Illyriens

Les Illyriens sont un ensemble de peuples indo-européens antiques qui, après l'époque de la culture de Hallstatt, au XIIe siècle av. J.-C., s'établissent sur les côtes nord et est de l'Adriatique, et il semble que certains l'ont aussi traversée, si certains des peuples installés en Italie à l'époque sont bien des Illyriens (cas possible et discuté des Messapiens).

Illyriens

Ethnogénèse des Illyriens (bleu-violet) entre 1600 et 1100 av. J.-C.

Période Antiquité
Ethnie Ardiéens, Dalmates, Dardaniens, Penestes, Taulantiens...
Langue(s) Indo-européenne
Religion Polythéisme
Villes principales Scutari
Région d'origine Illyrie
Région actuelle Slovénie et Croatie méridionales, Bosnie-Herzégovine, Monténégro et Albanie
Rois/monarques Bardylis, Teuta
Frontière Mer Adriatique au Sud

Histoire

Vers -1300, les Illyriens apparaissent comme une confédération de peuples comprenant des Dalmates et des Pannoniens, romanisés (ce qui a donné la langue dalmate) puis slavisés (ce qui les a intégrés parmi les peuples slaves méridionaux, vivant dans les Balkans depuis le VIIe siècle).

Ils étaient divisés en plusieurs tribus (ἔθνη, en grec ancien), les principales étant : les Ardiéens (Ardianes), les Dalmates, les Dardaniens, les Labéates, les Penestes, les Taulantiens, etc. Chacune se donnait un roi ; il n'existait donc pas d'unité politique commune à tous. Au VIIe siècle av. J.-C. et VIe siècle av. J.-C., les Illyriens subissent une relative hellénisation littorale du fait de leurs relations avec les Grecs qui y ont fondé des comptoirs : Apollonia, Épidamne-Dyrrhachion (la « Dyrrhachium » des Romains), Lissos, Orikos et sur la côte dalmate : Apsoris, Issa, Corcyre, Melaina, Pharos. Au IVe siècle av. J.-C., on assiste à la formation de plusieurs royaumes illyriens.

La grande difficulté pour la connaissance de l'histoire des Illyriens réside en l'absence de texte écrit dans la langue illyrienne. Toutes les sources sont issues de la littérature gréco-romaine. Polybe, historien et théoricien politique grec (-210/-126), affirme que la langue parlée à Scutari (ou Scodra, au nord de l'Albanie), à la cour du roi Genthios (-180/-168), était différente du grec, mais il n'en a été retrouvé aucune trace écrite. Ces textes donnent une vue partielle de la vie à cette époque, ils relatent surtout les conflits opposant les mondes grec et illyrien.

Illyriens et Dardanes avant la conquête romaine

On a pu constater qu'à une certaine période les Illyriens s'unissent autour d'un chef, mais sans grande continuité dynastique. Le dernier royaume d'Illyrie est fondé en -385, par le roi Bardylis (-385/-358) qui unifie le pays et prend pour capitale Shkodër, au nord de l'Albanie. Ce royaume illyrien est définitivement conquis en -355 par Philippe II et intégré à son empire.

Le roi illyrien Pleuratos se retrouve confronté au roi de Macédoine Alexandre le Grand (-336/-323), qui s'empare en -335 de la ville illyrienne de Pélion. Après Cleitos (compagnon d'Alexandre), le titre royal illyrien passe à Glaucias (-317/-303), roi des Taulantins, qui règne sur une communauté située plus à l'ouest, dans l'arrière-pays de Dyrrachion (aujourd'hui Durrës, deuxième plus grande ville d'Albanie). À la fin du IIIe siècle av. J.-C., la royauté revient à la dynastie des Ardiéens, qui garde pour capitale Scutari et dont le territoire s'étend sur le Monténégro actuel, la Croatie méridionale et au sud de la Neretva. Certaines de ces dynasties ont laissé de riches tombeaux, comme à Trebenishte où ont été mis au jour des masques en or et des vases de bronze du VIe siècle et à Selcë e Poshtme (Albanie) où ont été mis au jour de la céramique, des pièces de parure, des monnaies, des outils et des armes du IIIe siècle.

En −229, Rome commence à s'étendre à l'est de l'Adriatique, s'allie à certaines tribus illyriennes, mais en combat d'autres après un incident avec la reine ardiéenne Teuta, fille d' Agron, accusée par Rome d'abriter contre tribut les pirates de Dalmatie pillant les marchands romains.

Après l'extension de la conquête romaine jusqu'au Danube sous Auguste, les Illyriens deviennent sujets romains. La province romaine d'Illyrie est créée en 9 av. J.-C. Plusieurs empereurs romains furent d'origine illyrienne.

En 10, la province d'Illyrie fut divisée entre la Pannonie et la Dalmatie.

Au VIe siècle, après la fin de la préfecture prétorienne d'Illyrie (Praefectura praetoriana Illyricum ou ὑπαρχία τῶν πραιτωρίων, Ἐπαρχότης Ἰλλυρικοῦ) à la suite de l'installation des Slaves dans les Balkans, les termes Illyriens et Illyrie tombèrent en désuétude jusqu'à l'extension dans cette région de l'Empire napoléonien qui y établit ses « Provinces illyriennes » de 1808 à 1814.

Génétique

Nous renvoyons à la vaste étude génétique de Mathieson et al. - L'histoire génomique de l'Europe du Sud-Est[1] - et les résultats des premiers squelettes analysés du territoire des Balkans, dont Vucedol, Veliki Vanik, Lepenski Vir , Starčevo et Vinča.

Données linguistique

À l'encontre des théories protochronistes très répandues dans les Balkans modernes et enseignées dans les écoles, les linguistes scientifiques, se basant sur les études comparatives, ne pensent pas que l'albanais moderne soit simplement « de l'illyrien », ni que les langues slaves méridionales soient « de l'illyrien slavisé » mais soulignent que les langues paléo-balkaniques ne formaient pas un ensemble d'origine unique, qu'elles ont subi de multiples influences, que l'on trouve de nombreux caracères thraces dans la langue albanaise et que la langue illyrienne antique est devenue l'illyro-roman à la manière dont le celtique de Gaule est devenu gallo-roman[2].

Illyriens de fiction

Dans le romantisme français, le nom d'Illyriens, remis en usage avec les Provinces illyriennes napoléoniennes, sert parfois à désigner les habitants des Balkans. Prosper Mérimée, en 1827, publie La Guzla, un recueil de prétendus « chants illyriens » de son invention.

Plus récemment, l'auteure de fantasy Sarah J. Maas a publié une série de livres mettant en scène des personnages légendaires surnommés les Illyriens. La saga A court of thorns and roses décrit ces personnages comme des guerriers redoutables aux ailes de dragons et à la force surhumaine.

Le mouvement de revendication culturelle et politique des Slaves méridionaux, qui se développe aux XIXe et début du XXe siècles, comprend un volet désigné comme « illyrisme » ou « mouvement illyrien ». Soutenu par le royaume de Serbie, il connaît une large diffusion parmi les minorités slaves de l'Autriche-Hongrie.

Parmi les Albanais aussi, le souvenir de l'Illyrie alimente aussi le protochronisme, courant pseudo-historique qui vise à accréditer l'idée que les nations modernes et leur identité nationale existaient déjà dans l'antiquité, voire dans la préhistoire. Ce courant est élevé au rang d'histoire officielle sous le régime communiste de la République populaire socialiste d'Albanie pour justifier son isolationnisme (notamment vis-à-vis de l'Occident) : le dictateur Enver Hoxha soutenait la théorie de Zacharie Mayani selon laquelle les Illyriens antiques sont en fait des Albanais, liés à la civilisation étrusque et aux Pélasges. Enver Hoxha s'efforce aussi d'imposer l'idée d'une parenté culturelle entre les Illyriens et les Étrusques, peuple de civilisation ancienne et prestigieuse, et envoie même des étudiants en France pour se former à l'étruscologie[3].

Notes et références

  1. Mathieson, Iain Lillie, Malcolm Reich, David, The Genomic History of Southeastern Europe, (OCLC 1234698816, lire en ligne)
  2. Eqrem Çabej, Eric Hamp, Georgiev, Kortlandt, Walter Porzig, Bernard Sergent et d’autres auteurs considèrent, dans une perspective paléolinguistique ou phylogénétique, que le proto-albanais s'est formé sur un fond thraco-illyrien vers le VIe siècle, à l'intérieur des terres, subissant un début de romanisation encore sensible dans la langue moderne, tandis que les emprunts les plus anciens de l'albanais aux langues romanes proviennent du diasystème roman oriental et non de l'illyro-roman qui était la langue romane anciennement parlée en Illyrie après la disparition de l'illyrien. Comme les lieux albanais ayant conservé leur appellation antique, ont évolué selon des lois phonétiques propres aux langues slaves et que l'albanais a emprunté tout son vocabulaire maritime au latin et au grec, ces auteurs pensent que les ancêtres des Albanais ont vécu à l'est de l'actuelle Albanie et que régions côtières de ce pays (thème du Dyrrhacheion) étaient initialement gréco-latines. De nos jours, on connaît l'existence en albanais de mots empruntés au roman oriental balkanique.
  3. Danièle Berranger, Épire, Illyrie, Macédoine : mélanges offerts au professeur Pierre Cabanes, Presses universitaires Blaise Pascal, Clermont-Ferrand, p. 22-23, note 11

Voir aussi

Articles connexes

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