Euromycter
Euromycter rutenus, Casea rutena
Règne | Animalia |
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Embranchement | Chordata |
Sous-embr. | Vertebrata |
Super-classe | Tetrapoda |
— non-classé — | Amniota |
Sous-classe | Synapsida |
— non-classé — | † Caseasauria |
Famille | † Caseidae |
- † Casea rutena Sigogneau-Russell & Russell, 1974
Euromycter est un genre de synapsides Caseidae ayant vécu dans le Sud de la France à la fin du Permien inférieur (Artinskien supérieur), il y a environ 285 millions d’années. L’holotype et unique spécimen connu (MNHN.F.MCL-2) inclut le crâne complet avec les mâchoires inférieures et l’appareil hyoïde, six vertèbres cervicales avec le proatlas, la partie antérieure de l’interclavicule, la clavicule droite partielle, la partie postérieure du coracoïde droit, la tête distale de l’humérus droit, les radius gauche et droit, l’ulna gauche et droit, et la main gauche complète.
Il fut collecté en 1970 par Denise Sigogneau-Russell et Donald E. Russell au sommet du Membre M1 du Groupe du Grès Rouge, près de la commune de Valady dans le nord de l’Aveyron (bassin permien de Rodez). En 1974, ses découvreurs l’attribuèrent à une nouvelle espèce du genre Casea, Casea rutena.
Plus récemment, Robert R. Reisz et des collègues ont reclassé cette espèce dans un genre qui lui est propre, Euromycter, avec la nouvelle combinaison Euromycter rutenus[1]. Les éléments connus du squelette suggèrent une taille comprise entre 1,70 m et 1,80 m de longueur pour ce spécimen[2].
Étymologie
Le nom de genre réfère à la localisation du spécimen en Europe, et de mycter, « le nez », en référence aux très grandes narines externes qui caractérisent les Caseidae[1]. L’espèce vient de ruteni, le nom latin des Rutènes, une tribu gauloise qui vivait dans la région de Rodez[3].
Description
Euromycter est caractérisé par un crâne inhabituellement élargi, de grandes fenêtres temporales, et des vertèbres ne montrant pas d’expansion de leurs épines neurales. Il peut être distingué des autres Caseidae par la présence d’un os intranasal en forme de lame localisé postéromédiallement au septomaxillaire (un petit os de la mâchoire supérieure placé entre le prémaxillaire et le maxillaire), des différences de proportions des membres et de la main, la présence d’une articulation proximale accessoire entre les métacarpes 3 et 4, un recourbement des métacarpes, et des mains à la formule phalangienne 2-3-4-4-3[3],[1].
Le crâne d’Euromycter est bien conservé mais il a souffert d’un léger aplatissement causé par une poussée tectonique exercée vers le côté droit et l’avant. Comme chez les autres Caseidae, le crâne est très petit comparé au reste du squelette (ici principalement les membres antérieurs), et montre de très grandes narines externes, une région faciale courte, et une surface dorsale du crâne couverte de nombreuses petites dépressions. Les dents palatines sont nombreuses, de même que les dents des mâchoires supérieures (quatre dents sur chaque prémaxillaire et onze dents sur chaque maxillaire) lesquelles sont spatulées et pourvues de 5 à 8 cuspides[3]. Les dents de devant, plutôt longues et légèrement incurvées, étaient probablement adaptées pour faciliter la collecte de la végétation dans la bouche, alors qu’il est supposé que les dents palatines des Caseidae travaillaient en collaboration avec une langue massive comme le suggère la présence d’un appareil hyoïde très développé[4],[5].
Répartition stratigraphique
L’holotype d’Euromycter provient du sommet des couches rouges pélitiques du Membre M1, localisées à la base du Groupe du Grès Rouge, qui est une séquence sédimentaire subdivisée en cinq membres hectométriques (M1 à M5) situés dans l’ouest du bassin permien de Rodez. Ces roches correspondent à d’anciens sédiments déposés dans un environnement de playa ou de sebkha, sous un climat chaud et semi-aride[1]. L’âge du Groupe du Grès Rouge est incertain mais il est considéré comme contemporain du Groupe Saxonien du bassin de Lodève, distant d’une centaine de kilomètres, où des données radiométriques et magnétostratigraphiques indiquaient un âge entre le Sakmarien supérieur (milieu du Permien inférieur) et le Lopingien inférieur (début du Permien supérieur)[6],[1]. Cependant, de nouvelles données chronostratigraphiques et magnétostratigraphiques pour le Groupe Saxonien ont délimité un âge entre l’Artinskien (pour la Formation de Rabéjac et le Membre d’Octon de la Formation du Salagou) et le Roadien supérieur-Wordien et possiblement le Capitanien inférieur (pour la Formation de La Lieude)[7],[8]. Une corrélation stratigraphique plus précise du bassin permien de Rodez avec celui de Lodève a été proposée en 2022 par Werneburg et des collègues. Dans le bassin de Rodez, la Formation FII du Groupe de Salabru, sous-jacent au Groupe du Grès Rouge, a fourni des palynomorphes, des conchostracés, et un assemblage d’empreintes de tétrapodes équivalent à celui de la Formation du Viala du bassin de Lodève[9]. La partie inférieure de la Formation du Viala a fourni un âge radiométrique de 290,96 ± 0,19 Ma correspondant au Sakmarien terminal[8]. Il a également été déterminé que les mégaséquences M1 et M2 du bassin de Rodez sont des équivalents de la Formation de Rabéjac du bassin de Lodève (et aussi du Membre de Combret de la Formation de Saint-Pierre du bassin de Saint-Affrique dans le sud-Aveyron)[9]. Au-dessus de la Formation de Rabéjac, les deux tiers inférieurs du Membre d’Octon de la Formation du Salagou ont fourni quatre niveaux de cinérite datés radiométriquement. Le plus ancien a donné un âge de 284,40 ± 0,07 Ma correspondant à l’Artinskien supérieur[8]. Sur la base de cette datation, la Formation de Rabéjac et les mégaséquences corrélatives M1 et M2 du Groupe du Grès Rouge peuvent être datées de l’Artinskien supérieur[9]. Une conclusion concordante avec la magnétostratigraphie qui suggère que l’ensemble du Groupe du Grès Rouge (membres M1 à M5) aurait un âge compris entre l’Artinskien supérieur et le Wordien inférieur[9].
Découverte
Au cours d’une prospection conduite dans les grès rouges permiens affleurant en badlands sur le flanc ouest de la colline du Cayla (commune de Valady près de Rodez), les paléontologues Denise Sigoneau-Russell et Donald E. Russell découvrirent durant l’été 1970 les squelettes de deux reptiles herbivores. Une vertèbre érodée ramassée sur la pente ouest de la colline conduisit les scientifiques à explorer les canyons environnants où fut trouvé un grand squelette articulé encore en place dans les sédiments. Ce squelette avait toutefois souffert de l’érosion, celle-ci ayant déjà emporté le crâne, le cou, la plus grande partie des membres et de la queue. Sur le flanc sud-est de la même colline, la même équipe découvrit un fragment d’os d’un animal différent. L’exploration systématique des pentes voisines permit la découverte d’os encore en place dans la roche et appartenant à un animal plus petit que le précédent. Tout l’arrière du squelette avait déjà été détruit par l’érosion. Une partie de l’avant-bras droit était exposée à la surface de la roche, puis fut découvert le crâne, plusieurs vertèbres cervicales articulées, l’avant-bras gauche articulé avec la main gauche complète, un morceau de l’humérus droit et une partie de l’épaule droite. Les deux spécimens furent identifiés comme des pélycosaures Caseidae. Le plus petit spécimen, trouvé à environ deux kilomètres horizontalement du premier squelette mais 120 mètres plus bas stratigraphiquement, fut décrit en 1974 et attribué à une nouvelle espèce du genre Casea, Casea rutena. Cet animal fut célébré comme le premier caséidé trouvé en Europe de l’Ouest, faisant de cette espèce un lien géographique avec les autres membres de la famille qui n’étaient alors connus que dans la partie sud-centrale des États-Unis (Texas et Oklahoma) et dans le nord de la Russie d’Europe[3].
En 2008, une analyse phylogénétique des Caseidae a mis en évidence la paraphylie du genre Casea, l’espèce française appartenant à un genre distinct encore non nommé lors de cette étude[10]. Trois ans plus tard, l’espèce Casea rutena fut retirée du genre Casea et placée dans un nouveau genre, Euromycter, avec la nouvelle combinaison Euromycter rutenus. Dans le même article, les auteurs ont décrit le plus grand squelette de la colline du Cayla, plus récent stratigraphiquement, et l’ont attribué à un nouveau genre nommé Ruthenosaurus[1].
Classification
Dans la première analyse phylogénétique des Caseidae publiée en 2008, Euromycter, encore désigné comme Casea rutena, fut identifié comme le groupe frère d’un clade dérivé contenant Ennatosaurus tecton, Cotylorhynchus romeri et Angelosaurus dolani.
Ci-dessous le premier cladogramme des Caseidae publié par Maddin et al. en 2008[10].
Caseasauria |
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Une autre analyse phylogénétique réalisée ultérieurement par Benson montre une position similaire pour Euromycter (encore désigné comme Casea rutena).
Ci-dessous, le cladogramme des Caseasauria publié par Benson en 2012[11].
Caseasauria |
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En 2015, Romano et Nicosia ont publié la première étude cladistique incluant presque tous les Caseidae (à l’exception d’Alierasaurus ronchii de Sardaigne, trop fragmentaire). Dans leur analyse la plus parcimonieuse, Euromycter occupe une position phylogénétique similaire à celle trouvée par les auteurs précédents.
Ci-dessous, le cladogramme des Caseidae utilisant le principe de parcimonie publié par Romano et Nicosia en 2015[12].
Caseasauria |
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Liens externes
- Ressources relatives au vivant :
Notes et références
- (en) R.R. Reisz et H.C. Maddin, « A new large caseid (Synapsida, Caseasauria) from the Permian of Rodez (France), including a reappraisal of "Casea" rutena Sigogneau-Russell & Russell, 1974 », Geodiversitas, vol. 33, no 2, , p. 227–246 (lire en ligne)
- (en) F. Spindler, J. Falconnet et J. Fröbisch, « Callibrachion and Datheosaurus, two historical and previously mistaken basal caseasaurian synapsids from Europe », Acta Palaeontologica Polonica 61, (DOI 10.4202/app.00221.2015)
- D. Sigogneau-Russell et D.E. Russell, « Étude du premier caséidé (Reptilia, Pelycosauria) d'Europe occidentale », Bulletin du Muséum national d'Histoire naturelle Série 3, vol. 38, no 230, , p. 145-215 (lire en ligne)
- (en) E.C. Olson, « The family Caseidae », Fieldianna (Geology), vol. 17, , p. 225–349
- (en) Kemp, T.S., The Origin & Evolution of Mammals, Oxford University Press, (ISBN 978-0198507611), « Evolution of the mammal-like reptiles », p. 22
- (en) M. Lopez, G. Gand, J. Garric, F. Körner et J. Schneider, « The playa environments of the Lodève Permian Basin (Languedoc-France) », Journal of Iberian Geology, vol. 34, no 1, , p. 29–56 (lire en ligne)
- (en) M.E. Evans, V. Pavlov, R. Veselovsky et A. Fetisova, « Late Permian paleomagnetic results from the Lodève, Le Luc, and Bas-Argens Basins (southern France): magnetostratigraphy and geomagnetic field morphology », Physics of the Earth and Planetary Interiors, vol. 237, , p. 18–24 (DOI 10.1016/j.pepi.2014.09.002)
- (en) L.A. Michel, N.J. Tabor, I.P. Montañez, M. Schmitz et V.I. Davydov, « Chronostratigraphy and paleoclimatology of the Lodève Basin, France: evidence for a pan-tropical aridification event across the Carboniferous-Permian boundary », Palaeogeography, Palaeoclimatology, Palaeoecology, vol. 430, , p. 118-131 (DOI 10.1016/j.palaeo.2015.03.020)
- (en) R. Werneburg, F. Spindler, J. Falconnet, J.-S. Steyer, M. Vianey-Liaud et J.W. Schneider, « A new caseid synapsid from the Permian (Guadalupian) of the Lodève basin (Occitanie, France) », Palaeovertebrata, vol. 45 (2)-e2, , p. 1-36 (DOI 10.18563/pv.45.2.e2)
- (en) H.C. Maddin, C.A. Sidor et R.R. Reisz, « Cranial anatomy of Ennatosaurus tecton (Synapsida: Caseidae) from the Middle Permian of Russia and the evolutionary relationships of Caseidae », Journal of Vertebrate Paleontology, vol. 28(1), , p. 160-180
- (en) R.B.J. Benson, « Interrelationships of basal synapsids: cranial and postcranial morphological partitions suggest different topologies », Journal of Systematic Palaeontology, vol. 10, no 4, , p. 601-624 (DOI 10.1080/14772019.2011.631042)
- (en) M. Romano et U. Nicosia, « Cladistic analysis of Caseidae (Caseasauria, Synapsida): using the gap-weighting method to include taxa based on incomplete specimens », Palaeontology, vol. 58, no 6, , p. 1109–1130 (DOI 10.1111/pala.12197)
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