Guido Cagnacci

Guido Canlassi dit Cagnacci[1] (né le à Santarcangelo di Romagna, dans la province de Rimini, en Émilie-Romagne - mort en 1663 à Vienne, en Autriche) est un peintre italien du XVIIe siècle, que l'on peut rattacher à la période tardive du baroque italien, appartenant à l'école de Bologne.

Guido Canlassi
Naissance
Décès
Autres noms
Cagnacci
Activité
Œuvres principales
La Mort de Cléopâtre
Madeleine repentante
La Mort de Lucrèce

Biographie

Vers 1617, on l'envoya étudier à Bologne, où il se lia d'amitié avec le Guerchin. Il se rendit à Rome avec lui en 1621-1622, où il put approfondir son penchant naturaliste. Guido Cagnacci travaille à Rimini de 1627 à 1642. À la fin des années 1630, il travaille à Forli où il réalise de grands tableaux de la Gloire des saints Valérien et Mercurial pour la coupole de la Madone des Fuoco en la cathédrale (1642-1644), actuellement à la pinacothèque.

Il fait un séjour prolongé à Venise 1650-1659, où il réalise un de ses tableaux les plus connus, La Mort de Cléopâtre (1658) représentant le suicide de Cléopâtre VII, conservé au Kunsthistorisches museum.

Son succès est consacré lorsqu'il est appelé à Vienne par l'empereur Léopold Ier. Il y restera jusqu'à sa mort en 1663[2].

Redécouverte

Cagnacci était même presque totalement oublié, avant sa redécouverte dans les années 1950. Les historiens d'art[3] exhumèrent peu à peu l'image d'un peintre spécialisé dans les tableaux de demi-figures, représentant le plus souvent des héroïnes de l'histoire ancienne, telles Lucrèce ou Cléopâtre, de la mythologie et de la Bible, toutes cadrées à mi-corps, très dévêtues, et arborant des carnations éblouissantes, nacrées et moelleuses.
Originaire de Romagne, Cagnacci étudia à Bologne et fut marqué par les maîtres bolonais, les Carrache, Guido Reni, Le Guerchin. Il passa une décennie à Venise, avant d'entrer en 1658 au service de l'empereur Léopold Ier de Habsbourg à Vienne, où il acheva son existence.

Œuvres

La Mort de Cléopâtre (1658)


Guido Cagnacci entre Lyon et Amiens
Allégorie de la vie.
La Mort de Lucrèce, 1657, huile sur toile, 87 × 66 cm, Lyon, MBA.

Pour admirer les œuvres de Cagnacci en France, c'est vers les musées de province qu'il faut aller. Deux immenses chefs-d'œuvre se répondent. L'un au musée de Picardie à Amiens, l'autre au musée des beaux-arts de Lyon.

Le premier est une allégorie de la Vanité et de la Pénitence que l'on reconnaît grâce au crâne, à la rose et à la fleur de pissenlit qu'elle tient.
L'autre, aussi sur fond noir et presque du même petit format, semble sa sœur jumelle mais, avec son poignard pointé sur son sein, représente Lucrèce (Lucretia en latin) est une dame romaine, épouse de Lucius Tarquinius Collatinus, qui fut violée par son cousin, s'est tuée de crainte d'être accusée d'adultère.
Symbole antique de la vertu conjugale, elle est ici un chef-d'œuvre de sensualité.

Madeleine repentante

La réapparition de la Madeleine repentante sur le marché de l'art en 1981, vint bouleverser l'image que l'on s'était faite de l'artiste. Cagnacci pouvait peindre aussi des grandes scènes à plusieurs personnages. On connaît les circonstances de la commande grâce à une lettre écrite par le peintre en 1660 : « Je ne pourrai pas venir (à Venise) après Pâques parce que sa Majesté l'Empereur m'a fait promettre de lui peindre une Marie Madeleine repentante avec quatre figures grandeur nature ». Il poursuit : « puisque je ne sais pas peindre des pieds, que le Cavalier Liberi vienne et les peigne lui-même ».
Cette remarque caustique se rapporte aux critiques qu'il avait essuyées à Venise de la part du peintre Pietro Liberi et de l'historien Marco Boschini. Ces derniers lui reprochaient de ne faire que des demi-figures et le disaient incapable de peindre une figure entière, d'où la remarque ironique sur les pieds. Piqué par ces critiques et aiguillonné par le prestige du commanditaire, Cagnacci s'attaqua à ce qui devait être son œuvre la plus ambitieuse, cette Madeleine aussi magistrale qu'étrange par son iconographie inhabituelle.

Traditionnellement, le thème ne comporte qu'un personnage, Madeleine elle-même, représentée seule dans sa méditation, à demi-nue et entourée des vestiges de la vie de plaisirs qu'elle récuse désormais : miroir, vases de parfums, bijoux, riches toilettes ... Avec la Contre-Réforme, le thème donne lieu à d’innombrables images de dévotion, souvent couplées avec celle de saint Pierre, Madeleine symbolisant la pénitence et saint Pierre le repentir[8].

Iconographie originale

Madeleine repentante, vers 1660-1663, huile sur toile, 229 × 266 cm, Norton Simon Museum, Pasadena.

L'œuvre de Cagnacci n'est pas une image de dévotion, c'est une grande composition dans le genre historique, et un éclatant démenti aux accusations de ses détracteurs. Voici quatre figures, grandeur nature — sans compter les deux du fond ! Mais qui sont tous ces personnages nouveaux, d'où sortent-ils ?

La tradition religieuse avait amalgamé trois personnages féminins des Évangiles du nom de Marie, en une seule figure, Marie Madeleine. C'est une jeune courtisane convertie par Jésus et passionnément attachée à sa personne. Elle est la sœur de la sage et pratique Marthe[9], que l'on reconnaît ici dans la femme assise s'adressant à Madeleine allongée au sol. À l'arrière-plan, deux servantes très agitées, comme choquées par la détresse de leur jeune maîtresse, sortent précipitamment de la pièce et gagnent la loggia baignée de lumière. Marthe pointe sa main droite vers une scène qui occupe toute la partie gauche du tableau : un ange est en train de fustiger et de chasser un diable volant. C'est la Vertu chassant le Vice, une allégorie de ce qui se passe dans l'âme de Madeleine.

Cagnacci a puisé à des sources littéraires et théâtrales. Notamment La Maddalena lasciva e penitente (1652), pièce religieuse de Giambattista Andreini, et La Humanità di Christo (1535) de Pierre l'Arétin[10],[11], qui décrit exactement la scène dépeinte par Cagnacci : après avoir écouté le prêche de Jésus au Temple, Madeleine convertie rentre chez elle, se dépouille de ses habits et s’abîme dans les affres du remords, que tente d'adoucir sa sœur Marthe.
Cependant, l'introduction de la scène allégorique est de l'invention du peintre. Il est très conscient de son originalité conceptuelle puisqu'il accompagne sa signature de la mention « inventor » (sous les pieds de Marthe). L'étonnant, est la fusion des différents registres (réaliste et narratif d'un côté, allégorique et surnaturel de l'autre) dans un même espace très concret, architecturé, et dans une même lumière naturelle et limpide qui rend l'ensemble vivant.

Détails
  • L'ange et le diable
La Vertu a l'aspect d'un ange ailé, les cheveux agités par un souffle divin. Le Vice est un diable volant, tapi dans l'ombre, prêt à se dissiper comme une mauvaise nuée.
  • Les servantes
Les servantes accentuent la dimension théâtrale de la scène. Celle qui s'élance en essuyant ses larmes porte un pot à onguent, chose qui désormais fait horreur à sa maîtresse.
  • Le dialogue
La sage Marthe, impeccablement coiffée, console sa sœur Madeleine, dont le chignon négligemment noué trahit un esprit de désordre et dont le visage rougi par les larmes révèle la détresse.
  • Le langage des mains
Redoublant le dialogue des visages et des regards, les mains nouées de Madeleine expriment la prière et la contrition et la main de Marthe, très éloquente, semble leur parler.
  • Les bijoux
Dans les affres du repentir, Madeleine a jeté au sol ses somptueux habits et ses bijoux. Occasion pour l'artiste de peindre une magnifique nature morte.
  • Les escarpins
Les escarpins brodés d'or sont une démonstration de virtuosité.

Galerie

Bibliographie

  • (en) Xavier F. Salomon, The art of Guido Cagnacci, Scala Arts & Heritage Publishers Ltd, (ISBN 978-1785510571)
proche picturalement (École de peinture de Bologne)

Expositions

Notes et références

  1. Base Joconde
  2. Giovanna Nepi Sciré, La Peinture dans les Musées de Venise : Biographies, Éditions Place des Victoires, , 605 p. (ISBN 978-2-8099-0019-4), p. 637
  3. The Art of Guido Cagnacci, par Xavier F. Salomon et Peter Jay Scharp, éd. Scala Arts & Héritage Publisher.
  4. Valérie Lavergne-Durey, Chefs-d'œuvre de la Peinture italienne et espagnole : Musée des Beaux Arts de Lyon, Réunion des Musées nationaux, , 103 p. (ISBN 2-7118-2571-X), p. 72-73
  5. Wolfgang Prohaska, Le Kunsthistorisches Museum de Vienne : Peinture, C.H. Beck/Scala Books, , 128 p. (ISBN 3-406-47459-4, lire en ligne), p. 46
  6. (it) « Museo di Saludecio e del beato Amato », Wikipedia, (lire en ligne, consulté le )
  7. Mina Gregori (trad. de l'italien), Le Musée des Offices et le Palais Pitti : La Peinture à Florence, Paris, Éditions Place des Victoires, , 685 p. (ISBN 2-84459-006-3), p. 359
  8. Manuel Jover, Connaissance des arts, étude d'une œuvre, p. 70.
  9. Écrits apocryphes chrétiens, tome I, sous la direction de F. Bovon et P. Geoltrain, bibliothèque de La Pléiade, Paris, 1997, p. 369-370.
  10. Les Trois livres de l'humanité de Jésus-Christ, traduits d'italien en français par Pierre de Larivey, Éditions Honoré Champion, 2009.
  11. Trois livres de l'humanité de Jésus-Christ, L'Arétin, éd. Rue d'Ulm, coll. Versions françaises, 2004, (ISBN 978-2728803033)

Liens externes

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