Gilles Perrault
Gilles Perrault – Jacques Peyroles pour l'état civil –, né le à Paris, est un journaliste, écrivain et scénariste français. Il a utilisé le pseudonyme de Gil Perrault pour ses premiers romans.
Pour les articles homonymes, voir Perrault.
Biographie
Jeunesse et débuts
Fils d'un avocat d'affaires et de Germaine Peyroles, députée du Mouvement républicain populaire, Jacques Peyroles fait des études à l'Institut d'études politiques de Paris, devient avocat et exerce comme tel pendant cinq ans[1]. Il effectue son service militaire à 24 ans dans un régiment de parachutistes en Algérie.
Après le succès de son essai Les Parachutistes, inspiré par son service militaire en Algérie, il devient journaliste pour le compte du Nouveau Candide de 1961 à 1963. Il fait des reportages sur l'Inde de Nehru, les Jeux Olympiques de Tokyo et les problèmes des Noirs aux États-Unis.
Le romancier
Entre 1956 et 1961, il fait paraître, sous le pseudonyme de Gil Perrault, une douzaine de romans d'aventures, mâtinés d'espionnage, pour la collection populaire « La Chouette ». Le meilleur du lot, Dynamite, le récit d'une révolte dans un pays d'Amérique du Sud, sera réédité dans J'ai lu. « Il fait également paraître en 1958 au Fleuve Noir l'excellent suspense Baroud d'honneur, sous le pseudonyme de Sidney Vania, et le récit d'espionnage Au pied du mur (1963) chez Denoël »[2]. Il fait ensuite des recherches approfondies sur des aspects peu connus de la Seconde Guerre mondiale, surtout de l'espionnage et de la Résistance. En 1964, il publie un ouvrage autrement sérieux avec Le Secret du jour J, qui obtient un prix du Comité d'action de la Résistance et connaît d'excellentes ventes à l'étranger. Après cette période, Perrault se consacre à des ouvrages d'inspiration historique tels que L'Orchestre rouge (1967)[3] et La Longue Traque (1975)[2], avec un égal succès.
En 1973, il participe à l'écriture du scénario du film Le Serpent, coécrit et réalisé par Henri Verneuil, d'après l'œuvre originale de Pierre Nord, Le Treizième Suicidé
Auparavant, en 1969, Perrault publie un roman d'espionnage original, Le Dossier 51. Avec Michel Deville, il signe le scénario de l'adaptation cinématographique de ce texte. Le film sort en 1978. Par la suite, en 1979, il obtient avec Michel Deville le César du meilleur scénario original ou adaptation. Il travaillera à d'autres reprises avec Michel Deville, en lui donnant notamment le scénario original de La Petite Bande (1983). Il signe également l'adaptation de son livre éponyme pour le film L'Orchestre rouge (1989), réalisé par Jacques Rouffio.
Prises de position dans « l'affaire Ranucci »
À la rentrée littéraire de 1978, il fait paraître Le Pull-over rouge, une enquête sur l'affaire Christian Ranucci, sur la culpabilité duquel il émet un doute. Ce livre est publié dans le contexte d'un débat de société sur la peine de mort en France et d'une campagne pour la révision du procès Ranucci (une requête ayant été déposée par Jean-Denis Bredin et Jean-François Le Forsonney un mois auparavant[4]). Il aura un énorme retentissement médiatique. Perrault revient sur l'affaire au fil de la publication de plusieurs ouvrages en 1995 (publication d'un ouvrage collectif avec la mère de C. Ranucci et des avocats), 2004 et 2006.
À la suite d'une plainte pour diffamation déposée par les policiers ayant mené l'enquête, pour ses propos tenus lors d'un épisode de l'émission Histoire d'un jour (diffusée sur FR3 et présentée par Philippe Alfonsi, également poursuivi) consacré à l'affaire en 1985, où il accuse les policiers de « forfaiture » et d'avoir « éliminé tout ce qui concernait l'homme au pull-over rouge », Gilles Perrault est condamné en par le tribunal correctionnel de Marseille à verser 30 000 francs de dommages et intérêts à chacun des cinq plaignants, peine confirmée en 1990 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence et majorée à hauteur de 40 000 francs de dommages et intérêts par policier, puis en 1992 par la Cour de cassation qui, rejetant son pourvoi et celui de P. Alfonsi, majore le montant des dommages et intérêts à hauteur de 70 000 francs par policier diffamé[5].
En 2008, il est de nouveau poursuivi, ainsi que l'éditeur de Fayard Claude Durand, pour diffamation envers les policiers dans son troisième livre sur l'affaire, L'ombre de Christian Ranucci (paru en 2006) où il accusait les enquêteurs d'avoir fait preuve de « légèreté » et de « partialité » dans leurs investigations. Il est condamné, ainsi que son éditeur, à verser 5 000 euros à chacun des quatre policiers diffamés[6], jugement confirmé en appel en 2009 et majoré à hauteur de 10 000 euros pour chaque plaignant[7].
Dans deux livres parus en 2005 et 2006, L'affaire du pull-over rouge, Ranucci coupable ! — Un pull-over rouge cousu... de fil blanc, puis Autopsie d'une imposture — Toute la vérité sur le pull-over rouge, Gérard Bouladou, commandant de police judiciaire, relève les erreurs qu'il impute à Gilles Perrault, et avance que le combat de ce dernier aurait dû porter sur la condamnation à mort de Ranucci et non sur sa culpabilité, selon lui avérée[8]. Jean-Louis Vincent, ancien commissaire divisionnaire, dans son ouvrage Affaire Ranucci : du doute à la vérité reprend l'examen de tout le dossier, ainsi que l'avait fait avant lui Gérard Bouladou. Il conclut, comme celui-ci, à la culpabilité de l'accusé et réfute les différents points mis en avant par Gilles Perrault dans son roman[9].
Les années 1990-2000
Notre ami le roi, en 1990, décrit et condamne le régime de torture d'Hassan II, à cette époque roi du Maroc, appliqué à ceux qui avaient tenté un putsch contre lui. Il décrit aussi les liens d'Hassan II avec la France. Il parle de la famille d'Oufkir (responsable d'un putsch), à l'époque enfermé dans une prison dorée. Comme l'explique Malika Oufkir dans son deuxième ouvrage, sa famille et elle-même peuvent librement circuler au Maroc. Perrault la décrit comme une jeune fille leste, ce qu'elle lui reproche.
La trilogie La Passion polonaise, L'Ombre de la Bastille et La Revanche américaine, centrée sur le parcours de Charles-François de Broglie, forme un récit vivant des évolutions de la politique étrangère sous Louis XV puis Louis XVI de 1740 à 1785 et révèle l'organisation du Secret du Roi, ancêtre de nos services de renseignement modernes.
Son roman Le Garçon aux yeux gris est adapté par André Téchiné pour le film Les Égarés.
Ses mémoires sont publiés en trois volumes entre 1995 et 2008[Note 1],[10],[11]. Par ailleurs, en 2016, il publie un récit consacré à son grand-père maternel.
Engagements politiques
Politiquement, Perrault sympathise avec l'extrême gauche, côtoie des trotskistes, et s'affirme « communiste »[12]. En 1977, il adhère au Parti communiste après avoir été au Parti socialiste[1].
En 1983, il préface L'Affaire Papon de Michel Slitinsky, édité chez Alain Moreau. Cette préface, dans laquelle il traite Papon de « franc salop », entraînera auteur et éditeur dans une procédure d'interdiction de la première édition du livre.
Gilles Perrault est l'un des membres fondateurs, avec le chanteur Renaud, du collectif Ça suffat comme ci, qui lance en 1989 l'appel de la Bastille pour l'abolition de la dette du Tiers Monde, qui a recueilli des centaines de signatures. Gilles Perrault est membre du comité de parrainage de la Coordination française pour la décennie de la culture de paix et de non-violence.
Dans les années 1990, il est particulièrement actif dans la lutte contre le Front national. Il déclare alors au quotidien Libération : « Un adversaire, ça se combat. Mais un ennemi comme Le Pen, ça s'extermine. » Mais il ajoute, après un temps : « Ça s'extermine, politiquement. » Il participe à la fondation du mouvement Ras l'front, mouvement dont il s'éloignera en 1996 à la suite de querelles avec Didier Daeninckx et les milieux de la Ligue communiste révolutionnaire (« Je ne me vois pas combattre l'intolérance avec des intolérants »), en concluant : « Je suis désormais inscrit à l'ANPE de la militance. »[12]. Il s'oppose également à l'association Légitime Défense dans les colonnes de sa revue Rebelles, consacrée à la défense des détenus. Cela lui vaut d'être condamné, le , par la XVIIe chambre correctionnelle du Tribunal de Grande Instance de Paris, à 6 000 francs d'amende et à 10 000 francs de dommages-intérêts[13]. En février 2006, avec de nombreuses personnalités parmi lesquelles José Bové, Noël Mamère, Raymond et Lucie Aubrac, il appelle à la libération des terroristes d'Action Directe, la période de sûreté ayant été accomplie pour certains d'entre eux[14].
En , G. Perrault est élu vice-président de la Société des Amis de L'Humanité[15]. Il est membre du comité d'honneur de l'Association pour le droit de mourir dans la dignité[16]. Il s'implique régulièrement aux côtés de l'association et cosigne en 2012 un appel aux candidats à l'élection présidentielle leur demandant de s'engager à déposer un projet de loi pour légaliser l'euthanasie[17].
Œuvre
Les douze premiers romans sont tous parus chez Ditis dans la collection « La Chouette », sous le pseudonyme Gil Perrault.
- Jamais deux sans trois (1956)
- Trois as (1957)
- Les Aventures du pétrole (1957-1960, Ditis ; 1961, France-Empire)
- I. Le Sahara brûle (1957), adapté au cinéma par Michel Gast en 1961
- II. Ballade au soleil (1957)
- III. La Bombe (1958)
- IV. La Grande soif (1960)
- C'était le bon temps (1957)
- La Main rouge (1960)
- Le Faux Frère (1960)
- Si tu vas à Cuba (1960)
- Dynamite (1961 ; réédition signée Gilles Perrault dans J'ai lu, coll. « policier » no 49, 1966)
- Furie (1961)
- Les Parachutistes (1961, Seuil ; 1997, Arléa ; 2006, Fayard)
- Casanova. Textes choisis dans les Mémoires (1963, J'ai Lu)
- Au pied du mur (1963, Denoël), adapté au cinéma par Jacques Deray sous le titre Avec la peau des autres en 1966
- Le Secret du jour J (1964, Fayard ; J'ai lu n°A134/135)
- L'Orchestre rouge (1967 ; 1989, Fayard), adapté au cinéma par Jacques Rouffio en 1989
- Le Dossier 51 (1969, Fayard ; 1978, Le Livre de poche), adapté au cinéma par Michel Deville en 1978
- Du service secret au gouvernement invisible (1970, Le Pavillon)
- Les Sanglots longs (1970, Fayard ; 1976, Le Livre de poche)
- L'Erreur (1971, Fayard)
- Le Grand Jour 6 juin 1944 (1974, Jean-Claude Lattès ; 1994)
- La Longue Traque (1975, J.C. Lattès; Livre de Poche)
- Le Pull-over rouge (1978, Ramsay ; 1980, Le Livre de poche ; 1994, Fayard), adapté au cinéma par Michel Drach en 1979
- Les Gens d'ici (1981, Ramsay ; 1997, mise à jour chez Fayard)
- La Petite Bande (1983, Ramsay)
- Un homme à part (1984, Barrault ; 2006, Fayard)
- Taupes rouges contre S.S. (1986, Paris: Messidor)
- Paris sous l'Occupation (1987 et 1998, Belfond) (photos)
- Le Dérapage (1987, Mercure de France ; 1989, Folio), adapté au cinéma par Jacques Deray sous le titre Un crime en 1993
- Notre ami le roi (1990, Gallimard ; 1992, édition revue et augmentée chez Folio)
- Le Secret du Roi (1992-1996)
- 1. La Passion polonaise (1992, Fayard ; 1996, Le Livre de poche)
- 2. L'Ombre de la Bastille (1993, Fayard ; 1996, Le Livre de poche)
- 3. La Revanche américaine (1996, Fayard ; 1997, Le Livre de poche)
- Pourquoi les guerres ? (1993, Le Seuil, coll. « Petit point »), illustré par Serge Bloch
- Souvenirs (1995-2008)
- 1. Les jardins de l'Observatoire (1995, Fayard ; 1996, Le Livre de poche)
- 2. Go ! (2002, Fayard ; 2005, Le Livre de poche)
- 3. Checkpoint Charlie (2008, Fayard)
- Christian Ranucci : vingt ans après (1995, Julliard) (avec Héloïse Mathon, Jean-François Le Forsonney, Daniel Soulez Larivière, Jean-Denis Bredin)
- Ruse de guerre (1997, Bayard Jeunesse), illustré par Jame's Prunier
- Le Goût du secret. Entretien avec Jean-Maurice de Montremy (1997, Arléa)
- Le Livre noir du capitalisme (1998, Le Temps des Cerises)[Note 2]
- Lettres aux deux juges françaises décorées de la Cruz de Honor de la Orden de San Raimundo de Peñafort (1999, Fayard)
- Le Soldat perdu (2000, Agnès Viennot)
- La Maison (2001-2004)
- 1. Le Garçon aux yeux gris (2001, Fayard), adapté au cinéma par André Téchiné sous le titre Les Égarés en 2003
- 2. L'Homme au bout du rouleau (2004, Fayard ; Le Livre de poche)
- 3. La Jeune Femme triste (2004, Fayard)
- Les Vacances de l'Oberleutnant von La Rochelle (2002, Fayard)
- Le Déshonneur de Valéry Giscard d'Estaing (2004, Fayard)
- L'ombre de Christian Ranucci (2006, Fayard)
- Les Deux Français… et d'autres récits (2010, Fayard) (ISBN 978-2-213-65516-1)
- Dictionnaire amoureux de la Résistance (2014, Plon/Fayard)
- Grand-père (2016, Le Seuil)
- La Justice expliquée à ma petite-fille (2017, Le Seuil) (ISBN 978-2-02131285-0)
- La Croisade du loup solitaire (2020, Edilivre) (ISBN 978-2-41439992-5)
Roman signé Sidney Vania
- Baroud d'honneur (1958, Fleuve Noir)
Préfaces
- Louis Costel, Bonnes gens, , 255 p.
- Michel Slitinsky, L'affaire Papon, Alain Moreau, , 177 p.
- Günter Wallraff (trad. Alain Brossat), Tête de turc, Librairie générale française,
- Alain Lorne, La route brûlée, Phébus, , 144 p.
- Geneviève Donadini, Le procès Ranucci : Témoignage d'un juré d'assises, , 106 p.
- Jules Barbey d'Aurevilly (préf. Gilles Perrault, ill. Elizabeth Marie), Le dessous de cartes d'une partie de whist, , 54 p. (ISBN 9791069961135).
Notes et références
Notes
- Ces mémoires sont publiés sous la forme d'une suite intitulée Souvenirs et comprenant Les jardins de l'Observatoire (1995), Go ! (2002) et Checkpoint Charlie (2008), tous parus chez Fayard.
- Ouvrage collectif dont G. Perrault est le directeur de publication.
Références
- Gilles Perrault interrogé par Jacques Chancel lors de l'émission Radioscopie, France Inter, (INA).
- Mesplède 2007, p. 521-522.
- La véritable histoire de l'Orchestre rouge, rdv-histoire.com, 9 octobre 2015
- « Me Bredin demande la révision du verdict condamnant à mort Christian Ranucci », Le Monde, 14 août 1978.
- Cour de cassation, Chambre criminelle, du 4 février 1992, 90-86.069, Inédit.
- L'écrivain Gilles Perrault condamné pour diffamation.. La Provence, 15 janvier 2008 (consulté le 23 mars 2010).
- Gilles Perrault et son éditeur condamnés pour diffamation, La Provence.com, 27 janvier 2009.
- Gérard Bouladou, L'affaire Ranucci : Autopsie d'une imposture, Pascal Petiot (Editions), , 335 p. (ISBN 9782848140346)
- Affaire du pull-over rouge : « Je suis convaincu que Ranucci était coupable », ouest-france.fr, 18 avril 2018
- Gilles Perrault : Les jardins de l'Observatoire, Un livre, un jour, France 3, .
- Sylvie Braibant, « Souvenirs de la guerre froide », Le Monde diplomatique, .
- Luc Le Vaillant, Aux armes, écrivain !, Libération.fr, 9 novembre 1996.
- Gilles Perrault condamné pour un article publié dans sa revue Rebelles, Le Monde, 15 septembre 1993.
- Deux mille voix pour les ex d'Action Directe, L'Humanité du .
- Histoire – Société des Amis de L'Humanité.
- Liste des membres du Comité de parrainage - Site de l'ADMD.
- Euthanasie : des personnalités s'engagent pour une « loi d'ultime liberté » Notre Temps/AFP, .
Voir aussi
Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
- Claude Mesplède (dir.), Dictionnaire des littératures policières, vol. 2 : J - Z, Nantes, Joseph K, coll. « Temps noir », , 1 086 (ISBN 978-2-910-68645-1, OCLC 315873361), p. 521-522
Filmographie
- Thierry Durand, L'Écriture comme une arme, FAG production/France 3, 2014, 52 min — documentaire consacré à Gilles Perrault.
Liens externes
- Ressources relatives à l'audiovisuel :
- Allociné
- (en) AllMovie
- (de + en) Filmportal
- (en) Internet Movie Database
- Notices d'autorité :
- Fichier d’autorité international virtuel
- International Standard Name Identifier
- Bibliothèque nationale de France (données)
- Système universitaire de documentation
- Bibliothèque du Congrès
- Gemeinsame Normdatei
- Bibliothèque nationale d’Espagne
- Bibliothèque royale des Pays-Bas
- Bibliothèque nationale de Pologne
- Bibliothèque nationale d’Israël
- Bibliothèque universitaire de Pologne
- Bibliothèque nationale de Catalogne
- Réseau des bibliothèques de Suisse occidentale
- Bibliothèque nationale tchèque
- WorldCat
- Portail de la littérature française
- Portail du polar
- Portail du cinéma français
- Portail de la télévision française