Louis XV

Louis XV, dit « le Bien-Aimé », né le à Versailles où il est mort le , est un roi de France et de Navarre. Membre de la maison de Bourbon, il règne sur le royaume de France du à sa mort. Il est le seul roi de France à naître et mourir au château de Versailles[1] (car Louis XIV a commandé ce château, et Louis XVI est mort guillotiné). S'il est surnommé le « Bien-Aimé » en début de règne, l'appréciation du peuple évolue et à sa mort il est plutôt le « Mal-Aimé ».

Louis XV

Louis XV en costume de sacre, huile sur toile
de Louis-Michel van Loo (1762).
Titre
Roi de France et de Navarre

(58 ans, 8 mois et 9 jours)
Couronnement ,
en la cathédrale de Reims
Régent Duc d'Orléans (1715-1723)
Premier ministre Cardinal Dubois
Duc d'Orléans
Prince de Condé
Cardinal de Fleury
Duc de Choiseul
Gouvernement Ministres de Louis XV
Prédécesseur Louis XIV
Successeur Louis XVI
Dauphin de France

(3 ans, 5 mois et 24 jours)
Prédécesseur Louis, dauphin de France
Successeur Louis, dauphin de France
Biographie
Dynastie Maison de Bourbon
Nom de naissance Louis de France
Date de naissance
Lieu de naissance Château de Versailles
(France)
Date de décès (à 64 ans)
Lieu de décès Château de Versailles
(France)
Nature du décès Variole
Sépulture Nécropole de Saint-Denis
Nationalité Française
Père Louis de France,
dauphin de France
Mère Marie-Adélaïde de Savoie
Conjoints Marie-Anne-Victoire d'Espagne (fiancée)
Marie Leszczynska
Enfants Élisabeth de France
Henriette de France
Marie-Louise de France
Louis de France
Philippe de France
Adélaïde de France
Victoire de France
Sophie de France
Thérèse de France
Louise de France

Charles de Vintimille
Louis-Aimé de Bourbon

Héritier Louis de France (1729-1765)
Louis-Auguste de France (1765-1774)
Religion Catholicisme
Résidence Château de Versailles
Grand Trianon
Château de Fontainebleau
Château de Choisy


Monarques de France

Orphelin à l'âge de deux ans, duc d'Anjou puis dauphin de France du au , il succède à son arrière-grand-père Louis XIV à l'âge de cinq ans. Son pouvoir est alors délégué à son cousin, neveu du défunt roi, le duc d'Orléans, proclamé « Régent du Royaume », le , jusqu'au , date de l'entrée du jeune roi dans sa majorité fixée pour les rois à cette époque à 13 ans. Il prend officiellement la direction du gouvernement. Notons que le duc d'Orléans n'a pu être régent qu'après avoir fait casser par le parlement le testament de Louis XIV. En contrepartie, il a dû rendre au Parlement son droit de remontrance, ce qui causera bien des tracas à Louis XV par la suite.

Les premières années de son règne se déroulent dans un calme relatif, sous la direction prudente de plusieurs précepteurs, qui lui transmettent une vaste culture. À sa majorité, il confie successivement le gouvernement à des parents proches, le duc d'Orléans, ex-régent, puis le duc de Bourbon, puis à l'un de ses anciens précepteurs, le cardinal de Fleury. Si avec ce ministre, la France prospère et s’agrandit de la Lorraine et du comté de Bar, sa volonté de faire de la bulle Unigenitus une loi d’État provoque la montée de l’opposition des parlements très imprégnés de jansénisme.

À la mort de Fleury, en , Louis XV commence à gouverner seul en s’appuyant sur quelques secrétaires d’État et ministres, quelques Conseils ainsi qu’un nombre restreint de hauts fonctionnaires. Intelligent mais timide et manquant de confiance en lui, gouverner n’est pas tâche facile pour lui surtout qu’il commence cet exercice alors que le mouvement des Lumières s’affirme, tout comme la physiocratie. Les parlements affirment, à la suite de Le Paige, que leur corps a une ancienneté et, partant, une autorité égale voire supérieure à celle du roi et entrent en opposition. Ce sont eux qui provoqueront l’expulsion des jésuites de France en . Enfin, en Europe la Prusse de Frédéric II et la Russie s’affirment comme des puissances européennes, tandis que l’Autriche doit lutter pour conserver sa place. Sur les océans, l’Angleterre déploie une flotte alors sans égale et poursuit une politique vigoureuse d’expansion outre-mer basée sur sa maîtrise des océans.

Seul survivant de la famille royale stricto sensu (il est l'arrière-petit-fils de Louis XIV), il bénéficie au début de son règne d'un grand soutien populaire. Cependant, au fil des ans son manque de fermeté, l’opposition des parlementaires et d’une partie de la noblesse de cour, sa relation avec Madame de Pompadour, sa difficulté à se faire valoir à une époque où l’opinion publique (essentiellement alors parisienne) devient chose importante, amènent la disparition de sa popularité. À tel point que sa mort  de la variole  provoque des festivités dans Paris, comme il y en avait eu à la mort de Louis XIV. Ses relations avec ses maîtresses, dont il ressent une certaine culpabilité, car il n’est pas philosophiquement libertin, le poussent à ne plus communier ni à pratiquer les rituels thaumaturgiques des rois de France, ce qui conduit à une désacralisation de la fonction royale.

Sous son règne, les arts sont florissants, notamment la peinture, la sculpture, la musique et l’ameublement. Tout comme en philosophie et en politique, les styles artistiques connaissent de profondes mutations vers . La France connaît quelques succès militaires sur le continent européen qui lui permettent d’acquérir le duché de Lorraine, le duché de Bar, ainsi que la Corse. En revanche, la France perd le contrôle d'une grande partie de son empire colonial, au profit de la domination coloniale britannique : tout particulièrement la Nouvelle-France en Amérique, ainsi que sa prépondérance aux Indes.

Durant le règne de Louis XV, l'architecture française atteint un de ses sommets, tandis que tout ce qui est arts décoratifs (meubles, sculptures, céramiques, tapisserie, etc.), apprécié non seulement en France, mais aussi dans les cours européennes, connaît une forte expansion.

Premières années

Naissance et baptême

Louis XIV et ses héritiers : le dauphin, le duc de Bourgogne et le duc de Bretagne à la naissance du futur Louis XV (Nicolas de Largillierre, 1710). Aucun d'eux ne régnera.

Louis de France (futur Louis XV) naît le au château de Versailles. Arrière-petit-fils de Louis XIV, il est le troisième fils de Louis de France, duc de Bourgogne, surnommé le Petit Dauphin par opposition a son père Louis de France (1661-1711) dit le Grand Dauphin, et de Marie-Adélaïde de Savoie et, à ce titre, le quatrième prince en ligne successorale. De ses deux frères aînés, également prénommés Louis, le premier (titré duc de Bretagne) est mort en à l'âge d'un an, le second Louis de France (1707-1712)(reprenant le titre de duc de Bretagne), est né en 1707 et mort en 1712[2].

Immédiatement après sa naissance, le futur Louis XV est ondoyé, dans la chambre de la duchesse de Bourgogne, par le cardinal Toussaint de Forbin-Janson, évêque de Beauvais, grand aumônier de France, en présence de Claude Huchon, curé de l'église Notre-Dame de Versailles[3].

Éducation et formation

Le petit prince est immédiatement confié à sa gouvernante, la duchesse de Ventadour, secondée par Madame de La Lande, sous-gouvernante[4]. Il n'est alors pas destiné à régner, se plaçant au quatrième rang dans l'ordre de succession dynastique. Avant lui doivent logiquement régner son grand-père, fils de Louis XIV, le Grand Dauphin, puis son père le duc de Bourgogne, bientôt surnommé le Petit Dauphin, petit-fils de Louis XIV, et enfin son frère aîné, le duc de Bretagne. Mais entre et , la mort frappe à plusieurs reprises la famille royale et met brusquement le jeune prince de 2 ans en première place dans la succession de Louis XIV : le Grand Dauphin meurt de la variole le . Le duc de Bourgogne devient dauphin. L'année suivante, une « rougeole maligne » emporte son épouse le , puis le Petit Dauphin le suivant[5].

Héritier du trône de France

Demi-Louis dit de « Noailles » sous Louis XV le Bien-Aimé.

Les deux fils aînés de Louis de France (1682-1712), duc de Bourgogne, les ducs de Bretagne et d'Anjou, contractent également la maladie. L'aîné, duc de Bretagne, meurt le . Le jeune duc d'Anjou, âgé alors d'à peine 2 ans, devient l'héritier du trône de France avec le titre de dauphin de Viennois, abrégé en dauphin. Alors qu'il est malade, sa santé est scrutée avec attention par Louis XIV, roi vieillissant et suffisamment affecté par les pertes familiales récentes pour se laisser aller à pleurer devant ses ministres. On craint longtemps pour la santé du jeune prince, mais, petit à petit, il se remet, soigné par sa gouvernante et protégé par elle des abus de saignées qui ont vraisemblablement causé la mort de son frère[6].

Le futur Louis XV est baptisé le en l'appartement des Enfants de France au château de Versailles par Henri-Charles du Cambout, duc de Coislin, évêque de Metz, premier aumônier du roi, en présence de Claude Huchon, curé de l'église Notre-Dame de Versailles[7] : son parrain est Louis Marie de Prie, marquis de Planes, et sa marraine est Marie Isabelle Gabrielle Angélique de La Mothe-Houdancourt. Baptisé en même temps que son frère le duc de Bretagne, et les deux enfants étant en danger de mort, le roi avait ordonné qu'on prenne pour parrains et marraines ceux qui se trouvaient alors dans la chambre[8].

En , Louis est confié à un précepteur, l'abbé Perot. Celui-ci lui apprend à lire et à écrire, lui enseigne des rudiments d'histoire et de géographie et lui donne l'enseignement religieux nécessaire au futur roi très chrétien. En , le jeune dauphin reçoit également un maître à danser, puis un maître à écrire[9].

Début de sa vie publique

Louis XV en costume de sacre par Hyacinthe Rigaud.

Le futur Louis XV commence sa vie publique peu de temps avant la mort de son bisaïeul Louis XIV. Le , Louis XIV reçoit en effet en grande pompe dans la galerie des Glaces de Versailles l'ambassadeur de Perse[10]. Il associe son successeur, qui vient d'avoir cinq ans, à la cérémonie, le plaçant à sa droite. En , l'enfant participe avec le vieux roi à la cérémonie de la Cène du Jeudi saint et participe au lavement des pieds. Il est toujours accompagné de sa gouvernante, Madame de Ventadour. Dans les derniers temps de la vie de Louis XIV, le futur roi participe à plusieurs défilés militaires et cérémonies afin d'acquérir l'habitude de la vie publique[11].

Le , sentant la mort venir, Louis XIV fait entrer le jeune Louis dans sa chambre, l'embrasse et lui parle avec gravité de sa future tâche de roi, dans des mots qui sont par la suite passés à la postérité, qui y a vu une sorte de testament politique du grand roi et des remords concernant sa propre action :

« Mignon, vous allez être un grand roi, mais tout votre bonheur dépendra d'être soumis à Dieu et du soin que vous aurez de soulager vos peuples. Il faut pour cela que vous évitiez autant que vous le pourrez de faire la guerre : c'est la ruine des peuples. Ne suivez pas le mauvais exemple que je vous ai donné sur cela ; j'ai souvent entrepris la guerre trop légèrement et l'ai soutenue par vanité. Ne m'imitez pas, mais soyez un prince pacifique, et que votre principale application soit de soulager vos sujets[12]. »

Louis XIV meurt six jours plus tard, le [13].

Accession au trône et premiers actes

Les 3 et , Louis XV, âgé de 5 ans et demi, accomplit ses premiers actes de roi, d'abord en se rendant à la messe de requiem célébrée pour son prédécesseur à la chapelle de Versailles[14], ensuite en recevant l'assemblée du clergé venue célébrer son propre avènement. Le , il assiste à un lit de justice, l'une des cérémonies les plus solennelles de la monarchie, le 14, aux harangues du Grand Conseil, de l'université de Paris et de l'Académie française, les jours suivants aux réceptions d'ambassadeurs venus présenter leurs condoléances[15]. Malgré son jeune âge, il doit se plier à la mécanique du gouvernement et de la cour et jouer son rôle de représentation[16].

Formation

Louis XV dauphin, 1720-1721
par Rosalba Carriera
Gemäldegalerie, Dresde.

Au jour anniversaire de ses sept ans le , ayant atteint l'âge de raison, son éducation « passe aux hommes »[17] : elle est désormais confiée à un gouverneur, le duc François de Villeroy (un ami d'enfance de Louis XIV et fils de Nicolas V de Villeroy, gouverneur de Louis XIV) qui lui impose tous les rituels de la cour de Versailles mis en place par Louis XIV[18]. Il y a également un précepteur, André Hercule de Fleury, évêque de Fréjus. On lui apprend désormais le latin, les mathématiques, l'histoire et la géographie, la cartographie, le dessin et les rudiments d'astronomie, mais aussi la chasse. L'éducation manuelle n'est pas non plus négligée : en 1717, il apprend un peu de typographie, et en 1721, il s'initie à tourner le bois. À partir de 1719, il a des maîtres de musique. Il est également initié à la danse à partir de l'âge de huit ans par Claude Ballon et montre des dispositions pour cet art. Il participe en à un spectacle Les Folies de Cardenio dans lequel il intervient en compagnie de soixante-huit danseurs, professionnels et courtisans, puis en dans l'opéra-ballet Les Éléments.

Contrairement à Louis XIV, il n'a que peu d'affinités pour la musique, mais est attiré par l'architecture[19].

Durant cette période, si le roi règne, il ne peut gouverner directement (période de la régence), l’intermède du duc de Bourbon se termine d’une certaine façon quand son ancien précepteur devient cardinal de Fleury et dispose du poids institutionnel suffisant pour occuper un rôle éminent. Durant toute la période suivante, il laisse une très grande liberté au cardinal en qui il a toute confiance. Celui-ci dirige de facto le royaume jusqu’à sa mort. Quand on dit que le roi règne cela veut dire que c’est lui qui détient « la plénitude du pouvoir » et que ce pouvoir ne peut lui appartenir qu’en propre même s’il en délègue une part aux ministres. C’est la présence de sa personne, même s’il est mineur, qui est requise lors d’actes politiques essentiels (lit de justice, réception des corps constitués, etc.)[20].

L’accession du régent et le retour du roi à Paris

Philippe, duc d’Orléans, Régent de France de 1715 à 1723.

Louis XIV, par un édit du , intègre dans la liste de ses possibles successeurs les enfants qu’il a eus de Madame de Montespan : le duc du Maine et le comte de Toulouse[21], ce qui déplaît fortement à la grande noblesse. Le , il décrète que le futur régent ne serait que président d’un conseil de régence, dont il fixe la composition. Il décide aussi que la garde et l’éducation du jeune roi seraient confiées au duc du Maine[22]. Le , il confère aux deux fils de Madame de Montespan la qualité de prince du sang[23]. Le duc d’Orléans décide alors de s’allier aux autres Grands, notamment aux anciens partisans de l'ex-petit dauphin de Louis XIV, Louis de France, et de Fénelon qui fut son précepteur, qui ont élaboré des plans d’un gouvernement aristocratique. Par ailleurs, le duc d’Orléans fait casser le testament de Louis XIV par le Parlement et, en contre-partie, lui rend le droit de remontrance dont Louis XIV l’a privé en [24]. Le , le parlement le déclare régent avec entière « administration des affaires du royaume pendant la minorité »[25]. En rompant avec la mainmise de Louis XIV sur les droits des parlements, le Régent ouvre la porte à une ère de contestation, que Louis XV aura bien du mal ensuite à contrer.

Comme première mesure le régent ramène Louis XV et la cour à Paris. Si c'est aller contre les volontés de Louis XIV, c'est aussi se rapprocher du peuple. Le souvenir de la Fronde est encore vif, et le régent souhaite établir un lien fort entre le peuple de Paris et le jeune roi, afin d'éviter tout trouble. Après un passage par Vincennes de à , Louis XV s'installe au palais des Tuileries, tandis que le régent gouverne le royaume depuis le Palais-Royal. Le peuple parisien se prend alors d'affection pour ce jeune roi, alors que la noblesse, désormais dispersée dans les hôtels de la capitale, jouit sans contrainte ni mesure de sa liberté[26].

La polysynodie

Louis XIV n’a jamais gouverné seul. Il s’appuyait sur le Conseil du roi dont les décisions les plus importantes étaient traitées au Conseil d’en Haut ainsi nommé car il se tenait au premier étage à Versailles. Les membres de la famille royale, les princes du sang et le chancelier en étaient exclus depuis la mort de Mazarin en 1661. Durant la Régence, le Conseil d’en Haut est remplacé par le Conseil de régence[27]. Ce conseil présidé par le duc d’Orléans est composé du duc de Bourbon, du duc du Maine, du comte de Toulouse, du chancelier Voysin, des maréchaux de Villeroy, d’Harcourt et de Tallard ainsi que de Jean-Baptiste Colbert de Torcy. À ces hommes nommés par Louis XIV, le Régent ajoute Saint-Simon, Bouthillier de Chavigny ainsi que le maréchal de Bezons. Seront aussi conviés Jérôme de Pontchartrain et Louis Phélypeaux, marquis de la Vrillière, qui rédige les procès-verbaux[28].

Le duc de Noailles président du conseil des Finances.

Ce conseil, comme en Espagne et en Autriche, est assisté de conseils spécialisés. Il y eut sept conseils ayant pour tâche de simplifier le travail du Conseil de Régence :

Les membres du Conseil d’État, les maîtres des requêtes et les intendants de justice, de police de finance ainsi que les magistrats de la chancellerie préparaient les travaux[30]. La polysynodie s’inspire des plans d’un gouvernement aristocratique élaboré par Fénelon, l’archevêque de Cambrai.

Cette forme de gouvernement a eu longtemps mauvaise presse. Jean-Jacques Rousseau, se fondant sur les écrits de l'abbé de Saint-Pierre n'est pas tendre avec la polysynodie[29]. qu'il qualifie de ridicule tout en en réduisant considérablement la portée[31]. Ce jugement hâtif a participé à la mauvaise réputation dont la polysynodie a été affublée y compris par les historiens des institutions comme Michel Antoine[32] ou même Jean-Christian Petitfils qui estime que seuls les conseils de finances et de marine fonctionnent « à peu près correctement »[33].

Grâce à des travaux plus approfondis, l'historiographie actuelle est plus nuancée. Ainsi, le spécialiste de la polysynodie, Alexandre Dupilet, invite à ne pas surestimer la responsabilité des conseils dans les grandes décisions politiques prises par le Régent. Il soutient qu'un certain nombre de réformes financières et administratives ont été faites dans un esprit de rigueur[29]. On peut notamment citer les réformes fiscales de la taille proportionnelle et de la dîme royale[34].

La situation financière à la fin du règne de Louis XIV est très grave avec une dette de 2,1 milliards de livres, 230 millions de dépenses annuelles et un déficit de 77 millions. Pour faire face à cette situation le duc de Noailles rogne sur les dépenses publiques, dévalue de fait la monnaie de compte qu’est la livre tournois, fait vérifier les créances sur l’État, ce qui réduit l’endettement de 60 %, et fait poursuivre ceux qui ont détourné des fonds[35].

Le renouveau de la crise janséniste lié notamment à la façon d’appliquer la bulle Unigenitus[36], ainsi que le changement d’alliance, provoquent des remous parmi l’aristocratie et au Parlement qui pousse le Régent à adopter une ligne plus autoritaire. Le , il supprime « les conseils de Conscience, des Affaires étrangères, du Dedans, de la Guerre » et restaure les secrétariats d’État[37]. À cette occasion, l’abbé Dubois devient secrétaire d’État aux Affaires étrangères et Claude Le Blanc à la Guerre. Les deux hommes font également leur entrée au Conseil de régence[38].

Changement d’alliance

Louis XV et sa fiancée Marie-Anne-Victoire d'Espagne, fille de Philippe V par François de Troy.

Le roi d’Espagne Philippe V est d’autant plus contrarié par les traités d'Utrecht qui lui ont fait perdre le royaume de Naples[39] que sa seconde femme l’ambitieuse Élisabeth Farnèse est italienne. Aussi entreprend-il la reconquête de ce royaume. Poussé par l’abbé Dubois, le Régent estime qu’il n’est pas de l’intérêt de la France de le suivre dans cette aventure [40]. Il choisit donc de renouer avec la Grande-Bretagne et les Pays-Bas, pourtant protestants. Ce renversement d’alliances heurte ce que Petitfils nomme « le parti de la vieille Cour demeuré pro-espagnol par fidélité pour le petit-fils de Louis XIV » et notamment « le marquis d’Huxelles, président du Conseil des affaires étrangères ». À l’été , l’Espagne poursuit son offensive militaire en Italie[41], tandis qu’est formalisée la Triple alliance de La Haye, liant France, Pays-Bas et Angleterre. Ce retournement d'alliances du Régent est même complété, en , par une alliance innovante avec l'Autriche des Habsbourg (quadruple alliance). La victoire des puissances européennes contraint l'Espagne à se rapprocher de la France. Dubois convainc le roi d’Espagne de fiancer sa fille Marie-Anne-Victoire d'Espagne, âgée de trois ans, à Louis XV qui en a douze et le fils aîné du roi d’Espagne, le prince des Asturies (14 ans), à la fille du duc d’Orléans, âgée de 12 ans[42]. L’échange des deux princesses a lieu le , sur l’île des Faisans[43].

Le système de Law

Après la mort de Louis XIV la France est à la fois très endettée (notamment à court terme) et souffre d'une insuffisance de monnaie. C'est à ce double problème que John Law veut s'attaquer[44]. À cette fin, il obtient du Régent la création de la Banque générale qui émet des billets convertibles dans un premier temps en or et argent[45].

En , il obtient du Régent la relance de la Compagnie d'Occident qui est autorisée à commercer librement entre la France et l'Amérique du Nord. Il s'agit pour lui essentiellement de développer la Louisiane. Cette compagnie est financée par la vente d'action de 500 livres susceptibles d'être payées en billets d'État (dette à court terme)[45]. Il s'agit par là d'apurer une partie de la dette publique. Au départ et jusqu'en , la valeur des actions dépasse rarement 500 livres. Pour donner une impulsion à cette compagnie, il la fusionne avec la Compagnie des Indes orientales et la Compagnie de la Chine[45] et lui donne le nom de Compagnie du Mississippi. Puis il émet par deux fois fin de nouvelles actions payables en plusieurs fois. Parallèlement il envoie des colons en Louisiane pour exploiter les richesses agricoles et minières[46]. Au total il réussit à acheter pour 100 millions de livres de billets d’État et donc à diminuer d'autant la dette à court terme du royaume[46].

Fin , la Banque générale qui a augmenté l'offre de monnaie et fait baisser les taux d'intérêts devient la Banque royale dotée elle aussi du pouvoir d'émettre des billets mais, cette fois, ceux-ci ne sont pas convertibles en or ou en argent. Le , décision est prise de fusionner la Banque royale et la compagnie. Il s'agit de limiter la création monétaire que le soutien du cours des actions a provoquée[47]. Mais le Régent et son entourage, gênés par la baisse des cours, font pression pour que la création monétaire reprenne, ce qui très vite provoque la faillite du système[48].

Si la fin du système appauvrit de nombreux actionnaires, l'argent que le duc de Bourbon gagne à cette occasion lui permet de bâtir le château et les écuries de Chantilly. La France revient à son ancien système avec le « retour des financiers » qui reprennent le contrôle des recettes des impôts[48]. Le tout s'accompagne d'une grande méfiance envers les banques et les sociétés par action qui marque longtemps le pays. Cécile Vidal[49] quant à elle soutient que le système de Law a contribué à transplanter dans la vallée du Mississippi l'économie de plantation des îles des Caraïbes et à en faire une société fondée sur l'esclavage[50].

Le retour du roi à Versailles et le sacre de Louis XV

Sacre de Louis XV le en la cathédrale de Reims par Pierre-Denis Martin.
Portrait de Louis XV en costume de sacre par Hyacinthe Rigaud (1730).

Las des critiques des parlementaires qui commencent à agiter en sous-main les Parisiens et de l'hostilité de la foule qui lance injures et projectiles sur son carrosse, le Régent, sans l'annoncer officiellement, décide de faire revenir la Cour au château de Versailles. Le , Versailles redevient résidence royale et symbolise le retour à la politique louis-quatorzienne[51].

Le jeune Louis XV est sacré et couronné à Reims le . Il atteint sa majorité (13 ans) l'année suivante et est déclaré majeur lors du lit de justice du . À cette occasion, Louis XV annonce que le duc d’Orléans dirigera les conseils pour lui et confirme le cardinal Dubois dans ses fonctions de premier ministre[52]. Le Conseil de régence est renommé Conseil d’en Haut, tandis que le conseil de la Marine, dernier élément encore en place de la polysynodie, est supprimé[52].

Le cardinal Dubois puis le duc d'Orléans meurent à quelques mois d'intervalle, en et entraînant la fin de la Régence. Elle laisse au jeune roi Louis XV, tout juste majeur mais encore adolescent, un royaume en paix avec les autres puissances européennes (du fait de la Quadruple Alliance) et dans une situation économique en voie d'assainissement, un royaume à la fois héritier de la monarchie absolutiste de Louis XIV et des ouvertures parfois « fragilisantes » du Régent. Subsistent deux problèmes intérieurs menaçants[53] et en partie liés : 1. l'opposition gallicano-janséniste, 2. celle renaissante des Parlements (le Régent leur ayant restitué le droit de remontrance). Le règne de Louis XV en sera considérablement affecté[54].

Accession au poste de premier ministre

Dès la mort de Philippe d’Orléans le , le duc de Bourbon se présente au roi pour demander le poste de Premier ministre. Le roi ayant consulté du regard son précepteur Fleury accepte[55]. Si Fleury accepte, c'est que n’étant pas alors cardinal, il pense qu’il ne serait pas accepté à ce poste par l’aristocratie. Qui plus est[56], le duc de Bourbon étant peu « esprité » pour reprendre une expression de l’époque, il peut penser gouverner dans l’ombre[56]. Le duc a malgré tout un certain sens de la manœuvre puisqu’en , il a obtenu que les deux fils légitimés de Louis XIV soient réduits au rang de simples pairs du royaume[56]. Par ailleurs, sa maîtresse, la marquise de Prie, est ambitieuse, travailleuse et habile manœuvrière, comme Fleury s’en rendra compte[57]. Le jeune Voltaire, lui, l'a bien perçu et, voulant rentrer en grâce lui dédie sa comédie L’indiscret[57].

Extension du Code noir

En le Roi édicte une révision du code noir destinée à la Louisiane, il s'agit d'un durcissement de la version précédente édictée par son arrière-grand-père. Si les mariages entre Noirs et Blancs sont interdits, le texte prévoit néanmoins ce qui peut advenir aux enfants nés de rapports inter-raciaux[58].

Marier le roi

Marie Leszczynska par François Albert Stiemart (1726).

L'infante Marie-Anne-Victoire d'Espagne est fiancée depuis à Louis XV et demeure en France depuis . Mais le duc de Bourbon, craignant que le jeune roi, de santé fragile, ne meure sans enfant mâle s'il faut attendre que le mariage puisse être consommé, rompt les fiançailles en après que le roi a été gravement alité pendant quelques jours[59]. Cette rupture est mal prise en Espagne qui expulse les diplomates français, rompt les relations diplomatiques avec la France et signe un traité d’amitié avec Charles VI, empereur du Saint-Empire[60]. Si cette rupture a pu avoir lieu, c’est qu’en France on se méfie de la couronne espagnole. En effet, le roi Philippe V a abdiqué en faveur de son fils, le prince des Asturies, mort peu après. Certains à Madrid veulent que l’autre fils Ferdinand soit marié à une fille de l’empereur Charles VI, un projet que l’ambassadeur de France à Madrid redoute, car il craint que l’influence des grands et du parti impérial ne soit très néfaste à la France[61].

La recherche d'une autre fiancée parmi les princesses d'Europe est dictée par la santé fragile du roi, qui nécessite une descendance rapide. Après avoir dressé une liste des cent princesses d'Europe à marier[n 1], le choix se porte sur Marie Leszczyńska, princesse catholique et fille du roi détrôné de Pologne Stanislas Leszczynski. Le mariage n'est d'abord pas très bien vu en France, la jeune reine étant perçue comme de trop faible extraction pour un roi de France. Par ailleurs, il faut préciser que Catherine Ire de Russie a proposé sa fille ainsi qu’une alliance avec la France. Cette option a été écartée, car le secrétaire d’État aux Affaires étrangères Fleuriau de Morville n’a guère d’estime pour la Russie et que la marquise de Prie, la maîtresse du duc de Bourbon, veut quelqu’un de malléable[61]. Les deux futurs époux se plaisent (malgré les sept ans qui les séparent, Marie Leszczyńska ayant 22 ans et Louis XV seulement 15) et la reine est rapidement appréciée du peuple pour sa charité. Après un mariage par procuration le dans la cathédrale de Strasbourg afin de valoriser la province d'Alsace récemment annexée, un passage à Metz pour éviter le duché de Lorraine dont les souverains espéraient que leur fille aînée devînt reine de France, la cérémonie du mariage est célébrée à Fontainebleau le [62].

Fin du gouvernement du duc de Bourbon

En , à la suite de tornades, le grain commence à manquer et le prix du pain augmente. Parallèlement, les caisses de l’État sont vides à la suite de l’effondrement du système de Law et de la « Politique financière déflationniste » menée par le contrôleur général Dodun et les frères Pâris[63]. Aussi est-il décidé de promulguer une nouvelle taxe, le cinquantième, qui devait s’appliquer à tous. Aussitôt la noblesse se récrie et l’assemblée générale du clergé s’y oppose, la faction d’Orléans demandant elle une réduction des dépenses. Finalement, le parlement refuse d’enregistrer l’édit. Un lit de justice le leur impose l’enregistrement[64], mais l’opinion publique se retourne, d’autant que le duc fait preuve de maladresse vis-à-vis des protestants en réactivant l’interdit des réunions cultuelles. Concernant le jansénisme, il veut au contraire apaiser et voudrait que le pape fasse quelques concessions. Il se heurte alors à Fleury et au conseil de Conscience[65] Malgré l'insistance de la reine qui le considérait comme son mentor, Louis XV écarte alors le duc de Bourbon du pouvoir le et l'exile dans ses terres à Chantilly. Avec cet exil, Louis XV décide également de supprimer la charge de Premier ministre[66]. Il appelle auprès de lui le cardinal de Fleury, son ancien précepteur. Celui-ci commence alors auprès du roi une longue carrière à la tête du royaume, de à [67].

Gouvernement du cardinal de Fleury (mi 1726-1743)

Le cardinal de Fleury.

Louis XV, le cardinal et la cour

Louis XV commence son règne le en fixant les cadres de son gouvernement, annonçant à son Conseil d'en-haut, outre la fin de la charge de Premier ministre, sa fidélité à la politique de Louis XIV, son arrière-grand-père :

« Mon intention est que tout ce qui regarde les fonctions des charges auprès de ma personne soient sur le même pied qu'elles étaient sous le feu Roi mon bisaïeul. […] Enfin, je veux suivre en tout l'exemple du feu Roi mon bisaïeul. ». « Je leur [aux conseillers] fixerai des heures pour un travail particulier, auquel l'ancien évêque de Fréjus [le cardinal de Fleury] assistera toujours[68]. »

En réalité si nominalement le poste de Premier ministre est supprimé, de facto, Fleury va l'exercer. En fait, pour Petitfils, ayant « un brevet l’autorisant à faire travailler sous son autorité ministres et secrétaires d’Etat, et même [...] à prendre des décisions en l’absence du roi », il a des prérogatives d'un lieutenant général du royaume qui excédent celles d'un Premier ministre[69]. De plus, l’obtention le de la pourpre cardinalice renforce sa position au Conseil d'en-haut[70]. Durant toute la période, il privilégie le travail en tête à tête avec le roi[71]. Lorsque Fleury en fin de vie doit parfois s’arrêter, le roi le remplace à la satisfaction de tous mais le vieux cardinal tient à demeurer en poste jusqu'à sa mort[72]. Pour Michel Antoine, Louis XV, extrêmement timide, « resta pratiquement en tutelle jusqu'à l'âge de trente-deux ans[73] ».

Si le cardinal de Fleury est un homme âgé en — il a soixante-treize ans —, le reste des ministres et très proches conseillers du roi se renouvelle et est composé d'hommes plus jeunes qu'auparavant. Les changements sont nombreux, mais la période du ministère Fleury est marquée par une grande stabilité. Fleury fait revenir le chancelier d'Aguesseau, renvoyé en . Il ne retrouve cependant pas toutes ses prérogatives, puisque les sceaux et les Affaires étrangères sont confiées à Germain-Louis Chauvelin, président à mortier du Parlement de Paris. Le comte de Maurepas devient secrétaire d'État à la Marine, à vingt-cinq ans[74]. Fleury bien que très déterminé étant timide et ne parlant pas toujours avec la fermeté nécessaire juge nécessaire de s’appuyer sur deux hommes au caractère trempé : Orry qui à compter de est au contrôle des finances et Germain Louis Chauvelin garde des sceaux à compter de [75].

La Cour, c'est à la fois les grands services qui gèrent la vie publique et un lieu de sociabilité de l'aristocratie, c'est aussi un champ où s'affrontent des coteries, des ambitions familiales et personnelles. C'est aussi un endroit où la question du rang est très importante et détermine les choix politiques[72]. Dans ces conditions celui qui tient lieu de Premier ministre ne doit pas seulement diriger l'appareil d'État, mais aussi tenir compte des différents clans qui structurent la sociabilité aristocratique. Au début des années , le cardinal de Fleury a de plus en plus de mal à contrôler les factions structurées autour des clans Noailles et Belle-Isle[76].

Une économie prospère et des finances assainies

Portrait au pastel de Philibert Orry par Quentin de La Tour, 1737.

Avec l'aide des contrôleurs généraux des finances Michel Robert Le Peletier des Forts (-) et surtout Philibert Orry (-), « Monsieur le Cardinal » parvient à stabiliser la monnaie française (), en nettoyant le système financier de Law, et finit par équilibrer le budget du royaume en [77]. À partir de , la ferme générale devient quasiment un organisme para-étatique[78] avec un personnel doté de règles de paiements et d'avancement précises ainsi que d'un droit à la retraite[79].

L'expansion économique est au cœur des préoccupations du gouvernement. Les voies de communications sont améliorées avec l'achèvement en du canal de Saint-Quentin, reliant l'Oise à la Somme, étendu ultérieurement vers l'Escaut et les Pays-Bas. l'extension et l'entretien d'un réseau routier sur l'ensemble du territoire national se fait principalement par le biais de la corvée dont l'instigateur, Philibert Orry, précise « J'aime mieux leur demander des bras qu'ils ont que de l'argent qu'ils n'ont pas » avant d'ajouter « [si je leur demandais de l'argent,] je serais le premier à trouver des destinations plus pressées à cet argent »[80]. La corvée fournit la main d'œuvre nécessaire et permet au corps des ingénieurs des ponts et chaussées formés à l'école des Ponts-et-Chaussées créée en de procéder à des planifications des travaux[80].

Au niveau militaire, Louis XV décide de mettre à exécution l'idée de son arrière grand-père Louis XIV de ne plus dépendre des importations pour équiper les armées françaises en épées et baïonnettes. Il charge son secrétaire d'État de la Guerre Bauyn d'Angervilliers de mettre sur pied une manufacture d'armes blanches, installée à Klingenthal en Alsace en [81].

Le commerce fut également stimulé par le Conseil du commerce et surtout par le Bureau du commerce dirigé par Louis Fagon qui promulgue des règlements visant à améliorer la qualité des productions du royaume[82]. Le commerce maritime extérieur de la France passe de 80 à 308 millions de livres entre et .

Bulle Unigenitus et la fronde du Parlement

Si le cardinal Fleury veut marginaliser le courant janséniste, il n’est pas non plus un partisan du parti dévôt proche des jésuites. Il veut selon Jean-Christian Petitfils, « maintenir l’unité religieuse de la monarchie catholique »[83]. Il veille à ce titre à écarter les prêtres, moines et moniales jugés proches de ces courants. Sa volonté d’écarter un prélat janséniste Jean Soanen va toutefois mettre le feu aux poudres. Ce dernier lors d’un tribunal ecclésiastique tenu à Embrun est suspendu le de sa charge puis envoyé par lettre de cachet à l’abbaye de la Chaise-Dieu[84]. Le 57 des 550 avocats parisiens contestent la validité de ce jugement, suivis peu après par douze évêques qui se voient adresser une mise en garde par le roi [85]. À cette occasion deux courants jansénistes agissent de concert : le jansénisme ecclésiastique très marqué par le richérisme qui veut que l’Église soit une sorte de démocratie et le jansénisme juridique très gallican[85]. Le , le Cardinal ministre fait adopter une déclaration condamnant les avocats et le courant richériste[85].

Cette politique porte ses fruits quand le Fleury veut porter un coup décisif au jansénisme en faisant de la bulle Unigenitus une loi de l’État. Le roi doit imposer cette décision en tenant un lit de justice le [86]. Aussitôt des avocats entrent dans la bataille. Dans une consultation publique signée par 40 avocats, François de Maraimberg soutient que le roi est le chef de la Nation et non pas l’élu de Dieu[86]. Il convient de noter que durant cette période les idées de Fénelon connaissent un regain d’intérêt avec la publication par Henri de Boulainvilliers d’un ouvrage en trois tomes intitulé Histoire de l’ancien gouvernement de la France, avec XIV lettres historiques sur les parlements ou états généraux. Un livre qui est « une attaque en règle contre l’absolutisme Louis-quatorzième, contre le droit divin, les ministres, les intendants et autres agents du despotisme »[87]. C’est aussi l’époque où l’influence du système parlementaire britannique commence à se faire ressentir. C’est ainsi qu’en , Voltaire a écrit ses Lettres philosophiques où il fait l’éloge des mœurs anglaises[87]. Parallèlement, la tendance en France est alors de confondre le parlement britannique, assemblée législative élue avec les parlements français instances purement juridiques[88]. Quoi qu’il en soit, le Conseil du roi condamne le texte des avocats le . Le cardinal de Fleury tente de trouver un terrain d’entente. Cependant, la fronde du parlement se poursuit jusqu’à ce que 139 magistrats parisiens soient exilés en province dans la nuit du au . Finalement, une réconciliation a lieu et le parlement reprend son activité le [89].

Acquisition de la Lorraine et du Barrois

La reine Marie Leszcynska par Jean-Marc Nattier, 1748.

En meurt le roi Auguste II de Pologne. Aussitôt Stanislas Leszczynski, le beau-père de Louis XV qu'il hébergeait à Chambord fait acte de candidature. Si pour la seconde fois la diète polonaise reconnaît Stanislas comme roi, la Russie refuse de valider ce choix et envoie des troupes de sorte qu’il est obligé de se réfugier à Dantzig[90]. Ne pouvant rien faire contre les Russes qui sont hors d’atteinte des troupes françaises, il est décidé de s’en prendre à l’empereur Charles VI. C’est la guerre de Succession de Pologne

La France en profite pour occuper la Lorraine du jeune duc François III, profitant du fait que le fils du duc Léopold Ier de Lorraine et d' Élisabeth-Charlotte d'Orléans vit à Vienne où il a été appelé par son proche parent, l'empereur du Saint-Empire Charles VI qui l'a nommé vice-roi de Hongrie en , prémices d'une carrière plus prometteuse, puisqu'il le presse pour épouser sa fille aînée et héritière Marie-Thérèse[91]. Une telle union aurait considérablement renforcé la puissance autrichienne qui possède déjà aux frontières de la France, les provinces belges et le Luxembourg. L'empire aurait protégé ainsi la route du Rhin et se serait rapproché dangereusement de Paris. Quand Charles VI fait appel à l’Angleterre, celle-ci se dérobe. Aussi en , un accord est trouvé par le traité de Vienne. le beau-père de Louis XV obtint à titre viager les duchés de Lorraine et de Bar en compensation de la seconde perte de son trône polonais (avec l'objectif que le duché soit intégré au royaume de France à sa mort par le biais de sa fille), tandis que le duc François III devient héritier du grand-duché de Toscane avant d'épouser la jeune Marie-Thérèse et de pouvoir prétendre à la couronne impériale[92]. Par la convention secrète de Meudon, Stanislas abandonne la réalité du pouvoir à un intendant nommé par la France qui prépare la réunion des duchés au royaume[93]. L'annexion de la Lorraine et du Barrois, effective en à la mort de Stanislas Leszczynski, constitue la dernière expansion territoriale du royaume de France sur le continent avant la Révolution.

Peu après ce résultat, la médiation française dans le conflit entre le Saint-Empire et l'Empire ottoman aboutit au traité de Belgrade (), qui met fin à la guerre avec un avantage pour les Ottomans, alliés traditionnels des Français contre les Habsbourg depuis le début du XVIe siècle[94]. En conséquence, l'Empire ottoman renouvelle les capitulations françaises sur lesquelles repose la suprématie commerciale du royaume au Moyen-Orient[95].

Guerre de Succession d'Autriche : les prémices

La mort de l'empereur Charles VI en 1740 voit l'avènement de sa fille Marie-Thérèse au trône de Bohème et de Hongrie, mais la question de son accession à l’empire reste pendante. Le roi et le cardinal sont favorables à la Pragmatique Sanction qui veut qu’elle succède à l’empereur son père. Ils sont prêts à l’aider moyennant des compensations, mais ils se heurtent à la cour et à l’opinion parisienne qui restent marqués par la politique anti-autrichienne de la France. Ils peinent à comprendre que le monde a changé et que la France doit surtout craindre maintenant Frédéric II de Prusse qui veut étendre son royaume et l’Angleterre où Carteret[96] a succédé à Walpole avec le soutien d’un puissant « lobby » colonial qui veut en découdre sur les océans avec la France[97].

Le roi et le cardinal envoient en Allemagne le maréchal de Belle-Isle, un des leaders du parti anti-autrichien, avec des instructions précises : éviter que la couronne ne tombe dans les mains du grand-duc de Toscane qui pourrait revendiquer la Lorraine et procurer la couronne à Charles-Albert de Bavière. Une fois sur place il se montre hostile à Marie-Thérèse et s’allie avec Frédéric II. Le roi est alors obligé d’envoyer deux armées en Allemagne : une en Westphalie pour faire pression sur l’électeur de Hanovre qui est aussi roi d’Angleterre et une en Bohème. Si Charles VII est élu empereur, Marie-Thérèse contre-attaque immédiatement et oblige les armées françaises à se retirer. Elle reste maître de ses états hors la Silésie que lui a prise Frédéric II[97].

Débuts de gouvernement personnel du roi dans un monde en profonde mutation

Durant la période qui couvre les années -, le paysage dans lequel se meut la royauté change profondément : les « Lumières » tant en philosophie qu’en économie s’affirment. À court terme toutefois, c'est l’opposition des parlements qui prédomine et sape l’autorité royale.

Style de gouvernement

Louis XV.

À la mort du cardinal de Fleury en , le gouvernement personnel de Louis XV débute. Le roi, alors âgé de 33 ans, est appelé « Louis le Bien-Aimé »[98]. Si Louis XV veut suivre l'exemple de son bisaïeul Louis XIV, son caractère est très différent. Alors que le Roi-Soleil aimait le spectaculaire et le théâtral et se voulait constamment sur le devant de la scène, Louis XV distingue très strictement vie publique et vie privée et aime à se réfugier dans ses petits appartements[99]. Enfin, le roi, bien qu'intelligent, doute de ses capacités et écoute, parfois trop, son entourage. Sa timidité lui fait préférer l'écrit à l'oral[100] et la disgrâce peut tomber brutalement par écrit sans que des signes oraux ou gestuels ne l'aient annoncée[101]. François Bluche lui reproche d'avoir trop favorisé la noblesse d'épée ou de robe dans ses promotions [102] et d'avoir trop facilement rejeté des éléments de valeur[102]. Il estime que Louis XV à la différence de Louis XIV s'est réellement saisi du pouvoir trop tard, ce qui l'a empêché de s'investir vraiment dans son rôle de monarque, d'où une certaine indolence dans ses fonctions, et un manque de vision globale des choses. Son règne toujours selon Bluche a abouti à une « sorte d'oligarchie bureaucratique »[103].

Michel Antoine quant à lui soutient que si le roi « paraît vouloir travailler avec ses cinq ministres en particulier »[104], il se repose sur une « machine gouvernementale » qui le contraint à beaucoup travailler. C'est ainsi qu'il doit présider le dimanche et le mercredi le Conseil d'en-haut, le samedi et parfois le vendredi le Conseil des dépêches, et le mardi le Conseil royal des finances[105]. De plus, il reçoit souvent en tête-à-tête ses ministres les plus importants, parfois plusieurs fois par semaine[100]. Par ailleurs, le roi qui aime être bien renseigné, consulte à cette fin, le cabinet noir, la diplomatie secrète et le lieutenant général de Police de Paris[105]. Si ses ministres peuvent appartenir à la noblesse de cour, ils font le plus souvent partie de la noblesse de robe. Dans son cercle de travail, les conseils sont peuplés de conseillers d'État et autres fonctionnaires ce qui fait dire à Michel Antoine que si son règne est « pauvre en grands politiques », il est « riche en grands administrateurs » tels Gaumont, Trudaine, d'Ormesson, Machault, Bertin[106].

L'épisode de Metz

Église Notre-Dame-de-l'Assomption de Metz où le roi fut proclamé « Bien-Aimé ».

Louis XV, parti diriger ses armées engagées sur le front de l'Est dans la guerre de succession autrichienne, tombe gravement malade le , à Metz[107]. Son état empirant, la question de la communion et de l'extrême-onction se pose. François de Fitz-James, premier aumônier du roi, refuse de lui donner la communion tant que sa maîtresse, Madame de Châteauroux n'a pas quitté les lieux[108]. Puis, il impose au roi de demander pardon du scandale et du mauvais exemple qu'il donne[107]. Le , jour, il n'accepte de lui donner l'extrême-onction que si sa maîtresse perd le titre de surintendante de la maison de la Dauphine. Madame de Châteauroux quitte Metz tandis que la reine arrive en hâte. Le roi fait le vœu de faire construire une église dédiée à sainte Geneviève, dans le cas où il guérirait[109].

Le roi échappe à la mort et, à la suite d'une messe d'action de grâce célébrée en l'église Notre-Dame de Metz en présence de la famille royale, le pays tout entier reprend les qualificatifs du célébrant et appelle le roi Louis le Bien-Aimé. Louis XV donne ses indications pour faire construire l'église qu'il a promise en cas de guérison ; elle deviendra le Panthéon[109].

Cependant Louis XV, en tant que roi, a ressenti douloureusement l'humiliation que lui a infligée le parti dévot. De retour à Versailles, il démet Fitz-James de ses fonctions d'aumônier, l'exile dans son diocèse[107] et rappelle Madame de Châteauroux. Mais celle-ci meurt avant sa rentrée en grâce officielle. Le roi, bien que sa vie sexuelle déréglée le fasse souffrir d'un profond sentiment de culpabilité, ne renoue pas avec la reine.

Le « secret du roi »

La diplomatie secrète a toujours plus ou moins existé sous l’Ancien Régime. Mais ce qui fait la particularité du secret du roi sous Louis XV, c’est qu’il mène une politique étrangère souterraine en contradiction parfois avec la politique officielle[110]. Le secret du roi a été fondé par le prince de Conti lorsque vers Jan Klemens Branicki et quelques aristocrates polonais ont l’idée de lui proposer la couronne de Pologne[111]. Ce prince proche pendant une dizaine d’années de son cousin Louis XV dirige ce service aussi longtemps qu’il pense pouvoir devenir roi de Pologne[112]. Le secret a aussi pour but d’éviter que la Russie ne se mêle des affaires européennes, de s’allier avec les pays nordiques, de maintenir des liens avec la Turquie et de surveiller l’Autriche[113].

Successivement dirigé par le prince de Conti, Jean-Pierre Tercier et le comte de Broglie, ce service est financé sur la cassette personnelle du roi. Il comprend un cabinet noir chargé de surveiller les correspondances dirigé par Robert Jannel[114]. Parmi les agents de ce service, on peut noter les noms du comte de Vergennes, du baron de Breteuil, du chevalier d’Éon, de Tercier et de Durand).

À la mort de Louis XV et l'avènement de son petit-fils, Louis XVI, le Secret est dissous. Cependant, ses agents, toujours actifs, notamment le comte de Broglie, s'efforcèrent de jouer un rôle important dans la guerre d'indépendance américaine. Ainsi, Beaumarchais fournit des armes aux « Insurgents ».

Marie-Thérése devient impératrice

Le , Charles VII, l'empereur fait par la diplomatie française, meurt. Le mari de Marie-Thérèse d'Autriche, François de Lorraine se porte alors candidat[115]. Encore une fois malgré les réticences du roi, le marquis d'Argenson tente de contrecarrer ce projet. Mais l'héritier de Charles VII refuse de se prêter à ce jeu et l'électeur de Saxe Auguste III se rallie à François de Lorraine qui s'engage à l'aider contre Frédéric II. Le landgrave de Hesse tout comme l'électeur palatin optent eux pour la neutralité[115]. Aussi le François Ier devient empereur, le pouvoir étant occupé de facto par son épouse Marie-Thérése d'Autriche. Cette issue arrange les maréchaux français qui peuvent concentrer leurs efforts sur la Belgique et les Pays-Bas où ils devront affronter les troupes anglaises du duc de Cumberland, les Anglais étant désormais les seuls à vouloir poursuivre la guerre[115].

Le roi et les victoires françaises

La dernière partie de la guerre est marquée par une série de victoires françaises aux Pays-Bas : bataille de Fontenoy (), bataille de Rocourt (), bataille de Lauffeld (). La bataille de Fontenoy, remportée par le maréchal de Saxe et le roi en personne, est considérée comme une des plus éclatantes victoires des Français contre les Britanniques. À la suite de ces victoires, la France occupe tout le territoire de l'actuelle Belgique et se trouve en position d'envahir la Hollande avec la chute de la forteresse de Berg-op-Zoom[116]. Toutefois dans le sud-est, la bataille de Plaisance, perdue en par le marquis de Maillebois, force les Français à repasser les Alpes, mais sans grandes conséquences politiques, car le front essentiel se situe aux Pays-Bas.

La guerre sur mer

Sur mer, la marine royale, qui combat pourtant à un contre deux[n 2] contre la Royal Navy fait mieux que se défendre puisqu'elle réussit, entre et , à maintenir ouvertes les lignes de communication vers les colonies et à protéger les convois commerciaux. La bataille du cap Sicié permet de lever le blocus de Toulon. Deux tentatives de débarquement en Angleterre échouent en et , de même qu'une attaque anglaise avec un débarquement contre Lorient en . En Amérique du Nord, l'Angleterre s'empare en 1745 de Louisbourg qui défend l'entrée du fleuve Saint-Laurent, mais sans pouvoir envahir le Canada français. Aux Indes, les Français tiennent en échec la flotte anglaise et mettent la main en 1746 sur Madras, le principal poste anglais dans la région. Ils repoussent ensuite une flotte anglaise venue reconquérir la place et attaquer Pondichéry. La marine anglaise change de stratégie en en imposant un blocus près des côtes. Elle fait subir à la marine française en deux lourdes défaites dans l'Atlantique (au cap Ortégal, en et au cap Finisterre, en ), mais sans conséquences sur la prospérité coloniale de la France, car la paix est signée peu après.

Le traité d'Aix-La-Chapelle

L'Europe à l'issue du traité d'Aix-la-Chapelle

Au traité d'Aix-la-Chapelle en , la France et l'Angleterre se restituent leurs conquêtes respectives (Louisbourg contre Madras) ce qui crée, pour quelques années, un équilibre naval entre les deux pays.

Le roi rend cependant toutes les conquêtes faites à l'Autriche, notamment la Belgique, contre toute attente. Louis XV a préféré soutenir ou ménager les puissances catholiques pour contrecarrer les nouvelles puissances émergentes protestantes (Angleterre, Prusse). Les seuls changements notables en Europe sont l'annexion par la Prusse de la Silésie, riche région minière, et le retour du minuscule duché de Parme à la dernière des Farnèse, la reine douairière d'Espagne ; le duché est ensuite attribué au fils cadet de celle-ci, l'infant Philippe, gendre depuis de Louis XV[117].

Louis déclare qu'il a conclu la paix « en roi et non en marchand », une posture qui le discrédite dans son pays, car les Français, à la suite de Voltaire, estiment s'être battus « pour le Roi de Prusse » qui a gardé la riche province de Silésie[118]. Cette incompréhension est aggravée selon Michel Antoine par le fait que le roi s'est abstenu d'expliquer à ses sujets les raisons d'une politique inspirée par Fénelon[118].

La marquise de Pompadour : une maîtresse influente

Jeanne Le Normant d'Étiolles, née Poisson, cherche dès à se faire remarquer du roi en assistant à des chasses à courre en forêt de Sénart[119]. Dans son entreprise, elle peut compter sur sa mère qui a des accointances dans le proche entourage du roi. Elle connaît, en effet, non seulement le premier valet du dauphin, mais aussi celui du roi ainsi que les frères Pâris, financiers réputés. Sa première rencontre avec le roi reste peu documentée. Elle semble avoir eu lieu lors d'un bal masqué, soit lors du mariage du dauphin Louis, soit lors d'un bal à Versailles[120]. Le roi, pour lui permettre d'être présentée à la cour et de devenir dame d'honneur de la reine, lui attribue une terre limousine tombée en déshérence : le « marquisat de Pompadour »[121]. Madame de Pompadour, fille adultérine d'un financier, est belle, cultivée, intelligente et dotée d'une grande ambition[119]. Son ascension est mal vue par les dévots, notamment le dauphin, et par l'aristocratie en général. En effet, jusque-là, les maîtresses officielles de Louis XIV, hors Madame de Maintenon, et de Louis XV sont choisies dans la haute aristocratie[122]. Si les fils et les filles du roi ne l'aiment guère et la nomment « maman putain », elle sait se faire apprécier de la reine en se montrant déférente à son égard[123].

La marquise de Pompadour est officiellement logée au troisième niveau du château de Versailles, au-dessus des appartements du roi. Elle y organise des soupers intimes avec des invités choisis, où le roi oublie les obligations de la cour qui l'ennuient. De santé fragile, et supposée frigide, la marquise, à compter de , n’est plus son amante, mais reste sa maîtresse et confidente et conserve ses relations privilégiées avec le roi en se chargeant de lui « fournir » discrètement des jeunes filles parmi lesquelles Lucie Madeleine d'Estaing, demi-sœur illégitime de l'amiral d'Estaing[124]. Cette fonction d'entremetteuse enflamme « l'imagination des échotiers »[125].

Selon Michel Antoine, Madame de Pompadour est intervenue dans la politique menée par le roi en favorisant les carrières de ses proches, à qui sont parfois confiées « des responsabilités trop lourdes pour leurs capacités »[126], et en défaisant les carrières d'hommes de valeur qu'elle n'apprécie pas. Si son train de vie et ses constructions ont été reprochés au roi, les études des comptes royaux montrent qu'il n'a pas été très généreux avec elle. Mais en politique l'apparence peut être vue comme une réalité surtout si un roi, en l'occurrence Frédéric II de Prusse, entretient par sa propagande cette opinion[127]. Enfin, selon Michel Antoine, elle comprend mal le roi, elle cherche à l'étourdir quand il faudrait l'aider « à surmonter sa défiance de soi-même », de sorte que c'est durant cette relation que « la conduite de la politique parut la plus incertaine »[126].

Les « philosophes »

Voltaire (1724–25).

Les hommes des lumières françaises connus sous le vocable de philosophes sont très actifs durant cette partie du règne de Louis XV. En , Diderot publie les Pensées philosophiques, suivies en par les Lettres sur les aveugles et le premier volume de l’Encyclopédie. En Voltaire publie Le Siècle de Louis XIV et en l'Essai sur les mœurs et l'esprit des nations. En Rousseau devient célèbre en publiant le Discours sur les sciences et les arts, suivi en par le Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes. En , Montesquieu publie De l'esprit des lois.

Dans les années , Voltaire est accueilli à la cour en qualité d’auteur de pièces de théâtre et de poète. Mais très vite sa basse extraction ajoutée au jansénisme de son père déplaisent à la reine et au roi, et il doit quitter Versailles. Voltaire approuve le roi quand il supprime les parlements et n’oblige plus les plaignants à payer les juges. Néanmoins à la mort du roi, il déplore le peu de réformes réalisées en 58 ans de règne[128].

En , Rousseau est invité à Versailles par le roi à la suite du succès de son opéra, Le Devin du village. Il décline cette invitation. En , il écrit le Contrat social, un appel pour un nouveau système politique basé sur l’égalité. Ses idées publiées sous le règne de Louis XV, seront plus ou moins adoptées par les révolutionnaires qui renversent Louis XVI en [129].

Les physiocrates 1755 à 1767

La pensée de François Quesnay (et des physiocrates) outre un volet économique, qui sera évoqué plus loin, présente également un volet politique. Quesnay soutient que si la république est un régime convenable pour les États marchands comme la Hollande[130], une nation agricole se prête plus à la royauté. Malgré tout, ce médecin très spéculatif s'oppose à la hiérarchie sociale de l'Ancien Régime à laquelle il tend à substituer une société composée de trois classes de citoyens définies en fonction de leur place dans l'ordre économique à savoir : les propriétaires terriens, la classe productive (les agriculteurs) et la classe stérile[131]}. Il n'accepte pas les analyses développées par Fénelon, Saint-Simon, Montesquieu et un de ses disciples le marquis de Mirabeau qu'il n'aura de cesse de convertir à ses vues[132]. En effet, il ne croit pas contrairement à eux que l'aristocratie soit une arme contre l'absolutisme.

La physiocratie s'oppose également aux idées de Rousseau. Le livre du physiocrate Mercier de la Rivière, L'Ordre naturel et essentiel des sociétés politiques, basé sur l'idée de despotisme légal inspiré par des lois naturelles s'oppose aux idées de Rousseau notamment sur la question de la volonté générale[133]. En effet, pour les physiocrates l'idée d'aliénation ou de fusion de l'individu dans la volonté générale constitue une éthique du sacrifice à laquelle ils substituent une éthique de l'intérêt. Chez eux c'est l'équilibre des intérêts de plusieurs corps politiques guidés par la science qui aboutit à une volonté commune qui unit la nation[133]. La pensée des physiocrates sera surtout influente durant la Révolution française. Si Tocqueville donne aux physiocrates une influence forte sur les institutions issues de la Révolution française, c'est qu'il a compris selon Longhitano[134] qu'elle reprend aux physiocrates l’idée de despotisme légal applicable tant à une république qu'à une monarchie. Elle leur emprunte aussi leur opposition au gouvernement mixte de Montesquieu et à l'égalitarisme de Rousseau.

Vingtième

À la fin de la guerre de Succession d'Autriche, il semble nécessaire au roi et à son conseil de réformer la fiscalité. Par un édit de Marly de , il décide de créer une Caisse générale des amortissements destinée aux remboursements de la dette[135]. Pour financer cette Caisse l'impôt du dixième est supprimé et remplacé par le vingtième qui frappe tous les sujets du roi[135]. L'édit est présenté au parlement de Paris qui ajourne l'enregistrement et adresse des remontrances, mais le roi l'oblige à l'enregistrer[136].

Cette taxe remet en cause le statut privilégié du clergé et de la noblesse traditionnellement dispensés d'impôts. Les premiers remplissent leur obligation en effectuant un « don gratuit » au trésor et en s'occupant des pauvres et de l'enseignement tandis que les seconds payent « l'impôt du sang » sur les champs de bataille. Malgré tout, c’est le clergé qui est le plus opposé à cette mesure. Pour mettre l'opinion avec lui, le ministre Jean-Baptiste de Machault d'Arnouville fait rédiger par un avocat janséniste et anticlérical un texte intitulé Ne répugnante bono vestro visant à réfuter les arguments du clergé[137]. Si ce texte rallie Voltaire à la cause du vingtième, il ne change pas l'opinion du clergé réuni en assemblée.

Finalement, ce dernier accepte de faire un don gratuit de 1 500 000 livres, mais refuse le principe de l'impôt. Le parti dévot bien implanté dans la famille royale notamment auprès de la femme de Louis XV et de ses fils et fille) fait pression sur Louis XV. Par ailleurs dans l'affaire de l'Hôpital général qui gère huit établissements (notamment, la Pitié, Bicêtre et la Salpétrière), le roi doit s'opposer aux jansénistes qui de facto dirigent cet établissement où zèle et dévotion se combinent avec la prévarication et une certaine liberté des mœurs[138]. Aussi fin , il est décidé de laisser les bureaux diocésains s'occuper de la gestion des dons gratuits du clergé. Cette mesure mal perçue favorise le ralliement de la petite bourgeoisie aux thèses des philosophes[139].

Le problème des récoltes

En et , les récoltes ne sont pas bonnes ce qui entraîne parfois des problèmes d'approvisionnement. En conséquence, de nombreux mendiants et affamés affluent sur Paris. Une ordonnance royale du , remet en vigueur l'arrestation de ces personnes et leur enfermement dans des « maisons de force »[140]. Ces mesures appliquées très sévèrement par Nicolas-René Berryer entraînent un certain nombre d'excès et notamment l'arrestation d'enfants sans histoire. Aussitôt des rumeurs naissent : les personnes arrêtées seraient envoyées peupler le Mississippi[141] ; leur sang servirait à guérir un prince lépreux, ou encore c'est vu comme une réplique du massacre des Innocents sous Hérode Ier le Grand. Il ne faut pas s'y tromper pour les Parisiens très influencés par le clergé parisien alors très janséniste, dans les deux derniers cas, c'est en fait Louis XV qui est visé, comparé soit à Hérode soit à un prince lépreux. Rappelons ici que, dans la pensée de l'époque, le péché est vu comme la lèpre de l'âme[142].

Les débats économiques

Dès ses premiers écrits économiques — les articles parus vers dans l'Encyclopédie de d'Alembert et Diderot : « Fermiers », « Grains », « Impôts » et « Hommes » —, François Quesnay, médecin du roi introduit à Versailles par Madame de Pompadour et fondateur de la physiocratie, expose ce qu'il pense être les raisons des difficultés économiques du royaume[130]. Pour lui, Colbert, ébloui par la richesse de la Hollande, a commis l'erreur de vouloir faire de la France une nation commerçante[143]. Selon lui la France est un grand royaume agricole et c'est en comptant sur l'agriculture comme l'ont fait les Anglais en bâtissant leur richesse sur la laine de leurs vastes troupeaux de moutons qu'elle pourra trouver son salut[131]. Le problème est que le système colbertiste a découragé l'agriculture en voulant maintenir bas les prix agricoles pour favoriser le développement d'une industrie fondée sur des matières premières importées. Le résultat a été que l'interdiction d'exporter des produits agricoles a découragé la grande culture. En effet, du fait de l'interdiction de vente à l'extérieur, toute hausse de la production entraîne une baisse des prix qui ruine les agriculteurs les plus entreprenants[131]. Selon lui donc, la suppression des restrictions aux exportations et autres réglementations permettrait aux agriculteurs d'obtenir de bons prix (la notion de bon prix est un élément clé de la physiocratie) ce qui favoriserait la production agricole et enrichirait le royaume[131].

Un autre courant économique est né au début des années , soit un peu avant la physiocratie, autour du marquis Vincent de Gournay, d'André Morellet, de Forbonnais et de Montaudoin de la Touche pour ne citer qu'eux. Ces hommes ont introduit en France des écrits d'économistes étrangers parmi lesquels il est possible de citer Josiah Child, Gregory King, Hume, Jerónimo de Uztáriz, et d'autres[144]. Ils sont aussi très marqués par l'idée de doux commerce développée par Jean-François Melon. Ces hommes sont également convaincus comme Colbert de l'importance de l'industrie à la différence près qu'ils ils pensent qu'il est temps de démanteler les lois et le système corporatif qui l'enserrent[145]. Par contre, comme les mercantilistes, ils accordent une grande importance à la balance extérieure du pays. S'ils s'accordent pour libéraliser le commerce du grain, ils ne veulent pas que son prix monte car cela irait, selon eux, contre l'intérêt des manufactures françaises. Quesnay les accuse de ne pas vouloir vraiment libérer le potentiel agricole du pays. Un temps Turgot tente de réconcilier les deux points de vue[145], mais en , Montaudoin de la Touche commence une dispute avec les physiocrates basée sur la défense des intérêts des commerçants et des industriels qui rompt toute idée d'accord entre eux. Au cours de ces échanges Forbonnais accuse les physiocrates de ne pas comprendre ce que l'introduction de la monnaie a provoqué comme changement dans l'ordre naturel[146]. Si les physiocrates ont une certaine influence sur la libéralisation du commerce des grains introduite en par François de L'Averdy, après l'arrivée de Joseph Marie Terray au contrôle général des finances en , ils perdent toute influence économique[147].

La doctrine parlementaire des années 1750

Selon Michel Antoine« À partir des années 50 du siècle, la magistrature s’est enfoncée dans un état à peu près constant d’effervescence et de rébellion, suscitant à tout propos des incidents et des conflits[148] ». Les raisons de cet état sont nombreuses. Tout d’abord, les prix des offices ne cessent de baisser depuis et parfois personne ne veut les acheter ce qui a conduit le chancelier d’Aguesseau à fusionner des tribunaux et à diminuer le nombre d’offices. De plus, très souvent le personnel est pléthorique pour le nombre d’affaires à traiter[149]. Cette situation est liée à la montée en puissance du fonctionnariat, dont les intendants et les ingénieurs constituent le fer de lance. Rappelons ici que c'est autour des années que sont créées l’École de la Marine, celle des Ponts-et-chaussées et celle du génie de Mézières. Tout cela pousse les magistrats à ne pas se contenter de vouloir juger, mais à étendre leur champ d’action et à vouloir, comme ils le proclament en , : « juger l’équité et l’utilité des lois nouvelles, la cause de l’État et du public…[150] ». Si, selon Michel Antoine, le livre L'Esprit des lois dépasse ce que peut comprendre la moyenne des magistrats, ils en ont malgré tout retenu que l’accusation de despotisme vise également la monarchie française. Le livre qui va vraiment marquer les magistrats est rédigé par un avocat Louis Adrien Le Paige sous le titre Lettres historiques sur les fonctions essentielles du parlement, sur le droit des pairs et sur les lois fondamentales du royaume[151]. Dans ce livre, il défend l’idée qu’il existe une constitution primitive sur laquelle la monarchie repose depuis Clovis qui a été altérée avec le temps dans un sens favorable au despotisme. Ce livre soutient de fait que les parlements nés avant la monarchie, ont au minimum un pied d’égalité avec le roi. Un thème repris dès 1755 par le parlement de Paris[152]. Si ces prétentions sont réfutées dans le livre d’un anonyme intitulé Réflexions d’un avocat sur les remontrances du parlement du 27 novembre 1755 qui montre que l’existence du parlement remonte au maximum à Philippe le Bel, le parlement de Paris n'en a cure et ordonne le que cet écrit soit « lacéré et brûlé en la cour du palais »[153].

Dans le même temps, les parlements qui lors de l’enregistrement des lois peuvent émettre des remontrances destinées aux rois, en modifient profondément la nature en les rédigeant de « plus en plus à l’intention du public »[154].

Affaire des sacrements

En , Christophe de Beaumont nommé archevêque de Paris pour remettre de l'ordre dans un diocèse très largement acquis aux adversaires de la bulle Unigenitus, impose à ses prêtres de refuser les derniers sacrements aux personnes qui ne présenteraient pas un billet de confession[155]. En et le parlement s'en tient à des remontrances quand on lui signale de tels cas, son premier président René-Charles de Maupeou prêche alors la modération. À partir de , vexé de ne pas avoir été nommé chancelier, il décide de laisser faire les parlementaires[155]. Aussi quand un vieil oratorien se voit refuser les sacrements par le curé de Saint-Étienne-du-Mont celui-ci est condamné à une amende et sommé de donner le sacrement. Aussitôt le roi casse cet arrêt. Le parlement maintient son jugement et veut le faire exécuter, mais le prêtre s'est enfui. Le parlement fait des remontrances au roi sur le danger de « schisme » et considère que « tout refus de sacrement comme une diffamation, justiciable des tribunaux séculiers »[156].

Dans un souci d'apaisement et parce qu'il considère le refus de sacrement comme abusif, le roi annonce la création d'une commission mixte de conseillers d'État et d'évêques pour trancher la question. Il demande que jusqu'au dépôt des conclusions, il soit fait silence sur ces affaires[157]. Il n'obtient pas le silence et le parlement continue à poursuivre les curés qui refusent les sacrements[157]. La commission mixte n'arrive à rien et le , le roi fait exiler les magistrats des enquêtes et des requêtes[158]. La situation est alors bloquée et la justice supérieure paralysée, car une chambre de vacation instituée temporairement n'arrive pas à fonctionner[159]. Le roi, possiblement sur les conseils de Madame de Pompadour, convoque de Maupéou à Versailles en et fait preuve de clémence avec les magistrats. Christophe de Beaumont qui continue à approuver le refus de sacrement est exilé[160].

Roi de France et de Navarre pendant et juste après la guerre de sept ans

Les prémices de la guerre de Sept Ans

L'amiral Edward Boscawen (1711-1761).

Les relations franco-anglaises

En , les élections à la Chambre des communes amènent au pouvoir un gouvernement voulant accroitre l’empire colonial anglais. Dès , les troupes stationnées en Amérique sont renforcées soit par envoi des régiments anglais, soit par recrutement local. La fabrication de navires et le recrutement de matelots sont accélérés tandis que le général anglais Edward Braddock reçoit l'ordre d'occuper les forts français de la vallée de l'Ohio et du lac Érié. Enfin le 16 avril 1755, l'amiral Edward Boscawen reçoit l'ordre d'intercepter les navires français à l'entrée du Saint-Laurent[161].

Côté européen, pour couvrir le Hanovre, dont est originaire son roi, l'Angleterre cherche un accord avec une Autriche réticente. Elle parvient malgré tout à s'entendre avec la Russie à qui elle fournit des subsides pour entretenir une armée de 55 000 hommes en Livonie[162]. Cet accord inquiète Frédéric II de Prusse qui craint d'être pris en tenaille. Aussi, il signe le (alors même que son alliance avec la France ne cesse que le ), le traité de Westminster avec les Anglais qui écarte la menace russe contre l'engagement de sa part de défendre les frontières du Hanovre contre la France[161].

Les relations franco-autrichiennes

À l', l'impératrice d'Autriche fait parvenir par l'intermédiaire de Madame de Pompadour, une lettre au roi lui disant vouloir engager des négociations secrètes avec la France[163]. Celles-ci sont confiées à l'abbé de Bernis et restent secrètes jusqu'à ce que Frédéric II se décide à négocier avec l'Angleterre. Après cette date, elles sont portées à la connaissance de tous les ministres d'État[164]. Ces négociations conduisent au traité de Versailles de dans lequel l'impératrice d'Autriche promet de rester neutre dans le conflit franco-britannique d'Amérique tandis que le roi de France s'engage à ne pas attaquer les Pays-Bas et autres possessions de l'impératrice. Enfin, les deux pays s'accordent la garantie de leurs possessions européennes contre les autres pays. Dans le texte officiel, cette garantie ne vaut pas contre l'Angleterre alors que dans un document secret, cette garantie vaut contre ceux opérant à titre d'auxiliaires des Anglais[165].

Constituant une rupture avec la politique suivie depuis le cardinal de Richelieu, cette alliance avec l'impératrice d'Autriche est mal vue en France, même si l'époque ayant changé, ce revirement d'alliance est selon Michel Antoine la solution la plus raisonnable[166].

Accroissement des tensions dans l'appareil gouvernemental

Le maréchal de Belle-Isle (1684-1761).

Le , le roi renvoie deux de ses ministres les plus importants Jean-Baptiste de Machault d'Arnouville et le comte d'Argenson, deux hommes impliqués dans l'affaire du vingtième. Le premier parce que c'est son projet et le second parce que, ami des jésuites, il est plus proche des positions du clergé dans cette affaire. Si la lettre de renvoi du premier est plutôt affectueuse, celle envers le second est beaucoup plus sèche. Outre que ce dernier n'était pas en meilleurs termes avec Madame de Pompadour, le roi semble aussi lui reprocher sa gestion des affaires parisiennes qui vont être confiées au marquis de La Vrillière[167]. Le marquis de Paulmy remplace son oncle le comte d'Argenson au secrétariat d'État à la Guerre, Peyrenc de Moras se voit confier la Marine qu'il doit cumuler avec les Finances tandis que le roi se réserve les Sceaux. Après ces renvois l'abbé de Bernis et Choiseul deviennent les personnalités dominantes du gouvernement[168]. Le marquis de Paulmy démissionne du secrétariat d'État à la guerre le où il est remplacé par le maréchal de Belle-Isle. Peyrenc de Moras cède la marine au marquis de Massiac qui ne la conserve que durant l' avant qu'elle ne soit cédée à Berryer. Ce dernier, un proche de Madame de Pompadour, est nommé également en au Conseil d'En-Haut tout comme le maréchal d'Estrées[169] et le marquis de Puisieulx. Le Contrôle général des finances connaît après la démission de Machault une forte instabilité puisque de à , cinq personnes se succèdent à ce poste avant qu'il ne soit confié à Bertin qui le garde de à . Choiseul, ambassadeur à Vienne devient fin secrétaire d'État aux affaires étrangères à la place de l'abbé de Bernis devenu cardinal en . Choiseul sera nommé en à la mort de Belle-Isle, secrétaire d'État à la guerre un poste qu'il occupera jusqu'à sa disgrâce en . Durant toute cette période les Choiseul (le duc et son cousin le marquis) seront à la tête des affaires étrangères, de la marine et de la guerre[170].

L'abbé de Bernis, sur le point de devenir cardinal, suggère au roi de modifier le fonctionnement du gouvernement. Comme il sait que le roi tient, tout comme son aïeul Louis XIV, à ne pas avoir un Premier ministre, personne physique, il suggère qu'une assemblée, le Conseil du roi, en tienne lieu. Son plan, partiellement mis en place, prévoit également un examen des dépenses du gouvernement qui révélera de grands dysfonctionnements au secrétariat d’État à la Marine entraînant le départ de Massiac[171]. Mais ce plan ne plaît guère à Madame de Pompadour qui perdrait de son influence dans les affaires gouvernementales[172]. Enfin, il placerait de facto Bernis au premier plan ce à quoi le roi ne tient pas[167]. Aussi Bernis, à peine fait cardinal le , est-il disgracié le [172]. Choiseul devient alors le ministre prépondérant jusqu'à sa propre disgrâce en [173].

Les débuts

Carte de Louisbourg durant le siège.

Frédéric II remporte un succès sur les Autrichiens à Prague le , avant d’être battu par eux le à Kolín. L’armée de Louis XV conduite par le maréchal de Soubise jointe à l’armée autrichienne de Saxe-Hildburghausen, sont battues à la bataille de Rossbach le . Aussitôt l’opinion s’en prend à Soubise, un proche de la marquise de Pompadour[174].

Carte permettant de situer Le fort Frontenac durant la guerre de Sept Ans.

Au Canada lors du siège de Louisbourg la marine anglaise emploie les grands moyens (14 000 hommes et 23 vaisseaux) pour s'assurer la victoire en . Si le fort Frontenac est également pris, Fort Carillon résiste en partie grâce au ravitaillement effectué par trois convois partis de Bordeaux[175].

En Afrique le fort de Saint-Louis tombe de même que l’île de Gorée. Aux Indes Chandernagor et Madras sont également pris[176].

Louis XV, Choiseul et la poursuite de la guerre

Fin , Le roi et Choiseul veulent poursuivre la guerre de façon à arriver à une paix plus équilibrée que ne le permet l’équilibre présent des forces. Pour ce faire, ils mettent au point un projet de débarquement dans l’Est de l’Écosse soutenu par les Suédois[177]. À cette fin, un projet de construction de barges est lancé. La base de départ prévue initialement dans le pas de Calais est transférée dans le golfe du Morbihan sous la direction du duc d’Aiguillon[177]. Mais cinq vaisseaux de ligne anglais bombardent Le Havre, lieu de construction des barges, tandis qu’une escadre de la Méditerranée envoyée soutenir l’escadre de l’océan est détruite par la flotte anglaise au large du Portugal[178] à la bataille de Lagos en . Finalement, ce projet est définitivement abandonné après la bataille des Cardinaux[179].

La bataille de Lagos, le 18-. Edward Boscawen poursuit l'escadre française de La Clue qui se disloque après le passage de Gibraltar. Malgré la neutralité portugaise, les vaisseaux français réfugiés à Lagos sont pris ou incendiés. (Gravure d'après Francis Swaine, 1786).
La guerre en Europe continentale

En , le maréchal de Broglie bat Ferdinand de Brunswick, tandis que le le général russe Piotr Saltykov à la tête des troupes coalisées dont la France est membre inflige une défaite majeure aux Prussiens à Kunersdorf[180].

La mort d’Élisabeth Ire de Russie le 2 et son remplacement par Pierre III puis par la grande Catherine II de Russie, conduit à un changement de politique russe vis-à-vis de la Prusse qui affaiblit l’alliance franco-autrichienne[181].

La guerre sur mer et outre-mer

Le roi est conscient du déséquilibre des forces en Amérique du Nord il sait que sur ce continent la population anglaise s'élève à 1,2 million d’habitants quand la population française atteint seulement 100 000 habitants[182]. Militairement, il sait que le camp français ne pourra jamais aligner plus de 13 000 hommes contre 48 700 côté anglais. Qui plus est, économiquement ces colonies pèsent peu en terme économique comparé à la Martinique qui compte alors 80 000 habitants, la Guadeloupe 60 000 habitants et Saint-Domingue 180 000 habitants, essentiellement des esclaves[182]. Aussi, n’est-il guère surpris quand en , le Québec se rend et ce d’autant moins que dès , il a compris qu’après le traité d’Aix-La-Chapelle la France n’a pas fait un effort suffisant pour sa marine qui compte début , 45 navires de lignes contre 88 pour l’Angleterre. De plus, l’écart est appelé à se creuser, car à cette date la France a neuf navires en construction quand les Anglais en ont 22[182].

Dans les Antilles, la Guadeloupe est prise par les Anglais en tout comme peu après la Désirade, Marie-Galante et les Saintes[183].

La flotte de Brest est défaite le par l’amiral Edward Hawke et ses 45 vaisseaux à la bataille des Cardinaux[180].

En , les Anglais s’emparent de Belle-Île que faute de bâtiments de guerre français, le duc d’Aiguillon ne peut secourir. En , la Dominique tombe[184].

Pour tenter de faire pièce à l’Angleterre, Louis XV et Charles III d’Espagne décident de signer le , un troisième pacte de famille où ils se promettent l’assistance d’au moins douze vaisseaux de ligne et six frégates ainsi que de 18 000 fantassins et de 6 000 cavaliers[185]. À cette époque le nombre de vaisseaux de la France et de l’Espagne réunies est inférieur aux cent six bateaux de la marine anglaise. La situation est pire si on tient compte de la vétusté des bateaux espagnols[185]. Le l’Espagne déclare la guerre à l’Angleterre et les défaites s’enchaînent pour les Franco-espagnols. La Martinique tombe aux mains des Anglais en suivie par Grenade, Saint-Vincent, etc. Enfin La Havane est occupée par les Anglais de même que la Floride et la ville de Mobile[186].

Fin de la guerre de Sept Ans : le traité de Paris de 1763

La France tente dès la fin de des négociations avec la Grande-Bretagne mais, elle se heurte à l’intransigeance de William Pitt l'Ancien. Il faut attendre son retrait politique ainsi que la mort du roi George II en pour que les hommes aux affaires en Grande-Bretagne acceptent de négocier. Ils y sont incités à la fois par l’attitude assez désinvolte à leur égard de Frédéric II et par leur inquiétude devant le coût de la guerre[187].

Le traité de Paris est signé le . En Europe continentale, on revient à la situation de départ. Par contre outre-mer la France recouvre Belle-Île, la Guadeloupe, la Martinique, Marie-Galante, la Désirade, Gorée, les cinq comptoirs en Inde. Toutes les autres possessions restent aux mains des Britanniques. La France acquiert Saint-Pierre-et-Miquelon, mais donne la Louisiane à l’Espagne par traité secret. L’Espagne perd la Floride mais recouvre La Havane[188].

Il est à noter qu'en terme économique, la Guadeloupe et la Martinique plus la partie de Saint-Domingue restée entre les mains françaises grâce aux colons et marins français rapportent alors plus que tout le Canada[189].

Frédéric II soutient que dans cette guerre la France a agi contre son intérêt en intervenant en Allemagne. Il note : « L'espèce de guerre qu'ils faisaient aux anglais était maritime ; ils prirent le change et négligèrent cet objet principal, pour courir après un objet étranger qui proprement ne les regardait pas[189]. ». Il convient de noter que pour Bluche cette guerre a permis à la Prusse de faire son entrée dans le cercle restreint des grandes puissances européennes[189].

Affaire du Grand Conseil

Le Grand Conseil a reçu de Charles VII et de Louis XII un statut qui en faisait « un tribunal des conflits, un tribunal administratif et un tribunal d'exception »[190]. Le chef en est le chancelier et la première présidence est confiée à un conseiller d'État. Bien que socialement le Parlement et le Grand Conseil aient un recrutement quasi identique, le Parlement a toujours détesté ce corps issu du Conseil du Roi[191]. L'affaire surgit en quand deux particuliers portent plainte pour bagarre. L'un porte plainte devant une juridiction dépendant du Parlement et l'autre au Grand Conseil dont il est membre honoraire. Le Grand Conseil décide de s'occuper de l'affaire et demande à l'autre juridiction de se dessaisir, ce qu'elle ne fait que partiellement de sorte que, de fil en aiguille, le Parlement et le Grand Conseil se font face. Sur ces entrefaites, pour une raison non élucidée, le roi par l'intermédiaire du Conseil des Dépêches prend deux arrêts en faveur du Grand Conseil, arrêts qui mettent le feu aux poudres[192]. L'affaire devient plus politique quand le Parlement invite les princes et les pairs du royaume à venir délibérer. Le roi leur interdit d'y aller, mais six princes (Orléans, les Condé, les Conti) et vingt-neuf ducs et pairs se rebellent contre cette interdiction[193]. Cette rébellion occasionne un rapprochement entre la noblesse de robe et celle d'épée[194].

Attentat manqué de Damiens

Dessin idéalisé de l'exécution de Damien réalisée au milieu du 19e siècle par Théophile Fragonard

Robert-François Damiens  domestique chez plusieurs conseillers du Parlement  essaye de tuer le roi à Versailles le après avoir loué épée et chapeau dans une boutique sur la place d'armes devant le château[195]. Il entre au château de Versailles, parmi les milliers de personnes qui essayent d'obtenir des audiences royales, et frappe le roi avec une lame de 8,1 cm vers 18 heures, alors que celui-ci vient de rendre visite à sa fille souffrante et s'apprête à entrer dans son carrosse pour retourner à Trianon. Louis XV porte d'épais vêtements d'hiver et la lame ne pénètre que d'un centimètre, entre les 4e et 5e côtes[196]. Si la blessure n'est pas très grave, l'attentat provoque un grand émoi. Surtout la question qui se pose très vite est de savoir s'il s'agit d'un complot et éventuellement de qui. Deux pistes sont avancées : les Anglais, ou les jésuites et le clergé[197]. Très vite on s'aperçoit qu'il n'y a pas eu complot, mais que, comme le déclare Damiens lui-même « si je n'étais jamais entré dans les salles du palais et que je n'eusse servi que des gens d'épée, je ne serais pas ici »[198], bref c'est en partie la haine des parlementaires envers le roi qui a armé son bras[199]. La question qui se pose est celle de déterminer qui va juger Damiens, une commission composée de conseillers d'État et de maîtres des requêtes ou le parlement de Paris ? L'abbé de Bernis fait pencher la balance pour le Parlement, car il estime qu'il vaut mieux que l'affaire soit traitée publiquement. Lors du procès, le prince de Conti déploie de grands efforts pour escamoter autant que possible le rôle qu'ont joué les déclarations séditieuses des parlementaires[198]. Finalement Damiens est condamné et exécuté le sur la place de Grève[198].

Bannissement des Jésuites

Allégorie de l'expulsion des Jésuites du Portugal, v. 1759.

Le , le roi du Portugal Joseph Ier est victime d'une tentative d'assassinat présumée avoir été commise ou inspirée par les Jésuites[200]. Ceux-ci sont d'ailleurs mis hors la loi au Portugal peu après. La presse janséniste s'empare du sujet et des pamphlets hostiles à cet ordre religieux se répandent[200] : toutefois l’hostilité aux Jésuites n'est pas propre aux jansénistes et la tradition gallicane en France est opposée à un ordre qui est alors perçu comme inféodé au pape[201]. Dans un ouvrage en quatre volumes Histoire générale de la naissance et des progrès de la Compagnie de Jésus et analyse de ses Constitutions Louis Adrien Le Paige établit un document qui sert de base à la lutte contre l'ordre et met en avant le grief qui fait le plus frémir : le despotisme.

L'occasion d'une attaque en règle de la Compagnie de Jésus est fournie par la faillite commerciale de l'établissement dirigé par le père Antoine Lavalette à la Martinique. Un de ses débiteurs, la maison Lionci et Gouffre de Marseille, se tourne vers la Compagnie auquel il réclame 1 552 276 livres[202]. À cette époque, les ordres religieux sont fondés à demander que leur affaire soit traitée par le Grand Conseil, mais les Jésuites optent pour le parlement de Paris qui les condamne à verser la somme réclamée. Les choses auraient pu en rester là. Mais l'abbé de Chauvelin, le , saisit l'assemblée des Chambres afin qu'elle examine les Constitutions. Aussitôt le Parlement demande ses Constitutions à la Compagnie qui les lui fournit. L'avocat général Joly de Fleury, qui présente le rapport du parquet après qu'il a examiné les documents, demande alors qu'une large autonomie soit donnée aux cinq provinces jésuites de France (il s'agit là de leur permettre d'échapper au despotisme du supérieur général de l'ordre) et qu'il soit enseigné une doctrine « conforme aux maximes gallicanes ». Louis XV tente alors d'obtenir du pape une réforme de la Constitution de l'ordre, mais se heurte à un refus[203]. Dès lors, l'affaire est scellée. Selon Michel Antoine, le roi et surtout Choiseul ont coopéré avec le Parlement, car ils pensaient que cela les rendraient plus souples en matière fiscale. En réalité, comme le note alors le président de Miromesnil, ils « ont augmenté la confiance des parlements » et ajoute-t-il, maintenant « il n'est rien dont les gens échauffés ne se flattent de venir à bout »[204].

Du parlement de Navarre à l'affaire La Chalotais

Lorsque survient l'affaire du parlement de Navarre, le roi à l'instigation de Choiseul et de Madame de Pompadour a demandé sa démission au chancelier de Lamoignon. Ce dernier, un des grands perdants dans l'affaire des jésuites, a reproché au roi ses capitulations face au Parlement. Le chancelier refuse, le roi décide de l'exiler le . Mais, comme on ne peut démettre un chancelier, un poste de vice-chancelier est créé et attribué à Maupéou père[205]. Cette situation affermit encore la position du clan Choiseul usuellement proche des parlementaires qui viennent de voir l'un d'entre eux, François de L'Averdy, un janséniste militant qui a fait ses armes lors du procès des Jésuites, arriver au Contrôle général des finances[206].

En , le parlement de Navarre s'insurge contre une loi enregistrée 17 ans plus tôt. En deux commissaires du roi sont envoyés, ils réussissent à remettre en marche la justice malgré la résistance de nombreux parlementaires qui mènent la vie dure à ceux qui ont repris le travail. C’est alors que débute l'affaire La Chalotais du nom du procureur général du parlement de Bretagne qui est aussi physiocrate. Ce dernier enhardi par l'exemple de François de L'Averdy veut faire carrière. Tout comme L'Averdy, La Chalotais s'est fait un nom lors de l'expulsion des jésuites en écrivant un Compte-rendu des constitutions des jésuites (1761) ainsi qu’un Second compte-rendu sur l'appel d'abus (1762). Il est aussi connu par son Essai d'éducation nationale (1763). Son grand rival à Rennes est le duc d'Aiguillon qui rêve aussi d'un destin national. L'affaire au parlement de Bretagne démarre par un refus d'enregistrement d'un édit qui maintenait le vingtième tout en atténuant d'autres points. Les choses s'enveniment rapidement et, ultime provocation, le commandant de la milice royale, délégué de l'intendant est mis en cause pour gestion incorrecte d'un tapage nocturne. Cela provoque l'arrestation de La Chalotais, de son fils et de trois conseillers[207]. Lors de l'instruction de l'affaire, Jean Charles Pierre Lenoir et Charles-Alexandre de Calonne découvrent une correspondance entre l'ex-procureur et un certain Deraine. En se rendant chez lui, ils voient des enveloppes marquées correspondance dont ils veulent se saisir. Deraine s'y oppose en leur affirmant que ces documents ne peuvent être vus que de Sa Majesté ou du prince de Soubise. Aussi font-ils porter ce courrier à Louis XV qui y découvre des lettres qu'il a adressées à une de ses anciennes maîtresses Mlle de Romans. Cet épisode joint à l'hostilité de la majorité des ministres à La Chalotais entraîne en réaction l'épisode dit de la flagellation[208].

La flagellation

Le roi se rend au parlement de Paris le , en présence tous les princes du sang et dans un long discours destiné à réaffirmer son autorité il dit notamment :

« c'est en ma personne seule que réside la puissance souveraine… C'est de moi seul que mes cours tiennent leur existence et leur autorité[209]. »

Peu après, La Chalotais et son fils après avoir été embastillés sont relégués à Saintes sous étroite surveillance, tandis que Deraine se voit interdire de revenir à la Cour mais continue à percevoir ses gages de lavandier[210]. Néanmoins, La Chalotais continuera ses réclamations auprès du parlement de Bretagne et cette affaire empoisonnera les relations du roi avec les parlements, jusqu'en au moins.

La flagellation a surtout impressionné la foule des sujets. Par contre elle n'a pas ramené longtemps les magistrats à résipiscence. Ils continuent à s'agiter de à [211]. D'une manière générale si les parlements restent sur le fond fidèles à la monarchie, ils ont parfaitement conscience des faiblesses du roi. Par exemple Durey de Meinières, un ancien président du parlement, estime que « le roi uniquement occupé de ses plaisirs devient de plus en plus incapable d'affaires sérieuses. Il ne peut pas en entendre parler. Il renvoye tout à ses ministres[212] ».

Choiseul aux Affaires étrangères, à l'Armée et à la Marine

Standardisation et mobilité des pièces sont les deux principes du « système Gribeauval ».

En politique étrangère deux secteurs ont incombé à Choiseul : l'Angleterre, la Marine et les Territoires d'outre-mer ; l'Europe orientale et septentrionale, c'est-à-dire les relations avec l'Autriche[213]. Pour faire face à l'Angleterre sur les océans, la France qui a besoin d'une alliance avec l'Espagne est liée à elle par le troisième pacte de famille. Choiseul et le ministre espagnol des affaires étrangères, de Grimaldi, ont des relations empreintes d'amitié tout comme leurs rois respectifs Louis XV et Charles III[213]. Pour ce qui est des relations avec l'Autriche, Marie-Thérèse et Louis XV éprouvent l'un pour l'autre un respect mutuel et une méfiance commune envers Frédéric II de Prusse. Par contre, la relation entre leurs ministres Kaunitz et Choiseul est courtoise, mais défiante et repose surtout sur des paroles d'amitié[214].

Dans le domaine militaire, Choiseul fait moderniser l'artillerie par Jean-Baptiste Vaquette de Gribeauval qui la dote de canons qui serviront pendant la Révolution française et le Premier Empire. Il réforme également l'armée dont il standardise les uniformes et renforce le règlement et la discipline. Il modifie le recrutement des régiments en faisant tirer au sort des miliciens qui doivent servir de réserve. Par ailleurs un système de pension est instauré pour les soldats qui partent à la retraite[215]. La marine est considérablement renforcée et compte en , 66 vaisseaux de ligne, 35 frégates et 21 corvettes[216]. Outre-mer, la Compagnie des Indes est supprimée tandis que ses anciens territoires passent sous l'autorité du roi. Aux Antilles, Saint-Domingue, la Martinique, la Guadeloupe et Sainte-Lucie sont dotées chacune d'un intendant[216].

Le rattachement de la Corse

Portrait du général Paoli en 1820. Peinture par Joseph Chabord.

La conquête de la Corse est un des seuls succès en politique extérieure du duc de Choiseul. En , Louis XV s'est vu attribuer par la république de Gênes le droit d'installer des garnisons à Calvi, Saint-Florent et Ajaccio[217]. L'accord avec Gênes est le suivant : la France devait pacifier la Corse pour le compte des Génois et ne la conserverait que si la république de Gênes ne pouvait payer les dépenses qu'elle engagerait en Corse[218]. Aussi, la vente n'est pas formellement stipulée dans le traité du , dont les Anglais soucieux de l'immixtion des français dans les affaires corses n'ont pu connaître la teneur exacte. Ceux-ci laissent alors entendre qu'ils pourraient intervenir ce qui n'effraye pas Choiseul[219]. Militairement, la campagne est marquée par deux combats majeurs. Tout d'abord, à la bataille de Borgo, en , Pascal Paoli défait les Français, en tue 600 et en capture 600 autres dont le colonel de Ludre, le propre neveu de Choiseul. À la suite de cet échec, un corps expéditionnaire de près de 20 000 hommes débarque à Saint-Florent commandé par l'un des plus grands militaires de la monarchie, le comte de Vaux[219]. Les nationaux sont finalement vaincus à la bataille de Ponte-Novo, le . Peu après, Pascal Paoli, général en chef de la nation corse, part en exil en Angleterre et la Corse se soumet au roi.

La disgrâce de Choiseul

En , Le chancelier de Lamoignon démissionne. Il est remplacé par René-Charles de Maupeou le . En , le nouveau chancelier s'oppose aux opérations financières proposées par le contrôleur général Mayon d'Invault et provoque la démission de ce proche de Choiseul. Après avoir découragé le candidat de Choiseul, la nomination de l'abbé Terray le renforce la position de Maupeou au sein du gouvernement[220]. En , Choiseul écrit à son homologue espagnol Grimaldi que la guerre avec l'Angleterre lui semble inéluctable. Louis XV mis au courant, interdit l'envoi de cette lettre et demande au duc d'en écrire une autre par laquelle il recommande au roi d'Espagne de déployer les plus grands efforts pour faire la paix. Parallèlement, Louis XV écrit à Charles III. S'il lui demande de faire des efforts pour la paix, il lui annonce également que même s’il envisage de changer de ministre, il poursuivra la même politique vis-à-vis de l'Espagne[221]. Le , Choiseul est disgracié[222]. Cette disgrâce fait grand bruit. Ses partisans et les parlementaires l'attribuent à la comtesse du Barry[223]. Selon Michel Antoine, l’erreur principale de Choiseul est d'avoir préparé une guerre de revanche sans avoir mis le pays en état de la soutenir. Plus tard, en , Louis XV dira au comte de Broglie « Les principes de Choiseul sont trop contraires à la religion, par contrecoup à l'autorité royale »[223].

Le gouvernement de Maupeou et du triumvirat (1770-1772)

René-Nicolas de Maupeou, chancelier et dernier chef du gouvernement sous Louis XV.

Il s'agit du vrai tournant du règne, le moment où selon François Bluche[224], « tardivement lucide …et… enfin quelque peu volontaire », il nomme trois ministres pas particulièrement souples qui formeront ce qu'on appelle parfois le triumvirat. Son chef est le chancelier de Maupeou, président du Parlement de Paris de à , secondé par l’abbé Terray aux Finances et par le duc d'Aiguillon aux Affaires étrangères et à la Guerre[224].

Suppression des parlements


La première priorité de Maupeou est de mettre le parlement sous contrôle et de poursuivre le programme de modernisation de l’État. Le , les agents royaux et les mousquetaires se présentent aux domiciles des parlementaires, les informent que leur office est supprimé et leur ordonnent de quitter Paris pour rejoindre leur résidence en province[225]. En février une mesure encore plus radicale est prise : les parlements régionaux sont remplacés par des hautes cours de justice civile et par six nouveaux hauts conseils régionaux. Désormais la justice est rendue gratuitement. Seuls les pouvoirs du parlement de Paris demeurent largement inchangés. La suppression des parlements provinciaux permet au gouvernement de promulguer de nouvelles lois et de lever de nouvelles taxes sans opposition. Cependant, après la mort du roi, la noblesse demande et obtient la restauration des parlements régionaux[226]. Lorsque, le 13 avril 1771, Louis XV tient un lit de justice pour forcer le parlement à enregistrer ses décisions, il laisse le chancelier Maupeou parler se contentant de prendre la parole à l'issue de la cérémonie pour déclarer : « Je ne changerai jamais ».

Finances

L’abbé Terray n'est un prêtre que nominalement, sa carrière gouvernementale est entièrement séculière et sa vie privée non exempte de reproches. Néanmoins, c’est un collecteur de taxes efficace. Il ouvre une école pour former les inspecteurs des taxes et ne ménage pas ses efforts pour que les impôts soient prélevés et collectés de la même façon dans toutes les régions. À sa nomination, l’État présente un déficit de 60 millions de livres et la dette à long-terme s'élève à 100 millions de livres. En , les revenus des impôts ont progressé de 60 millions de livres et la dette réduite à 20 millions de livres. Il est revenu sur la libéralisation du marché des grains de et de . Les contrôles seront une source d’agitation dans les années suivantes, et ce, jusqu’à la Révolution française[227].

Affaires étrangères

Après la démission de Choiseul, le roi encourage son cousin et allié Charles III d’Espagne à s’entendre avec l’Angleterre pour régler la crise des îles Malouines de manière à éviter la guerre. Comme Choiseul s’est focalisé sur la guerre avec l’Angleterre, il a complètement ignoré l’Europe et la France n’a alors même plus un ambassadeur à Vienne. La Russie et la Prusse ont divisé la Pologne, un allié traditionnel de la France, sans que celle-ci n'émette de protestation. La Suède, autre allié traditionnel, est menacée d’être à son tour dépecée entre la Russie et la Prusse à la mort de son roi en . Le prince royal Gustave III de Suède alors à Paris a un long entretien avec le roi qui lui promet son aide. Avec des subsides français et l’aide du secret du Roi, Gustave III peut retourner à Stockholm. Le , sur son commandement, la garde royale suédoise emprisonne le sénat et deux jours plus tard il est proclamé roi par la Diète. La Russie, la Prusse, occupées en Pologne, protestent mais n’interviennent pas[228].

Les dernières années à Versailles

Louis XV une année avant sa mort (1773) par François-Hubert Drouais

À la fin du règne de Louis XV, la cour à Versailles est un théâtre d’ombres. Marie-Antoinette, l'épouse de son héritier, cache mal son antipathie envers Madame du Barry, la maîtresse du roi pour laquelle il a fait construire un ensemble luxueux près de ses bureaux. La du Barry règne aussi sur le Pavillon de Louveciennes ainsi que le Petit Trianon initialement construit pour Madame de Pompadour. La cour est divisée entre les partisans de la maîtresse royale et la vieille aristocratie comme le duc de Choiseul et Marie-Antoinette qui la déteste[229]. Le Roi poursuit ses travaux de construction. L’opéra théâtre du palais de Versailles est terminé pour les fiançailles du Dauphin et de Marie-Antoinette, de même que la nouvelle place Louis XV avec en son centre une statue équestre du roi conçue à la manière de celle de Louis XIV, place Louis-le-Grand.

Mort et succession du roi

Le , les symptômes de la « petite vérole » apparaissent alors que Louis XV est au Petit Trianon.

Les filles survivantes du roi, le comte de Lusace, oncle maternel du dauphin, sont présents lors de l'agonie du roi. La bougie allumée à la nuit, au balcon de la chambre, est éteinte lorsque le souverain vient à mourir, le , à 15 heures 30, au château de Versailles, des suites de la maladie (septicémie aggravée de complications pulmonaires), dans l'indifférence du peuple et la réjouissance d'une partie de la cour, à l'âge de 64 ans et au terme de presque 60 ans de règne[230]. Variolique, il n'est pas embaumé : il est le seul roi de France à ne pas avoir reçu cet hommage post-mortem[231]. Il laisse le trône à son petit-fils, âgé de presque 20 ans, qui devient le roi Louis XVI.

L'impopularité de Louis XV est telle que sa mort est accueillie dans les rues de Paris par des festivités joyeuses, comme l'avait été celle de Louis XIV[232]. Lors des obsèques, le , pour éviter les insultes du peuple sur son passage, le cortège funèbre réduit contourne Paris de nuit, par l'ouest, avant d'arriver à la basilique Saint-Denis. La décomposition du corps est si rapide que la partition du corps (dilaceratio corporis, « division du corps » en cœur, entrailles et ossements[n 3]) avec des sépultures multiples ne peut être réalisée. Si les Parisiens manifestent leur indifférence ou leur hostilité, de nombreux témoignages attestent la profonde tristesse des Français de province, qui suivent en grand nombre, au cours de la fin du , les offices organisés dans toutes les villes et gros bourgs de France et de Navarre pour le repos de l'âme du roi[233].

Dix-neuf ans plus tard, le , durant la profanation des tombes de la basilique Saint-Denis, après avoir ouvert les cercueils de Louis XIII et de Louis XIV (relativement bien conservés) les révolutionnaires ouvrent celui de Louis XV et trouvent le cadavre nageant dans une eau abondante due à la perte d'eau du corps qui avait été en fait enduit de sel marin, et n'avait pas été embaumé comme celui de ses prédécesseurs. Le corps tombe rapidement en putréfaction, les révolutionnaires brûlent de la poudre pour purifier l'air de l'odeur infecte qu'il dégage et le jettent comme les autres corps, dans une fosse commune sur de la chaux vive[234].

Le , Louis XVIII fait rechercher les restes de ses ancêtres dans les fosses communes (dont Louis XV) pour remettre leurs ossements dans la nécropole des rois (aucun corps n'a cependant pu être identifié)[235].

Le roi en son domaine privé

Portrait du roi

Louis XV, pastel de Quentin de La Tour, 1748.

Physiquement, Louis XV a la taille cambrée et le port majestueux[236]. Si son visage est beau, le Roi s’est bâti un masque d’impassibilité difficile à percer. D’Argenson remarque à ce propos : « Louis XV se travaille du matin au soir pour se dissimuler »[237]. Cette volonté de dissimuler sa pensée semble venir à la fois des obligations de représentation qu'il a dû assumer dès sa prime jeunesse, et de sa grande timidité. Notons ici que François Bluche[238] doute de la timidité du roi et insiste plutôt sur sa malice  comme de marcher volontairement sur le pied d'un homme qui a la goutte pour plaisanter  qu'il voit comme un prolongement d'un « égocentrisme, royal… peu édifiant »[238]. Comme Louis XV n’a pas laissé de mémoires et que le courrier très abondant qu’il a mené a très largement disparu, les historiens ont du mal à vraiment le percer à jour[239].

Le roi est sujet à des accès de neurasthénie, durant lesquels il s'enferme dans un mutisme complet. Parfois également, on sent qu’il veut dire quelque chose d’obligeant, mais il n'y arrive pas[237]. Le roi doute surtout de ses capacités à tel point que, selon le duc de Croÿ :

« La modestie était une qualité qui fut poussée au vice chez lui. Voyant plus juste que les autres, il croyait toujours avoir tort. Je l’ai souvent entendu dire : « j’aurais cru cela (et il avait raison), mais on me dit le contraire donc je me suis trompé. »[237]. »

Sa mémoire est grande, et il se rappelle avec précision une foule de détails sur les cours étrangères qui étonnent les ambassadeurs. Comme il aime lire, les résidences royales sont dotées de bibliothèques : Versailles mais aussi Choisy-le-Roi, Fontainebleau et Compiègne. Il est curieux des connaissances scientifiques et techniques. Il observe avec les astronomes les plus réputés les éclipses des planètes[85]. Ses connaissances en médecine lui permettent d'avoir des conversations suivies avec les grands médecins de son temps sur les découvertes récentes. Enfin, il fait aménager au Trianon un jardin botanique qui, avec 4 000 espèces, est alors le plus important d'Europe[237]. Passionné de géographie, il encourage le travail des géographes et est à l'origine de la réalisation de la carte de Cassini. Il possède, en outre, une grande connaissance de l'histoire du royaume et étonne ses interlocuteurs par la précision de ses connaissances liturgiques.

La chasse et les « soupers de cabinet »

Le roi est un grand chasseur, plus encore que Louis XIV et Louis XIII. Il pratique cette activité de quatre à six fois par semaine. S’il aime l’aboiement des chiens, le son des cors et le contact avec la nature, il est aussi attentif à ne pas causer des dégâts aux cultures[240]. Il connaît parfaitement tous les chiens de sa meute, à laquelle il prodigue des soins attentifs, au point de faire aménager dans ses appartements du château de Versailles le cabinet des chiens. Pour faciliter ses courses, il fait réaménager les forêts d'Île-de-France avec les pattes d’oie qui subsistent actuellement. Dès ses treize ans et demi, il aime les repas d’après-chasse, les « soupers du cabinet » entourés de dix à quinze amis qu’il choisit avec soin. Lors de ces soupers, point de gauloiserie, tout reste de bon ton, dépouillé seulement du cérémonial pesant de Versailles[241].

Selon François Bluche, le roi traite de façon générale les femmes, hors ses maîtresses officielles, moins bien que les domestiques de sa Maison. Il cite à cet égard les propos du duc de Luynes selon lesquels : « Le Roi aime les femmes et cependant n'a nulle galanterie dans l'esprit »[242].

Le roi, sa femme et ses enfants

Vue aérienne de l'abbaye de Fontevrault.

La reine joue parfaitement son rôle de représentation, même si, selon Petitfils, il lui manque « la prestance et la majesté nécessaires à sa condition »[243]. Louis XV a connu des années heureuses avec la reine qui l'adule et lui est entièrement dévouée. Un enfant naît presque chaque année. Cependant, la reine finit par se fatiguer de ces grossesses à répétition, autant que le roi se lasse de l'amour inconditionnel de son épouse. Le roi et elle ont eu dix enfants avec une première grossesse en avec la naissance de deux jumelles Marie-Louise Elisabeth et Anne-Henriette. En , elle accouche de Louise Marie, en d’un fils, le dauphin Louis Ferdinand. En , elle a un second fils qui, comme Louise Marie, meurt en . Puis naissent encore en Sophie Philippine, en , Marie Thérèse qui meurt en [244]. Les filles survivantes passeront plus de dix ans à l’abbaye de Fontevrault sans que leurs parents ne viennent les voir[245]

Selon François Bluche, le roi aime ses filles mais ne fait rien pour les marier, c'est selon cet historien un amour égoïste[246]. Par ailleurs, il leur impose le respect d'une étiquette côtoyant le ridicule qu'il assouplit plus tard. Une de ses filles finira carmélite. De façon générale ses filles appartiennent tout comme son fils au parti dévot et souhaitent sa conversion[246].

La reine est très pieuse et obtient du pape Clément XIII, en , l’instauration de la fête du sacré-cœur mise en avant par Jean Eudes de l’oratoire[247]. Elle aime lire des livres d’histoire et de métaphysique, notamment les livres du père Malebranche.

Le roi et ses maîtresses

Une « résidente » du Parc-aux-cerfs, Marie-Louise O'Murphy, par François Boucher.

Les premières maîtresses

En , Louis XV entreprend une première liaison hors mariage avec Louise Julie de Mailly-Nesle, comtesse de Mailly (1710-1751), juste quelques mois avant la mort de son second fils. Peu à peu la culpabilité qu’il ressent de cette liaison le pousse dès à ne plus communier ni à continuer à pratiquer le rituel thaumaturgique du toucher des scrofuleux[248]. Il a encore pour maîtresse vers la sœur de Louise Julie de Mailly-Nesle, Pauline Félicité de Mailly-Nesle, comtesse de Vintimille (1712-1741)[249] suivie de Marie-Anne de Mailly-Nesle, marquise de La Tournelle, duchesse de Châteauroux (1717-1744). Viennent enfin ses maîtresses les plus célèbres : Madame de Pompadour et la comtesse du Barry.

Madame Pompadour, les arts et le Parc-aux-cerfs

À côté de ces maîtresses célèbres, le roi a également des aventures avec les « petites maîtresses ». Ainsi, quand il n'a plus de relations sexuelles avec Madame de Pompadour, celle-ci lui procure des jeunes filles sans éducation dont elle n’a pas à craindre l'influence. De là est née la légende du Parc-aux-Cerfs qui fait de ce lieu un harem peuplé par de jeunes femmes kidnappées consacrées au plaisir du roi. Cette légende a été propagée par des pamphlets avec force illustrations torrides. En réalité, il semble qu’il n’y eut jamais qu’une fille à la fois au Parc-aux-Cerfs, un lieu fermé en à la mort de la marquise de Pompadour[250],[251].

Malgré ces critiques, la marquise de Pompadour a une influence sur l'épanouissement des arts durant le règne de Louis XV. Véritable mécène, la marquise amasse une imposante collection de meubles et d'objets d'art dans ses diverses propriétés. Louis XV acheta ainsi trois tableaux et cinq dessus de porte réalisés par Jean Siméon Chardin. Elle favorise le développement de la manufacture de porcelaine de Sèvres[252] et ses commandes assurent leur subsistance à de nombreux artistes et artisans. De même c'est un de ses protégés Jacques-Germain Soufflot qui est chargé de l'architecture de l'église Sainte Geneviève[253]. Selon Michel Antoine, les historiens ont eu tendance à exagérer son rôle dans le domaine artistique au détriment du roi qui, selon lui, a un vrai sens artistique quand la marquise a tendance à donner dans la mièvrerie[254].

La comtesse du Barry

Madame du Barry. Portrait par François-Hubert Drouais (1769).

La fin du règne est marquée par l'arrivée dans la vie du roi de la comtesse du Barry[255], officiellement présentée à la cour en . Avant que le choix du roi ne se fixe sur elle, le parti dévot soutenu par les filles du roi, et notamment sa fille carmélite, propose de remarier le souverain, à la beauté intacte malgré ses 58 ans, avec l'archiduchesse Marie-Élisabeth d'Autriche, sœur de Marie-Antoinette, mais celle-ci voit sa grande beauté compromise par une attaque de petite vérole et le projet de mariage fait long feu. Le duc de Choiseul de son côté veut glisser dans le lit royal sa sœur Beatrix[256]. Finalement, le duc de Richelieu, grand seigneur libertin, et Lebel, le premier valet du roi, s'entremettent cette fois avec succès pour donner à Louis XV une nouvelle maîtresse, Madame du Barry. Ce choix déplaît fortement au duc de Choiseul qui lance « une campagne de diffamation contre l'intruse » à travers force libelles telles que Le Brevet d'apprentissage d'une jeune fille à la mode, La Bourbonnaise, La Paysanne pervertie[256].

Le choix de Madame du Barry, une femme de modeste extraction, est pour le roi, selon Jean-Christian Petitfils, l'occasion de lancer « un défi aux princes et à la haute aristocratie qui le bravaient, soit en soutenant la sédition robine, soit en se pâmant devant la philosophie nouvelle[257] ». Madame du Barry est une femme « douce et mutine » dont le seul défaut semble être d'aimer les bijoux. Elle est peu portée sur la politique, mais l'hostilité que lui voue Choiseul la place de fait au centre de l'échiquier politique et provoque le ralliement à sa personne du parti des dévots qui entouraient le Dauphin mort juste quelque temps avant son arrivée à la cour[258].

Un homme marqué par les deuils

En , le roi perd sa fille préférée, Henriette[259]. En , meurt son aînée, la duchesse de Parme[259]. En , la mort du duc de Bourgogne, âgé de dix ans, fils aîné du dauphin, enfant précoce et prometteur, le touche également vivement. En , meurt à Schönbrunn l'intelligente et romanesque petite-fille du roi, épouse de l'archiduc héritier d'Autriche, Marie-Isabelle de Bourbon-Parme. En , meurt sa maîtresse la marquise de Pompadour. En , le roi perd successivement son fils, dauphin, dont la vie morale irréprochable l'édifiait, et son gendre le duc de Parme[260]. En , le vieux roi Stanislas mourait presque nonagénaire à Lunéville[261]. L'année suivante, ce fut le tour de la dauphine, veuve inconsolable qui a contracté la maladie de son mari en le soignant[262]. Enfin, en , meurt la reine[262].

Louis XV et la montée de l'opinion publique

En France l'opinion publique commence à s'imposer. Le roi n'en perçoit pas l'importance. Il préfère, quand il lit les rapports de police, connaître les turpitudes des grands que s'informer sur la teneur des libelles qui le visent[263]. En fait, sur ce point, le roi est victime tant de l'héritage de la fin du règne de Louis XIV que de son caractère et d'une politique qui l’amène à reposer uniquement sur l’État.

Héritier d'une monarchie qui a renoncé à communiquer

La monarchie depuis au moins Charles IX et Henri III a vu les rumeurs et pamphlets se déchaîner contre elle, aussi Louis XIII, Richelieu et même au début Louis XIV ont-ils veillé « à exalter leur action, comme à risposter aux malveillants »[264]. Mais Louis XIV à partir de sa relation avec Madame de Maintenon a changé d'optique du tout au tout et renoncé à se faire valoir[264], ce qui fait qu'il n'a légué à son successeur « ni les hommes, ni l'appareil en mesure d'élaborer et de diffuser justifications et explications de sa politique, soit de ruiner ou contrebalancer les arguments adverses »[265]. Un roi « congénitalement timide, anxieux et secret »[264] n'a su y porter remède alors même que la bulle Unigenitus va exacerber les passions à Paris où un peuple globalement gagné au jansénisme va recevoir comme « parole d'évangile » ce qu'écrivent les Nouvelles ecclésiastiques[266]. Ce manque de communication, de volonté d'agir sur l'opinion publique est particulièrement gênant quand le roi assume lui-même, à la fin des années , la plénitude du pouvoir.

L'opposition au roi et au christianisme publie beaucoup après tandis que le camp royal est quasi muet à l'exception de L'Année littéraire de Fréron ou la comédie de Palissot intitulée Les Philosophes () ; néanmoins, le peuple et une grande partie du bas-clergé demeurent fidèles[267]. Le roi est libéral envers les salons littéraires tels ceux de Madame de Lambert ou de Mademoiselle Lespinasse et accepte toutes les élections aux académies à l'exception de celle de Diderot[267].

Un roi peu « communicant »

Le fait que le roi soit très réservé en public amplifie ses difficultés à gouverner et renforce les incompréhensions entre le roi et les parlements. En effet, à des parlementaires qui aiment les discussions, il répond de façon très laconique : « Je veux être obéi », « Je réfléchirai à vos propositions ». La dernière réponse indigne souvent les magistrats qui pensent qu'en fait il demandera à ses ministres d'examiner la situation. Tout cela crée chez les parlementaires et au-delà l'idée que le roi ne s'occupe pas des affaires sérieuses du pays[268].

D'une façon générale, le roi ne sait guère faire valoir ses succès, il est bien trop réservé en public, de sorte que le public ne va bientôt connaître de lui que ce que disent des libelles qui colportent « ragots calomnieux, contes salaces » en les présentant « comme des nouvelles sûres ou comme les mémoires authentiques de personnages importants »[269]. Ces écrits ont d'autant plus d'influence que personne ne les dément. En effet, depuis l'expulsion des jésuites, les dévots ne le soutiennent plus guère et ne cherchent donc pas à contredire ces écrits[269].

De roi « bien-aimé » à « mal-aimé »

Dessin par Edmé Bouchardon pour la statue du Roi sur la Place Louis XV.

Durant une grande partie de son règne, Louis XV est considéré comme un héros national. Selon Kenneth N. Jassie et Jeffrey Merrick, à cette époque dans les chansons et les poèmes le roi était décrit comme le maître, le chrétien. Ses erreurs étaient attribuées à sa jeunesse et à ses conseillers[270]. La statue équestre d’Edmé Bouchardon fut originellement conçue pour célébrer le rôle du monarque dans la guerre victorieuse de la succession d’Autriche. Elle représentait le roi en faiseur de paix. Elle ne fut dévoilée qu’en après sa défaite dans la guerre de Sept Ans. L’œuvre de Bouchardon achevée par Jean-Baptiste Pigalle est alors utilisée par la couronne pour restaurer la confiance dans la monarchie[271]. Son piédestal est soutenu par les statues des quatre Vertus. Peu de temps après l'inauguration, on trouve sur le piédestal un distique, tracé d'une main inconnue, qui témoigne de l’impopularité du roi : « Grotesque monument / Infâme piédestal / Les vertus sont à pied / Le vice est à cheval. » Autre version : « Ah ! la belle statue, ah ! le beau piédestal, / Les vertus sont à pied et le vice à cheval[272]. »

C’est qu’à cette époque Louis XV devient le « mal-aimé » notamment à cause de ses choix dans sa vie privée (ses nombreuses maîtresses). Pour Emmanuel Le Roy Ladurie, de l’École des Annales, si le roi est bel homme, intelligent et athlétique, son refus d’aller à la messe et de satisfaire à ses obligations religieuses contribue à désacraliser la monarchie[273]. Selon Jassie and Merrick, peu à peu la confiance dans le roi s’est érodée, et le peuple blâme et ridiculise sa débauche. Il est perçu comme celui qui ignore les famines et les crises, et laisse à son successeur un fond de mécontentement populaire[270].

Louis XV et les arts

Selon Michel Antoine[274], le règne de Louis XV constitue un des apogées de l'architecture française et « l'âge d'or des arts décoratifs ». De par ses commandes propres et par celles des nobles et des financiers, il a contribué à soutenir l'activité des ébénistes, des peintres, des sculpteurs, des céramistes et d'autres spécialistes de la décoration et des arts. Le développement de ces secteurs d'activité a aussi été stimulé par ses dons à des monarques étrangers qui ont beaucoup contribué à l'influence artistique française[275].

Un roi qui aime les arts

Si le roi aime la peinture décorative, c'est toutefois surtout l'architecture qui le passionne[276]. Il aime particulièrement travailler avec l'architecte Ange-Jacques Gabriel. Parler d’architecture est d'ailleurs selon Michel Antoine[277] « une manière adroite de lui faire la cour ». Le roi est doté d'un goût sûr et a le « souci de la justesse des couleurs, de l'harmonie des tons et des formes, du raffinement »[278]. Il aime le beau et l'élégant, ce que les artistes et artisans qui travaillent pour lui savent.

Son goût de l'harmonie que l'on trouve dans le classicisme du règne de Louis XIV, dont il se sent l'héritier, tout comme son envie de suivre l'influence de la mode artistique de son temps le conduisent à suivre la magnificence de l'art baroque, alors dominant, tout en refusant ses outrances et surcharges auxquelles il préfère harmonie et mesure[279].

Fontaines et places

Dans les dernières années de son règne, Louis XV fait construire de nouvelles places au centre de certaines villes, telles la place Louis XV (maintenant place de la Concorde) à Paris, avec son harmonieuse rangée de nouveaux immeubles dessinés par Ange-Jacques Gabriel[280] ou encore des places aux centres de Rennes et Bordeaux[281]. Il fait aussi construire une fontaine monumentale à Paris, la fontaine des Quatre-Saisons avec une statuaire de Edmé Bouchardon.

Louis XV et l’architecture

Les principaux architectes du roi sont Jacques Gabriel de jusqu’en puis son fils Ange-Jacques Gabriel avec lequel Louis XV, féru d'architecture, aime à discuter[282]. Parmi ses ouvrages les plus importants, il est possible de citer l’École militaire, l’ensemble des bâtiments entourant la place Louis XV (maintenant place de la Concorde ; 1761-1770), et le Petit Trianon à Versailles ()[283]. Durant le règne de Louis XV, si les intérieurs sont somptueusement décorés, les façades, quant à elles, deviennent moins chargées, plus classiques[284].

À la fin du règne, l’architecture de cette période tend vers un style néoclassique comme en témoignent l’église Sainte-Geneviève (le Panthéon actuel), construite entre et par Jacques-Germain Soufflot, et l’église Saint-Philippe-du-Roule (-) due à Jean-François Chalgrin[284].

Décoration intérieure

La décoration intérieure au début du règne est de style rocaille ou régence, caractérisée par des courbes et contre-courbes sinueuses avec des motifs floraux. Elle se présente sous forme de murs ornés de tels motifs avec des médaillons en leurs centres et de grands miroirs entourés de feuilles de palmiers. À la différence du style rococo, les ornements sont symétriques et témoignent d’une certaine retenue. Selon Michel Antoine[254], le roi « a toujours recherché l'ampleur des formes, la noblesse et la mesure ». Les motifs sont souvent d’inspiration chinoise et représentent des animaux, spécialement des singes (singerie) et des arabesques. Parmi les artistes de la période il est possible de citer Jean Bérain le Jeune (en), Watteau et Jean Audran[285].

Après , en réaction avec la période précédente, les murs intérieurs sont peints en blanc ou dans des couleurs pâles avec des motifs plus géométriques inspirés de l’antiquité grecque et romaine. Le Salon de compagnie du Petit Trianon annonce lui le style Louis XVI[286].

Ameublement

Comparées à celles de Louis XIV les chaises à la Louis XV sont plus légères, plus confortables et ont des lignes plus harmonieuses[287].

Les consoles sont des tables à mettre contre les murs, elles sont utilisées pour supporter des œuvres d’art. La commode est un type de meuble apparu sous le règne de Louis XV. Elles sont ornées de bronze et couvertes de plaques de bois exotique. Certaines, dites « façon de Chine », sont en bois laqué noir avec des ornements de bronze. Le règne voit émerger un grand nombre d’ébénistes venus de toute l’Europe. Les plus connus sont Jean-François Oeben, Roger Vandercruse Lacroix, Gilles Joubert, Antoine Gaudreau, et Martin Carlin[287].

D’autres types de meubles voient le jour tels le chiffonnier et la table de toilette[287].

Vers - les goûts en matière de meubles changent, les formes deviennent plus discrètes et les influences de l’Antiquité et du néo-classicisme se font sentir. Les commodes deviennent plus géométriques et un nouveau type de meuble le cartonnier, fait son apparition vers -[288].

Louis XV et la peinture

Au début du règne de Louis XV le thème dominant est le même qu’à la fin du règne de Louis XIV, à savoir la mythologie et l’histoire. Plus tard dans les nouveaux appartements de Versailles et de Fontainebleau, apparaissent les scènes pastorales et les portraits[289].

L’artiste favori du roi est François Boucher qui, outre des peintures religieuses pastorales et exotiques, peint également des scènes de chasse pour les nouveaux appartements du roi[290]. Parmi les autres peintres notables on peut citer Jean-Baptiste Oudry, Maurice Quentin de la Tour et Jean-Marc Nattier auquel on doit de nombreux portraits de la famille royale et des aristocrates[291].

Sculpture

Le style sculptural demeure « grand siècle » pendant la plus grande partie du règne. Parmi les sculpteurs notables, on peut citer : Guillaume Coustou, son fils Guillaume Coustou (fils) (notamment place Louis XV), Robert Le Lorrain, et Edmé Bouchardon qui crée la statue équestre (terminée par Jean-Baptiste Pigalle) qui trônait place Louis XV[292] (maintenant place de la Concorde), sur le modèle de la statue équestre de Louis XIV de François Girardon sur la place Louis-le-Grand (place Vendôme à partir du XIXe siècle).

À la fin du règne de Louis XV, les sculpteurs accordent une plus grande importance aux visages. Les principaux adeptes de ce style nouveaux sont Jean-Antoine Houdon et Augustin Pajou qui sculpte les bustes de Buffon et Madame du Barry. À cette époque, la sculpture atteint une grande audience grâce aux reproductions en terre cuite ou en porcelaine[293]. Madame de Pompadour qui aime la sculpture a encouragé cet art en passant de nombreuses commandes.

Louis XV et la musique

Le roi, la reine et ses filles sont les principaux mécènes des musiciens. La reine et ses filles jouent du clavecin sous la direction de François Couperin. Le jeune Mozart vient à Paris et écrit deux sonates pour clavecin et violon dédiées à Madame Victoire, la fille du roi[294]. Le roi lui-même comme son grand-père, a appris la danse mais ne se produit en public qu’une fois en . Le musicien le plus important de la période est Jean Philippe Rameau, compositeur de la cour durant les années et . Il a écrit plus de 30 opéras pour le roi et la cour[295].

Louis XV dans l’histoire

De la fin du XVIIIe siècle au début du XXe siècle

Durant cette période l'altération de l'image royale commencée dès le milieu de son règne se poursuit dans la littérature, l'historiographie et les manuels scolaires, dont les jugements sont obscurcis par leur moralisme laïc et par leur haine de la monarchie[296]. Sainte-Beuve juge Louis XV : « le plus nul, le plus vil, le plus lâche cœur de roi qui, durant son long règne énervé, a accumulé comme à plaisir, pour les léguer à sa race, tous les malheurs[297] ». Selon le petit manuel Lavisse de  : « Il a été le plus mauvais roi de toute notre histoire. Ce n'est pas assez de détester sa mémoire, il faut l'exécrer. » À partir de la seconde moitié du XXe siècle, il est progressivement réhabilité et mieux apprécié[296] même si le regard demeure critique.

Une certaine réévaluation à compter de 1933

À partir du livre de Pierre Gaxotte Le Siècle de Louis XV les choses évoluent et les auteurs prennent des distances avec les pamphlets et les libelles publiés durant son règne et se fient plus aux documents officiels. Mais ils restent gênés par l'absence de sources provenant du monarque et en particulier par la disparition de ses archives personnelles dont Louis XVI a hérité[298]. Malgré tout le regard reste fort critique.

Pour Norman Davies le règne de Louis XV se caractérise par une « stagnation débilitante », des guerres perdues, des conflits sans fin avec les parlements et des querelles religieuses[299]. Jerome Blum le décrit tel « un perpétuel adolescent appelé à faire un travail d’homme (a perpetual adolescent called to do a man's job.) »[300].

De nombreux historiens estiment que Louis XV ne sut pas répondre aux grands espoirs de ses sujets. Robert Harris écrit en 1987 « Les historiens ont classé ce gouvernant comme le plus faible des Bourbons, un homme qui ne fait rien, qui laisse les affaires de l’État aux ministres tandis qu’il se livre à ses passe-temps, la chasse et les femmes (Historians have depicted this ruler as one of the weakest of the Bourbons, a do-nothing king who left affairs of the state to ministers while indulging in his hobbies of hunting and womanizing.) »[301]. Harris ajoute que les ministres étaient nommés et déchus suivant l'humeur de ses maîtresses, minant gravement le prestige de la monarchie. Pour Jeffrey Merrick le gouvernement faible a accéléré le déclin général du pays qui a mené à la Révolution française de 1789[302]. Ernst Gombrich estime en 2005 que « Louis XV et Louis XVI, les successeurs du roi soleil [Louis XIV] étaient incompétents, ils se contentaient d’imiter leur grand prédécesseur en ne montrant que l’apparence du pouvoir. Seuls la pompe et la magnificence demeuraient. »[303]

Mais le roi a aussi des défenseurs. Quelques historiens soutiennent que la mauvaise réputation de Louis XV est liée à une propagande visant à justifier la Révolution française[304]. Dans sa biographie publiée en 1984, Olivier Bernier soutient que Louis XV était à la fois populaire et réformateur. Durant ses 59 ans de règne la France ne craignit jamais d’être envahie malgré la perte de nombreuses colonies. Il était connu comme Le Bien-aimé pendant une partie de son règne et de nombreux sujets prièrent pour qu’il recouvre sa santé à Metz en 1744. Selon cet auteur, le renvoi de Choiseul ainsi que la dissolution du parlement de Paris en 1771 ne visaient qu'à éliminer du gouvernement ceux qu’il considérait comme corrompus. Louis XV a modifié la loi des impôts et tenté d’équilibrer le budget. Des décisions qui auraient pu éviter la révolution française si elles n'avaient été abrogées par son successeur Louis XVI[305].

Ascendance

Postérité

Enfants légitimes

La reine Marie et le dauphin Louis, par Alexis Simon Belle.

Marie Leszczyńska donne à Louis XV dix enfants, dont trois meurent en bas âge :

  1. Louise-Élisabeth () dite « Madame » (en tant que fille aînée du roi) ou « Madame Première » puis, après son mariage, « Madame Infante », avec postérité[306]  ;
  2. Anne-Henriette (), sœur jumelle de la précédente, dite « Madame Seconde » puis « Madame Henriette », sans alliance ni postérité ;
  3. Marie-Louise () dite « Madame Troisième » puis « Madame Louise », sans alliance ni postérité [307] ;
  4. Louis (), dauphin, avec postérité (père des rois de France Louis XVI, Louis XVIII, et Charles X) [308] ;
  5. Philippe-Louis (), duc d'Anjou, sans alliance ni postérité[309]  ;
  6. Marie-Adélaïde () dite « Madame Quatrième », puis « Madame Troisième », « Madame Adélaïde » et enfin « Madame », sans alliance ni postérité[309]  ;
  7. Victoire-Louise-Marie-Thérèse (), dite « Madame Quatrième » puis « Madame Victoire »), sans alliance ni postérité[310]  ;
  8. Sophie-Philippine-Élisabeth-Justine (), dite « Madame Cinquième » puis « Madame Sophie », sans alliance ni postérité[310][310]  ;
  9. Thérèse-Félicité (), dite « Madame Sixième » puis « Madame Thérèse », sans alliance ni postérité[310]  ;
  10. Louise-Marie (), dite « Madame Septième » puis « Madame Louise », en religion sœur Marie-Thérèse de Saint-Augustin, sans alliance ni postérité[310] ;

Enfants illégitimes

Louis XV, comme Louis XIV, a eu un certain nombre d'enfants adultérins de ses nombreuses maîtresses, à partir de . À la suite d'une nouvelle fausse couche de la reine en , cette dernière, lassée par les maternités répétitives, lui ferme la porte de sa chambre, ce qui facilite l'officialisation de la première favorite royale, la comtesse de Mailly[311]. Tous ses enfants adultérins, autres que Charles de Vintimille, sont nés de jeunes filles non mariées, appelées les « petites maîtresses ». Hanté par les mauvais souvenirs liés aux bâtards de son arrière-grand-père, Louis XV se refuse toujours à les légitimer. Il subvient à leur éducation et s'arrange pour leur donner une place honorable dans la société, mais ne les rencontre jamais à la cour. Seuls sont légitimés Charles de Vintimille du Luc et l'abbé de Bourbon.

Avec Madame de Vintimille :

  • Charles de Vintimille du Luc (-) dit le Demi-Louis car il ressemble beaucoup à Louis XV. Marquis du Luc, Madame de Pompadour tient tellement pour assuré qu'il est de naissance royale que, souffrant de n'avoir pas d'enfants avec le roi et désireuse de porter des petits-enfants en commun, elle projette en de le marier à sa fille Alexandrine ; il épouse () Adélaïde de Castellane (-), dont postérité [312];

Peut-être avec Irène du Buisson de Longpré :

  • Julie Filleul (Marie-Françoise-Julie-Constance Filleul) (-). Elle épouse 1°) Abel François Poisson en , marquis de Vandières, de Marigny, de Menars, etc., frère de Madame de Pompadour ; 2°) François de La Cropte, marquis de Bourzac en dont elle divorce en [313];.

Avec Jeanne Perray :

Avec Marie-Louise O'Murphy :

Avec la duchesse de Narbonne-Lara :

  • Philippe, duc de Narbonne-Lara (-), qui épouse en Antoinette Françoise Claudine de La Roche-Aymon[320]; ;
  • Louis-Marie, comte de Narbonne-Lara (-), qui épouse en Marie Adélaïde de Montholon, dont postérité[321];.

Avec Marguerite-Catherine Haynault :

  • Agnès-Louise de Montreuil (-), qui épouse en Gaspar d'Arod (-), comte de Montmelas, dont postérité[322]; ;
  • Anne-Louise de La Réale (-), qui épouse en le comte de Geslin (-) [322].

Avec Lucie Madeleine d'Estaing :

  • Agnès-Lucie Auguste (-), qui épouse en Charles, vicomte de Boysseulh (-) [323];
  • Aphrodite-Lucie Auguste (-), qui épouse en Louis-Jules, comte de Boysseulh (-) [323].

Avec la baronne de Meilly-Coulonge :

Avec Louise-Jeanne Tiercelin de La Colleterie :

  • Benoît-Louis Le Duc (-), abbé[325].

Avec Catherine Éléonore Bénard :

Avec Marie Thérèse Françoise Boisselet :

Favorites et maîtresses

Ses maîtresses et favorites ont été :

  • Louise Julie de Mailly-Nesle, comtesse de Mailly (-), épouse en son cousin Louis-Alexandre, comte de Mailly. Elle devient maîtresse en , favorite en , et est supplantée en par sa sœur Pauline. Elle rentre en grâce en , mais est renvoyée de la cour en à la demande de sa sœur Marie-Anne[328] ;
  • Pauline Félicité de Mailly-Nesle, comtesse de Vintimille (-), maîtresse de Louis XV elle épouse en Jean-Baptiste, comte de Vintimille et marquis du Luc (-) [328] [329] ;
  • Diane Adélaïde de Mailly-Nesle, duchesse de Lauraguais (-) [328] [330] ;
  • Marie-Anne de Mailly-Nesle, marquise de La Tournelle, duchesse de Châteauroux (-) [328] [331] ;
  • La marquise de Pompadour, de son vrai nom Jeanne Antoinette Poisson (-), fille d'un financier véreux exilé en . Elle épouse en Charles-Guillaume Le Normant d'Étiolles et a deux enfants dont Alexandrine Le Normant d'Étiolles (-) qui est élevée en princesse et anoblie Mlle de Crécy. La Pompadour devient de à la maîtresse du roi, et est honorée en du tabouret et des prérogatives de duchesse. Elle est dame du palais de la reine en , mais doit quitter Versailles quelque temps en à la suite d'une cabale ;
  • La comtesse du Barry, née Jeanne Bécu ( – guillotinée en ), fille naturelle d'Anne Bécu, couturière, et de Jean-Baptiste Gomard de Vaubernier. Après avoir reçu une bonne éducation, elle travaille comme modiste à Paris. Elle devient en la maîtresse du roi auquel Jean, comte Dubarry (dont elle a été la maîtresse) l'a présentée. Louis XV lui fait épouser la même année Guillaume Dubarry (frère de Jean), puis la présente à la cour en . Selon Mathieu-François Pidansat de Mairobert, elle aurait dit un jour à Louis XV : « « La France », ton café fout le camp ! » — car tel aurait été le surnom qu'elle aurait donné au Roi, phrase dont Jean Claude Bologne dément la véracité[332]. Obligée de quitter la cour à la mort du roi, elle se rend en Grande-Bretagne en pour y retrouver ses diamants qu'on lui avait volés dans sa propriété de Louveciennes : elle est arrêtée à son retour en France et condamnée à mort pour avoir profité des trésors de l'État, conspiré contre la République et porté le deuil de Louis XVI. Avant d'être guillotinée à Paris, elle aurait dit : « Encore un instant, Monsieur le bourreau ! » ;
  • Marie-Louise O'Murphy (-), dite Mlle de Morphise, fille de Daniel O'Murphy, d'origine irlandaise.[319]Elle épouse : 1°) Jacques Pelet de Beaufranchet en , 2°) François Nicolas Le Normant de Flaghac en , et 3°) Louis-Philippe Dumont en , député du Calvados à la Convention, dont elle divorce la même année[333]  ;
  • Françoise de Chalus, duchesse de Narbonne-Lara (-), fille de Gabriel de Chalus, seigneur de Sansac, elle épouse en Jean-François, duc de Narbonne-Lara[320] ;
  • Marguerite-Catherine Haynault (-), fille de Jean-Baptiste Haynault, entrepreneur de tabac. Elle épouse en Blaise d'Arod, marquis de Montmelas[323] ;
  • Lucie Madeleine d'Estaing (-), sœur naturelle de l'amiral d'Estaing. Elle épouse en François, comte de Boysseulh[323] ;
  • Anne Couppier de Romans, baronne de Meilly-Coulonge (-), elle est la fille d'un bourgeois, Jean-Joseph Roman Coppier. Elle entretient une liaison avec le roi de à , et épouse en Gabriel Guillaume de Siran, marquis de Cavanac ;
  • Louise-Jeanne Tiercelin de La Colleterie (-) dite Mme de Bonneval[325] ;
  • Irène du Buisson de Longpré[n 5] (décédée en ), fille de Jacques du Buisson, seigneur de Longpré, elle épouse en Charles-François Filleul, conseiller du roi[313] ;
  • Catherine Éléonore Bénard (-), fille de Pierre Bénard, écuyer de la bouche du roi[326] Elle épouse en Joseph Starot de Saint-Germain, fermier général qui est guillotiné en  ;
  • Marie Thérèse Françoise Boisselet (-), qui épouse en Louis-Claude Cadet de Gassicourt[327].


Parmi les entremetteurs qui procurent des femmes à Louis XV figure son premier valet de chambre, Dominique Guillaume Lebel[334], petit-fils de Michel Lebel, lui-même déjà au service de Louis XIV[335]. Pour vérifier la bonne santé des jeunes filles, Lebel « essaye » les jeunes filles pour vérifier qu'elles ne sont pas porteuses d'une des maladies vénériennes que craint le roi[336].

Titulature

Filmographie

Le roi Louis XV est présent dans plusieurs œuvres cinématographiques ou de télévision.

Notes et références

Notes

  1. Un document de dans les Archives Nationales, rédigé probablement à l'attention du duc de Bourbon, fait état de ce « casting royal » : « Des cent Princesses qu'il y a à marier en Europe, en en retranchant 44 qui sont trop âgées pour être mariées à un jeune Prince [Louis XV a 15 ans], 29 qui sont trop jeunes, 10 dont l'alliance ne convient pas, il ne reste donc que 17 Princesses ». Les deux dernières opportunément citées sont Henriette Louise Mlle de Vermandois et Thérèse Alexandrine Mlle de Sens, toutes deux filles de Louis III de Bourbon-Condé. Source : Claude-Alain Sarre, Louise de Condé, Éditions Jean-Paul Gisserot, , p. 14.
  2. 51 vaisseaux contre 120 en 1744, à l'ouverture des hostilités.
  3. Bipartition (cœur et corps) ou tripartition (cœur, entrailles et corps).
  4. Entre et le roi Louis XV fait verser la somme importante de 350 000 livres à Marie-Louise O'Murphy, alors que Marguerite Victoire Le Normant de Flaghac a atteint l'âge de 3 ans.Valy page 129 ;Au mariage de Marguerite Victoire avec Jean Didier Mesnard de Chousy, en , le contrat de mariage est signé par l'entière famille royale. Pendant la Restauration, Charles X lui fait verser une « indemnité annuelle » de 2 000 francs sur sa propre cassette et la fait inscrire sur la liste civile pour une pension viagère de 3 000 francs.
  5. Également mère d'Adélaïde de Souza (-), grand-mère du duc de Morny.

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