Pierre Gaxotte
Pierre Gaxotte, né le à Revigny-sur-Ornain (Meuse) et mort le à Paris, est un historien et journaliste français. Il est élu à l'Académie française en 1953.
Président Société de l’histoire de France | |
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Fauteuil 36 de l'Académie française |
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(à 87 ans) 14e arrondissement de Paris |
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Biographie
Famille et formation
Pierre Gaxotte est le fils de Jules Gaxotte (1859-1926) et Marie-Augustine Fresse (1865-1912). Jules Gaxotte, notaire à Revigny-sur-Ornain, fut élu conseiller municipal en 1904 puis devint maire de Revigny-sur-Ornain en . Il le resta jusqu'à sa démission en .
Pierre Gaxotte, après de très bonnes études secondaires au lycée de Bar-le-Duc, arrive à Paris en et prépare en khâgne le concours d'entrée à l'École normale supérieure où il est reçu en 1917. Il passe l'agrégation d'histoire et géographie en 1920 où il est reçu premier. Il est introduit dans les milieux intellectuels par l'éditeur Arthème Fayard.
Engagement à l'extrême droite
En , il devient le secrétaire de nuit de Charles Maurras en remplacement d'un de ses camarades d'études[1]. Il contribue dès lors régulièrement à L'Action française. Il conçoit pour Charles Maurras une immense admiration : « Maurras était en pleine force, insensible à la fatigue, aux incommodités, aux menaces, aux dangers. On était pris d'abord par son regard, où rayonnaient l'intelligence, l'autorité, l'énergie, le courage, la bienveillance, une attention extrême et parfois la gaieté. Mais on était conquis aussi par sa jeunesse, son ardeur, son alacrité[2]. »
Le , il entre comme professeur remplaçant au lycée Charlemagne où il enseigne l'histoire. Il raconte dans ses Mémoires : « Le lycée Charlemagne était alors fréquenté par un grand nombre d'élèves israélites, fils de commerçants du quartier. Or les noms de famille juifs ne sont pas très nombreux. Quand je disais : « Lévy, parlez-moi des massifs hercyniens », la moitié de la classe se levait. Je dus apprendre les prénoms. » Il quitte ce lycée en 1919 après le rétablissement du professeur qu'il remplaçait[3]. Il est ensuite nommé professeur au lycée d'Évreux.
Par la suite, Fayard lui confie la direction du journal Candide, puis celle de Je suis partout (1930).
Le , il réagit dans le journal Je suis partout à l'accession au pouvoir d'Hitler : « Le Troisième Reich est une menace pour la France : soyons forts, prenons nos précautions, armons-nous. Mais n’injurions pas. Tous ces messieurs de la gauche prolongent sur le plan extérieur leurs haines de partisans. » Quelques années plus tard, il écrit à La Nation Belge () : « Entre le bolchevisme et le hitlérisme, il y a beaucoup moins de différences qu'entre le bolchevisme et la monarchie anglaise. La révolution allemande s'est accomplie dans un pays qui était en avance de plusieurs siècles sur la Russie des tsars. L'expérience de socialisation s'accomplit à un niveau supérieur, sur un peuple depuis longtemps dressé à une exacte discipline et qui a le fonctionnarisme dans le sang. Ce n'en est pas moins de la socialisation. Hitler est aussi antibourgeois et aussi anticapitaliste que Staline. » Et aussi : « Puisqu'il s'agit toujours de tenir l'Allemagne en respect, de la mettre en garde contre elle-même et contre le renouvellement de sa folie, le mieux serait de lui inspirer une crainte salutaire par la supériorité évidente des forces » (ibid., ). Par ses déclarations, Gaxotte s'inscrit fidèlement dans la droite ligne maurrassienne : nationalisme et germanophobie.
Parallèlement, Pierre Gaxotte poursuit jusqu'en 1939 sa carrière de journaliste dans la presse de plus en plus marquée par l'idéologie d'extrême droite, écrivant par exemple dans Candide du , à propos de Léon Blum : « D'abord, il est laid, la tête triste d'une jument palestinienne. […] Il incarne tout ce qui nous révulse le sang et nous donne la chair de poule. Il est le mal, il est la mort »[4].
S'il n'est pas hostile à la sympathie que manifestent ses collègues de Je suis partout pour les fascismes, à la mort de Fayard, il s'en éloigne progressivement et finit par être remplacé à la rédaction en chef par Robert Brasillach en 1937 ; à partir de , il cesse définitivement de signer des éditoriaux pour ce journal.
Le refus de la Collaboration
Selon les mémoires de Claude Roy, au cours de l'été 1940, Gaxotte tente, en vain, de persuader Maurras de suspendre la parution du quotidien L'Action française parce qu'il prévoit que les États-Unis entreront en guerre contre le Reich l'année suivante et qu'il ne faut pas lier le mouvement monarchique à l'Allemagne qui sera vaincue. François Bluche a écrit que « contrairement à certaines légendes, l'ancien secrétaire de Maurras ne fut ni collaborateur ni vichyste. Il aimait à dire, sous l'Occupation : Les Alliés gagneront et balaieront tout cela ». Thierry Maulnier cite une anecdote : dans les premiers temps de l'Occupation, à quelqu'un disant dans une soirée : « Je suis le Maréchal aveuglément », Gaxotte aurait répondu : « Comment le faire autrement ? »[5].
Replié à Clermont-Ferrand pendant l'Occupation, il continue à diriger un Candide aussi agressif que possible jusqu'au jour où la verve frondeuse de ses billets provoque l'indignation des censeurs de Vichy. On le somme de changer de ton ou d'abandonner. Il abandonne et ne dirige plus que Ric et Rac, journal pour lequel la guerre n'existe pas. Gaxotte doit ensuite fuir les agents de la Gestapo qui le cherchent à Clermont-Ferrand et se réfugier à Varennes-sur-Allier avec Mitty Goldin, juif, ancien directeur du music-hall ABC, et Jean Barreyre. Il est l'un des rares maurrassiens de « l'époque héroïque » à échapper à l'épuration par son absence de compromission avec Vichy[6].
L'historien
Après la Libération, il abandonne son militantisme politique et devient éditorialiste au Figaro. Dès lors, il se consacre essentiellement à la rédaction de travaux historiques. Il est élu à l'Académie française le — même jour que Fernand Gregh et Antoine de Lévis-Mirepoix — et reçoit le fauteuil de l'historien René Grousset, décédé quelques mois plus tôt. La même Académie lui décerne le grand prix Gobert en 1946 et le prix Louis-Barthou en 1952.
Gaxotte a écrit de nombreux ouvrages d'histoire qui ont marqué leur temps et qui ont connu plusieurs éditions, notamment ceux publiés avant la Seconde Guerre mondiale : La Révolution française (1928) ; Le Siècle de Louis XV (1933) et Frédéric II (1938). L'auteur y propose une vision critique de la Révolution française en même temps qu'il entreprend une réhabilitation de Louis XV, alors très décrié. Proposant une historiographie de type « contre-révolutionnaire » et monarchiste, les travaux de Gaxotte se situent dans le même courant que ceux de ses contemporains Jacques Bainville, Louis Bertrand et Frantz Funck-Brentano.
En 1979, il fait partie du comité de patronage de Nouvelle École, liée à la Nouvelle Droite.
Vie mondaine
Pierre Gaxotte était un ami de Colette, Julien Green et Robert de Saint-Jean, Christian Dior, Henri Sauguet, Max Jacob, Alain Daniélou, Jean Cocteau, Georges Dumézil (à qui il avait dédié La Révolution française), Thierry Maulnier, Jean Mistler, Mathieu Galley, etc. Passionné de musique et de ballets, il était membre de l'Académie du disque français, qu'avait fondée Colette en 1951.
En 1970, il prononce l'éloge funèbre de François Mauriac à l'Académie française, puis y reçoit en 1973 l'écrivain Julien Green. Opposé à la présence de femmes dans ladite Académie, il aurait, en 1980, déclaré (ou lancé en boutade) : « Si on élisait une femme, on finirait par élire un nègre »[7].
Décédé le , célibataire, il est inhumé dans sa ville natale de Revigny-sur-Ornain. À l'Académie, Jean Dutourd prononce un discours d'hommage dans lequel il précise que « ce regard si intelligent, infaillible pour retrouver la vérité sous des stratifications séculaires d’erreurs ou de bêtises, fait de Pierre Gaxotte un incomparable historien, et certainement l’un des plus originaux que notre littérature ait compté[8] ».
Vie privée
Pierre Gaxotte est homosexuel et a longtemps vécu avec un compagnon, Jean Fazil, ancien danseur[9],[10]. Didier Eribon lui prête une liaison avec Georges Dumézil au début des années 1920[11]. Lucien Rebatet et Pierre-Antoine Cousteau, qui ont connu Gaxotte au temps de Je suis partout et se présentent comme ses disciples, évoquent son homosexualité dans Dialogue de vaincus[12].
Prix Pierre-Gaxotte
À l'occasion du vingt-cinquième anniversaire de sa mort, le prix Pierre-Gaxotte est créé. La première édition est remise à Revigny-sur-Ornain et récompense l'historien Christian Bouyer et son Gaston d'Orléans (Pygmalion). L'année suivante, le prix émigre à Metz et devient le Prix Pierre-Gaxotte de la biographie et le Prix Pierre-Gaxotte de l'essai historique. Les lauréats 2008 sont Michel de Decker avec Napoléon III ou l'empire des sens (Belfond) et Henry Bogdan avec Histoire de la Bavière (Perrin). En 2009, les lauréats sont Didier Le Fur avec Henri II (Tallandier) et Jean-Paul Gourévitch avec Le Rêve méditerranéen, D'Ulysse à Nicolas Sarkozy (L'Œuvre). Depuis sa fondation, le prix est présidé par Roger Maudhuy. Le musicologue Philippe Beaussant, qui à l'Académie française occupe le fauteuil qui fut celui de Gaxotte, en est le président d'honneur.
Publications
- « Les Mongols », in La Revue universelle. Tome XIV, , Jacques Bainville, directeur.
- « Les Avertissements d’un diplomate : Souvenirs inédits du comte de Bourgueney », in La Revue universelle. Tome XIV, , Jacques Bainville, directeur.
- La Révolution française, Paris, Fayard, 1928 ; édition revue et augmentée : 1962.
- Le Siècle de Louis XV, Paris, Fayard, 1933 ; version définitive : 1974.
- Frédéric II, Paris, Fayard, 1938.
- La France en face de l'Allemagne, articles, formules et réflexions, 1940.
- La France de Louis XIV, Paris, Hachette, 1946.
- Histoire des Français, Paris, Flammarion, 1951, 2 volumes [réédition « révisée et refondue » en 1972 chez le même éditeur en un seul volume].
- Discours de réception de M. Pierre Gaxotte à l'Académie française et réponse de M. le Général Weygand, Paris, Fayard, 1953.
- Thèmes et variations, Paris, Fayard, 1957. Réédité sous le titre Aujourd’hui en 1965.
- Histoire de France, Paris, Hachette, 1960.
- Histoire de l'Allemagne, Paris, Flammarion, 1963, 2 volumes.
- L'Académie française, Paris, Hachette, 1965.
- Frédéric II, roi de Prusse, Paris, A. Michel, 1967.
- Le pays de l'Ill. Entre Vosges et Rhin, Lausanne, André et Pierre Gonin, 1967 ; illustrations de Bernard Gantner.
- Paris au XVIIIe siècle, Paris, Arthaud, 1968.
- Mon village et moi, Paris, Flammarion, 1968.
- Molière, fameux comédien, Paris, Hachette (coll. Les soirées du Luxembourg), 1971.
- Le nouvel ingénu, Paris, Fayard, 1972.
- Louis XIV, Paris, Flammarion, 1974.
- Les autres et moi, Paris, Flammarion, 1975 [suite du premier volume de ses mémoire, Mon village et moi].
- Merveilles des châteaux royaux, Paris, Hachette Réalités, 1976.
- Apogée et chute de la royauté, Paris, Jules Tallandier, 1976 [6 vol.].
- Le blasphème du professeur Piton, Paris, Fayard, 1977.
- Molière, Paris, Flammarion, 1977.
- Louis XV, Paris, Flammarion, 1980.
- Le Loir des côteaux, Paris, chez l'artiste, 1981, illustré par Jean-Pierre Rémon [tiré à 41 exemplaires].
- Le purgatoire, Paris, Fayard, 1982.
- La marquise et moi, Monaco, éd. Du Rocher, 1986.
Notes et références
- Pierre Gaxotte, Les Autres et moi, Flammarion, 1975, p. 38 :
« Un de mes camarades dont les destinées prenaient un autre cours, me demanda si je pouvais le remplacer comme secrétaire nocturne de M. Maurras. J'acceptai, et M. Maurras me prit au tarif de 150 francs par mois. »
- Pierre Gaxotte, Les Autres et moi, éd. Flammarion, 1975, p. 42.
- Pierre Gaxotte, Les Autres et moi, Flammarion, 1975, p. 83.
- Michel Winock, « Comment l'antisémitisme est devenu un “crime” », L'Histoire, no 453, novembre 2018, p. 30-35.
- Le Figaro, .
- Gilbert Comte, Le Monde, 23 novembre 1982.
- Michel Feltin-Palas, « L'Académie française se résout à la féminisation », L'Express, (lire en ligne).
- « Hommage prononcé à l’occasion de la mort de M. Pierre Gaxotte », sur Académie française, (consulté le ).
- Daniel Garcia, Coupole et dépendance. Enquête sur l'Académie française, éditions du moment, 2014.
- Alain Daniélou, Le chemin du Labyrinthe: Souvenirs d'Orient et d'Occident, L'Âge d'homme, 2015.
- Jean Birnbaum, « Réflexions sur la déraison gay », Le Monde, 5 février 2014.
- Dialogue n° 9, Le troisième sexe :
« Cousteau : Tiens, pour ne parler que de A. [Gaxotte], il m'a fallu attendre sa trahison pour apprendre du même coup qu'il était à la colle avec un danseur luxembourgeois. Entre nous, rappelle-toi : si libres que nous fussions dans nos propos, nous nous serions évanouis de honte plutôt que de risquer la moindre allusion aux mœurs de notre grand homme. L'anus de A. ne devait pas plus être soupçonné que la femme de César... Pourtant, j'aurais dû être éclairé. Une de mes cousines de province, oie demi-blanche de passage à Paris avait déjeuné avec A. et les danseurs chez un ami commun. Là, A. renonçait au mystère. Il étalait ce qu'il nous cachait. Ma cousine en profita pour faire de fines plaisanteries sur mes fréquentations. Naturellement, je m'étranglai d'indignation. Je refusai l'évidence. C'est toujours comme ça quand on a la foi. J'avais foi en A. et ça suffisait pour m'empêcher de le voir tel qu'il était. »
Voir aussi
Bibliographie
- Denise Bourdet, Pierre Gaxotte, dans: Brèves rencontres, Paris, Grasset, 1963.
- Emmanuel Ahounou-Thiriot, Pierre Gaxotte, un itinéraire de Candide à l'Académie française, Éditions Publibook, 2006, 132 p.
- Pierre-Marie Dioudonnat, Je suis partout, 1930-1944. les maurrassiens devant la tentation fasciste, La Table Ronde, 1973.
- Françoise Giroud, Portraits sans retouches 1945-1955. Gallimard 1952.
- Alain Daniélou, Le chemin du Labyrinthe. Éditions du Rocher, 1993.
- Sébastien Argiolas, Pierre Gaxotte : Un intellectuel de droite (1945-1962). Mémoire présenté pour le DEA : Histoire du XXe Siècle, dirigée par Michel Winock.
Articles connexes
Liens externes
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