Gallimard sans cette première partie. En 1968, une adaptation du roman de Violette Leduc, Thérèse et Isabelle, sort au cinéma[35].

En 1964, le roman de Jane Rule Desert of the Heart (en) (en français Le Désert du cœur) parvient à s'affranchir du genre de la pulp fiction en étant publié dans une édition reliée chez Macmillan Canada. Plusieurs éditeurs l'ont cependant refusé, l'un d'entre eux disant à Rule : « Si ce livre n'est pas pornographique, quel est l'intérêt de l'imprimer ? Si vous pouvez écrire des parties salaces, alors nous le prenons. Dans le cas contraire, non »[36]. Le roman est librement adapté en 1985 dans le film Desert Hearts.

En 1965, lors de la publication de son roman Mrs. Stevens Hears the Mermaids Singing (en français Mme Stevens entend les sirènes chanter), la romancière May Sarton craint que le fait d'écrire ouvertement sur le lesbianisme ne dévalorise son travail. Elle explique : « La peur de l'homosexualité est si grande qu'il a fallu du courage pour écrire Mrs. Stevens Hears the Mermaids Singing, pour écrire un roman sur une femme homosexuelle qui ne soit pas une maniaque du sexe, une ivrogne, une accro aux médicaments, ou répulsive d'un manière ou d'une autre, pour faire le portrait d'une homosexuelle qui ne soit ni pitoyable, ni dégoûtante, ni dénuée de sentiments… »[37].

La première romancière anglaise contemporaine à se présenter ouvertement comme une lesbienne est Maureen Duffy (en), dont le livre de 1966 Microcosm explore la sous-culture des bars lesbiens[38].

1970 à aujourd'hui : la seconde vague du féminisme, l'acceptation du public, et la diversification
Lesbienne, féministe et womaniste Audre Lorde a écrit plusieurs livres, entre les années 1970 et les années 1990.

Le mouvement féministe à la fin des années 1960 et au début des années 1970 voit le développement de voix de lesbiennes plus politisés dans la littérature ainsi que l'acceptation du public que les thèmes lesbiens s'écartent de la « tragédie lesbienne » imposée dominant dans les œuvres antérieures. Un pionnier dans le roman autobiographique de cette époque est le roman picaresque de 1973 Rubyfruit Jungle de Rita Mae Brown, qui devient un best-seller[39],[40]. Jill Johnston plaide pour un lesbianisme séparatiste en 1973 dans son livre Lesbian Nation. Dans les années 1970, des lesbiennes de couleur commencent également à devenir visibles, comme Audre Lorde, Jewelle Gomez, Paula Gunn Allen Cherrie Moraga, et Gloria Anzaldua. En France, Monique Wittig publie Les Guérillères,  qui prévoit un monde dominé par des lesbiennes. De même, le roman de Joanna Russ's de 1975 The Female Man décrit un univers alternatif habité uniquement par des lesbiennes. Les années 1970 ont également vu l'avènement de maisons d'éditions féministes et LGBT  telles que la Naiad Press, et de magazines littéraires comme  Sinister Wisdom[41] et Conditions[42] qui a publié des œuvres de lesbiennes. Adrienne Rich et Judy Grahn sont des poètes et essayistes importantes de l'époque. Patience and Sarah d'Alma Routsong, publié sous le nom de plume Isabel Miller en 1971, examine l'histoire d'une romance entre deux femmes du XIXe siècle dans un mariage de Boston.

Après la naissance d'une littérature explicitement gay et lesbienne dans les années 1970, les décennies suivantes voient  une augmentation de la production d'œuvres appartenant à ce genre. Tandis que les romans d'hommes gays sont davantage plébiscités et se situent souvent en milieu de liste des bestseller des principales maisons d'édition, la littérature lesbienne, dépendant de petites maisons d'édition, développe une audience limitée mais respectable[43]. Dans les années 1980, avec l'avènement du féminisme pro-sexe, quelques revues littéraires lesbiennes commencent à se spécialiser dans des œuvres explicitement érotiques comme On our Backs, une référence  satirique au magazine féministe des années 1970 Off our backs[44].  En 1988, la création du prix Lambda Literary avec plusieurs catégories lesbiennes  contribue à augmenter la visibilité de la littérature LGBT[45].

Alison Bechdel, primée  pour ses dessins animés et ses romans graphiques, Fun home, incarne la diversification croissante de la littérature lesbienne  du XXIe siècle.

Dans les années 1980 à 1990, la littérature lesbienne se  diversifie en plusieurs genres:  fantasy, mystère, science-fiction, romance, romans graphiques, et littérature pour jeunes adultes[46].

L'influence du féminisme de la fin du XXe siècle, ainsi qu'une plus grande acceptation des œuvres LGBT au travail a également été ressenti au Mexique, avec l'émergence des poétesses lesbiennes Nancy Cardenas, Magaly Alabau, Mercedes Roffe, et d'autres. En Argentine et en Uruguay, Alejandra Pizarnik et Cristina Peri Rossi combinent l'érostime lesbien avec des problématiques artistiques et socio-politiques dans leurs œuvres[47]

L'écrivain uruguayen Cristina Peri Rossi a écrit à propos de l'érotisme de relations lesbiennes.

En Asie, à Singapour la dramaturge Eleanor Wong et l'écrivaine taïwanaise Qiu Miaojin ont écrit à propos des relations lesbiennes, tout comme les écrivaines chinoises Bai Lin et Chen Ran[48]. Spinning Tropics de Aska MochizukiBeauté et tristesse de Yasunari Kawabata, Sables mouvants (卍 Manji) par Junichiro Tanizaki et Monde Réel de Natsuo Kirino sont des romans qui explorent l'amour lesbien au Japon[49]. Le romancier Indien Abha Dawesar en gagne avec Babyji sorti en 2006 un prix Stonewall et un prix Lambda literary.

Au XXIe siècle, la littérature lesbienne émerge comme un genre à part entière dans les pays de langue arabe, avec des romans, comme Ana Hiya Anti (Je suis toi) d'Elham Mansour, qui deviennent des best-seller[50],[51],[52]. Ce siècle apporte également plus d'attention à la littérature et les autrices africaines, telles que les romancières camerounaises Frieda Ekotto et l'écrivaine ghanéenne Ama Ata Aidoo[53],[54],[55]-

Pendant ce temps, les romans de langue anglaise qui incluent des relations ou des personnages lesbiens continuent à susciter des prix nationaux et attirent l'acclamation de la critique, comme La Couleur pourpre (1982) d'Alice Walker, Bastard out of Carolina (1992) de Dorothy Allison, Les Heures (1998) de Michael Cunningham, Du bout des doigts (2002) de Sarah Waters et Lost and found (2006) de Carolyn Parkhurst[56],[57].

Comme la littérature comprenant les personnages et des relations lesbiennes est mieux acceptée dans le courant dominant de la société Occidentale, certains écrivains et critiques littéraires interrogent le fait qu'il y ai une catégorie distincte pour la littérature lesbienne. « Je n'ai jamais compris pourquoi la fiction hétéro est censée être pour tout le monde, mais quoi que ce soit incluant un personnage gay ou qui comprenne une expérience gay est seulement pour les queers » indique Jeanette Winterson, auteur du best-seller de 1985 roman Oranges are not the only fruits[58]. D'autres ont souligné la nécessité de continuer la littérature à thématique LGBTIQ, en particulier pour le jeune lectorat LGBTIQ[59].

Jusqu'à récemment, la littérature lesbienne était centrée autour de plusieurs maisons d'éditions exclusivement lesbiennes, ainsi que les « fandoms », blogs de fans en ligne[60]. Toutefois, depuis le début du millénaire, nombre de maisons d'édition lesbiennes ont commencé à inclure les œuvres d'hommes et de femmes trans, de voix bisexuelles et gays et des œuvres queers non reprises par les maisons d'éditions dominantes. De plus, les romans comportant des personnages et des thèmes lesbiens sont mieux acceptés dans l'édition dite mainstream.

Années 1970

Dans Ruby (1976) de Rosa Guy, le personnage principal est une jeune femme originaire des Caraïbes. Le roman décrit sa relation avec une autre jeune fille.

On trouve également à cette époque des romans pour jeunes adultes avec des personnages de lesbiennes comme Happy Endings Are All Alike (1978) de Sandra Scoppettone. Selon l'autrice : « Je n'ai presque pas été interviewée et quand je l'ai été ce n'était pas positif ». À l'opposé, le roman de Scoppettone à propos des garçons gays est mieux reçu[61].

Un des thèmes fréquemment abordé dans les livres publiés au cours des années 1970 est l'idée que l'homosexualité serait une « phase », ou qu'il n'existe pas de fin heureuse pour les lesbiennes, et qu'elles mènent généralement une vie difficile[62].

La School Library Journal rapporte :

« Durant les années 1970 il y avait en moyenne un livre par année publié sur le thème LGBTIQ. Bien que ces livres précurseurs soient bien écrits et aient des critiques positives, les personnages gays étaient au mieux secondaires ou attirés par le personnage principal hétéro et au pire des victimes faisant face à la violence, les injures ou la mort (les accidents de voitures étant la norme). Les jeunes personnages se questionnant sur leur orientation homosexuelle avec inquiétude concluaient invariablement que leur attirance pour les personnes du même sexe était une phase temporaire dans leur périple les menant vers leur maturité sexuelle d'adultes hétéros. »[63]

Judy Blume est souvent citée en tant que catalyseure dans les années 1970 œuvrant pour inclure davantage de sujets considérés comme tabous (comme l'homosexualité) dans la littérature pour enfants[64].

Marion Zimmer Bradley a longuement développé les relations de genre dans un cycle de science-fiction-fantasy, Ténébreuse, publié de 1962 à 1999, où les femmes doivent conquérir leur indépendance et chercher leur vraie personnalité, lesbienne, neutre ou hétérosexuelle, notamment à travers la communauté des Amazones libres[65].

Années 1980

Annie on my mind (1982) de Nancy Garden raconte l'histoire de deux jeunes filles du secondaire qui tombent amoureuses. Le roman qui est toujours publié dans les années 2000 constitue un pas en avant sur le sujet de l'homosexualité dans la littérature pour jeunes adultes.

Il est publié dans une édition reliée et par l'une des grandes maisons d'édition. Dans le livre, l'homosexualité est perçue comme quelque chose de permanent et méritant d'être exploré, et non pas une notion « fixe ».

Dans le Kansas, un ministre de culte préside un bûcher public pour brûler Annie on my mind à la suite d'une controverse après que ce dernier fut donné à la bibliothèque d'une école[66].

Années 1990

Au cours de cette décennie, le nombre de romans publiés sur le thème du lesbianisme pour les jeunes adultes augmente. Nancy Garden publie deux romans avec des personnages de lesbiennes Lark in the Morning (1991) et Good Moon Rising, et reçoit des critiques positives, les livres se vendant également bien. En 1994, M. E. Kerr publie Deliver Us From Evie, à propos d'un garçon qui a une sœur lesbienne, bien reçu par le public. D'autres livres publiés au cours de cette décennie comprennent Dive (1996) de Stacey Donovan, The Necessary Hunger (1997) de Nina Revoyr, The House You Pass On the Way (1997) de Jacqueline Woodson, Girl Walking Backwards (1998) de Bett Williams (visant au départ un public de jeunes adultes mais qui devient très populaire parmi les adolescents), Hard Love (1999) de Ellen Wittlinger et Dare Truth or Promise (1999) de Paula Boock.

Depuis 2000

Les années 1990 marquent un tournant dans les romans pour jeunes adultes, romans qui explorent la thématique lesbienne, et depuis l'année 2000, un flot de ces livres  arrive sur le marché. L'attitude du public envers les thématiques lesbiennes est plus positive et les thèmes lesbiens sont mieux acceptés.

En 2000, le School Library Journal inclut Annie on my mind, dans sa liste des 100 livres les plus influents du XXe siècle[67]-

Dans le passé, la plupart des livres dépeignent les personnes homosexuelles comme « vivant une vie isolée, en marge de la réalité dans une communauté étonnement active. » Par la suite, les livres montrent des personnages gays moins stigmatisés et séparés.

Le roman populaire pour jeunes adultes de 2012, The Miseducation of Cameron Post d'Emily M. Danforth, raconte l'histoire d'une fille de 12 ans envoyée dans un camp afin de suivre une thérapie de conversion dans le Montana[68]. En 2016, débute le tournage d'une adaptation cinématographique du livre.

Il y a moins de livres concernant l'homosexualité féminine que l'homosexualité masculine[69]. Malgré le fait que la disponibilité des livres pour les adolescentes sur les thèmes lesbiens et bisexuels se soit accrue depuis les années 1960, des livres comprenant des personnages qui ne soient pas uniquement blancs sont toujours difficiles à trouver.

Autour de la littérature

Éditions lesbiennes, gaies et lesbiennes, LGBT

Alyson Livres publie une série de romans policiers d'Elizabeth Sims (sur la photo).

La première maison d'édition lesbienne consacrée à la publication de livres lesbiens et féministes est Daughters, Inc[70] à Plainfield, dans le Vermont, qui publie Rubyfruit Jungle de Rita Mae Brown en 1973. Naiad Press suit qui publie la romance  lesbienne Curious wine de Katherine V. Forrest et de nombreux autres livres. La maison d'édition ferme en 2003 après 31 ans d'existence[71]. La cofondatrice Barbara Grier transmet ses livres et l'exploitation à une nouvelle maison d'édition Bella Books. Créée en 2001, Bella Books acquiert le catalogue de Naïad Press, y compris la majorité des œuvres de Jane Règle et toutes les œuvres de Karin Kallmaker. Leur catalogue comprend plus de 300 titres de romance lesbienne, roman policier lesbien et érotisme lesbien. 

Parmi les premières maisons d'édition on compte Spinsters Ink (vendue à plusieurs rerprises et maintenant intégrée à Bella Books), Rising Tide Press, Crossing Press, Kitchen Table Press, et New Victoria. Dans de nombreux cas, ces maisons d'éditions sont dirigées par les autrices qui publient leur livres via leur propre maison d'édition, comme Barbara Wilson au Da Capo Press, qui fait partie ensuite de Perseus Books Group, et Joan Drury chez Spinsters Ink.

Les plus grandes maisons de presse des années 2000 de fictions lesbiennes sont Bella Books, Bold Strokes Books, and Regal Crest Enterprises. Bold Strokes Book, créée en 2005, publie des romans policiers gays lesbiens et masculins, des thrillers, de la science-fiction, des romans d'aventure, et d'autres livre de genre LGBTIQ. Le catalogue comprend 130 titres. Regal Crest Enterprises, créée en 1999, a un catalogue de plus de 150 œuvres, et publie des romances lesbienne, des policiers, des livres érotiques, de la science-fiction, du fantasy et des sagas. Alyson Books se spécialise dans les autrices et auteurs LGBTIQ et dispose d'un certain nombre de titres lesbiens.

Les maisons d'éditions plus petites comprennent Bedazzled Ink, Bywater Books, Intaglio Publications, Sapphire Books Publishing, Supposed Crimes, Ylva Publishing et Ylva de publishing. Certaines maisons d'édition féminines publient également des fictions lesbiennes de la fiction, comme Firebrand Books and Virago Press.

Éditeurs non-spécialisés

Les éditeurs non-spécialisés ne mettent généralement pas en avant le caractère lesbien de la littérature qu'ils publient : l'écrivaine lesbienne Paula Dumont cite en exemple les œuvres de Mireille Best, dont l'éditeur Gallimard ne met pas en avant le caractère lesbien[e 1]. Pour elle, les éditeurs font ce choix car ils pensent qu'indiquer qu'un récit parle de lesbianisme ferait fuir le lectorat hétérosexuel, et que le lectorat lesbien n'est pas assez riche pour permettre à lui seul de rendre un livre viable économiquement[e 1].

Revues

La première revue francophone spécialisée dans la littérature lesbienne est Vlasta, fondée en avril 1983 par un collectif franco-québecquois[p 3],[u 13],[u 14].

Rapports à la littérature lesbienne

Des lesbiennes

« Vous m’êtes proche comme toutes les femmes qui écrivent »
Début de la Lettre à l'Amazone que Marina Tsvetaeva adresse à Natalie Clifford Barney et à Sappho, 1934

Dans Lettre à l'Amazone, méditation poétique adressée à Natalie Clifford Barney et à Sappho, Marina Tsetaeva souligne le rôle de la littérature lesbienne comme d'un espace mettant en lumière la « communion de destins » existant entre les lesbiennes[72].

Paula Dumont souligne que la littérature lesbienne se diffuse difficilement au sein de la communauté lesbienne en raison de la frilosité des maisons d'édition d'identifier la littérature qu'elles publient comme tel ; Suzette Robichon abonde dans ce genre, décrivant la recherche d'une littérature lesbienne comme d'une forme de chasse au trésor[v 2]. Dans l'émission Gouinement Lundi consacrée à la littérature lesbienne, universitaires travaillant sur la littérature lesbienne et gérante de la librairie lesbienne Violette and Co discutent de comment décrypter les 4ème de couverture pour y trouver les romans lesbiens[73].

Des écrivaines

Des écrivaines ouvertement lesbiennes considèrent que caractériser leurs écrits comme relevant de la littérature lesbienne est réducteur : Jocelyne François, par exemple, craint qu'avoir ses œuvres caractérisées comme de la littérature lesbienne c'est, d'une part, les retirer de la littérature globale et, d'autre part, risquer d'en limiter la portée, leur réception en tant que récit lesbien passant selon elle derrière le travail textuel en lui-même[v 1].

Caractéristiques de la littérature lesbienne

L'eau comme métaphore du désir lesbien et du corps des amantes

Marta Segarra relève, en particulier chez Renée Vivien, Lucie Delarue-Mardrus et Colette, une omniprésence de la métaphore de l'eau, et notamment de la mer, pour désigner à la fois le corps des amantes et, de manière plus abstraite, le désir lesbien[u 1].

Romance

Les œuvres de romance sont souvent dénigrée, et la romance lesbienne n'échappe pas à cette règle ; en France, ce sont essentiellement des maisons d'éditions spécialisées, soit lesbiennes, soit LGBT+, telles que KTM éditions, Dans l'Engrenage ou Reines de Cœur, qui publient de la romance lesbienne[p 4].

Œuvres notables

Autrices notables (par ordre alphabétique)

Notes

  1. Marijane Meaker note dans son mémoire de 2003: "The Price of Salt was for many years the only lesbian novel, in either hard or soft cover, with a happy ending."[31]

Références

Ouvrages de références

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  2. Suzette Robichon, « Préface », dans Ecrire à l'encre violette
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Voir aussi

Articles connexes

Analyses

Ouvrages

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