Grotte Morin (Cantabrie)

La grotte Morin (espagnol cueva de Morín, ou cueva del Rey, ou Mazo Moril) est un site préhistorique situé dans la commune de Villaescusa, au sud-ouest de Santander, en Cantabrie (Espagne).

Pour les articles homonymes, voir Morin.

Cet article concerne la grotte préhistorique en Espagne cantabrique. Pour l'abri-sous-roche de Gironde, voir Abri Morin (Pessac-sur-Dordogne).

Grotte Morin
Localisation
Coordonnées
43° 22′ 18,4″ N, 3° 50′ 58,29″ O
Pays
Communauté
Province
Massif
Localité voisine
Caractéristiques
Type de roche
Calcaire Urgonien (Aptien)
Occupation humaine
Géolocalisation sur la carte : Espagne
Géolocalisation sur la carte : Cantabrie

Elle fait partie du groupe cantabrique, avec les grottes d'Altamira, d'El Castillo et du Pendu (El Pendo), dans la continuité des sites du Pays basque. Elle est remarquable par l'ampleur de sa stratigraphie, qui inclut Azilien, Magdalénien, Solutréen, Gravettien, plusieurs périodes de l'Aurignacien (évolué, inférieur et archaïque ou Protoaurignacien), Châtelperronien et Moustérien. Cet ensemble en fait un site clé pour l'étude de l'évolution du Paléolithique dans le Nord de l'Espagne.

Localisation

La grotte Morin est située dans la commune de Villaescusa, à km de la côte de la baie de Santander[1], à 11 km au sud-ouest de Santander et km au sud de Villanueva[2].

Description

Elle s'est formée dans une colline de calcaire Urgonien (Aptien), dans le bassin de drainage de la rivière Solia, à 57 m au-dessus du niveau de la mer et à 22 m au-dessus du niveau du ruisseau Obregón[1] et de son lit majeur[2]. Cette colline inclut une série de passages complexes et surtout une autre grotte à un niveau inférieur : la grotte de l'Ours, dans laquelle du mobilier lithique a été trouvé en surface[1].

Le sol de la grotte est recouvert de résidus de calcaire, avec un relief de 10-30 m et très marqués par des corrosions micro-karstiques (lapiaz)[2].

L'entrée de la grotte, tournée vers le nord-est, ouvre sur une petite salle[1].

Historique des recherches

La grotte est présentée à la communauté scientifique par Hugo Obermaier et Paul Wernert en 1910[1].

En 1912, après plusieurs visites, J. Carballo et P. Sierra creusent une petite tranchée d'exploration mais n'en publient pas les résultats. Il faut attendre 1915 pour qu'O. Cendrero publie une partie de leurs découvertes.
De 1917 à 1919, J. Carballo continue d'explorer la grotte et commence les premières fouilles systématiques sérieuses. Il découvre le niveau du Paléolithique supérieur et deux couches du Paléolithique moyen (il les publie en 1923). En 1918, il invite le comte de Vega del Sella à fouiller le site, ce que ce dernier fait pendant deux ans (publié en 1921)[1].

Le site est ensuite abandonné jusqu'au milieu des années 1960. De 1966 à 1969, une équipe hispano-américaine menée par J. González Echegaray et L.G. Freeman y travaille, appliquant des méthodes plus modernes avec des techniques nouvelles et une participation interdisciplinaire. Ce travail, publié en 1971 et 1973, établit une séquence complète des différentes périodes d'occupation du site et inclut pour la première fois un niveau châtelperronien clairement défini[1].

Stratigraphie

Echegaray et L.G. Freeman (1971, 1973) mettent au jour 22 niveaux[1] :

La même équipe de fouilles dévoile deux structures d'habitation, l'une datant du Moustérien et l'autre de l'Aurignacien[1] ; et des restes humains[4] dans le niveau 8[5] et le niveau 17 (les plus anciens restes humains)[6].

Mais la correspondance entre les occupations humaines et la stratigraphie s'avère complexe. Stuckenrath fait un premier essai en 1978, avec des résultats incomplets et en partie contradictoires. En 1994, Henri Laville et M. Hoyos publient leur étude des sédiments de la grotte, avec des résultats remettant en question la séquence chrono-climatique et la composition de certains niveaux, telle qu'établie par des travaux précédents (dont ceux de Butzer, publiés en 1981). En 2005, une autre série de fouilles et de travaux amène une nouvelle compréhension des sédiments de la grotte[7]. [...]

En 2014, la stratigraphie révisée comprend 7 niveaux moustériens, 1 niveau châtelperronien, 2 niveaux protoaurignaciens, 2 niveaux du début de l'Aurignacien, 1 niveau d'Aurignacien évolué, 2 niveaux gravettiens, 1 niveau solutréen, 1 niveau magdalénien et 1 niveau azilien[5].

Les habitations

Elles se trouvent dans la partie centrale de la grotte.

La plus ancienne est dans le niveau 17 (Moustérien). Sa surface est de 6,6 m2. Elle est révélée par une ligne de pierres formant une aire incurvée, avec des sédiments à l'intérieur clairement différents des autres sédiments du même niveau. Il semble qu'aucune trace de foyer n'y ait été découverte[6].

L'autre habitation découverte est dans le niveau 8, protoaurignacien. Partiellement détruite lors des fouilles du début du XXe siècle, elle mesure presque m de long et est rectangulaire. Il ne semble pas qu'elle ait été couverte, tout au moins n'y a-t-il pas trace de poteaux. Les sédiments avaient été creusés sur 27 cm au maximum. Contre le mur intérieur se trouvent les restes d'un foyer, peut-être dans un trou ; et sur le côté opposé, une dénivellation de 125 cm de long pour 50 cm de large, qui a été interprétée comme un siège[6].

Les tombes

Au fond de la grotte, dans le niveau aurignacien, se trouvent plusieurs monticules qui ont livré quatre tombes. Mais le processus de décomposition[6] a transformé ces restes humains en une substance sombre, graisseuse et plastique, de telle façon qu'ils sont difficiles à interpréter[8].

Hugo Obermaier signale en 1924 la découverte d'une molaire juvénile[9].

Mobilier

Le niveau 8 (Protoaurignacien) a livré des lamelles de type Dufour, une pointe Font-Yves et des nucléus prismatiques pour la production de lamelles[10].

Les couches 9 et 10 ont livré des pointes du Châtelperronnien[10].


Controverse

Lewis Binford affirmait en 1989 que les spécimens d'éclats d'os retouchés illustrés par Freeman, notamment pour le niveau 17, étaient tous indistinguables d'os mâchés par des animaux, probablement par des canidés[11],[12].

Faune

Rhinoceros merckii[13]

Homonymie

Ne pas confondre avec l'abri Morin à Pessac-sur-Dordogne, en Gironde, où l'on trouve une image de main gravée sur une pièce de mobilier datée du Paléolithique supérieur[14] et autres pièces porteuses d'art mobilier du Magdalénien[15], ainsi que des vestiges de canidés témoignant de la domestication du chien[16].

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • [Butzer 1981] (en) Karl Butzer, « Cave sediments, upper pleistocene stratigraphy and mousterian facies in Cantabrian Spain », Journal of Archaeological Science, vol. 8, no 2, , p. 133-183 (lire en ligne [PDF] sur sites.utexas.edu, consulté le ).
  • [Claud et al. 2019] Émilie Claud, Céline Thiébaut, Sandrine Costamagno, Marianne Deschamps, Marie-Cécile Soulier, Michel Brenet, Maria Gema Chacón-Navarro, David Colonge, Aude Coudenneau, Cristina Lemorini, Vincent Mourre et Flavia Venditti, « Les pratiques mises en œuvre par les Néandertaliens lors de l’acquisition et l’exploitation des ressources végétales et animales et la fonction des sites étudiés : synthèse et discussion » (dans « Partie II - Les résultats archéologiques »), Palethnologie, no 10 « L’acquisition et le traitement des matières végétales et animales par les néandertaliens : quelles modalités et quelles stratégies ? », (lire en ligne [sur journals.openedition.org], consulté le ).
  • [Maíllo et al. 2004] Jose Manuel Maillo-Fernandez, Victoria Cabrera-Valdès et Federico Bernaldo de Quirós, « Le débitage lamellaire dans le Moustérien final de Cantabrie (Espagne) : le cas de El Castillo et Cueva Morin », L'Anthropologie, no 108, , p. 367–393 (résumé).
  • [Maíllo 2005] (es) José Manuel Maíllo-Fernández, « La producción laminar en el Chatelperroniense de cueva Morín: modalidades, intenciones y objetivos », Trabajos de Prehistoria, vol. 62, no 1, , p. 47-64 (lire en ligne [PDF] sur semanticscholar.org, consulté le ).
  • [Maíllo et al. 2014] (es) José Maíllo, Carlos Arteaga, María Iriarte, Antonio Fernández, R. Wood et Federico Bernaldo de Quirós, « Cueva Morín (Villanueva de Villaescusa, Cantabria) », dans Pleistocene and holocene hunter-gatherers in Iberia and the Gibraltar strait: the current archaeological record, Universidad de Burgos, Fundación Atapuerca, , sur researchgate.net (lire en ligne), p. 72-78.
  • [Obermaier 1924] Hugo Obermaier, Fossil Man In Spain El Hombre Fósil »] [« L'Homme fossile en Espagne »], New Haven, Yale University Press, (1re éd. 1916 en espagnol), sur archive.org (lire en ligne).
  • [Utrilla et al. 2015] (es) Pilar Utrilla, Carlos Mazo et Rafael Domingo, « Fifty Thousand Years of Prehistory at the Cave of Abauntz (Arraitz, Navarre): a Nexus Point Between the Ebro Valley, Aquitaine and the Cantabrian Corridor », Quaternary International, vol. 364, , p. 294-305 (lire en ligne [sur academia.edu], consulté le ).

Notes et références

Notes

    Références

    1. Maíllo et al. 2014, p. 72.
    2. Butzer 1981, p. 138.
    3. Maíllo et al. 2014, p. 75.
    4. Maíllo et al. 2014, p. 73.
    5. Maíllo et al. 2014, p. 76.
    6. Maíllo et al. 2014, p. 77.
    7. Maíllo et al. 2014, p. 74.
    8. Maíllo et al. 2014, p. 78.
    9. Obermaier 1924, p. 288.
    10. [Zilhão 2006] João Zilhão, « Chronostratigraphy of the Middle-to-Upper Paleolithic Transition in the Iberian Peninsula », Pyrenae, vol. 1, no 37, , p. 7-84 (ISSN 0079-8215, lire en ligne [sur researchgate.net], consulté le ), fig. 4 : « Morín, diagnostic lithics (after González Echegaray and Freeman, 1971, 1973, modified) ».
    11. [Binford 2016] Lewis R. Binford, Debating Archaeology: Updated Edition, Routledge, (réimpr. 2007 (Emerald Group Publishing), 2009 (Left Coast Press), 2016 (Routledge)) (1re éd. 1989 (Academic Press)), sur books.google.fr (lire en ligne), p. 103.
    12. [Freeman 1983] (en) Leslie Gordon Freeman, « More on the Mousterian: Flaked Bone From Cueva Morin », Current Anthropology, vol. 24, no 3, , p. 366-371 (lire en ligne [sur journals.uchicago.edu], consulté le ).
    13. Obermaier 1924, p. 148.
    14. [Groenen 2011] Marc Groenen, « Images de mains de la préhistoire », La part de l'oeil, nos 25-26 « Dossier - L'art et la fonction symbolique », , p. 124-137 (lire en ligne [sur researchgate.net], consulté le ), p. 57.
    15. [Deffarge et al. 1975] René Deffarge, Pierre Laurent et Denise de Sonneville-Bordes, « Art mobilier du Magdalénien supérieur de l'Abri Morin à Pessac-sur-Dordogne (Gironde) [article] », Gallia Préhistoire, vol. 18, no 1, , p. 1-64 (lire en ligne [sur persee], consulté le ).
    16. [Boudadi-Maligne et al. 2012] Myriam Boudadi-Maligne, Jean-Baptiste Mallye, Mathieu Langlais et Carolyn Barshay-Szmidt, « Des restes de chiens magdaléniens à l'abri du Morin (Gironde, France). Implications socio-économiques d'une innovation zootechnique », Paléo, no 23, , p. 39-54 (lire en ligne [sur researchgate.net], consulté le ).
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