Cryoclastie

La cryoclastie (du grec ancien κρύος/kruos, « froid », et κλασις/klasis, « briser, rompre ») ou gélivation, ou gélifraction, est un processus géomorphologique de météorisation des roches, provoqué par les cycles de gel et de dégel de l'eau. En passant de la phase liquide à la phase solide, le volume de l'eau augmente d'environ 9 %. La glace contenue dans le réseau poreux des roches peut donc exercer des pressions disruptives importantes au sein de la masse rocheuse (de l'ordre de 15 daN/cm2).

Un rocher fragmenté par la cryoclastie, en Islande.

La cryoclastie conduit à la fragmentation de la roche en débris anguleux, souvent de forme lamellaire, mais variable selon la texture de la roche (clivages cristallographiques, plans de schistosité, foliations, microfissures). En fonction de la forme des débris, le débit des roches par la gélifraction est dit en « frites » (calcaires) ou en « rondelles » (basaltes, rhyolites).

La cryoclastie se distingue de l'haloclastie (météorisation par des cristallisations salines) et du glaciel (météorisation par des glaces).

Géographie

L'action de la cryoclastie et la rapidité du processus dépendent de la teneur en eau de la roche (la craie, très microporeuse et à forte réserve en eau, y est particulièrement sensible), de l'amplitude des contraintes liées à l'alternance gel/dégel, de l'amplitude des variations thermiques journalières, du nombre de cycles gel-dégel quotidiens ; l'intensité du froid est un paramètre secondaire.

L'efficacité du processus est maximale dans les régions périglaciaires (climats subpolaires), mais il se rencontre sous presque toutes les latitudes y compris sur les hauts sommets des montagnes tropicales (Mauna Kea à Hawaï, par exemple). Il est cependant inefficace dans les régions à climat polaire d'inlandsis où les températures sont constamment négatives.

Au pléniglaciaire dans les Alpes par exemple, la gélifraction associée au transport des matériaux fragmentés par les glaciers constituait la principale forme d'érosion[1].

La cryoclastie est maximale à l'étage subnival dans les hautes montagnes de la zone intertropicale, par exemple la cordillère des Andes, où l'amplitude thermique diurne fait passer chaque jour la température au-dessus et en dessous du point de congélation[2].

Architecture et patrimoine bâti

Restauration, en hiver, d'un mur ancien. Les pierres incluses dans le mur n'ont pas gelé (inertie thermique), mais celles qui étaient déposées au sol ont éclaté sous l'effet du froid (détail ci-dessous).
Exemple (détail) de cryofracturation d'un moellon de pierre calcaire issu de l'intérieur d'un mur d'enceinte de la citadelle de Lille, après seulement quelques jours d'exposition au gel.

Les monuments construits en pierre que l'on rencontre en ville ou dans les campagnes, subissent également, entre autres, ce phénomène de cryoclastie. Celui-ci peut conduire, sans entretien, à leur détérioration et, à terme, à leur destruction.

En particulier, quand un bâtiment se dégrade, des briques gélives ou des pierres calcaires tendres (donc gélives) peuvent être mises à nu. Ces matériaux étaient précédemment protégés du froid et des chocs thermiques par l'épaisseur et l'inertie thermique du mur. Quand ce type d'appareillage vient à être mis au jour et exposé au gel, les matériaux peuvent se dégrader très rapidement (en quelques jours parfois) s'il s'agit de calcaires poreux et gorgés d'eau.

De même, le problème peut se poser de manière aiguë quand le niveau d'une rivière ou d'un fleuve baisse anormalement en hiver (à la suite de la suppression de barrages par exemple). Les parties inférieures (jusqu'alors toujours immergées) des murs de rives, des berges maçonnées, ou même de seuils ou radiers peuvent alors émerger et éclater sous l'effet du gel s'ils sont constitués de matériaux gélifs (c'est parfois le cas dans les régions calcaires ou ce matériau était le plus disponible, plus facile à travailler et peu coûteux). Pour ces raisons, il est recommandé de pratiquer les restaurations de murs et de fondations en dehors des saisons froides.

Notes et références

Voir aussi

Bibliographie

  • (en) Bernard Hallet, « Why Do Freezing Rocks Break? », Science, vol. 314, no 5802, , p. 1092-1093 (DOI 10.1126/science.1135200)
  • (en) Norikazu Matsuoka, « Frost weathering and rockwall erosion in the southeastern Swiss Alps: Long-term (1994–2006) observations », Geomorphology, vol. 99, nos 1–4, , p. 353-368 (DOI 10.1016/j.geomorph.2007.11.013)

Articles connexes

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