Paradoxe français

Le paradoxe français (French paradox, en anglais) désigne l'étude épidémiologique française d'une apparente contradiction (contestée, controversée, et complexe à prouver) entre la richesse en matières grasses et en vin rouge de la cuisine gasconne du Sud-Ouest de la France (étendue au régime méditerranéen) et la relative bonne santé publique paradoxale des Français du Sud-Ouest en matière de maladie cardiovasculaire[1].

Ne doit pas être confondu avec Un paradoxe français.

Pour les articles homonymes, voir Paradoxe et Français (homonymie).

Paradoxe français
Présentation
Type

Historique

L'expression « paradoxe français » est créée en 1981 par les épidémiologistes français de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) Jacques-Lucien Richard[2], François Cambien[3],[4] et Pierre Ducimetière, après avoir étudié et comparé les niveaux de maladie cardiovasculaire et de consommation de matières grasses en France[5]. Elle est reprise et soutenue entre autres par Serge Renaud (médecin-nutritionniste) et ses ouvrages Le Régime santé de 1998 et Le Régime crétois de 2004, et par ses partenaires scientifiques Michel de Lorgeril (cardiologue) et Patricia Salen (diététicienne nutritionniste) avec, en particulier, leur ouvrage Prévenir l'infarctus et l'accident vasculaire cérébral de 2011, et leur « étude du régime alimentaire méditerranéen cardiologique des Hospices civils de Lyon » de 1994, auprès de deux groupes de 600 patients ayant subi un infarctus du myocarde.

Théorie contestée des bienfaits du vin rouge

Verre de vin rouge français.

Le régime méditerranéen préconise une consommation modérée de vin rouge (à base de raisin) dont le rôle antioxydant du polyphénol (et delphinidine) serait bénéfique pour les maladies cardiovasculaires[6],[7],[8].

Malgré tout, plusieurs études et hypothèses non exclusives les unes des autres se sont concurrencées jusqu'en . Depuis cette date, la communauté scientifique s'accorde à dire, dans la lignée des recherches publiées par The Lancet, que l'alcool, y compris du vin, ne peut en aucun cas être bénéfique pour la santé, même à dose très faible[9]. Cette étude porte sur les habitants de 195 pays et s'étend sur une période de 25 ans. Elle s'intitule Alcohol use and burden for 195 countries and territories, 1990–2016: a systematic analysis for the Global Burden of Disease Study[10].

Le vin rouge contient des antioxydants[citation nécessaire]. Une théorie contestée, notamment, par les travaux publiés le 23 août 2018 dans The Lancet estime qu'une consommation dite « modérée » (un à trois verres par jour) préviendrait le développement des maladies cardiovasculairesInterprétation abusive ?. Cette théorie affirme que le resvératrol, un des nombreux polyphénols contenus dans certains vins, serait un puissant antioxydant protecteur. Cette hypothèse s'appuie essentiellement sur des observations in vitro (voir par exemple, des travaux de l'INRA publiés en janvier 2010[11]). Plus généralement, l'action potentiellement bénéfique des polyphénols contenus dans le vin rouge (peau et pépins du grain de raisin) est régulièrement mise en avant. Pourtant, il s'agit plutôt de l'action de leurs métabolites et leurs polymères (tel le trans-resvératrol, polymère actif du resvératrol) liés aux interactions avec les enzymes digestives, la majorité des polyphénols des vins ne passant pas la barrière intestinale[12]. Cette théorie a longtemps fait débat, et ce d'autant que d'énormes intérêts économiques viticoles sont en jeu et que des études in vivo complémentaires sont nécessaires pour mettre surtout en évidence la synergie des différents polyphénols, l'action d'un seul étant insuffisante selon des études sur des modèles animaux[13]. Notamment, la plupart des études qui concluent à un effet protecteur de la consommation d'alcool souffrent d'une erreur méthodologique sérieuse, puisque sont rangés dans la catégorie des abstinents les anciens alcooliques devenus abstinents (cela dit, un alcoolique, par définition, ne fait pas une consommation de vin « à dose raisonnable », ce qui explique que les anciens alcooliques soient classés parmi les abstinents)[14]. Quelques études limitent la catégorie des abstinents aux abstinents de toujours, relativement rares dans la population concernée, et ne retrouvent pas cet effet protecteur. Le petit nombre d'études reposant sur une méthodologie correcte ne permet pas de confirmer la théorie des bienfaits de l'alcool en général et du vin rouge en particulier. Les effets de l'alcool sur la santé peuvent être responsables de nombreuses pathologies.

Autres produits

Huile d'olive

Avec un effet bénéfique sur la santé grâce à ses molécules o-diphénols, oleuropéine, tyrosol, hydroxytyrosol, tyrosols et hydroxytyrosols aglycones, tocophérols, dont les propriétés contre les maladies cardiovasculaires ont été scientifiquement démontrées en particulier dans l'huile vierge de première pression à froid. Ces composés phénoliques sont aussi présents dans les olives de table.

Oméga-3

Ils ont des importants effets antioxydants : poisson gras, huile de colza froide, noix[15]... Le pourpier, plante sauvage prolifique dans les pays du bassin méditerranéen, est riche en oméga-3.

Volailles

Bien que l’excès de consommation de gras animal soit entre autres fortement contre-indiqué en matière de diététique anti-cholestérol et anti-surpoids, les « viandes non mammifères » (volaille, canard, oie, poule...) seraient plus riches en bon cholestérol (HDL) qu'en mauvais (LDL)[16],[17].

Poissons

Les poissons et poissons gras, comme la truite, avec les acides gras qu'ils contiennent sont considérés très favorables et indispensables à la santé, avec un taux de consommation supérieur dans le sud de la France. Le poisson est pauvre en LDL et autres hydrates saturés (point commun avec l'alimentation japonaise, riche en poisson, à bonne longévité).

Fruits et légumes frais

Leur consommation est supérieure dans le sud de la France, avec un apport d'antioxydants bénéfiques à la préservation de la santé.

Controverse

Illusion statistique

En 1999, Malcolm Law et Nicholas Wald ont publié une étude dans le British Medical Journal[18] – dont les données sont issues d'une étude de 1994[19] sur l'alcool et l'alimentation – pour expliquer que le paradoxe français ne pourrait être qu'une illusion, causée par deux distorsions statistiques.

Premièrement, ils attribuent environ 20 % de la différence des taux de maladies cardiovasculaires entre la France et le Royaume-Uni par un taux de déclaration de celles-ci inférieur en France par rapport au Royaume-Uni.

Ensuite, ils présentent une hypothèse de délai d'apparition : s'il existe un délai entre une augmentation des taux de cholestérol et une augmentation de maladie coronarienne, alors le taux de mortalité actuel dû aux maladies cardiovasculaires est plus probablement lié aux taux de cholestérol et à la consommation de matières grasses animales antérieurs (délai estimé à 30 ans). L'augmentation des taux de cholestérol et de la consommation de matières grasses animales est plus récente en France qu'au Royaume-Uni (la consommation française a augmenté jusqu'au niveau anglais entre les années 1970 et 1980). Les auteurs citent le Japon, dont l'augmentation de la consommation de matières grasses animales et des taux de cholestérol entre 1965-1970 et 1988-1990 n'a pas encore entraîné d'augmentation des maladies cardiovasculaires en 1992.

Bibliographie

Notes et références

  1. « Diversifier et varier son alimentation », sur fedecardio.org (consulté en ).
  2. « Jacques-Lucien Richard », sur data.bnf.fr (consulté en ).
  3. « François Cambien », sur genmed.fr (consulté en ).
  4. « François Cambien », sur theses.fr (consulté en ).
  5. (en) Alun Evans, « The French paradox and other ecological fallacies », International Journal of Epidemiology, vol. 40, no 6, , p. 1486–1489 (ISSN 0300-5771, DOI 10.1093/ije/dyr138, lire en ligne, consulté le ).
  6. « Le « French Paradox » dévoilé », sur www.presse.inserm.fr (consulté en ).
  7. (en) Stanley et al., « Antioxidants and the Free Radical Theory of Degenerative Disease », Alternative Medicine and Rehabilitation, (lire en ligne).
  8. (en) Frankel et al., « Inhibition of oxidation of human low-density lipoprotein by phenolic substances in red wine », Lancet, vol. 341, nos 454-457, .
  9. Nicolas Simon, Bernard Basset, Alain Rigaud et Myriam Savy, « French paradox : Histoire d'un conte à boire debout » [PDF], sur Association Addictions France, Décryptages, .
  10. 2016, GBD 2016, Alcohol Collaborators, The Lancet, 23 août 2018.
  11. M. Chalopin, A. Tesse, M.C. Martinez et al., « Estrogen Receptor Alpha as a Key Target of Red Wine Polyphenols Action on the Endothelium », PLOS One, (lire en ligne)
  12. Pascale Sarni-Manchado et Véronique Cheynier, Les Polyphénols en agroalimentaire, Tec & Doc Lavoisier, 2005, 398 p. (ISBN 2743008059).
  13. (en) N. A. Al-Awwadi, A. Bornet et al., « Red wine polyphenols alone or in association with ethanol prevent hypertension, cardiac hypertrophy, and production of reactive oxygen species in the insulin-resistant fructose-fed rat », Journal of Agricultural and Food Chemistry, vol. 52, no 18, , p. 5593-7.
  14. (en) Kaye Middleton Fillmore, William C. Kerr, Tim Stockwell, Tanya Chikritzhs, Alan Bostrom « Moderate alcohol use and reduced mortality risk: Systematic error in prospective studies » Addiction Research & Theory, 2006, vol. 14 (2), p. 101-132.
  15. « Les acides gras oméga 3 », sur anses.fr (consulté en ).
  16. « Paradoxe français - Définition et explications », sur techno-science.net (consulté en ).
  17. « Le « paradoxe français » mythe ou réalité ? », sur planetesante.ch (consulté en ).
  18. (en) Malcolm Law, Meir Stampfer, D. J. P. Barker et Johan P. Mackenbach, « Why heart disease mortality is low in France: the time lag explanationCommentary: Alcohol and other dietary factors may be importantCommentary: Intrauterine nutrition may be importantCommentary: Heterogeneity of populations should be taken into accountAuthors' response », BMJ, vol. 318, no 7196, , p. 1471–1480 (ISSN 0959-8138 et 1468-5833, PMID 10419293, DOI 10.1136/bmj.318.7196.1471, lire en ligne, consulté le )
  19. (en) M.H Criqui et B.L Ringel, « Does diet or alcohol explain the French paradox? », The Lancet, vol. 344, no 8939, (ISSN 0140-6736 et 1474-547X, DOI 10.1016/S0140-6736(94)92883-5, lire en ligne, consulté le )

Voir aussi

Liens externes

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