Guillaume III d'Orange-Nassau

Guillaume III (Willem III en néerlandais et William III en anglais), né le à La Haye et mort le à Londres, fut stathouder des provinces de Hollande, de Zélande, d'Utrecht, de Gueldre et d'Overijssel appartenant aux Provinces-Unies à partir du . Il devint également roi d'Angleterre et d'Irlande (sous le nom de Guillaume III) et roi d'Écosse (sous le nom de Guillaume II) du jusqu'à sa mort.

Pour les articles homonymes, voir Guillaume III.

Guillaume III
Willem III

Portrait de Guillaume III peint par Willem Wissing.
Titre
Roi d'Angleterre, d'Écosse et d'Irlande

(13 ans et 23 jours)
Avec Marie II (1689-1694)
Couronnement
Prédécesseur Jacques II & VII
Successeur Anne
Stathouder de Hollande, de Zélande, d'Utrecht, de Gueldre et de Overijssel

(29 ans, 8 mois et 8 jours)
Prédécesseur Période sans stathouder
Guillaume II (indirectement)
Successeur Période sans stathouder
Guillaume IV (indirectement)
Biographie
Dynastie Maison d'Orange-Nassau
Nom de naissance Willem Hendrik van Oranje
Date de naissance [1]
Lieu de naissance Binnenhof, La Haye (Provinces-Unies)
Date de décès
Lieu de décès Palais de Kensington, Londres (Angleterre)
Sépulture Abbaye de Westminster
Père Guillaume II d'Orange-Nassau
Mère Marie-Henriette Stuart
Conjoint Marie II d'Angleterre
Religion Calvinisme puis anglicanisme


Monarques d'Angleterre

Issu de la maison d'Orange-Nassau et titré prince d'Orange à sa naissance, Guillaume affronta les responsables politiques hollandais qui voulaient empêcher le retour de la fonction de stathouder. La catastrophique année 1672, au cours de laquelle les Provinces-Unies affrontèrent une coalition menée par la France et l'Angleterre, permit toutefois à Guillaume de devenir stathouder, et il parvint à sauvegarder les intérêts néerlandais dans les différents traités de paix.

Petit-fils par sa mère du roi Charles Ier, décapité au cours de la Grande rébellion, Guillaume épousa en 1677 sa cousine germaine la princesse Marie d'Angleterre, fille aînée de l'héritier du trône anglais Jacques, duc d'York. Lorsque ce dernier devint roi en 1685, son catholicisme et ses politiques impopulaires lui aliénèrent l'opinion anglaise majoritairement protestante. Dans ce qui fut appelé la Glorieuse Révolution de 1688-1689, Guillaume renversa Jacques II et obtint les couronnes d'Angleterre, d'Écosse et d'Irlande. Dans les îles Britanniques, Guillaume III gouverna conjointement avec son épouse, Marie II, jusqu'à la mort de celle-ci le . Il poursuivit son opposition à la France de Louis XIV lors de la guerre de la Ligue d'Augsbourg et son règne marqua la transition du pouvoir personnel des Stuart vers le pouvoir soumis au contrôle du Parlement de la maison de Hanovre.

Jeunesse

Naissance et famille

Portrait du jeune Guillaume par Cornelis Janssens van Ceulen.
Le jeune prince représenté dans une couronne florale portant les symboles de la maison d'Orange-Nassau, peinture de Jan Davidsz de Heem. Musée des beaux-arts, Lyon.

Guillaume-Henri d'Orange est né à La Haye dans les Provinces-Unies le [2]. Il était le seul enfant du stathouder Guillaume II d'Orange-Nassau et de la princesse royale Marie d'Angleterre. Cette dernière était la fille aînée du roi Charles Ier et la sœur de ses successeurs Charles II et Jacques II d'Angleterre.

Huit jours avant la naissance de Guillaume, son père mourut de la variole ; ainsi Guillaume devint prince d'Orange dès le jour de sa naissance[3]. Immédiatement, un conflit commença entre la princesse royale et la mère de Guillaume II, Amélie de Solms-Braunfels, sur le nom à donner à l'enfant. Marie voulait le nommer Charles d'après son frère, mais sa grand-mère préférait Guillaume ou Willem pour améliorer ses chances de devenir stathouder[4]. Guillaume II avait nommé son épouse tutrice de son fils dans son testament ; cependant le document n'était pas signé au moment de la mort de Guillaume II et était donc invalide[5]. Le , le Hoge Raad (Cour suprême) établit que le tutorat serait partagé entre sa mère, sa grand-mère paternelle et l'électeur de Brandebourg Frédéric-Guillaume Ier, dont l'épouse Louise-Henriette était la sœur aînée de son père[6].

Enfance et éducation

La mère de Guillaume ne montra que peu d'intérêt personnel pour son fils ; elle fut parfois absente durant des années et se tenait délibérément en dehors de la société hollandaise[7]. L'éducation de Guillaume fut principalement assurée par plusieurs gouvernantes hollandaises, dont certaines étaient d'ascendance anglaise comme Walburg Howard. À partir d', le prince reçut un enseignement journalier dans la religion réformée avec le prêtre calviniste Cornelius Trigland, un partisan du théologien Gisbertus Voetius[8]. L'éducation idéale pour Guillaume fut décrite dans le Discours sur la nourriture de S. H. Monseigneur le Prince d'Orange, un court traité écrit par l'un des tuteurs de Guillaume, Constantin Huygens[9]. Dans ces leçons, le prince apprit qu'il était prédestiné à devenir un instrument de la divine providence devant remplir la destinée historique de la maison d'Orange-Nassau[10].

Études et formation

À partir du début de l'année 1659, Guillaume passa sept années à l'université de Leyde où il reçut une éducation formelle sous la direction du professeur d'éthique Hendrik Bornius[11]. Alors qu'il se trouvait à la Prinsenhof de Delft, Guillaume était accompagné d'Hans Willem Bentinck et de Frederick Nassau de Zuylestein, le fils illégitime du stathouder Frédéric-Henri d'Orange-Nassau. Il apprit le français avec Samuel Chappuzeau (qui fut limogé par la grand-mère de Guillaume après la mort de sa mère)[12].

Le grand-pensionnaire Johan de Witt et son oncle Cornelis de Graeff poussèrent les États de Hollande à prendre en charge l'éducation de Guillaume afin qu'il obtienne les aptitudes nécessaires à de futures fonctions gouvernementales ; les États acceptèrent le [13]. Cette première implication des autorités ne dura pas longtemps. Le , alors que Guillaume était âgé de dix ans, sa mère mourut de la variole au palais de Whitehall à Londres alors qu'elle rendait visite à son frère, le roi Charles II[13]. Dans son testament, Marie demandait à Charles II de veiller aux intérêts de Guillaume et il demanda aux États de Hollande de ne plus intervenir[14]. Pour apaiser le roi anglais, ils acceptèrent le [15]. En 1661, Zuylenstein commença à travailler pour Charles. Il poussa Guillaume à écrire des lettres au roi d'Angleterre pour lui demander de l'aider à devenir stathouder[16]. Après la mort de sa mère, l'éducation et le tutorat de Guillaume commencèrent à devenir un point de tension entre les partisans de sa dynastie, les orangistes, et les partisans de Pays-Bas plus républicains[17].

Les autorités hollandaises firent de leur mieux pour ignorer ces intrigues mais, lors de la deuxième guerre anglo-néerlandaise, l'une des conditions de paix de Charles II concernait l'amélioration de la position de son neveu[16]. En représailles, les États de Hollande firent officiellement de Guillaume un pupille du gouvernement[16]. Tous les partisans pro-anglais, dont Zuylenstein, furent exclus de son entourage[16]. Guillaume pria De Witt d'autoriser Zuylenstein à rester mais il refusa[18]. De Witt, le politicien le plus influent des Provinces-Unies, se chargea de l'éducation de Guillaume ; il lui enseigna la politique et les affaires nationales et jouait régulièrement à la courte-paume avec lui[18].

Premières fonctions

Johan de Witt, qui supervisa l'éducation de Guillaume à partir de 1666.
Gaspar Fagel remplaça De Witt en tant que grand-pensionnaire et était plus favorable aux intérêts de Guillaume.

Déchu du poste de stathouder

À la mort du père de Guillaume, les provinces avaient suspendu le titre de stathouder. Le traité de Westminster de 1654, qui mettait un terme à la première guerre anglo-néerlandaise, possédait une annexe secrète attachée aux demandes d'Oliver Cromwell : l'acte d'exclusion qui interdisait à la province de Hollande de nommer un membre de la maison d'Orange au titre de stathouder[19]. Après la Restauration anglaise, l'acte d'exclusion, qui n'était pas resté un secret très longtemps fut déclaré nul car le Commonwealth d'Angleterre (avec qui le traité avait été conclu) n'existait plus[20]. En 1660, Marie et Amélie essayèrent de convaincre les différentes provinces des États de nommer Guillaume en tant que futur stathouder mais elles refusèrent[20].

En 1667, comme Guillaume approchait de ses 18 ans, le parti orangiste tenta à nouveau de l'amener au pouvoir en lui assurant les titres de stathouder et de capitaine général. Pour éviter la restauration de l'influence de la Maison d'Orange, De Witt autorisa le pensionnaire de Haarlem, Gaspar Fagel, à pousser les États de Hollande à délivrer l'édit perpétuel de 1667[21]. Ce texte stipulait que le capitaine-général ou l'amiral-général des Pays-Bas ne pouvait pas devenir stathouder de n'importe quelle province[21]. Malgré cela, les partisans de Guillaume cherchèrent des moyens d'accroître son prestige, et le , les États de Zélande le reçurent en tant que Premier Noble[22]. Pour recevoir ce titre, Guillaume avait dû échapper à l'attention de ses tuteurs pour se rendre secrètement à Middelbourg[22]. Un mois plus tard, Amélie autorisa Guillaume à gérer son propre foyer et à déclarer sa propre majorité[23].

La province de Hollande, le centre de l'anti-orangisme, abolit la fonction de stathouder et quatre autres provinces firent de même en , établissant ainsi la période de la soi-disant « Harmonie[21] ». De Witt demanda un serment pour chaque régent (membre du conseil de ville) pour faire respecter l'édit ; tous sauf un acceptèrent[21]. Guillaume vit cela comme une défaite mais en réalité, l'arrangement était un compromis : De Witt aurait préféré ignorer complètement le prince mais à présent son ascension dans les fonctions de commandement de l'armée suprême était irrésistible[24]. De Witt reconnut ensuite que Guillaume serait admis en tant que membre du Raad van State (conseil d'État) puis à l'organe gérant le budget de la défense[25]. Guillaume entra au conseil le avec tous ses pouvoirs de vote malgré les tentatives de De Witt pour limiter son rôle à celui de conseiller[26].

Conflit avec les républicains

En , Guillaume obtint la permission de se rendre en Angleterre pour presser Charles II de payer au moins une partie des 2 797 859 guilden (environ 190 millions d'euros de 2013[27]) des dettes de la maison Stuart envers la maison d'Orange[28]. Charles II ne pouvait pas payer mais Guillaume accepta de réduire la somme à 1 800 000 guilden[28]. Le roi anglais découvrit que son neveu était un calviniste convaincu et un Hollandais patriote ; il reconsidéra alors son idée de lui montrer le traité secret de Douvres avec la France qui prévoyait la destruction de la république hollandaise et l'installation de Guillaume comme « souverain » d'un État croupion néerlandais[28]. En plus des divergences politiques, Guillaume s'inquiétait du mode de vie de Charles II et de son frère Jacques qui buvaient, pariaient et entretenaient de nombreuses maîtresses[29].

L'année suivante, la sécurité de la République se détériora rapidement du fait de l'imminence d'une attaque anglo-française[30]. Face à cette menace, les États de Gueldre demandèrent que Guillaume soit nommé capitaine-général de l'armée hollandaise aussi rapidement que possible malgré sa jeunesse et son inexpérience[31]. Le , cette idée fut officiellement adoptée par les États d'Utrecht[32]. Le , les États de Hollande firent une contre-proposition : nommer à la tête de l'armée Guillaume pour une seule campagne[33]. Le prince refusa et le , un compromis fut obtenu : une nomination par les États généraux pour un été, suivi par une nomination permanente lors de son 22e anniversaire[33]. Dans le même temps, Guillaume écrivit une lettre secrète à Charles II en pour demander à son oncle d'exploiter la situation en faisant pression sur les états généraux afin qu'il soit nommé au poste de stathouder[34]. En retour, Guillaume allierait la République à l'Angleterre et servirait les intérêts de Charles II autant que « l'honneur et la loyauté dû à cet État[34] » le lui permettrait. Charles II ne répondit pas à la proposition et poursuivit les préparatifs militaires avec son allié français.

Stathouder des Provinces-Unies

Rampjaar

Pour les Provinces-Unies, l'année 1672 se révéla calamiteuse et fut appelée Rampjaar année de tous les désastres ») du fait de la guerre de Hollande et de la troisième guerre anglo-néerlandaise ; les Pays-Bas furent envahis par la France de Louis XIV, l'Angleterre, Münster et Cologne. Bien que la flotte anglo-française ait été battue lors de la bataille de Solebay, les troupes françaises entrèrent en juin dans les provinces de Gueldre et d'Utrecht. Guillaume se retira avec les restes de son armée le en Hollande où les États avaient ordonné la destruction des écluses pour inonder le pays le [35]. Louis XIV, considérant que la guerre était terminée, commença à négocier pour obtenir le plus d'argent possible de la part des Hollandais[36]. La présence d'une large armée française au cœur de la République entraîna une panique générale et le peuple se tourna contre De Witt et ses alliés[36].

Le , les États de Hollande nommèrent Guillaume au poste de stathouder et il prêta serment cinq jours plus tard[37]. Le lendemain, un envoyé spécial de Charles II, lord Arlington, rencontra Guillaume à Nieuwerbrug. Il offrit à Guillaume le titre de prince de Hollande en échange de sa capitulation ; le stathouder n'était cependant qu'un simple fonctionnaire et n'avait pas l'autorité pour accepter[38]. Lorsque Guillaume refusa, Arlington menaça d'anéantir la République[38]. Guillaume fit sa célèbre réponse : « Il n'y a qu'un seul moyen d'éviter cela : mourir en la défendant jusqu'au dernier fossé ». Le , l'inondation des terres fut terminée et l'avance de l'armée française fut stoppée. Le , la Zélande offrit le poste de stathouder à Guillaume[37].

Johan de Witt fut incapable d'assumer son rôle de grand-pensionnaire après avoir été blessé lors d'une tentative d'assassinat le [39]. Le , Guillaume publia une lettre de Charles II dans laquelle le roi anglais avançait que la principale raison de la guerre était l'agressivité de la faction de De Witt[40]. Le peuple étant maintenant hostile à De Witt, ce dernier et son frère Cornelis furent assassinés par une milice citoyenne à La Haye le [40]. Après cela, Guillaume remplaça de nombreux régents hollandais par ses partisans[41].

Bien que la complicité de Guillaume dans le lynchage n'ait jamais été prouvée, il entrava les tentatives de poursuites des chefs de la conspiration et il en récompensa certains avec de l'argent comme Hendrik Verhoeff ou avec des postes élevés comme Johan van Banchem et Johan Kievit[42]. Cela endommagea sa réputation de la même manière que ses actions ultérieures à Glencoe.

Guillaume III continua de combattre les Français et les Anglais en s'alliant à l'Espagne et au Brandebourg. En , il emmena son armée à Maastricht pour menacer les lignes de ravitaillement françaises[43]. En 1673, la situation s'améliora. Bien que Louis XIV ait capturé Maastricht et que les tentatives de Guillaume pour prendre Charleroi aient échoué, l'amiral Michiel de Ruyter battit la flotte anglo-française à trois reprises ; cela entraîna le retrait de l'Angleterre lors du traité de Westminster et après 1673, les Français se retirèrent progressivement des territoires hollandais (à l'exception de Maastricht) tout en progressant ailleurs[44].

Guillaume épousa sa cousine germaine, la future reine Marie II en 1677.

Fagel proposa de traiter les provinces libérées d'Utrecht, de Gueldre et d'Overijssel comme des territoires conquis (pays de la Généralité), en punition de leur reddition rapide face à l'ennemi[45]. Guillaume refusa mais il obtint un mandat spécial de la part des États-Généraux pour nommer tous les nouveaux délégués dans les États de ces provinces[45]. Les partisans de Guillaume au sénat d'Utrecht le nommèrent stathouder héréditaire le [46]. Les États de Gueldre lui offrirent les titres de duc de Gueldre et de comte de Zutphen[47]. Les réactions négatives à cette décision en Zélande et dans la ville d'Amsterdam, où la bourse s'effondra, poussèrent finalement Guillaume à refuser ces honneurs ; il fut nommé stathouder de Gueldre et d'Overijssel à la place[47].

Mariage avec Marie d'Angleterre

Durant la guerre avec la France, Guillaume tenta d'améliorer sa position en épousant sa cousine germaine Marie Stuart, la fille aînée du duc Jacques d'York, de onze années sa cadette. Bien qu'il ait anticipé une résistance à une union avec la maison Stuart de la part des marchands d'Amsterdam, qui détestaient sa mère (une autre Marie Stuart), Guillaume pensait qu'épouser Marie permettrait d'accroître ses chances d'accession aux royaumes de Charles II et éloignerait le monarque anglais de ses politiques pro-françaises[48]. Jacques n'était pas prêt à consentir au mariage mais Charles II fit pression sur son frère[49]. Charles II tenta d'utiliser comme un avantage la possibilité d'un mariage dans les négociations relatives à la guerre mais Guillaume insista pour que les deux questions soient résolues séparément[50]. Charles II céda et l'évêque Henry Compton maria le couple le [51]. Marie tomba rapidement enceinte après le mariage mais elle fit une fausse couche. Après une autre maladie en 1678, elle ne fut plus jamais enceinte[52].

Tout au long du mariage, Guillaume ne reconnut qu'une seule maîtresse, Élisabeth Villiers, en contraste avec les nombreuses maîtresses que son oncle avait publiquement[53]. En revanche, on lui prêta une liaison avec Arnold Joost van Keppel, un adolescent d'une rare beauté.

Paix avec la France et intrigues avec l'Angleterre

Portrait de Guillaume âgé de 27 ans par Peter Lely.

En 1678, Louis XIV cherchait à faire la paix avec les Provinces-Unies[54] mais Guillaume était très suspicieux vis-à-vis de ce dernier, et il pensait que le roi de France désirait devenir le monarque universel de l'Europe ; Louis XIV décrivit Guillaume comme « mon ennemi mortel » et le voyait comme un exécrable belliciste. Les petites annexions françaises en Allemagne (la politique de réunions) et la révocation de l'édit de Nantes en 1685 causèrent un afflux massif de réfugiés huguenots dans la République[55]. Cela poussa Guillaume III à rejoindre diverses coalitions dirigées contre la France comme la Ligue d'Augsbourg en 1688[56].

En , il se rend à Saint-Omer assiégée depuis plus de dix jours par Philippe d'Orléans, frère de Louis XIV, afin de lui porter renforts. Le , il rencontre les troupes du roi de France à Noordpeene, cette bataille dite de La Peene ou de Cassel sera décisive. La ville de Saint-Omer se rendra quelques jours plus tard, devenant ainsi la dernière ville d'Artois intégrée au domaine royal français.

Après son mariage en , Guillaume devint un candidat potentiel pour le trône d'Angleterre si son beau-père (et oncle) Jacques était exclu de la succession du fait de son catholicisme. Durant la crise de l'Exclusion Bill en 1680, Charles II invita Guillaume à venir en Angleterre pour renforcer la position du roi contre les « exclusionnistes » avant de retirer son invitation[57]. Néanmoins, Guillaume fit secrètement pression sur les états généraux pour qu'ils envoient une lettre à Charles II le suppliant d'empêcher un catholique de lui succéder, sans nommer explicitement Jacques[58]. Après avoir reçu des réactions indignées de la part de Jacques et Charles II, Guillaume nia toute implication[58].

En 1685, lorsque Jacques II monta sur le trône d'Angleterre, Guillaume tenta une approche conciliante tout en essayant de ne pas offenser les protestants anglais[59]. Guillaume, toujours en quête de moyens afin de réduire la puissance de la France, espéra que Jacques II rejoindrait la Ligue d'Augsbourg mais en 1687, il devint clair que ce ne serait pas le cas[59]. Les relations entre les deux hommes s'envenimèrent par la suite[60]. En novembre, l'épouse de Jacques II, Marie de Modène, annonça qu'elle était enceinte[61]. Le même mois, pour obtenir le soutien des protestants anglais, Guillaume écrivit une lettre ouverte au peuple anglais dans laquelle il désapprouvait les politiques religieuses tolérantes de Jacques. De nombreux hommes politiques anglais le considéraient comme un ami, maintenaient des contacts secrets avec lui et commencèrent à négocier une invasion de l'Angleterre[62].

Glorieuse Révolution

Invasion de l'Angleterre

Guillaume III débarquant à Brixham, peinture de Jan Wyck vers 1688.

Guillaume était initialement opposé à l'invasion mais la plupart des historiens sont d'accord pour dire qu'il commença à assembler une force expéditionnaire en , car il devenait de plus en plus clair que la France resterait occupée par ses campagnes en Allemagne et en Italie et ne pourrait donc pas attaquer lorsque les troupes de Guillaume seraient en Angleterre[63],[64]. Croyant que les Anglais accepteraient mal un envahisseur étranger, il envoya une lettre au contre-amiral Arthur Herbert dans laquelle il demandait que les protestants les plus influents d'Angleterre l'invitent d'abord à attaquer[65]. Le , l'épouse de Jacques, Marie de Modène, accoucha d'un fils (Jacques François Stuart) qui évinçait l'épouse de Guillaume de la première place dans l'ordre de succession et laissait présager la mise en place d'une dynastie catholique[66]. La colère publique fut également accrue par le procès de sept évêques qui s'étaient publiquement opposés à la Déclaration d'indulgence (en) de Jacques II qui garantissait la liberté de religion à ses sujets, une politique qui semblait menacer l'Église d'Angleterre[67].

Le , le jour de l'acquittement des évêques, un groupe de personnalités politiques appelé par la suite les « sept immortels » envoya une invitation formelle à Guillaume[65]. Les intentions de Guillaume sur l'invasion furent rendues publiques en [68].

Le Prince d'Orange, Guillaume III débarqué à Torbay
William Turner, 1832
Tate Britain, Londres

Il débarqua à la tête d'une armée hollandaise à Brixham dans le sud-ouest de l'Angleterre le [69]. Cet évènement est relaté par William Turner dans un tableau exposé à la Royal Academy en 1832 et intitulé Le Prince d'Orange, Guillaume III, embarqué de Hollande et débarqué à Torbay, le , après un passage orageux[70].

Il proclama à son arrivée qu'il maintiendrait les libertés de l'Angleterre et de la religion protestante. Guillaume avait débarqué avec environ 11 000 fantassins et 4 000 cavaliers[71]. Jacques II perdit immédiatement tous ses soutiens après l'arrivée de Guillaume ; les officiers protestants de l'armée anglaise désertèrent (dont John Churchill, l'officier le plus expérimenté de Jacques) et de nombreux nobles de tout le pays déclarèrent leur soutien à l'envahisseur[72].

Jacques II tenta initialement de résister à Guillaume mais ses efforts furent inutiles[72]. Il envoya des émissaires pour négocier avec Guillaume mais il tenta secrètement de fuir le [73]. Un groupe de pêcheurs l'arrêta et il fut ramené à Londres[73]. Guillaume autorisa néanmoins Jacques II à quitter le pays car il ne voulait pas en faire un martyr de la cause catholique[74],[75].

Accession au trône

Pièce d'argent à l'effigie de Guillaume III datant de 1695. L'inscription latine sur l'avers GVLIELMVS III DEI GRA[TIA] et sur le revers MAG[NAE] BR[ITANNIAE], FRA[NCIAE], ET HIB[ERNIAE] REX 1695 signifie : « Guillaume III, par la grâce de Dieu, roi de Grande-Bretagne, de France et d'Irlande, 1695 ». L'avers montre les armoiries, dans le sens des aiguilles d'une montre en partant du haut, de l'Angleterre, de l'Écosse, de la France et de l'Irlande entourant les armoiries personnelles de la maison d'Orange-Nassau.

Guillaume convoqua un parlement de convention en Angleterre qui se rassembla le [76],[77]. Guillaume sentait que sa position était précaire ; même si sa femme se trouvait en haut de l'ordre de succession au trône, il souhaitait régner en tant que roi de son plein droit et non en tant que simple roi consort[78]. Le seul précédent d'une monarchie conjointe en Angleterre remontait au XVIe siècle quand la reine Marie Ire Tudor avait épousé le prince Philippe d'Espagne[79]. Philippe ne resta roi que durant la vie de son épouse et des restrictions étaient placées sur son pouvoir. D'un autre côté, Guillaume souhaitait rester roi même après la mort de sa femme[80]. La majorité des tories à la Chambre des lords proposa d'acclamer Marie en tant que monarque unique mais elle refusa par loyauté à son mari[81].

La Chambre des communes avec une majorité whig avait rapidement décidé que le trône était vacant et qu'il était plus sûr que le souverain soit protestant. Les tories de la Chambre des lords n'étaient pas d'accord, mais après que Guillaume eut refusé d'être un régent ou de ne régner que jusqu'à la mort de son épouse, il y eut des négociations entre les deux Chambres et les lords reconnurent à une courte majorité que le trône était vacant. Le parlement vota la Déclaration des droits le dans laquelle il jugeait que Jacques II, en ayant tenté de fuir, avait abdiqué et avait donc laissé son trône vacant[82]. La Couronne ne fut pas transférée au fils de Jacques, Jacques François Stuart (qui aurait été l'héritier apparent en des circonstances normales), mais à Guillaume III et Marie II en tant que co-monarques[78]. Elle l'était, cependant, à condition que « l'exercice plein et entier de la puissance royale soit exercé par le prince d'Orange aux noms des dits prince et princesse pendant leur vie commune[78] ».

Guillaume III et Marie II furent couronnés ensemble le par l'évêque de Londres Henry Compton[83]. Habituellement, le couronnement était réalisé par l'archevêque de Canterbury mais le détenteur du titre, William Sancroft, refusa de reconnaître le renversement de Jacques II[83].

Guillaume III convoqua également une réunion du parlement d'Écosse qui eut lieu le . Ce dernier envoya une lettre de conciliation mais Jacques II envoya des ordres hautains et sans compromis, ce qui poussa une majorité à se prononcer en faveur de Guillaume III. Le , le jour du couronnement anglais, la convention déclara finalement que Jacques II n'était plus roi d'Écosse[84]. Guillaume III et Marie II reçurent la couronne d'Écosse qu'ils acceptèrent le [85].

Un demi crown à l'effigie de Guillaume III et Marie II (1689). Description avers : portraits à droite de Guillaume III et Marie II. Description revers : écus couronnés d’Angleterre, Écosse, Irlande et France, quatre monogrammes formés d’un M et d’un W croisés, au centre armes de la maison de Nassau. Fille de Jacques II Stuart, Marie se marie en 1677 avec le stathouder et prince d’Orange protestant, le futur Guillaume III. À la suite de la “Glorieuse Révolution”, Jacques II prend la fuite. Avec l’accord du parlement, Guillaume et Marie deviennent conjointement roi et reine d’Angleterre en 1689.

Retour au calme

Statue idéalisée de Guillaume III réalisée par John Michael Rysbrack, érigée dans le Queen Square de Bristol en 1736.

Guillaume III d'Angleterre encouragea le passage de l'Acte de tolérance de 1689 qui garantissait la liberté religieuse de certains « non-conformistes » protestants[77]. Cela ne permit cependant pas d'étendre la tolérance aussi loin que Guillaume III l'aurait souhaité car les libertés religieuses des catholiques, des anti-trinitariens et de certains protestants restaient encore limitées[83]. En , l'un des plus importants documents constitutionnels de l'histoire anglaise, la Déclaration des droits, fut adopté par le Parlement[86]. Cette loi, qui reconfirmait certaines clauses de l'ancienne déclaration des droits, établissait des restrictions sur les prérogatives royales. Elle empêchait, entre autres, le roi de suspendre des lois votées par le Parlement, de lever des taxes ou une armée en temps de paix sans l'accord du Parlement, d'enfreindre le droit de pétition, de nier le droit de porter des armes aux sujets protestants, d'interférer dans les élections législatives, de punir les membres des deux Chambres du Parlement pour ce qui est dit pendant les débats, d'offrir des acquittements excessifs ou d'infliger des châtiments cruels[77]. Guillaume III était opposé à de telles contraintes mais il choisit ne pas entrer en conflit avec le Parlement, et accepta de respecter la loi[87].

La Déclaration des droits régla la question de la succession à la Couronne. Après la mort de l'un des deux co-monarques, l'autre continuerait à régner. La suivante dans l'ordre de succession devenait la sœur de Marie II, la princesse Anne, et ses descendants[86]. Néanmoins, tous les enfants que Guillaume III pourrait avoir d'un mariage à venir seraient intégrés à l'ordre de succession. Les catholiques, de même que ceux qui épousaient des catholiques, étaient exclus[86].

Roi d'Angleterre avec Marie II

Révoltes jacobites

Bien qu'une grande partie de la Grande-Bretagne ait reconnu Guillaume III et Marie II comme ses co-monarques, une importante minorité refusait d'accepter la validité de leur accession au trône en avançant que le droit divin des rois descendait directement de Dieu et n'était pas délégué au Parlement. Au cours des 57 années qui suivirent, les jacobites firent pression pour restaurer Jacques II et ses héritiers[88]. Les non-jureurs en Angleterre et en Écosse, dont plus de 400 ecclésiastiques et plusieurs évêques de l'Église d'Angleterre et de l'Église épiscopalienne écossaise, de même que de nombreux laïcs refusèrent de prêter le serment d'allégeance à Guillaume III[89].

La bataille de la Boyne entre Jacques II et Guillaume III, , peinture de Jan van Huchtenburg.

L'Irlande était contrôlée par des catholiques loyaux à Jacques II et des jacobites franco-irlandais arrivés de France avec des forces françaises en pour participer à la rébellion jacobite, dont un épisode fut le siège de Derry[90]. Guillaume III envoya sa flotte de guerre pour débloquer la ville en juillet et son armée débarqua en août. Ces troupes ne parvinrent pas à prendre l'avantage, et Guillaume III intervint personnellement pour commander son armée et remporter la victoire lors de la bataille de la Boyne le [91] ; Jacques II s'enfuit en France après la défaite[92].

Au retour de Guillaume III en Angleterre, son ami proche, le général hollandais Godert de Ginkell qui avait accompagné Guillaume III en Irlande et avait commandé un corps de cavalerie lors de la bataille de la Boyne fut nommé commandant en chef des forces armées en Irlande. Au , il reçut le contrôle de l'ensemble des troupes sur place et après plusieurs batailles, il captura Galway et Limerick. Après des négociations difficiles, les dernières troupes jacobites capitulèrent le lors du traité de Limerick. Cela mit fin à la pacification de l'Irlande par Guillaume III et pour ses services, le général hollandais reçut les félicitations formelles de la Chambre des communes et le titre de comte d'Athlone par le roi.

Une série de soulèvements jacobites eut également lieu en Écosse où le vicomte de Dundee leva des forces et remporta la bataille de Killiecrankie le , mais il mourut au combat un mois après lors de la bataille de Dunkeld[93]. Guillaume III offrit l'amnistie aux clans écossais qui s'étaient soulevés s'ils proclamaient leur allégeance avant une date donnée, mais son gouvernement en Écosse punit les retardataires lors du massacre de Glencoe en 1692 ; cet événement devint tristement célèbre dans la propagande jacobite car Guillaume III avait signé les ordres[94],[95]. Cédant face à la colère populaire, Guillaume III limogea les responsables du massacre ; cependant, ceux-ci bénéficiaient encore de la faveur royale ; dans les mots de l'historien John Dalberg-Acton, « l'un devint colonel, l'autre chevalier, un troisième pair et un quatrième, enfin, comte[94] ».

La réputation de Guillaume III en Écosse se détériora encore plus lorsqu'il refusa de soutenir le projet Darién, une tentative écossaise de créer une colonie dans l'actuel Panama qui tourna finalement au désastre[96].

Parlement et factions

Gravure de Guillaume III et de Marie II

Bien que les whigs aient été les principaux soutiens de Guillaume III, il privilégia au départ une politique d'équilibre entre les whigs et les tories[97]. Le marquis d'Halifax, un homme connu pour sa capacité à définir une voie politique modérée, gagna la confiance de Guillaume III au début de son règne[98]. La majorité whig du Parlement qui espérait dominer le gouvernement fut déçue par ces décisions[99]. Cette approche équilibrée de la gouvernance ne dura pas au-delà des années 1690, car les factions belligérantes rendaient impossible la poursuite par le gouvernement d'une politique efficace et Guillaume III demanda de nouvelles élections au début de l'année[100].

Après les élections de 1690, Guillaume III commença à favoriser les tories menés par les lords Danby et Nottingham[101]. Les tories étaient en faveur de préserver les prérogatives royales, mais Guillaume III affronta l'opposition parlementaire lorsqu'il demanda au Parlement de financer sa guerre prolongée contre la France[102]. En conséquence, Guillaume III commença à préférer la faction whig[103]. Le gouvernement whig fut responsable de la création de la banque d'Angleterre. La décision de Guillaume III d'accorder une charte royale à la banque en 1694, une institution privée appartenant à des banquiers, est son héritage économique le plus significatif[104]. Elle posa les fondations de la domination anglaise sur le commerce mondial au XVIIIe siècle à la place des Provinces-Unies et de la banque d'Amsterdam.

Guillaume III dissout le Parlement en 1695, et le nouveau Parlement était contrôlé par les whigs. Il y eut également une forte hausse du nombre de ses soutiens à la suite de la révélation d'un complot jacobite pour l'assassiner en 1696[105]. Le Parlement vota un bill d'attainder (condamnation sans procès) contre le chef de la conspiration, John Fenwick, qui fut décapité en 1697[106].

Guerre en Europe

Guillaume III s'absentait fréquemment du royaume durant la guerre de la Ligue d'Augsbourg contre la France ; il quittait l'Angleterre au printemps et rentrait à l'automne[107]. Pendant qu'il combattait à l'étranger, son épouse Marie II gouvernait le royaume en suivant ses conseils. Chaque fois qu'il rentrait en Angleterre, Marie II abandonnait son pouvoir sans réserve, un arrangement qui continua jusqu'à la fin de sa vie[108].

Après la victoire de la flotte anglo-néerlandaise sur la flotte française à la bataille de la Hougue en 1692, la Ligue d'Augsbourg contrôla les mers durant une courte période et l'Irlande fut pacifiée par le traité de Limerick[109]. Dans le même temps, la Ligue perdit du terrain en Europe car Guillaume III perdit Namur dans les Pays-Bas espagnols en 1692 et fut battu à la bataille de Neerwinden en 1693[110].

Début du règne solitaire

Marie II mourut de la variole en 1694, laissant Guillaume III gouverner seul[111]. Il fut profondément affecté par son décès[112]. Malgré sa conversion à l'anglicanisme, la popularité de Guillaume III diminua fortement lors de son règne en solitaire[113].

Rumeurs d'homosexualité

Durant les années 1690, les rumeurs sur une possible homosexualité de Guillaume III menèrent à la publication de nombreux pamphlets satiriques émanant de ses opposants jacobites[114]. Il eut en effet des assistants masculins proches dont deux courtisans hollandais auxquels il donna des titres anglais : Hans Willem Bentinck devint comte de Portland (en) et Arnold Joost van Keppel, nommé comte d'Albemarle, de 19 ans le cadet du roi, était réputé être son amant depuis 1685. Ces relations avec des amis masculins et son apparent manque de maîtresses amenèrent ses ennemis à suggérer qu'il préférait les relations homosexuelles. Cependant, les biographes modernes de Guillaume III débattent encore de la véracité de ces rumeurs et beaucoup avancent qu'elles ne sont que des produits de l'imagination de ses adversaires[115], d'autres pensant néanmoins qu'il y a un fond de vérité[116].

La proximité de Bentinck avec le roi attisa les jalousies à la cour mais la plupart des historiens modernes doutent qu'il y ait eu un élément homosexuel dans leurs relations[117]. Le jeune protégé de Guillaume III, Keppel, excita les suspicions et les commérages car il était de 20 ans plus jeune que lui, remarquablement beau et avait été élevé au titre de comte avec une certaine aisance[118]. Portland écrivit à Guillaume III en 1697 que « la bienveillance dont votre Majesté a pour un jeune homme et la manière dont vous semblez d'autoriser ses libertés … poussent le monde à dire des choses que j'ai honte d'entendre[119] ». Il ajouta que cela « ternissait une réputation qui n'avait auparavant jamais été sujette à de telles accusations ». Guillaume III rejeta cependant laconiquement de telles suggestions en déclarant, « il me semble très extraordinaire qu'il soit impossible d'avoir de l'estime et de la considération pour un jeune homme sans que cela soit criminel[119] ».

Relations avec la France

Gravure de 1695 représentant les Lord Justices qui administraient le royaume quand Guillaume III était en campagne. La reine Marie II occupait cette fonction avant sa mort en 1694.

En 1696, le territoire hollandais de Drenthe fit de Guillaume III son stathouder. La même année, les jacobites complotèrent pour assassiner Guillaume III et restaurer Jacques II sur le trône d'Angleterre mais ils échouèrent. D'après les termes du traité de Ryswick () qui mettait fin à la guerre de la Ligue d'Augsbourg, Louis XIV reconnaissait Guillaume III comme le souverain légitime d'Angleterre et ne fournit plus aucun soutien à Jacques II[120]. Privé du soutien de la dynastie française après 1697, les jacobites ne furent plus une menace lors de son règne.

La fin du XVIIe siècle vit la succession au trône d'Espagne devenir la question dominante dans les affaires européennes. L'Espagne possédait, en plus de la péninsule Ibérique, de vastes territoires en Italie, dans les Pays-Bas et dans le Nouveau Monde. Le roi Charles II d'Espagne était stérile et ne pouvait donc pas avoir d'héritiers ; parmi ses parents les plus proches figuraient le roi de France Louis XIV et l'empereur Léopold Ier du Saint-Empire. Guillaume III cherchait à éviter que la couronne d'Espagne ne passe entre les mains de l'un de ces souverains car cela déséquilibrerait les rapports de forces en Europe. Guillaume III et Louis XIV s'accordèrent sur le premier traité de partage qui définissait le partage de l'Empire espagnol : le duc Joseph-Ferdinand de Bavière obtiendrait l'Espagne tandis que la France et le Saint-Empire se partageraient les territoires restants[121]. Charles II accepta la nomination de Joseph-Ferdinand comme héritier et la possibilité d'une guerre sembla s'éloigner[122].

Cependant, la mort de Joseph-Ferdinand des suites de la variole entraîna un retour du problème. En 1700, les deux souverains acceptèrent le traité de Londres selon lequel les territoires italiens seraient transmis à un fils du roi de France et les autres le seraient à un fils de l'empereur du Saint-Empire[123]. Cet accord irrita les Espagnols qui souhaitaient éviter la désintégration de leur empire et l'empereur du Saint-Empire pour qui les territoires italiens étaient plus intéressants que les autres[123]. Cependant, la mort de Charles II en 1700 rebattit complètement les cartes car il céda par testament tous les territoires espagnols à Philippe, un petit-fils de Louis XIV[124]. Les Français en profitèrent pour ignorer le traité de Londres et revendiquer le trône d'Espagne[124]. De plus, Louis XIV s'aliéna Guillaume III en reconnaissant Jacques François Stuart, le fils de l'ancien roi Jacques II mort en 1701, comme roi d'Angleterre[125]. Le nouveau conflit qui fut appelé la guerre de succession d'Espagne continua jusqu'en 1713.

Succession anglaise

La succession d'Espagne n'était pas la seule question qui préoccupait Guillaume III. Son mariage avec Marie II n'avait apporté aucun enfant et il semblait peu probable qu'il se remarie. La sœur de Marie II, la princesse Anne, avait eu de nombreux enfants mais tous étaient morts durant leur enfance. La mort du prince Guillaume de Gloucester en 1700 laissa la princesse Anne seule dans l'ordre de succession établi par la Déclaration des droits de 1689[126]. Comme l'extinction complète de la ligne de succession aurait encouragé le retour de la lignée de Jacques II, le parlement vota l'Acte d'établissement de 1701 dans lequel il spécifiait que la Couronne passerait à un parent éloigné, l'électrice Sophie de Hanovre, et à ses héritiers protestants si la princesse Anne mourait sans descendance et si Guillaume III n'avait pas d'héritiers[127]. Plusieurs dizaines de catholiques qui étaient des plus proches parents d'Anne furent exclus de la succession. L'acte s'appliqua en Angleterre et en Irlande mais pas en Écosse dont le Parlement n'avait pas été consulté avant le choix de Sophie[127].

Mort du roi et succession

Le , Guillaume III mourut d'une pneumonie à l'âge de 51 ans, dans son palais de Kensington, une complication liée à une clavicule cassée à la suite d'une chute de cheval[128]. Comme son cheval avait trébuché sur une taupinière, de nombreux jacobites célébrèrent le « petit gentleman dans sa veste de velours noir[129] ». Des années plus tard, Winston Churchill, dans son ouvrage A History of the English-Speaking Peoples, l'écrivit plus poétiquement lorsqu'il dit que la chute « ouvrit la porte à une troupe d'ennemis invisibles[130] ». Guillaume III fut inhumé dans l'abbaye de Westminster aux côtés de son épouse[131]. Sa belle-sœur Anne devint reine d'Angleterre, d'Écosse et d'Irlande.

La mort de Guillaume III mit un terme à la maison d'Orange hollandaise dont les membres avaient été stathouder de Hollande et de la majorité des autres provinces des Provinces-Unies depuis l'époque de Guillaume Ier le Taciturne. Les cinq provinces dans lesquelles Guillaume III fut stathouder (Hollande, Zélande, Utrecht, Gueldre et Overijssel) suspendirent toutes le poste de stathouder après sa mort. Ainsi, il fut le dernier descendant patrilinéaire de Guillaume Ier à être nommé stathouder de la majorité des provinces. Dans le testament de Guillaume III, Jean-Guillaume-Friso d'Orange hérita de la principauté d'Orange et de diverses seigneuries des Pays-Bas[132]. Il était un parent patrilinéaire de Guillaume III et le fils de sa tante Albertine-Agnès d'Orange-Nassau. Cependant, le roi Frédéric Ier de Prusse réclama également la principauté car sa mère, Louise-Henriette d'Orange, était la sœur aînée d'Albertine-Agnès[133]. Selon les termes du traité d'Utrecht de 1713, Frédéric-Guillaume Ier de Prusse cédait la principauté d'Orange au roi de France Louis XIV, mais il conservait le titre dans son nom complet. Le fils de Friso, Guillaume IV, partagea le titre de « prince d'Orange », qui avait accumulé un grand prestige dans les Pays-Bas et dans tout le monde protestant, avec Frédéric-Guillaume d'après le traité de partition de 1732[134],[135].

Héritage

Une bannière moderne de l'Ordre d'Orange.

La principale réussite de Guillaume III fut de contenir la France lorsqu'elle était en position d'imposer sa volonté à la plus grande partie de l'Europe. Durant sa vie, il s'opposa à Louis XIV de France et cet effort continua après sa mort durant la guerre de succession d'Espagne. Une autre conséquence importante de son règne fut de mettre un terme au conflit larvé entre la Couronne et le Parlement qui existait depuis l'accession au pouvoir du premier monarque de la maison Stuart, Jacques Ier, en 1603. La lutte sur la répartition des pouvoirs avait entraîné une guerre civile durant les années 1640 et la Glorieuse Révolution de 1688[136]. Sous le règne de Guillaume III, le conflit fut résolu en faveur du Parlement par la Déclaration des droits (Bill of Rights) en 1689, le Triennal Act (qui limitait le mandat du parlement à trois ans) en 1694 et l'Acte d'établissement en 1701[136].

L'ordre d'Orange moderne est nommé d'après Guillaume III et célèbre chaque année sa victoire lors de la bataille de la Boyne, en organisant des parades en Irlande du Nord et dans certaines régions d'Écosse le . Guillaume III, ou King Billy comme il est parfois appelé en Irlande du Nord, apparaît fréquemment sur les peintures murales loyalistes où il est traditionnellement représenté sur un cheval blanc.

Peinture murale de Belfast représentant Guillaume III sur son cheval blanc

Guillaume III délivra une charte royale pour le Collège de William et Mary (dans l'actuelle ville de Williamsburg en Virginie) en 1693[137]. Nassau, la capitale des Bahamas, est appelée d'après Fort Nassau qui fut renommé en son honneur en 1695[138]. De même, le comté de Nassau à Long Island est également nommé d'après Guillaume d'Orange[139] et Long Island était appelée Nassau au moment de la colonisation hollandaise[139].

La ville de New York fut brièvement renommée New Orange en 1673 après la reprise de la ville par les Hollandais. Son nom fut donné au fort et au centre administratif de la ville en deux occasions séparées reflétant son appartenance : Fort Willem Hendricks en 1673 puis Fort William en 1691 lorsque les Anglais chassèrent les colons qui s'étaient emparés de la ville et du fort[140].

Guillaume III a été joué à l'écran par :

Titres et armoiries

  •  : Son Altesse[141] le prince d'Orange et comte de Nassau[142]
  •  : Son Altesse le prince d'Orange, stathouder de Hollande
  •  : Son Altesse le prince d'Orange, stathouder de Hollande et de Zélande
  •  : Son Altesse le prince d'Orange, stathouder de Hollande, de Zélande, d'Utrecht, de Gueldre et d'Overijssel
  •  : Sa Majesté le roi

En 1674, Guillaume reçut le titre complet de « Willem III, par la Grâce de Dieu prince d'Orange, comte de Nassau, etc., stathouder de Hollande, de Zélande, d'Utrecht, etc., capitaine-général et amiral-général des Provinces-Unies[143] ». Après leur accession au trône d'Angleterre en 1689, Guillaume III et Marie II utilisèrent les titres de « roi et reine d'Angleterre, d'Écosse, de France et d'Irlande, défenseurs de la foi, etc.[144] ». Les revendications sur le trône de France n'étaient que symboliques et étaient invoquées par tous les rois d'Angleterre depuis Édouard III, peu importe la quantité de territoires français contrôlés.

Les armoiries utilisées par le roi et la reine étaient : écartelé, 1 et 4, trois fleurs de lys or sur fond azur (qui est France) et trois lions en pal or (qui est Angleterre), au 2, d'or, au lion de gueules, au double trescheur fleuronné et contre-fleuronné du même (qui est Écosse), au 3, d'azur, à la harpe d'or, cordée d'argent (qui est Irlande) ; sur le tout d'azur semé de billettes d'or, un lion du second brochant, armé et lampassé de gueules (qui est Nassau)[145]. Sur ses dernières armoiries, Guillaume utilisait la devise Je Maintiendrai représentant la Maison d'Orange-Nassau.

Ascendance

Notes et références

  1. À l'époque de Guillaume, deux calendriers étaient en usage en Europe : le calendrier julien en Grande-Bretagne et dans certains pays d'Europe du Nord et de l'Est et le calendrier grégorien partout ailleurs y compris dans les Pays-Bas. Les dates de cet article sont systématiquement données dans le calendrier julien.
  2. Claydon 2002, p. 9
  3. Claydon 2002, p. 14.
  4. Troost 2005, p. 26 ; Van der Zee 1973, p. 6-7
  5. Troost 2005, p. 26.
  6. Troost 2005, p. 26-27. Le prince prussien fut choisi car il pouvait servir d'arbitre neutre dans les discussions entre les deux femmes mais aussi car, en tant qu'héritier possible, il était intéressé par la protection de la fortune de la famille Orange.
  7. Van der Kiste 2003, p. 5-6 ; Troost 2005, p. 27
  8. Troost 2005, p. 34-37.
  9. Troost 2005, p. 27. L'auteur aurait également pu être Johan van den Kerckhoven. Ibid.
  10. Troost 2005, p. 36-37.
  11. Troost 2005, p. 37-40.
  12. Friedrich Meinel, Samuel Chappuzeau 1625-1701, Université de Leipzig, (ISBN 978-1-277-23035-2).
  13. Troost 2005, p. 43.
  14. Troost 2005, p. 43-44.
  15. Troost 2005, p. 44.
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  17. Van der Kiste 2003, p. 12-17.
  18. Van der Kiste 2003, p. 14-15.
  19. Troost 2005, p. 29-30.
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  25. Troost 2005, p. 59.
  26. Troost 2005, p. 60.
  27. Valeur calculée sur le site dutch ancestry coach.
  28. Troost 2005, p. 62-64.
  29. Van der Kiste 2003, p. 18-20.
  30. Troost 2005, p. 64
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  91. Du fait des changements dans le calendrier grégorien, la victoire de Guillaume III est commémorée chaque par les protestants d'Écosse et d'Irlande du Nord. - cf. Troost 2005, p. 278-280.
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(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « William III of England » (voir la liste des auteurs).

Bibliographie

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  • (en) Henri Van der Zee et Mary Van der Zee, William and Mary, New York, Knopf, , 1re éd. (ISBN 978-0-394-48092-3)

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