Ellis Island

Ellis Island est une île située à l'embouchure de l'Hudson à New York, moins d'un kilomètre au nord de Liberty Island qui abrite la statue de la Liberté. Elle a été, dans la première partie du XXe siècle, l'entrée principale des immigrants qui arrivaient aux États-Unis[1]. Les services d'immigration y ont fonctionné du jusqu'au . L'île est gérée par le gouvernement fédéral et fait désormais partie du monument national de la Statue de la Liberté, sous l'autorité du service des parcs nationaux des États-Unis et abrite un musée. Territorialement, elle est partagée entre la ville de Jersey City dans le New Jersey et la ville de New York dans l'État de New York. 83 % de l'île appartient à la ville de Jersey City.

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Ellis Island

Vue aérienne d'Ellis Island, prise avant 1976.
Géographie
Pays États-Unis
Archipel Aucun
Localisation Upper New York Bay
Coordonnées 40° 41′ 55″ N, 74° 02′ 28″ O
Superficie 0,13 km2
Point culminant 2 mètres
Géologie Île continentale artificialisée
Administration
Statut Monument national de la Statue de la Liberté

États New Jersey et New York
Comtés Hudson et Manhattan
Villes Jersey City et New York
Démographie
Population Aucun habitant
Autres informations
Découverte Préhistoire
Fuseau horaire UTC-5
Site officiel www.ellisisland.org
Géolocalisation sur la carte : New York
Ellis Island
Géolocalisation sur la carte : États-Unis
Ellis Island
Géolocalisation sur la carte : New York
Ellis Island
Îles aux États-Unis

Ellis Island a été le sujet d'une querelle de frontière entre ces deux États américains. Selon le bureau de statistiques des États-Unis, l'île a une superficie officielle de 129 618 m2, dont la plus grande partie créée artificiellement. La portion naturelle de l'île, qui se trouve sur le territoire de la ville de New York, est de 21 458 m2 et est entourée par la partie artificielle.

Géographie

Carte avec la position d'Ellis Island en rouge

Ellis Island est à 900 mètres de la statue de la Liberté. Elle est située à New York, à l'embouchure de l'Hudson. L'île a une superficie de 11,1 hectares, dont plus de 83 % est artificielle ; elle est en forme de U pour permettre d'accueillir les bateaux à l'intérieur. La portion naturelle d'Ellis Island se situe sur l’État de New York et est complètement entourée de la portion artificielle qui se situe sur le New Jersey. L'altitude d'Ellis Island n’excède pas deux mètres.

Histoire

Avant 1892 et l'ouverture d'Ellis Island comme centre de réception des immigrés à New York, le débarquement des voyageurs se faisait à Fort Clinton ou Castle Clinton, à l'extrême sud de Manhattan (aujourd'hui dans Battery Park), au grand désespoir des habitants qui se plaignaient de la situation, imputant nombre de maux aux nouveaux arrivants. Ellis Island s'appelait Fort Gibson et c'était une place militaire qui faisait partie du système de défense de la ville contre la flotte britannique. L'île apparut alors comme une meilleure solution, permettant d'isoler les migrants avant leur acceptation aux États-Unis et d'éviter les évasions. Originellement appelée Little Oyster Island (île de la petite huître), on la nomma Ellis Island en référence à Samuel Ellis, colon venant probablement d'Écosse, qui en fut le propriétaire dans les années 1770, avant son rachat par l'État de New York.

Les bâtiments du centre d'immigration d'Ellis Island ont été créés par les architectes Edward Lippincott Tilton et William A. Boring qui reçurent une médaille d'or à l'exposition universelle de Paris en 1900 pour le design du bâtiment principal.

Le centre fédéral d'immigration ouvrit le et fut fermé le . Durant les 62 années d'activité, le bureau d'immigration des États-Unis y inspecta 12 millions de demandes. 1907 fut l'année la plus active à Ellis Island avec l'arrivée de 1 004 756 immigrants. Le de cette année-là vit l'arrivée de 11 747 immigrants.

Émigrants dans la rue Montevideo, pastel montrant des Juifs d'Europe de l'Est en attente près des bureaux de la Red Star Line à Anvers, dans l'espoir d'être expédiés à Ellis Island, par E. van Mieghem, 1899.

Ceux qui présentaient des signes de maladies étaient renvoyés dans leur pays (cas extrême) ou mis en quarantaine sur l'île pour une très longue période. Par la suite, les immigrants se voyaient poser une série de 29 questions incluant leur nom, leur métier et la quantité d'argent qu'ils avaient sur eux. Généralement, ces immigrants étaient acceptés immédiatement et ne passaient que 3 à 5 heures sur l'île. Cependant, plus de 3 000 immigrants moururent à l'hôpital. Certaines personnes furent également refoulées, car on considérait qu'elles risquaient de rester chômeuses. Environ 2 % des arrivants virent ainsi leur admission aux États-Unis rejetée et furent renvoyés dans leur pays d'origine pour diverses raisons telles que leur santé ou leur passé criminel. Ellis Island était souvent surnommée The Island of Tears (l'île des pleurs) ou Heartbreak Island (l'île des cœurs brisés) à cause de ces 2 % qui n'étaient pas admis après leur long voyage.

L'auteur Louis Adamic (1899-1951), venu de Slovénie en 1913, décrivit la nuit qu'il avait passée à Ellis Island. Lui et plusieurs autres immigrants dormirent sur des lits dans un long corridor. N'ayant pas de couvertures chaudes, le jeune homme ne put dormir de la nuit, entendant les ronflements et plusieurs rêves se passant dans différentes langues. Il décrit aussi une cuisine tellement grande qu'elle pouvait accueillir 1 000 personnes.

Durant la Première Guerre mondiale, le sabotage allemand du dépôt de munitions Black Tom Wharf endommagea les bâtiments d'Ellis Island. Durant la guerre, l'île fut utilisée pour interner des marchands allemands et autres ennemis de guerre ainsi que comme un centre pour aider les soldats américains blessés et malades à leur retour du front européen. Ellis Island reçut également plusieurs dizaines de milliers d'immigrants par an durant cette période, soit beaucoup moins qu'avant-guerre. Après celle-ci, le nombre remonta au niveau d'avant-guerre. En 1917, des modifications des règles d'entrée limitent les flux migratoires. Un test d’alphabétisation fut mis en place.

Grand Hall du bâtiment principal, où étaient accueillis les immigrés.

Après 1924 et les lois sur les quotas d'immigration de Johnson-Reed, qui diminuèrent considérablement l'immigration et transférèrent aux ambassades le rôle de choisir les futurs arrivants, le centre devint un lieu de détention et d'expulsion pour les étrangers indésirables. Les quotas portèrent sur 17 000 Irlandais, 7 500 Britanniques, 7 400 Italiens et 2 700 Russes. La crise de 1929 réduisit encore le nombre d'immigrants, passant de 241 700 en 1930 à 97 000 en 1931 et 35 000 en 1932. Au même moment, Ellis Island devint un centre de détention pour les expulsés vers leurs pays d'origine : dissidents politiques, anarchistes, chômeurs. Les expulsés furent 62 000 en 1931, 103 000 en 1932 et 127 000 en 1933.

Pendant et après la Seconde Guerre mondiale, Ellis Island servit de base d'entraînement aux garde-côtes et de camp pour les prisonniers de guerre. Environ 7 000 Allemands, Italiens et Japonais furent détenus sur l'île.

La loi sur la Sécurité interne de 1950 interdit aux membres des organisations communistes et fascistes d'immigrer aux États-Unis. Plusieurs d'entre eux furent détenus à Ellis Island jusqu'en 1952, date à laquelle plusieurs lois furent changées.

En , Ellis Island fut finalement fermée et inscrite au patrimoine. L'île figure sur le registre national des sites historiques américains. Aujourd'hui, elle abrite un musée accessible par bateau depuis le Liberty State Park de Jersey ainsi que depuis Manhattan.

Immigration

Immigrants historiques vers le rêve américain en 1900.

L'île accueillit environ 14 millions de personnes entre son ouverture le et sa fermeture le . La plupart des immigrés qui passaient par Ellis Island étaient européens, un certain nombre venant également de pays arabes dominés par l'Empire ottoman. La première immigrante se nommait Annie Moore, une jeune fille de 15 ans venant du comté de Cork en Irlande, le pour rejoindre avec ses deux frères, leurs parents, qui étaient venus à New York quatre ans auparavant. Elle fut accueillie par les officiels et une pièce d'or de dix dollars.

La dernière personne à passer à Ellis Island fut un marchand norvégien du nom de Arne Peterssen en . Après la signature du National Origins Acts en 1924, les seuls immigrants à venir à Ellis Island étaient des déportés ou des réfugiés de guerre. Actuellement, plus de 100 millions d'Américains ont un ou plusieurs ancêtres qui sont arrivés en Amérique en passant par Ellis Island.

Les archives des entrées sur le territoire américain via Ellis Island sont accessibles en ligne, notamment pour les recherches généalogiques[2].

Musée

Bâtiment principal de l'île, devenu « musée national de l'histoire de l'immigration des États-Unis » depuis 1990.

Un pont relie Ellis Island au Liberty State Park au New Jersey. Il a été construit pour la rénovation de l'île. Mais celui-ci est actuellement fermé au public (principalement du fait de l'opposition de la ville de New York).

Dollar américain de 1986, édition limitée représentant la statue de la Liberté et le bâtiment principal d’Ellis Island.

Il existe un mur d'honneur en dehors du bâtiment principal. Contrairement à ce qui est parfois dit, il n'y est pas inscrit le nom de tous les migrants étant passés par l'île. Il offre surtout la possibilité aux gens de faire un don en mémoire d'un immigrant.

Le cabinet d'architecture de Boston Finegold Alexander + Associates Inc., avec l'aide d'un cabinet new-yorkais, fut chargé de la restauration et de l'adaptation du bâtiment principal. Un budget de construction de 160 millions de dollars fut nécessaire pour accomplir ce travail, l'argent ayant été récolté par une campagne publique de levée de fonds. Le musée ouvre le .

Dans le cadre de l'initiative du centenaire du service des parcs nationaux, la section sud de l'île va faire l'objet d'un projet de restauration des 28 bâtiments qui n'ont pas encore été réhabilités.

Compétence fédérale

Le , Ellis Island fut officiellement intégrée au monument national de la statue de la Liberté, géré par le service des parcs nationaux américains[3]. L'île se trouve du côté New Jersey de l'Hudson River. Durant la période coloniale, cependant, New York en avait pris possession, et le New Jersey l'avait accepté. Dans un accord entre les deux États américains, approuvé par le Congrès des États-Unis en 1834, le New Jersey acceptait que New York gardât une juridiction exclusive sur l'île.

Par la suite, cependant, le gouvernement fédéral agrandit artificiellement l'île pour pouvoir y installer le centre d'immigration qui ouvrit en 1892. L'agrandissement fut poursuivi jusqu'en 1934. Neuf dixièmes de la superficie actuelle de l'île sont artificiels et n'existaient pas lors de l'accord de 1834.

Le New Jersey déclara que la nouvelle extension faisait partie de son État et porta l'affaire en justice[4], conduisant le maire de New York de l'époque, Rudolph Giuliani, à argumenter que son père, un immigrant italien qui était passé par Ellis Island, n'avait jamais voulu aller dans le New Jersey.

Ce conflit monta jusqu'à la Cour suprême des États-Unis, qui conclut en 1998 que le New Jersey dispose de l'autorité sur toute la portion de l'île créée après l'entente de 1834. Cette décision amena plusieurs problèmes : quelques bâtiments, par exemple, tombaient sous la juridiction des deux États. Le New Jersey et l'État de New York décidèrent donc de partager l'île. Cependant, Ellis Island reste la propriété du gouvernement fédéral et aucun remaniement légal n'a amené le contrôle d'une partie de l'île à un des deux États.

Dans les films

Depuis l'époque du cinéma muet, Ellis Island suscite l'imagination des réalisateurs et des producteurs américains. Parmi les premiers films montrant l'île, on peut citer A Citizen in the Making (1912), Traffic in souls (1913), The Yellow Ticket (1916), L'Émigrant de Charlie Chaplin (1917), My Boy (1921), The Strong Man (1926), We Americans (1928), Ellis Island (1936), Gateway (1938), et Exile Express (1939).

Affiche du film documentaire Ellis Island: The Making of Master Race in America de Robert Tutak, 2018

Plus récemment, l'île apparaît dans une scène du film Hitch, expert en séduction, où les héros interprétés par Will Smith et Eva Mendes prennent des jet skis pour se rendre à Ellis Island et y explorer le bâtiment principal. Golden Door, l'histoire de migrants siciliens sorti en 2006, se déroule en partie sur Ellis Island et s'achève par des scènes sur l'île.

Le film 3D IMAX, Across the Sea of Time, ayant comme sujet l'arrivée des immigrants de New York, incorpore des images récentes et des photographies anciennes d'Ellis Island.

Ellis Island comme porte d'entrée vers les États-Unis est décrite en détail dans le film Mottel the Cantor's Son de Sholom Aleichem. C'est également l'endroit où Don Corleone est retenu comme jeune immigrant dans Le Parrain 2. On le marque d'un X sur son chandail, symbole signifiant une personne présentant des problèmes de santé. Dans le film, le jeune garçon souffre de la variole.

Dans le film X-Men, une rencontre des Nations unies sur l'île est la cible de Magneto, un mutant qui tente de changer artificiellement tous les délégués présents. The Brother from Another Planet quant à lui s'ouvre sur Ellis Island.

Le film d'Elia Kazan America, America raconte l'immigration d'un jeune turc (d'origine arménienne) appelé Stavros jusqu'à son arrivée aux États-Unis au début du XXe siècle. Il doit passer à la douane sur l'île et se fait passer pour son camarade qui est mort noyé le jour précédent.

En 1979, le cinéaste français Robert Bober réalise un documentaire en étroite collaboration avec Georges Perec, qu'il a déjà eu l'occasion de filmer. Ce film, intitulé Récits d'Ellis Island, est composé de deux parties : la première, Traces, évoquera l'arrivée des émigrés de 1892 à 1924 à Ellis Island. La seconde, Mémoire, est un témoignage filmé à New York, sur les émigrants juifs et italiens entrés aux États-Unis par Ellis Island.

Un documentaire sur l'hôpital d'Ellis Island a été tourné par Lorie Conway ; l'artiste interdisciplinaire Meredith Monk a également réalisé en 1981 un court-métrage éponyme relatant l'arrivée des immigrants sur l'île.

En 2013, The Immigrant de James Gray suit le parcours d'une immigrée polonaise. Le film s'ouvre sur la statue de la Liberté vue depuis Ellis Island. Plusieurs scènes du film s'y déroulent, notamment le plan final. The Immigrant rend aussi hommage au Parrain 2, notamment les scènes de flashback (retour en arrière) retraçant la jeunesse de Vito Corleone.

En 2014, le film documentaire Ellis Island une histoire du rêve américain réalisé par Michael Prazan, revient sur l'histoire d'Ellis Island et sur les destins des immigrants[5].

En 2015, le court-métrage The Ghosts of Ellis Island a été réalisé par JR.

En 2018, un film documentaire intitulé Ellis Island : The Making of Master Race in America est réalisé par Robert Tutak[6],[7].

En BD

Philippe Charlot (scénario) et Miras (Dessins et couleurs) ont publié une BD en 2 volumes :

  • Tome I : Ellis Island, Bienvenue en Amérique, Grand angle, Bamboo éditions, 2020. (ISBN 978-2-8189-6784-3)
  • Tome II : Ellis Island, le rêve américain, Grand angle, Bamboo éditions, 2021. (ISBN 978-2-8189-6785-0)

Personnalités passées par Ellis Island

Références

  1. (en) National Park Service
  2. Foundation Ellis Island
  3. (en)Lyndon B. Johnson Proclamation 3656 - Adding Ellis Island to the Statue of Liberty National Monument, The American Presidency Project
  4. (en) Joan Biskupic, N.J. Wins Claim to Most of Ellis Island, The Washington Post, 27 mai 1998.
  5. Mustapha Kessous, « Ellis Island, une histoire du rêve américain », Le Monde, (lire en ligne).
  6. « Robert Tutak », sur IMDb (consulté le )
  7. « Tutak Films », sur www.tutakfilms.com (consulté le )

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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