Henri Fantin-Latour

Ignace Henri Jean Théodore Fantin-Latour, connu comme Henri Fantin-Latour, né à Grenoble le et mort à Buré le , est un peintre réaliste et intimiste, et lithographe français.

Pour les articles homonymes, voir Fantin et Latour.

Henri Fantin-Latour
Autoportrait (1861),
Washington, National Gallery of Art.
Biographie
Naissance
Décès
Sépulture
Nom de naissance
Ignace Henri Jean Théodore Fantin-Latour
Nationalité
France Française
Formation
Petite école de dessin de Paris
Activité
Père
Conjoint
Autres informations
Membre de
Mouvements
Maîtres
Genres artistiques
Influencé par
Œuvres principales
Vue de la sépulture.

Biographie

Né à Grenoble, il étudie avec son père Théodore Fantin-Latour (1805-1875), peintre. En 1850, il quitte Grenoble et s'installe à Paris où il s'inscrit à la petite École de dessin de Paris avec Louis-Alexandre Péron et Horace Lecoq de Boisbaudran un instructeur innovant et non traditionnel qui a développé et publié sa propre méthode d'enseignement unique basée sur la peinture et le dessin de mémoire[1].

Il entre à l'École des beaux-arts en 1854. Il a pour condisciples Edgar Degas, Alphonse Legros et Jean-Charles Cazin.

Fantin -Latour et Oulevay
Carolus-Duran, 1861
musée d'Orsay

En 1861, il fréquente brièvement l'atelier de Gustave Courbet, rue Notre-Dame-des-Champs[2]. Un tableau de cette époque le représente avec le peintre et caricaturiste Oulevay[3].

Au début de sa carrière, entre 1854 et 1861, il exécute un grand nombre d'autoportraits à la craie, au fusain et à l'huile[4]. Il s'est vu refuser l'un d'eux au Salon de 1859. Il y participe à nouveau avec La Liseuse en 1861. Ce sujet lui permet de dépeindre un personnage, absorbé par une activité qui le laisse indifférent au travail de l'artiste et au regard du spectateur[5].

Membre du groupe dit « de 1863 », puis du Cénacle des Batignolles d'où surgira l'Impressionnisme, il est un peu, remarquait Gustave Kahn, le chaînon qui unit les peintres d'aujourd'hui à la peinture romantique[6].

Les Natures mortes des années 1860

Encouragé par Whistler (1834-1903), qu'il rencontre en 1858 au Louvre, il effectue plusieurs séjours à Londres de 1859 à 1881. Dans les années 1860, ses natures mortes jouent un rôle capital dans sa carrière. C'est en effet en Angleterre, qu'il trouve de nombreux amateurs pour ses compositions de fleurs et de fruits, à une époque où la peinture impressionniste française y était peu appréciée. Whistler l'a mis en relation avec son beau-frère Francis Seymour Haden et avec le graveur Edwin Edwards, et c'est à Londres, qu'il apprend à graver[1]. Il rend visite aux Edwards à Sunbury en 1861, lors de sa seconde visite en Angleterre et à nouveau en 1864[7]. En 1862, une de ses natures mortes est exposée à la Royal Academy de Londres. C'était la première d'une longue série, car ensuite il en a présenté plusieurs presque chaque année et qui occupaient invariablement une place de choix dans le bâtiment des expositions. Lors de son troisième voyage en Angleterre, il y séjourne de juillet à octobre et y peint à nouveau des natures mortes[8]. Achats et commandes se succèdent, lui assurant une réussite commerciale.

Ses natures mortes peuvent étonner à l'époque des impressionnistes, cependant, le choix d'un tel sujet n'est pas aussi innocent qu'il n'y paraît. Dans la hiérarchie des genres édictée par l'Académie des Beaux-arts depuis le XVIIe siècle, la nature morte de fruits ou de fleurs est reléguée au bas de l'échelle. En se libérant de tout prétexte littéraire, religieux ou historique (censé conférer valeur et noblesse à l’œuvre), il prend le contrepied des principes académiques[9]. Celle du Metropolitan Museum, Nature morte avec fleurs et fruits de 1866, est l'une des quatre qui lui ont été commandées par Michael Spartali, homme d'affaires et diplomate grec ayant vécu à Londres. Il travaille sur ces toiles de mars à septembre 1866, exposant l'une d'entre elles au Salon de Paris de cette année. Elle est aujourd'hui à la National Gallery of Art à Washington. Edwin et Ruth Edwards, ses mécènes et marchands anglais lui recommandent d'utiliser toujours des vases simples et des plateaux de table simples afin de mettre en valeur sa grande habileté à rendre la texture et la couleur[10].

Elles sont chaleureusement accueillies également aux Pays-Bas où lors de l'Exposition des maîtres vivants de 1899 à Amsterdam, une petite nature morte avec des roses a coûté 2 000,00 florins, une somme considérable pour l'époque. Des marchands d'art comme E.J. van Wisselingh et Huinck & Scherjon, tous deux situés à Amsterdam, ont régulièrement stocké des œuvres de Fantin-Latour jusque dans les années 1930. Une grande partie de son travail s'est retrouvée dans des musées néerlandais tels que le Rijksmuseum à Amsterdam et le Musée Kröller-Müller à Otterlo grâce à des dons et legs[8].


Univers artistique

Après le rejet de ses premières soumissions au Salon en 1859, dans un effort pour se faire connaître en France, il commence à exposer avec son ami Manet et les futurs impressionnistes Renoir et Monet. En 1865, il écrit à Edwin Edwards : « Nous formons un groupe et faisons du bruit parce qu'il y a beaucoup de peintres et qu'on en oublie facilement un. Quand nous nous réunissons... nous gagnons en nombre et devenons plus aventureux. Je pensais que cela pouvait durer, c'était mon erreur »[1].

En 1867, il fait également partie des 9 membres de la « Société japonaise du Jinglar » avec Carolus-Duran qui a fait son portrait à deux reprises en 1861[11], et les céramistes Bracquemond et Solon, qui se réunissaient pour dîner à la japonaise. « On éprouvait toujours en l'abordant un petit sentiment de frayeur, à cause de ces façons rudes que les artistes de sa génération affectaient souvent comme inséparables d'une noble indépendance », dira Blanche, un ami peintre de la génération suivante[12].

Fantin rénove le portrait collectif avec de grands tableaux-manifestes : Hommage à Delacroix, 1864 ; Le Toast[13], hommage aux peintres réalistes, 1865, qu'il détruisit lui-même en ne conservant que les fragments de trois portraits conservés à la Freer Callery de Washington[14], au musée d'Orsay[15] et son autoportrait dans une collection privée néerlandaise ; Un atelier aux Batignolles, hommage à Manet, 1870 ; Un coin de table, hommage aux poètes parnassiens, 1872, dont Verlaine et Rimbaud ; Autour du piano, hommage aux musiciens et musicologues, 1885.

Dans Un atelier aux Batignolles, Manet au centre peint, avec autour de lui de gauche droite Otto Scholderer, Auguste Renoir, Zacharie Astruc, Emile Zola, Edmond Maître, Frédéric Bazille et Claude Monet. Cette toile témoigne des liens qu'il entretient avec l'avant-garde de l'époque et Manet en particulier et est un écho à l'opinion de Zola sur Manet : « Autour du peintre vilipendé par le public s'est créé un front commun de peintres et d'écrivains le revendiquant comme un maître ». Edmond de Goncourt, lui, raille dans son journal celui qu'il nomme « le distributeur de gloire aux génies de brasserie ».

Selon la liste de tableaux établie par sa femme, en 1874, il réalise trente et une compositions de fleurs et de fruits. Nature morte avec pensées, conservées au Metropolitan Museum de New York est l'un d'elles[16].

Il épouse en 1876 Victoria Dubourg qui est peintre comme lui. Il passe ensuite ses étés dans la résidence de la famille de sa femme à Buré en Basse-Normandie.

Ses scènes d'intérieur sont réalisées dans une gamme quasi monochrome de gris et de brun.

Fin de carrière

En septembre 1880, quand il réalise son tableau Fleurs d'été à Buré, il a établi une clientèle stable en Grande-Bretagne pour ses peintures exquises d'arrangements floraux informels, disposés dans des vases modestes et vus sur un fond neutre[17].

Portrait de Charlotte Dubourg, 1882
musée d'Orsay, Paris

Entre 1880 et 1887, il inclut des portraits dans ses présentations annuelles au Salon de Paris. Ils ont toujours attiré une grande attention critique et, qu'ils soient commandés ou non, ont rapporté des prix élevés. Ses portraits de sa femme Victoria Dubourg, ou de ses amis, Manet, Verlaine, ont un réalisme harmonieux et incisif. C'est aussi le cas de celui de Madame Léon Maître belle-sœur du pianiste Edmond Maître, l'un de ses plus proches amis[18]. Mais lors de l'exposition du portrait de sa belle-sœur Charlotte Dubourg en 1882, la critique, plus habituée à la grandiloquence des portraits d'apparat, est mal à l'aise. Il eut des commentaires comme celui de Maurice Hamel dans la Gazette des beaux-arts de juin 1887 : « Sans doute, on y admire les hautes qualités du peintre, finesse d'harmonie, plénitude du modelé. Mais on dirait que la volonté de l'artiste s'est disséminée trop également sur les détails au lieu de mettre habilement en lumière l'intérêt capital des physionomies »[19].

La Nuit, 1897
Musée d'Orsay

En plus des portraits et des natures mortes, il a réalisé de nombreux tableaux et plus de 150 estampes fantastiques aux visions oniriques, ouvrant la voie aux artistes symbolistes. Passionné de musique, notamment de Berlioz, Schumann et Wagner, il cherche à la transcrire par des peintures fluides exécutées en longues touches (Trois filles du Rhin, 1876), et lui consacre la plupart de ses lithographies[1]. En décembre 1896, il fait partie des membres fondateurs de la Société des peintres-lithographes[20].

Son tableau de La Nuit lui assure le succès critique et la reconnaissance des milieux officiels. Il est acheté par l'État dès sa présentation au Salon de 1897, tandis que dans Le Journal du 9 avril, le critique Gustave Geffroy écrit : « La Nuit : jamais corps de femme ne reposa plus doucement dans un ciel de peinture sur les nuées souples et enroulées comme des vagues »[21].

Comme de nombreux peintres de son époque, il s'est intéressé à la photographie, réalisant des prises de vues pour son travail. Il a aussi été un gros collectionneur de photos érotiques, sa succession en recense plus de 1 400 qui sont conservées au musée de Grenoble[22],[23].

Mort le 25 août 1904 à Buré, il est enterré à Paris au cimetière du Montparnasse.


Œuvre

Huiles sur toile

Hommage à Hector Berlioz, musée de Grenoble.

Lithographies

Galerie

Natures mortes

Fleurs

Portraits de groupe

Portraits

Peintures allégoriques

Collections publiques

France

Royaume-Uni

États-Unis

Autres

Expositions

Hommages

Notes et références

  1. (en) « Biographie », sur Musée de Cleveland (consulté le )
  2. Edward Lucie-Smith, Henri Fantin-Latour, Rizzoli, 1977, p. 13.
  3. Portrait avec Oulevay, Musée d'Orsay
  4. (en) « Autoportrait, vers 1858 », sur Metropolitan Museum (consulté le )
  5. « Notice de La Liseuse », sur Musée d'Orsay (consulté le )
  6. Kahn 1926.
  7. « Une assiette de pommes », sur Tate Gallery (consulté le )
  8. (en) « Notice Bol en verre avec raisins », sur Musée Boijmans van Beuningen (consulté le )
  9. « Notice Fleurs et fruits », sur Musée d'Orsay (consulté le )
  10. (en) « Notice Asters et fruits », sur Metropolitan Museum (consulté le )
  11. Portrait par Carolus-Duran, Metropolitan Museum
  12. Blanche 1906, p. 290.
  13. Henri Fantin-Latour, dessin de Toast avec la vérité, 1865, Louvre, site art-graphiques.Louvre.fr.
  14. Henri Fantin-Latour, Portrait de Whistler, 1865, Freer Gallery of Art, Washington, site asia.si.edu.
  15. Henri Fantin-Latour, Antoine Vollon, 1865, musée d'Orsay, site musée-Orsay.fr.
  16. (en) « Notice Nature morte avec pensées », sur Metropolitan Museum (consulté le )
  17. (en) « Notice Fleurs d'été », sur Metropolitan Museum (consulté le )
  18. (en) « Mme Léon Maître », sur Brookling Museum (consulté le )
  19. « Notice de Charlotte Dubourg », sur Musée d'Orsay (consulté le )
  20. « La Société des peintres-lithographes », in: Janine Bailly-Herzberg, Dictionnaire de l'estampe en France 1830-1950, Paris, AMG-Flammarion, 1985, p. 366.
  21. « Notice de La Nuit », sur Musée d'Orsay (consulté le )
  22. Au musée du Luxembourg, les photos licencieuses de Fantin-Latour, article sur le site Lefigaro.fr, publié le 12/09/2016.
  23. Henri Fantin-Latour et la photographie, sur le site Museeduluxembourg.fr, janvier 2017.
  24. Collection d'autoportraits du Musée des Offices, (it) Wolfram Prinz (et aut.), « La collezione di autoritratti : Catalogo generale », dans Gallerie degli Uffizi, Gli Uffizi, Florence, Centro Di, (1re éd. 1979), 1211 p. (ISBN 88-7038-021-1), p. 867.
  25. (en) York Museums Trust
  26. Description
  27. https://www.photo.rmn.fr/archive/17-510492-2C6NU0ATWR2P9.html.
  28. Henri Fantin-Latour, Hommage à Delacroix, 1864, Musée d'Orsay, site musée-Orsay.fr.
  29. Œuvres de Fantin-Latour conservées au musée d'Orsay..

Bibliographie

  • Fantin-Latour. Catalogue d'exposition. Éditions de la Réunion des musées nationaux, Paris, 1982.
  • Léonce Bénédite, Catalogue des lithographies originales de Henri Fantin-Latour Exposition périodiques d'estampes, troisième exposition () Musée national du Luxembourg 1899
  • Dictionnaire Bénézit, Dictionnaire critique et documentaire des peintres,sculpteurs, dessinateurs et graveurs de tous les temps et de tous les pays, vol. 5, éditions Gründ, , 13440 p. (ISBN 270003015X), p. 294-296
  • Adolphe Jullien, Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, ouvrage orné de quatorze lithographies originales par M. Fantin-Latour, de quinze portraits de Richard Wagner et de quatre eaux-fortes et de 120 gravures, scènes d'opéras, caricatures, vues de théâtres, autographes, etc., Librairie de l'Art, 1886 ; livre sur IA
  • Gustave Kahn, Fantin-Latour, Paris, Rieder, , 63 p. + 40 f. de pl.
  • Roger Marx, « L'atelier de Fantin-Latour », dans Roger Marx, Maîtres d'hier et d'aujourd'hui, Paris, Calmann Lévy, (lire en ligne)
  • Maurice Wantellet, Deux siècles et plus de peinture dauphinoise, Grenoble, édité par l'auteur, , 269 p. (ISBN 2-9502223-0-7)
  • Jacques-Émile Blanche, « Fantin-Latour », Revue de Paris, , p. 289-313 (lire en ligne)
  • Grand Larousse universel, Larousse éditions 14 volumes, 1989.
  • Jean-Louis Roux, « Des pétales au bout du pinceau », Les Affiches de Grenoble et du Dauphiné, no 4594, , p. 132-133 (ISSN 0750-4101).

Iconographie

  • Dornac, Portrait d'Ignace Henri Jean Théodore Fantin-Latour, dit Henri Fantin-Latour (1836-1904), peintre et lithographe, dans son atelier, entre 1885 et 1895, photographie, Paris, musée Carnavalet (notice en ligne).

Liens externes

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