Henri Verneuil

Achod Malakian (en arménien : Աշոտ Մալաքյան), dit Henri Verneuil, est un réalisateur et scénariste de cinéma français d'origine arménienne, né le à Rodosto (actuelle Tekirdağ, en Turquie) et mort le à Bagnolet en France[1].

Pour les articles homonymes, voir Verneuil.

Henri Verneuil
Timbre arménien de 2020 à l'effigie d'Henri Verneuil.
Nom de naissance Achod Malakian
Naissance
Rodosto, Empire ottoman
Nationalité  Français
 Arménien
Décès
Bagnolet (Île-de-France), France
Profession Réalisateur, scénariste, producteur
Films notables Des gens sans importance
La Vache et le Prisonnier
Le Président
Un singe en hiver
Mélodie en sous-sol
Week-end à Zuydcoote
Le Clan des Siciliens
Peur sur la ville
I… comme Icare
Mille milliards de dollars

Il a raconté son enfance dans un livre intitulé Mayrig maman » en arménien), qu'il a lui-même adapté dans son diptyque Mayrig et 588, rue Paradis.

Biographie

Jeunesse et formation

En décembre 1924, réfugié ne parlant pas français, Henri Verneuil débarque à quatre ans sur le quai de la Joliette à Marseille avec sa famille rescapée du génocide arménien perpétré par le gouvernement Jeunes-Turcs de l'Empire ottoman. Après des études à l'École des Arts et Métiers d'Aix-en-Provence d'où il sort diplômé en 1943[2], il devient journaliste au magazine Horizons en 1944. Au moment où il doit signer un document, il lui est demandé de prendre un pseudonyme. Sans idée particulière, il lève le nez pour regarder les murs autour de lui, avise une affiche mentionnant la ville de Verneuil, et choisit ce nom-là. Henri Verneuil raconte l'anecdote dans un entretien qu'il donne à Télérama, dans les années 1980, à la suite de la publication de son roman Mayrig.

Les débuts

En 1947 a lieu sa première rencontre avec Fernandel, pour un court métrage sur Marseille intitulé Escale au soleil. Fernandel, déjà célèbre, accepte de tourner avec un réalisateur inconnu.

En 1949, il « monte » à Paris, où il décroche un emploi comme assistant réalisateur. Parallèlement, il tourne plus d'une quinzaine de courts-métrages, souvent dans une veine humoristique comme On demande un bandit ou L'Art d'être courtier, deux films dont la vedette est Jean Carmet.

Henri Verneuil réalise son premier long-métrage La Table-aux-crevés, adaptation d'un livre de Marcel Aymé avec Fernandel qui y interprète Urbain Coindet. C'est l'acteur, alors célèbre, qui impose le jeune cinéaste à la production : « Si ce n’est pas le jeune Verneuil, je ne fais pas le film », affirme-t-il[1].

Jusqu'en 1955, les deux hommes collaborent régulièrement. Ce sera Le Fruit défendu, Brelan d'as avec également Michel Simon, Le Boulanger de Valorgue, Carnaval, L'Ennemi public numéro un et Le Mouton à cinq pattes, film à sketches dans lequel Fernandel joue cinq rôles et où apparait brièvement Louis de Funès. Grand succès commercial en France, Le Mouton à cinq pattes sera de plus en nomination pour l'Oscar du meilleur scénario.

Henri Verneuil connaît la consécration nationale en 1956 avec Des gens sans importance, drame sentimental avec Jean Gabin et Françoise Arnoul d'après le roman de Serge Groussard. Première des cinq collaborations entre Verneuil et Gabin, ce film est un des rares de l'époque à aborder de front le thème de l'avortement. Le film est la seule œuvre de Verneuil saluée par la Nouvelle Vague[1].

Suivent d'autres films comme Paris, Palace Hôtel une comédie avec Charles Boyer et à nouveau Françoise Arnoul, Une manche et la belle, adaptation d'un roman noir de James Hadley Chase avec Henri Vidal et Mylène Demongeot, Maxime avec Michèle Morgan et Le Grand Chef qui marque ses retrouvailles avec Fernandel.

La consécration internationale

En 1959, toujours avec Fernandel, il tourne La Vache et le Prisonnier, comédie se déroulant durant la Seconde Guerre mondiale. Ultime collaboration entre les deux hommes, le film obtient un succès mondial.

En 1961, la MGM passe une commande de trois films avec le trio Henri Verneuil (à la réalisation), Jean Gabin (acteur principal) et Michel Audiard (au scénario)[1]. De cette collaboration naît d'abord, en 1961, Le Président, drame politique inspiré d'un roman de Simenon. Suit, en 1962, Un singe en hiver, comédie dramatique adaptée d'un roman d'Antoine Blondin dont Gabin partage la vedette avec Jean-Paul Belmondo. Le contrat se termine avec Mélodie en sous-sol, lancé en 1963, « film de casse » où, cette fois-ci, Gabin côtoie Alain Delon. Ce dernier film offre définitivement au cinéaste sa réputation à l'échelon international.

Dès lors, Henri Verneuil acquiert le statut de réalisateur de super-productions avec des stars internationales. Malgré les critiques de la Nouvelle Vague, qui voient en lui un représentant du « cinéma de papa », Verneuil continue de tourner, enchaînant avec Cent mille dollars au soleil, film d'aventure se déroulant en Afrique et réunissant Jean-Paul Belmondo, Lino Ventura et Bernard Blier. Suit le drame de guerre Week-end à Zuydcoote toujours avec Belmondo en 1964. Il part ensuite aux États-Unis tourner La Vingt-cinquième heure sorti en 1967 et La Bataille de San Sebastian sorti en 1969, tous les deux avec Anthony Quinn.

De retour en France, avec l'appui de la 20th century Fox, il met en scène Le Clan des Siciliens en 1969. Ce drame policier réunit trois grandes stars du cinéma français, Jean Gabin, Lino Ventura et Alain Delon, et sera un des grands succès commerciaux de la carrière de Verneuil.

Les années 1970

Henri Verneuil continue d'enchaîner des succès. Pour la Columbia Pictures, il produit et réalise Le Casse en 1971 : film d'action où il réunit Jean-Paul Belmondo, Omar Sharif, Robert Hossein, Nicole Calfan, Dyan Cannon et Renato Salvatori ; puis Le Serpent en 1973 : film d'espionnage autour de Yul Brynner, Henry Fonda, Dirk Bogarde, Philippe Noiret, Michel Bouquet et Farley Granger

En 1975, il retrouve Jean-Paul Belmondo, qui devient son acteur fétiche, dans Peur sur la ville, polar produit par le comédien.

Films politiques

Henri Verneuil, sans quitter le terrain du cinéma-spectacle, oriente son œuvre vers la critique politique. Toujours avec Jean-Paul Belmondo, il met en scène Le Corps de mon ennemi en 1976, critique d'un milieu politico-bourgeois qui se compromet avec l'univers du crime. Il crée ensuite sa propre société de production, V Films, qui lui permet de mettre en chantier I... comme Icare avec Yves Montand. Le cinéaste s'inspire des expériences de Stanley Milgram sur la soumission à l'autorité et des thèses de la conspiration sur l'assassinat du président américain John Fitzgerald Kennedy en 1963, pour construire une enquête politique dont la réalisation aboutira en 1979. Puis il enchaîne, en 1982, avec Mille milliards de dollars, interprété par Patrick Dewaere, dans lequel il critique les multinationales et la mondialisation.

Fin de carrière

Il réalise son dernier film à caractère commercial en 1984, Les Morfalous, avec Jean-Paul Belmondo qu'il retrouve pour la septième et dernière fois. Le film s'éloigne du ton social de ses deux œuvres précédentes. Le film connaît un bon succès populaire, malgré une critique plutôt négative. En 1989, il réalise le clip de Pour toi, Arménie, chanson caritative à succès enregistrée, sous l'égide de Charles Aznavour, auteur des paroles sur une musique de Georges Garvarentz, et enregistrée par 89 artistes français pour l'association de Charles Aznavour, Aznavour pour l'Arménie, lancée par ce dernier à la suite du tremblement de terre survenu en Arménie le .

Dans les années 1990, Henri Verneuil change totalement de registre et se lance dans la réalisation de films intimistes. En 1991, il écrit et met en scène Mayrig (Maman en arménien) avec Omar Sharif et Claudia Cardinale. Le film est une adaptation de son propre roman, écrit en 1985 pour rendre hommage à sa mère décédée quelques années plus tôt. Le livre est traduit dans 37 langues. Il met en chantier une suite l'année suivante avec 588, rue Paradis. Richard Berry qui fut narrateur dans le premier volet, rejoint la distribution. Le film clôt la carrière du cinéaste.

En 1996, il reçoit un César d'honneur pour l'ensemble de son œuvre. La même année un film documentaire, Henri Verneuil 50 ans de cinéma, relatant la carrière du cinéaste, voit le jour.

Le , il est élu à l'Académie des beaux-arts au fauteuil du peintre Yves Brayer (1907-1990)[3], à la suite du transfert d'un fauteuil de la section de peinture à la section cinéma et audiovisuel en 1998. Il prononce à cette occasion un discours[4]. Régis Wargnier lui succède en 2007 et prononce son éloge sous la Coupole[5] le [6].

Mort

Le vendredi , Henri Verneuil meurt dans une clinique de Bagnolet à l'âge de quatre-vingt-un ans. Ses obsèques religieuses sont célébrées le jeudi à la Cathédrale arménienne Saint-Jean-Baptiste de Paris, rue Jean-Goujon, en présence notamment d'Alain Delon, Charles Aznavour, Pierre Cardin, Gérard Oury, Pierre Schoendoerffer, Claudia Cardinale, Jean Piat, Michel Drucker, Guy Lux, Daniel Toscan du Plantier et Georges Cravenne[7]. Il est ensuite enterré au cimetière Saint-Pierre à Marseille.

Lors de l'inhumation, sa fille Sophie déclare[7] :

« Mon père était un homme de principes, de rigueur et d'honneur. Tout autant qu'un grand cinéaste, il aura d'abord été le père magistral de quatre enfants qu'il aimait d'un amour plein de pudeur, sans extravagance, sans complaisance, mais avec la solidité d'un roc. Si je devais ne retenir qu'une image de lui, ce serait celle de sa fierté quand il est entré à l'Académie des beaux-arts. Si heureux d'être resté Achod Malakian tout en étant devenu Henri Verneuil, il disait toujours : Arménien je suis, mais plus français que moi, tu meurs ! »

Vie privée

Henri Verneuil a une fille, Sophie Malakian, vétérinaire, et un fils, le réalisateur Patrick Malakian, né le 27 août 1963 de son union avec la monteuse et actrice Françoise Bonnot (17 août 1939 - 9 juin 2018). De son mariage en 1984 avec l'égyptologue et écrivaine Véronique Sedro (née le 7 avril 1958), dont il divorce en 2000, il a deux enfants : Sevan Malakian, né le 12 août 1985, et Gaya Verneuil (Gayané Malakian), née en 1989.

En 2007, son fils Sevan participe à la saison 7 du télé-crochet Star Academy[8].

Sa fille Gayané est comédienne sous le nom de Gaya Verneuil[9]. Après avoir participé à une série télévisée jusqu'en 2017, elle fait du théâtre. Elle vit aujourd'hui aux États-Unis.

Filmographie

Courts métrages

Longs métrages

Résultats au box-office

Selon les statistiques enregistrées depuis 1945, Henri Verneuil est le réalisateur français qui a rassemblé le plus de spectateurs au cours de sa carrière : avec ses trente-quatre films, il a atteint 91,58 millions d'entrées au total, et en moyenne il a réalisé 2,69 millions d'entrées par film[10].

Film Année Box office France[10] Classement annuel
La Table-aux-crevés19523 120 95917e
Le Fruit défendu19524 002 1008e
Brelan d'As19521 721 21532e
Le Boulanger de Valorgue19533 727 97714e
Carnaval19532 121 03228e
L'Ennemi public numéro un19543 754 11215e
Le Mouton à cinq pattes19544 136 8439e
Les Amants du Tage19551 800 29136e
Des gens sans importance19562 394 71229e
Paris, Palace Hôtel19562 260 89331e
Une manche et la belle19571 326 58340e
Maxime19581 978 79236e
Le Grand Chef19592 296 69831e
La Vache et le Prisonnier19598 844 1991er
L'Affaire d'une nuit1960928 34978e
La Française et l'Amour19603 056 73614e
Le Président19612 784 24118e
Les lions sont lâchés19612 054 95427e
Un singe en hiver19622 417 20915e
Mélodie en sous-sol19633 518 0837e
Cent mille dollars au soleil19643 441 1186e
Week-end à Zuydcoote19643 154 1408e
La Vingt-cinquième heure19671 606 98423e
La Bataille de San Sebastian1969886 99235e
Le Clan des Siciliens19694 821 5853e
Le Casse19714 410 1206e
Le Serpent19731 356 37627e
Peur sur la ville19753 948 7462e
Le Corps de mon ennemi19761 771 16116e
I… comme Icare19791 829 22017e
Mille milliards de dollars19821 190 67334e
Les Morfalous19843 621 5405e
Mayrig1991829 44937e
588, rue Paradis1992470 61165e
Total-91 584 693-

Distinctions

Récompenses

Nominations

Autres distinctions

Hommages

Notes et références

  1. Maïlys Gelin, « Henri Verneuil : le magnifique destin d’un pauvre Arménien exilé devenu seigneur du 7e art », sur Profession Audio|Visuel,
  2. Ancien élève de l'ENSAM.
  3. « Séance du mercredi 6 décembre 2000 - Discours de réception par Arnaud d'Hauterives » [PDF], sur academiedesbeauxarts.fr, (consulté le ).
  4. « Discours de Henri Verneuil » [PDF], sur academiedesbeauxarts.fr, (consulté le ).
  5. Marianne Durand-Lacaze, « Régis Wargnier : entrée dans le scénario de la vie du cinéaste », sur canalacademie.com, (consulté le ).
  6. Sophie Benamon, « Immortel Régis Wargnier, désormais Académicien », sur lexpress.fr, (consulté le ).
  7. Alain Morel, « Le poignant adieu à Henri Verneuil », sur leparisien.fr, .
  8. « Sevan : le fils de Verneuil à la Star'Ac », sur collectifvan.org, (consulté le ).
  9. « Gaya Verneuil, au nom du père », sur leparisien.fr, .
  10. Filmographie de Henri Verneuil, jpbox-office.com.

Liens externes

Livre : * [https://www.livres-cinema.info/livre/10967/cinema-d-henri-verneuil Le cinéma d'Henri Verneuil par Emmanuel Laborie Edilivre (2017)

Bases de données et notices :

  • Portail du cinéma français
  • Portail de la réalisation audiovisuelle
  • Portail de l’Arménie
  • Portail de Marseille
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.