Flot (mathématiques)

Le flot, coulée ou encore courant est, en mathématiques, un concept fondamental utilisé en géométrie différentielle.

Cet article concerne le terme mathématique. Pour les autres significations, voir Flot (homonymie).

La notion de flot permet notamment de modéliser le déplacement dans le temps des éléments d'un fluide. Pour ce faire, on crée une application α qui, à chaque point x de l'espace concerné par l'écoulement, associe un autre point α(x,t), correspondant à la position qu'aurait une particule du fluide à l'instant t, si elle avait été située en x à l'instant 0.

Flot associé à l'équation différentielle d'un pendule. Les abscisses représentent la position et les ordonnées la vitesse.
Une courbe intégrale d'un champ de vecteurs.

Le flot est associé à la notion de champ de vecteurs, c'est-à-dire à une application f, qui, à un point x d'un ouvert Ω d'un espace de Banach E, associe un vecteur de E. Un tel champ définit une équation différentielle du type α'(t) = f(α(t)), (c'est à dire, dans l'exemple du fluide, que la fonction f associe au point x à l'instant t, ses direction et vitesse de déplacement). Si la fonction f est localement lipschitzienne, pour chaque point x de Ω, il existe une solution maximale αx du problème de Cauchy constitué de cette équation différentielle et de la condition dite de Cauchy αx(0) = x. Vue comme une fonction de deux variables, t et x, l'application α est appelée le flot du champ f de vecteurs. Cette définition se généralise dans le cas d'un champ de vecteurs temporel (c'est-à-dire dépendant d'une variable t qui prend ses valeurs dans R) et dépendant d'un paramètre λ. Le flot et le champ de vecteurs deviennent des fonctions de trois variables : t, x et λ.

Si le champ de vecteurs f est régulier, le flot est le support de plusieurs théorèmes, piliers de la théorie des équations différentielles. Si la fonction f est de classe Cp, le flot l'est aussi. Ce résultat est parfois considéré comme une forme avancée du théorème de Cauchy-Lipschitz. Si la fonction f ne dépend pas du temps, le théorème du redressement du flot indique que, localement, le champ de vecteurs est équivalent à un champ constant et cette équivalence transforme le flot en une fonction qui à (x, t) associe x + tv, où v est l'unique image du champ constant.

Le flot est utilisé dans diverses branches des mathématiques. En analyse qualitative des équations différentielles, il est le cadre d'expression de théorèmes, comme celui de Poincaré-Bendixson. On trouve la notion de flot de manière générale dans l'étude d'un système dynamique continu. En topologie algébrique, il est utilisé pour démontrer le théorème de la boule chevelue ou encore celui du point fixe de Brouwer ; des applications plus avancées définissent des flots caractéristiques de la géométrie des objets étudiés, tels que le flot de Ricci, outil de base utilisé par Grigori Perelman pour démontrer la conjecture de Poincaré. L'usage du flot dépasse le cadre strict des mathématiques ; ainsi, le flot de Ricci est à l'origine d'un des modes d'expression des équations de la relativité générale en physique.

Définitions

Introduction

Dans la suite de l'article, E désigne un espace de Banach. Le symbole (1) désigne l'équation différentielle x' = f(x), où f est fonction définie sur un ouvert Ω de E et à valeurs dans E et (2) l'équation x' = f(t, x). Dans le cas de l'équation (2), Ω désigne un ouvert de R×E et f est toujours une fonction définie sur Ω et à valeurs dans E. La condition de Cauchy appelée C dans l'article, est celle que vérifie une solution s de l'équation. Dans le cas de (1), elle signifie que s(0) = x0, dans le cas (2) les notations choisies sont : s(t0) = x0[Note 1]. Il existe un troisième cas, plus général et qui permet en particulier l'étude des singularités de certaines équations différentielles. L'équation (3) est : x' = f(t, λ, x). Dans ce cas, Ω est un ouvert de R×F×E, où F est encore un espace de Banach. Dans les trois cas, la fonction f est supposée au moins continue, et localement lipschitzienne par rapport à x.

Le flot permet de formaliser un vocabulaire adapté pour l'étude de deux questions concernant les équations différentielles : la sensibilité à la condition initiale et le comportement asymptotique. Ces questions sont au cœur d'une branche mathématique appelée système dynamique.

Si la condition initiale, dite condition de Cauchy, est un peu modifiée, il se peut que la solution de l'équation soit de plus en plus éloignée de la courbe intégrale originelle, si la variable t augmente. Tel est le cas, par exemple, pour les systèmes chaotiques. L'étude de la régularité du flot apporte des premiers éléments de réponse.

Dans certaines conditions et pour une condition initiale donnée, la solution se prolonge à l'infini et « se stabilise » plus ou moins. Elle peut converger vers une valeur, s'approcher de plus en plus d'un comportement périodique, diverger ou encore adopter un comportement différent et appelé chaotique. L'étude de ces différents comportements est l'objet de la seconde question.

Sensibilité à la condition initiale

Pour l'étude de la sensibilité initiale, on étudie les flot locaux ou globaux, qui permettent d'énoncer une version plus forte du théorème de Cauchy-Lipschitz.

L'étude de la sensibilité à la condition initiale impose un vocabulaire et une représentation géométrique un peu différents de ceux utilisés dans les approches plus élémentaires. Pour en comprendre l'origine de cette différence, le plus simple est de considérer le cas d'une équation différentielle autonome, c'est-à-dire de type (1), d'imaginer que Ω est un plan d'eau et que R représente le temps. le plan d'eau est agité par un courant, représenté par la fonction f, appelée champ de vecteurs. En dimension 2, on représente ce champ de vecteurs en associant à certains points x de Ω une représentation graphique du vecteur f(x), à l'image de la figure de droite. Une courbe intégrale satisfaisant à la condition de Cauchy C peut s'imaginer comme la trajectoire d'un bouchon placé dans l'eau à l'instant initial 0 et à la position x0. Pour connaître d'un seul coup toutes les solutions de l'équation différentielle, il suffit de connaître le mouvement de la surface de l'eau, appelé flot, coulée ou encore courant[1]. Dans le cas général de l'équation (2), c'est-à-dire celui où l'équation n'est pas nécessairement autonome, on dispose de la définition suivante :

Soit U un voisinage de x0 tel que {t0U soit inclus dans Ω et J un intervalle ouvert contenant t0. Un flot local est la donnée d'une application βt0 de J×U dans E tel que pour tout x de U, l'application de J dans E, qui à t associe βt0(t, x) soit une courbe intégrale de condition de Cauchy (t0, x) (c'est-à-dire que βt0(t0, x) = x)[2].

Le théorème de Cauchy-Lipschitz garantit l'existence de courbes intégrales maximales. C'est-à-dire que, pour une condition de Cauchy donnée, il existe un intervalle maximal, une unique solution de l'équation définie sur cet intervalle et vérifiant la condition de Cauchy. Ce résultat permet d'enrichir les définitions associées au flot.

Soit x un point de E et Jx l'intervalle égal au domaine de définition de la solution maximale satisfaisant la condition de Cauchy (t0, x), qui peut être vide si, par exemple, (t0, x) n'est pas élément de Ω. On note D(f) et on appelle domaine de définition du flot global l'ensemble des couples (t, x) de R×E tel que t soit un élément de Jx[réf. nécessaire].
Le flot global de f est l'application αt0[réf. à confirmer] de D(f) dans E, telle que l'application qui à t associe αt0(t, x) soit la solution maximale de (2) associée à la condition de Cauchy (t0, x)[3].

Dans toute la suite de l'article α désigne le flot global du champ vectoriel f. Si α ne comporte pas d'indice, cela signifie que la fonction qui à t associe α(t, x) est la courbe intégrale maximale s vérifiant la condition de Cauchy : s(0) = x. Sinon, αt0 désigne le flot global vérifiant αt0(t0, x) = x.

Comportement asymptotique

La deuxième question concerne le comportement asymptotique[4] du flot, autrement dit ce qui se passe une fois le système stabilisé, si jamais il se stabilise. Pour la traiter, un vocabulaire spécifique existe ; il suppose en général que l'équation différentielle considérée est autonome[Note 2], c'est-à-dire de type (1) (voir supra).

L'orbite[5] ou la trajectoire d'un point x de Ω est l'image d'une courbe intégrale maximale passant par x.

Le théorème de Cauchy-Lipschitz montre que les orbites forment une partition de Ω.

Un ensemble invariant par le flot[5] est une réunion d'orbites.

Pour reprendre la métaphore de l'introduction, un ensemble A est invariant par le flot si un bouchon qui est dans A y a toujours été et y restera toujours. « Pour les systèmes dynamiques, les parties invariantes jouent le même rôle que les connexes en topologie élémentaire[6] » : on peut limiter l'étude du comportement asymptotique à une telle zone.

Un point de x de Ω est dit point d'équilibre, point fixe ou point stationnaire[5] si son orbite est réduite au singleton {x} ou encore si x est un zéro de la fonction f. S'il existe un voisinage de x tel que toute courbe intégrale maximale qui rencontre ce voisinage converge vers x, le point est dit attractif.

Un point d'équilibre xe est un point sans courant, ou encore un point tel que, si l'on y place le bouchon, il reste indéfiniment immobile. Deux comportements différents peuvent se produire, le point peut être attractif ou non. Il peut exister une zone pas trop petite (d'intérieur non vide) tel que tout point dans cette zone finit par s'immobiliser en xe. Ce point semble « attirer » les trajectoires vers lui, pour cette raison, on parle de point attractif. Sinon, tout point se rapprochant de xe finit par s'éloigner, ce point d'équilibre est alors instable et il faut positionner le bouchon exactement sur le point pour qu'il y reste immobile. Dans le cas général, d'autres comportements que la convergence sont possibles :

Soit s une courbe intégrale définie sur R.
  • Lorsque s admet une limite en +∞ et en –∞, l'orbite est dite hétérocline si les deux limites sont distinctes et homocline sinon.
  • Si s est périodique, l'orbite est dite périodique.
  • L'ensemble ω-limite[6] de l'orbite est l'ensemble des valeurs d'adhérence de la fonction s en +∞. On le note ω(x), où x est un point quelconque de l'orbite. On définit de même l'ensemble α-limite α(x) comme l'ensemble des valeurs d'adhérence de s en –∞.

Ces deux ensembles sont invariants par le flot. Si l'orbite est périodique, ses deux ensembles limites lui sont égaux.

Une notion connexe est celle d'attracteur. L'attracteur futur est le plus petit ensemble contenant tous les ensembles ω(x) si x décrit Ω, à l'exception, peut-être d'un ensemble de mesure nulle. L'attracteur passé correspond à la même définition, mais cette fois-ci avec les ensembles α-limites[4].

Sensibilité à la condition initiale

Résumé

Dans sa version élémentaire, le théorème de Cauchy-Lipschitz montre l'existence et l'unicité d'une courbe intégrale maximale. On peut alors définir le flot global α comme la fonction qui, à un triplet (t1, t0, x0) avec (t0, x0) élément de Ω, associe (lorsqu'elle est définie) la valeur en t1 de la solution maximale du problème de Cauchy x' = f(t, x), x(t0) = x0. On sait déjà que par rapport à t1, α est de classe Cp+1 si f est de classe Cp, mais on va préciser son comportement par rapport au triplet (t1, t0, x0) :

  • Le flot global est défini sur un ouvert et localement lipschitzien[7].
  • Si la fonction f est de classe Cp, il en est de même du flot global[8].

Pour certaines études, comme celles analysant des singularités de courbes intégrales, il est utile d'ajouter un paramètre à l'équation, qui prend la forme : x' = f(t, x, λ). Le flot global dépend alors du paramètre λ, choisi dans un Banach F. La question est celle de la régularité du flot global en fonction du paramètre. Le théorème décrivant cette situation est parfois dénommé « théorème de Cauchy-Lipschitz : cas non autonome avec paramètre[9] ». Si la fonction f est de classe Cp, le flot, considéré comme une application sur un ouvert de R×R×E×F, est aussi de classe Cp.

Continuité du flot

Dans un premier temps, on étudie le cas de l'équation (2), c'est-à-dire celui d'une équation non nécessairement autonome[10], mais sans paramètre. L'objectif est d'établir la continuité locale d'un flot, c'est-à-dire d'analyser ce qui se passe si la condition de Cauchy est peu modifiée.

On commence par préciser le comportement de α(t, t0, x0) par rapport à (t0, x0) dans le cas où t est proche de t0.

En affinant la technique de point fixe utilisée pour démontrer le théorème de Cauchy-Lipschitz classique, on parvient au résultat suivant :

Lemme  Soit (t0, x0) un élément de Ω. Au voisinage de (t0, t0, x0), le flot global associé à l'équation (2) est défini et lipschitzien[11].

Un flot discontinu ne peut pas se produire si le champ de vecteurs le définissant est continu et défini sur un ouvert.

Pour rendre global le résultat précédent de continuité « au voisinage de la diagonale », il reste encore un peu de travail. Il s'agit surtout de montrer que la configuration de droite ne peut pas se produire. En reprenant la métaphore de l'introduction, on suppose que l'étang contient un rocher. Sur la zone rouge, le flot contourne le rocher, sur la zone bleue il passe tout droit. Le flot possède alors des points de discontinuité. Pour s'en rendre compte, on considère l'évolution d'un voisinage d'un point symbolisé par une zone grise circulaire à un instant 0, sur la figure de droite. Ce point est situé à la frontière des deux zones. À l'instant t0, ce voisinage est découpé en deux parties éloignées l'une de l'autre. Cette configuration peut se produire, par exemple si Ω n'est pas un ouvert. En revanche, dans les hypothèses étudiées, cette configuration est impossible :

Théorème  Le flot global associé à l'équation (2) est défini sur un ouvert et localement lipschitzien[12].

Une remarque est utile pour le démontrer. Elle est formulée ici uniquement pour les équations autonomes[13]. Le point β(s, x) désigne la position, à l'instant s, du point qui était en x à l'instant 0. Le point β(t, β(s, x)) désigne la position à l'instant t, du point qui était en β(s, x), à l'instant 0. Il désigne aussi la position à l'instant s + t du point qui était en position x à l'instant s. Ce qui signifie, si les différentes valeurs sont dans les bons domaines de définitions :

Ainsi, si les domaines de définitions s'y prêtent, il est possible de combiner les flots locaux, pour en construire un plus vaste. Cette technique permet de munir les flots locaux d'une structure de semi-groupe. Si le flot global est toujours défini sur R, les solutions intégrales maximales partageant une portion de domaine de définition forment un groupe, image de R par un morphisme de groupes.

Équation différentielle avec paramètre

On souhaite maintenant étudier le cas d'un flot local associé à l'équation :

.

On suppose que λ est élément d'un espace de Banach F, Ω est un ouvert de R×E×F et f est une fonction continue de Ω dans E, localement lipschitzienne par rapport à (λ, x).

Cette situation, en apparence plus générale que celle de l'équation (2), en est en fait un cas particulier, en remplaçant simplement, dans cette dernière :

  • l'espace de Banach E (dans lequel chaque courbe intégrale prend ses valeurs) par E×F ;
  • le champ de vecteurs (d'un ouvert de R×E dans E) par la fonction :
     ;
  • l'équation x' = f(t, x) par (x', λ') = g(t, x, λ) ;
  • la « condition initiale » (t0, x0) par (t0, x0, λ0).

Le flot α dépend maintenant de trois variables : t, t0, x0 et la « variable » supplémentaire λ, mais compte tenu de la définition de g, la valeur de λ le long d'une courbe intégrale reste constamment égale à sa valeur initiale λ0. Cet artifice permet d'étendre directement aux équations à paramètres le résultat du paragraphe précédent : soit f une fonction continue, d'un ouvert de R×F×E dans E, localement lipschitzienne par rapport à ses variables dans F×E. Le flot global associé à l'équation (3) est défini sur un ouvert de R×R×F×E et localement lipschitzien[14].

Mais ce corollaire n'est d'aucune utilité pour la suite, contrairement au théorème suivant, qui généralise le lemme du paragraphe précédent et se démontre (directement) de la même manière :

Théorème  Soient un espace topologique, un ouvert de et une application continue et localement lipschitzienne par rapport à sa dernière variable .

Alors, pour tout , le flot correspondant est défini et continu au voisinage de .

Le jeu d'écriture lui-même sera utile en revanche, pour étendre aux équations de type (3) un lemme (ci-dessous) sur la régularité C1.

Régularité du flot au voisinage de la diagonale

Les démonstrations associées à la régularité du flot ont pendant longtemps été un peu complexes. De manière indépendante, Pugh[réf. souhaitée] et Robbin[15],[16],[Note 3] ont trouvé une démonstration élémentaire utilisant le théorème des fonctions implicites. Cette fois, l'équation considérée est celle notée (1), c'est-à-dire qu'on ne traite que d'une équation différentielle autonome. On en déduit une partie du résultat analogue pour les équations non autonomes.

Soient x0 un point de Ω et b un réel strictement positif tel que la courbe intégrale β0 qui vaut x0 en 0 soit définie au moins sur [–b, b]. Choisissons un ouvert Ω' contenant x0 et un ouvert Ω" contenant Im(β0) – x0, tels que Ω' + Ω" soit inclus dans Ω. Notons enfin G l'espace de Banach des fonctions de classe C1 de [–b, b] dans E et nulles en 0, muni de la norme de la convergence uniforme de la dérivée, V l'ouvert de celles à valeurs dans Ω"[Note 4], et H l'espace de Banach des fonctions continues de [–b, b] dans E, muni de la norme de la convergence uniforme.

On considère l'application T de Ω'×V dans H définie par :

.

Dire qu'un couple (x, σ) est un zéro de la fonction T revient à dire que x + σ est une solution sur [–b, b] de l'équation (1) avec la condition de Cauchy x + σ(0) = x. En particulier, (x0, β0x0) est un zéro de T.

On démontre que si f est de classe C1 alors T aussi et pour b suffisamment petit, T satisfait les hypothèses du théorème des fonctions implicites au point (x0, β0x0). Cela signifie que la fonction implicite donnée par l'équation T(x, σ) = 0 est de classe C1 au voisinage de x0. Or cette fonction est celle qui associe à x la fonction β(, x) – x définie sur [–b, b], ce qui permet de démontrer un premier résultat[17] :

Lemme   Si f est de classe C1, le flot global l'est aussi au voisinage de (0, x0), pour tout point x0 de Ω.

Ce lemme s'étend aux équations différentielles de type (3), par le jeu d'écriture ci-dessus pour le paramètre et un autre, analogue, pour la variable temporelle.

Or dès que f est de classe C1, la deuxième différentielle partielle de β vérifie une équation différentielle de type (3) :

[18].

Ceci permet de montrer par récurrence que pour toute équation de type (3), si f est de classe Cp alors le flot α(t, t0, λ, x0) l'est aussi, par rapport à (t, λ, x0). Nous admettrons la régularité par rapport à t0[19], qui utilise entre autres, pour l'initialisation de la récurrence, le théorème de continuité ci-dessus. Moyennant quoi, on peut énoncer :

Théorème  Soit f une fonction de classe Cp définie sur un ouvert Ω de R×F×E et (t0, λ0, x0) un élément de Ω. Au voisinage de (t0, t0, λ0, x0), le flot global associé à l'équation (3) est de classe Cp[8].

Régularité globale du flot

Le théorème de Cauchy-Lipschitz, sous sa forme élémentaire, garantit à la fois l'existence et l'unicité du flot global α, et sa régularité par rapport à la première variable. Le paragraphe précédent apporte aussi des informations. Il établit que si t est proche de 0 et si t et x varient peu, le flot est de classe Cp, si f l'est. En revanche, la régularité globale du flot α suppose aussi que l'expression α(t, x) soit de classe Cp en x, même si t n'est pas proche de 0. On a supposé ici que (t, x) est un point du domaine de définition de α.

La même technique que dans le paragraphe « Continuité du flot » (voir supra) permet de rendre global le résultat précédent de régularité du flot « au voisinage de la diagonale » pour une équation de type (2) — donc aussi, par le « jeu d'écriture » (voir supra), pour une équation de type (3) :

  • Théorème : Pour une équation différentielle non autonome à paramètre, si le champ de vecteurs f est de classe Cp, le flot global l'est aussi[20].

Comportement asymptotique

Comportement à la limite du domaine

L'équation différentielle x' = –x2 n'admet pas de solution sur R tout entier si l'image de 0 n'est pas nulle.

Pour une valeur de x prise dans E, la courbe intégrale maximale ts(t) = αt0(t, x) est définie sur un intervalle ouvert. Cet intervalle n'est pas toujours égal à R. Deux « obstacles » peuvent se présenter. Un premier cas est celui où la courbe a pour extrémité un point frontière de l'ouvert Ω. Si tel n'est pas le cas, il n'existe qu'un seul obstacle possible : la dérivée de s n'est pas bornée. Cela résulte de la proposition suivante[21] :

  • Soit b la borne supérieure du domaine de définition d'une courbe intégrale maximale s. Si b est fini et si s' est bornée au voisinage de b, alors s admet au point b une limite c et le couple (b, c) appartient à la frontière de Ω.

Un exemple[22],[Note 5] est donné par l'équation x' = –x2. La solution s'écrit :

.

Les courbes intégrales dont l'ordonnée à l'origine est différente de 0 ne se prolongent pas au-delà de –1/x.

Ensemble ω-limite

Le système dynamique de Lorenz montre un exemple où les ensembles ω-limites sont en général de structure complexe.

On suppose ici que l'équation différentielle étudiée est autonome. Une méthode pour étudier le comportement asymptotique est d'analyser l'ensemble ω-limite d'une orbite. Cet ensemble possède toujours les propriétés suivantes :

  • Soit x un élément de Ω, l'ensemble ω-limite ω(x) est un fermé invariant par le flot.

En particulier, si y est un point de la trajectoire passant par x, alors ω(x) = ω(y). Si l'orbite de x n'est pas à valeurs dans un ensemble borné, la proposition peut s'avérer moins forte qu'il n'y parait : l'ensemble ω(x) peut être vide. Tel est le cas si la courbe intégrale s ayant pour condition de Cauchy s(0) = x est définie par s(t) = tvv est un vecteur non nul de E. Si l'orbite est compacte, on a par contre :

  • Avec les notations précédentes, si la trajectoire de x est à valeurs dans un compact K, ω(x) est un connexe compact non vide[23].

La trajectoire peut néanmoins être complexe, le système dynamique de Lorenz est un exemple exhibant des ensembles ω-limites compacts dont la dimension de Hausdorff n'est pas égale à 1.

Théorème de Poincaré-Bendixson

Il existe un cas où le flot dispose d'un comportement asymptotique relativement simple, il se produit si l'équation différentielle associée est autonome, si l'espace E est le plan et si la courbe intégrale considérée est compacte. On dispose alors du théorème suivant, si α est le flot et x un point de Ω.

  • Dans le cadre des hypothèses du paragraphe, la fonction qui à t associe α(t, x) est définie sur R. Si cette fonction n'est pas convergente, l'ensemble ω-limite est l'image d'une orbite cyclique[24].

Ce théorème se généralise mal. Si E est de dimension strictement supérieure à 2, le système dynamique de Lorenz montre que le résultat du théorème n'est plus généralement vrai.

Notes et références

Ouvrages cités

  • Marcel Berger et Bernard Gostiaux, Géométrie différentielle : variétés, courbes et surfaces [détail des éditions]
    Ce livre se limite au cas où E est un espace vectoriel de dimension finie. Il traite presque de l'intégralité des informations de l'article sur la sensibilité à la condition initiale, à l'exception du caractère Cp du flot local.
  • Serge Cantat, « Théorème de Poincaré-Bendixson », Le journal de maths des élèves, ENS Lyon, vol. 1, no 3, (lire en ligne)
  • (en) Serge Lang, Real and Functional Analysis, coll. « GTM » (no 142), , 3e éd., 580 p. (lire en ligne)
  • Paul Malliavin, Géométrie différentielle intrinsèque, Hermann, 1972 (ISBN 2-7056-5696-0)
    Cette référence, encore sur la sensibilité à la condition initiale, est plus complète, mais plus ardue que la précédente. L'orientation est définitivement géométrique.
  • Daniel Leborgne, Calcul différentiel et géométrie, Paris, PUF, , 262 p. (ISBN 2-13-037495-6)
    Ce livre suppose déjà connu le théorème dans le cas des Banach et le généralise aux variétés différentielles. Il ne traite pas l'analyse du comportement asymptotique d'un flot.
  • Frédéric Paulin, « Topologie, analyse et calcul différentiel », École Normale Supérieure,
  • Tewfik Sari, « Introduction aux systèmes dynamiques et applications à un modèle cosmologique », sur Université de Haute-Alsace, , publié dans Géométries et dynamiques, Hermann, 2008 (ISBN 978-2-70566772-6), p. 259-274

Notes

  1. Les différentes définitions du vocabulaire utilisé ici sont données dans l'article « Théorème de Cauchy-Lipschitz ».
  2. C'est le choix de Sari 2006.
  3. Lang 1993, p. 371, mentionne Pugh et Robbin, mais sans référence. Sa démonstration s'écarte de celle de Robbin 1968 par le choix des espaces de Banach sur lesquels il applique le théorème des fonctions implicites, ce qui la rend plus acrobatique (voir en particulier Lang 1993, p. 374-376).
  4. V est même un ouvert pour la topologie de la convergence simple, comme intersection des φt−1(Ω"), où φt : GE est l'application d'évaluation en t.
  5. On pourrait exhiber des exemples plus représentatifs car dans celui-ci, non seulement la dérivée s', mais la fonction s elle-même n'est pas bornée au voisinage du point limite. Cela est dû au fait que — dans les conditions d'application du théorème de Cauchy-Lipschitz — toute solution d'une équation autonome à valeurs scalaires est monotone.

Références

  1. Leborgne 1982, p. 228.
  2. Berger Gostiaux, p. 40.
  3. Berger Gostiaux, p. 46.
  4. Sari 2006, p. 5.
  5. Sari 2006, p. 4.
  6. Cantat 1995.
  7. Berger Gostiaux, p. 50, le démontrent dans le cas particulier où (localement) f est lipschitzienne par rapport à (t, x), et pas seulement par rapport à x pour t fixé.
  8. Lang 1993, p. 373, pour une équation autonome.
  9. Leborgne 1982, p. 219.
  10. Le cas autonome est traité dans Berger Gostiaux, p. 42. De même que dans le théorème de Cauchy-Lipschitz classique, un jeu d'écriture permet (Berger Gostiaux, p. 49) d'en déduire le cas non autonome, mais seulement pour t0 fixé et sous réserve que (localement) f soit lipschitzienne par rapport à (t, x), et pas seulement par rapport à x pour t fixé.
  11. Ce « lemme de continuité locale » est démontré dans le paragraphe « Dépendance des conditions initiales » du chapitre sur les équations différentielles sur Wikiversité.
  12. Ce « théorème de continuité du flot » est démontré dans le paragraphe « Dépendance des conditions initiales » du chapitre sur les équations différentielles sur Wikiversité.
  13. Pour la formulation générale, voir Paulin 2008, p. 257.
  14. Berger Gostiaux, p. 50, pour t0 fixé.
  15. (en) Joel W. Robbin, « On the existence theorem for differential equations », Proc. Amer. Math. Soc., vol. 19, , p. 1005-1006 (lire en ligne).
  16. Pour une variante proche de celle de Robbin mais utilisant le théorème d'inversion locale, voir Jacques Lafontaine, Introduction aux variétés différentielles [détail des éditions], 2010, p. 44-45.
  17. Pour une démonstration détaillée (sous des hypothèses plus faibles : équation non autonome, avec f, fonction de (t, x), seulement continue et de différentielle partielle par rapport à x continue), voir le point 1 de la preuve du « théorème de régularité locale », dans le chapitre sur les équations différentielles sur Wikiversité.
  18. Point 2 de la preuve du « théorème de régularité locale », dans le chapitre sur les équations différentielles sur Wikiversité.
  19. Points 2 et 3 de la preuve du « théorème de régularité locale », dans le chapitre sur les équations différentielles sur Wikiversité.
  20. Berger Gostiaux, p. 47, pour t0 fixé.
  21. Reformulation de la proposition 7.25 de Paulin 2008, p. 262, qui correspond au 10.5.5 de (en) J. Dieudonné, Foundations of Modern Analysis, (lire en ligne), p. 284-285. Voir aussi cet exercice corrigé de la leçon « Calcul différentiel » sur Wikiversité.
  22. Berger Gostiaux, p. 52.
  23. Une démonstration, détaillant celle de Cantat 1995, est proposée dans la section « Flot » de l'article « Théorème de Poincaré-Bendixson ».
  24. (en) Oliver Knill, « The Poincaré-Bendixon theorem », sur Université Harvard, .

Bibliographie complémentaire

François Laudenbach, Calcul différentiel et intégral, Éditions de l'École polytechnique, (lire en ligne)

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