La Couronne des croisés
La Couronne des croisés est une histoire en bande dessinée de Keno Don Rosa. Elle met en scène Balthazar Picsou avec ses neveux Donald Duck, Riri, Fifi et Loulou, confronté aux deux membres du Conseil monétaire international, Molay et Barbedrue (ou Dutoc, selon les traductions). Elle se déroule notamment à Donaldville, en Brutopie et en Haïti.
La Couronne des croisés | |
Épisode | |
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Auteur | Don Rosa |
Scénario | Don Rosa |
Dessin | Don Rosa |
Personnages principaux | Balthazar Picsou, Donald Duck, Riri, Fifi et Loulou |
Lieu de l’action | Donaldville, Brutopie et Haïti |
Pays | Danemark |
Langue originale | danois |
Titre original | Korsridderkongernes krone |
Autres titres | The Crown of the Crusader Kings |
Éditeur | Egmont |
Première publication | octobre 2001 |
Nb. de pages | 28 |
Rappel : malgré l'utilisation de nombreux faits historiques, cette histoire reste une fiction.
Synopsis
Déprimant sur les trésors qu'il a trouvés puis perdus (pierre philosophale, couronne de Gengis Khan...), Picsou se souvient qu'il sait où trouver le journal de bord perdu de Christophe Colomb. Celui-ci révèlerait la cachette de la couronne en or qu'un templier devait remettre au Khan du Cathay. Pour le retrouver, Picsou entraîne ses neveux dans les côtes de la dictature brutopienne, dans la mer des Tchouktches.
Une fois en possession du journal de bord, il requiert l'aide du Conseil monétaire international. En effet les deux principaux membres, Molay et Barbedrue, sont des experts des croisades et de l'Ordre du Temple. Ce dernier accompagnera Picsou et les siens en Haïti où se trouve cachée la couronne.
Fiche technique
- Histoire noD 2001-024.
- Éditeur : Egmont.
- Titre de la première publication : Korsridderkongernes krone (danois), Korsfarerkongenes krone (norvégien), Korsfararkungarnas krona (suédois).
- Titre en anglais : The Crown of the Crusader Kings.
- Titre en français : La Couronne des croisés.
- 28 planches.
- Auteur et dessinateur : Don Rosa.
- Premières publications : Anders And Co (Danemark), Donald Duck & Co (Norvège) et Kalle Anka & Co (Suède), no 43-45, octobre et .
- Première publication aux États-Unis: Uncle Scrooge no 339, .
- Première publication en France : Picsou Magazine no 363, .
Références à Carl Barks
De manière régulière, Don Rosa se sert de la première planche pour évoquer des trésors vus dans les histoires de Carl Barks. De la salle des trophées de son coffre-fort dans La Couronne des croisés, sont notamment visibles le socle vide de la couronne de Gengis Khan. Cet objet fut découvert par Donald et ses neveux dans La couronne perdue de Gengis Khan de Barks (1956), et perdu dans Retour à Tralla La de Don Rosa.
Le Conseil monétaire international et ses deux représentants sont une invention de Barks dans La fabuleuse pierre philosophale (1955). Molay et Barbedrue s'assurent que le cours de l'or et des monnaies ne risquent pas d'être perturbés par des découvertes de trésors immenses ; pour cette raison, ils étaient parvenus à confisquer la pierre philosophale à Picsou.
La Brutopie est une dictature fictive dont un représentant a été en concurrence avec Picsou pour l'appropriation d'un objet mystérieux. Dessinateur au temps de la Guerre froide, Barks a certainement imaginé le comportement du Brutopien d'après l'Union soviétique. Don Rosa situe précisément la Brutopie en Sibérie. La carte mentionnant l'emplacement de la hutte où est caché le journal près de la baie Kolioutchinskaïa, située dans la mer des Tchouktches. Ces deux lieux sont indiqués sur la carte utilisée par les héros (les toponymes y sont marqués en anglais, respectivement "Kolyuchin Bay" et "Chukchi Sea").
Cette histoire dans l'œuvre de Don Rosa
Cette histoire permet de relier plusieurs éléments de l'univers de Picsou posés par Don Rosa :
- Retour à Tralla La raconte la perte de la couronne de Gengis Khan par Picsou.
- L'épisode 7 de la Jeunesse de Picsou, « Le Rêveur du Never Never », qui se situe en 1893. En 1892, Don Rosa fait visiter l'exposition universelle de Chicago à Picsou, où il rencontre l'explorateur finlandais Adolf Erik Nordenskiöld. Le futur magnat le sollicite pour qu'il lui fournisse une carte qui l'aidera pour sa future exploration de l'Australie. Il lui en achètera une du grand désert Victoria, réalisée par les frères Forrest.
- Le comportement de Picsou à l'égard des traditions vaudou tranche dans cette histoire avec celui montré au cours de La Jeunesse de Picsou dans « La Harpie de la percée de la Culebra » et « Le Bâtisseur d'empires du Calisota ».
- La fin de l'histoire annonce une suite puisqu'un indice semble indiquer qu'un ancêtre de Picsou serait lié à cette quête du trésor des Templiers (en effet, un tartan du clan McPicsou a été utilisé pour emballer la couronne). Cette histoire est Une lettre de la maison.
- Déjà, en 1993 avec La Bibliothèque perdue, et en 1995 avec Les Cartes perdues de Christophe Colomb, le navigateur génois servait d'inspiration à Don Rosa. Plus particulièrement, les rumeurs sur les liens entre Colomb et les Templiers, sur ses réelles connaissances cartographiques et sur de possibles missions secrètes. Peu fondées historiquement, ces rumeurs mêlées de faits historiques réels sont le point de départ des histoires de Don Rosa, comme pour La Couronne des croisés.
Références historiques et culturelles
Diverses idées pour une histoire
Plusieurs éléments, pas forcément tous liés entre eux, inspirèrent Don Rosa pour son histoire[1] :
- D'abord, malgré le succès de La Quête du Kalevala, le lectorat finlandais de Don Rosa réclamait une nouvelle évocation de leur histoire dans l'univers de Picsou. L'idée la plus suggérée pour cette histoire fut de parler du cartographe finlandais Adolf Erik Nordenskiöld. Ce dernier a exploré l'océan Arctique pour trouver le « passage du nord-est » qui pourrait relier l'Europe à l'océan Pacifique au nord des côtes de Sibérie. Spécialisé dans les cartes de l'Amérique, il a participé à l'exposition universelle de Chicago en 1893, où il présenta son livre sur les débuts de la cartographie de ce continent. Cette exposition était consacrée à Christophe Colomb pour le 400e anniversaire de la découverte de l'Amérique par les Européens.
- De plus, Don Rosa souhaitait lier Colomb avec les rumeurs de trésors cachés par les Templiers. Il a la même inspiration que plusieurs auteurs et scénaristes américains, tel le roman Da Vinci Code de Dan Brown. Sur l'exemplaire du journal de bord de Colomb perdu, Don Rosa se fonde bien sur la fin du premier voyage : la flotte de Colomb, victime d'une tempête, doit faire relâche à Lisbonne, alors que les relations entre l'Espagne et le Portugal sont difficiles. Pour éviter de se voir confisquer son journal par les Portugais, il en envoie une copie en Espagne par sécurité.
- Un autre élément avait intrigué Don Rosa lors de recherches antérieures et qu'il avait décidé d'utiliser pour une de ses histoires, sans savoir encore quoi en faire. L'année 1582 comporte une série de dates inexistantes. C'est à ce moment-là que l'Europe est passée du calendrier julien au calendrier grégorien, deux systèmes de calendriers différents. Ce passage occasionna un décalage de 10 jours, qui furent tout simplement supprimés. Le vendredi du second calendrier est donc le jour suivant immédiatement le jeudi 4 octobre du premier ; les dates intermédiaires n'ont donc jamais existé en Europe, ni dans les colonies européennes. Il en fut de même lorsque la Grande-Bretagne adopta le calendrier grégorien en 1752 : le 2 septembre fut immédiatement suivit du 14 septembre.
Les Templiers et Christophe Colomb
Aussi, Don Rosa mobilise de très nombreux éléments sur les Templiers. Il a compilé des faits historiques avérés avec des spéculations d'historien. En tant qu'amateur d'Histoire plutôt qu'expert, il pouvait s'en laisser accroire et mêler quelques rares éléments fictifs de son cru. Voici ce que donne donc le fruit de son travail mentionné dans cet épisode[1] :
- Au Moyen Âge, les pays chrétiens d'Europe envoyèrent des chevaliers, les croisés, pour participer aux croisades. Ces expéditions militaires consistaient à libérer la ville sainte de Jérusalem, alors dominée par les Sarrasins, afin de pouvoir y organiser des pèlerinages. Ils y parvinrent lors du siège de la ville en 1099. Ensuite, un ordre fut créé en 1118 par neuf nobles français, afin de protéger les voyageurs se rendant en Terre sainte. Son quartier général fut établi à Jérusalem, sur les ruines du temple de Salomon, d'où son nom d'Ordre du Temple, composé de templiers. Un noble européen devint roi de cette ville et les templiers se chargèrent de sa protection. Les joyaux les plus beaux d'Europe furent employés afin de fabriquer sa couronne de cérémonie, la fameuse Couronne des Croisés. Rapidement, les rangs de l'ordre augmentèrent pour compter 20 000 chevaliers et devint aussi puissante et riche qu'une nation médiévale. Les pèlerins déposaient de l'argent en sécurité dans un des châteaux appartenant à l'ordre et recevaient en échange un papier avec un code secret (la lettre de change). Celui-ci leur permettait ensuite de retirer de l'argent dans n'importe quelle banque des Templiers.
- Lorsque les Sarrasins chassèrent les croisés de Jérusalem en 1291, les Templiers rentrèrent en Europe et devinrent la société secrète la plus riche de l'Histoire. Cependant, leur utilité fut remise en question, étant donné qu'il n'était plus possible de reprendre la Terre Sainte. De plus, le roi de France Philippe le Bel, qui s'était endetté lourdement auprès de l'ordre, s'en pris à ses membres. Il saisit leurs biens et ordonna l'arrestation de tous templiers le vendredi 13 octobre 1307. Heureusement, les Templiers disposaient d'une flotte dont plusieurs ils se servirent pour s'échapper. Emportant leur trésor avec eux, ils le cachèrent dans différents châteaux en Espagne, au Portugal et en Écosse.
- Au XVe s, les rois Jean II de Portugal et Ferdinand d'Espagne entretenaient des liens avec des Templiers. Ayant besoin d'un splendide trésor à envoyer comme tribut au grand khan de Cathay (nom européen donné autrefois à la Chine ; le pays était alors dirigé par la dynastie Ming). En 1482, ils conclurent alors un marché avec la banque espagnole des Templiers. En échange de la Couronne des Croisés, qui devait servir de présent, l'ordre toucherait une grosse part sur tous les traités commerciaux passés avec le Cathay. Christophe Colomb fut chargé d'acheminer l'objet vers cette région d'Asie qu'il cherchait à atteindre par l'ouest. C'est ainsi que les Templiers financèrent son voyage. Leur contrat stipulait également que si le navigateur n'atteignait pas ce pays, le document deviendrait nul un siècle plus tard, le 13 octobre 1582. En fait, en choisissant cette date, les Templiers montraient leur mépris pour Philippe le Bel qui avait tenté de s'accaparer la couronne et du reste du trésor un 13 octobre.
- Lors de la première expédition de Christophe Colomb, dans la nuit du 24 au 25 décembre 1492, la Santa María échoua sur un récif au large d'Hispaniola (en actuelle Haïti). Récupérant ce qui se trouvait à bord, il établit le premier établissement européen permanent en Amérique. Comme c'était le jour de Noël, il le nomma La Navidad (noël en espagnol). Un Templier (sans doute du clan McPicsou) cacha alors la couronne sur place. Le 4 mars 1493, alors que l'expédition retourne en Espagne, une tempête le force à accoster à Lisbonne. Sur place, un Man’o’War portugais mené par son plus grand rival, Bartolomeu Dias, s'empare de son navire. Craignant pour son journal, Colomb le remit à un marin, qui fut missionné pour l'apporter au roi d'Espagne. Seulement, le coursier n'est jamais arrivé à destination et on ignore ce qu'il est devenu. Lorsque Colomb rentra en Espagne, il dicta ses mémoires de voyage au scribe de la reine Isabelle de Castille. Des siècles plus tard, le journal perdu se retrouva chez un obscur antiquaire de Lisbonne, avant d'être acheté en 1878 par Nordenskiöld.
- Dans cette histoire, le personnage de Molay, Grand maître du Conseil monétaire international, autrefois banque des Templiers, est un rappel de Jacques de Molay. Celui-ci fut le dernier maître de l'ordre, qui mourut sur le bûcher en 1314, comme d'autres Templiers.
- La couronne est enterrée entre deux châtaigners rapprochés. Aux yeux du templier qui la cacha, ces arbres évoquant les deux hauts piliers entourant l'entrée du Temple de Jérusalem : Jakin et Boaz.
- Des légendes leur prêtent la possession de différents trésors : la pierre philosophale, l'Arche d'Alliance, le Saint-Graal et la Couronne des rois croisés. Barks avait déjà fait trouver le premier trésor par Picsou. Don Rosa trouvait difficile de créer des histoires de ce personnage liées à des reliques chrétiennes, tels que les deux trésors suivants (surtout qu'Indiana Jones les avait déjà récupéré dans deux de ses aventures). Il ne restait plus que le quatrième trésor, qui convenait à Don Rosa.
- Mais il tenait tout de même à lier son épisode avec celui dans lequel le milliardaire trouve la pierre, qu'il a relu. Il s'agissait d'ailleurs d'un de ses préférés de Barks, puisqu'il s'agissait de machinations à travers l'Histoire. Coïncidence, dans cet épisode apparaît un certain français du nom de Mattressface (traduit en français en "Barbedrue" ou "Dutoc", selon les éditions), un chauve portant une longue barbe. Or, c'est exactement ces traits physiques que devaient arborer les Templiers français. Une nouvelle aubaine pour notre bédéiste.
- Dans les années qui ont suivi la publication de cette histoire, Don Rosa apprit que le Prieuré de Sion et l'origine du vendredi 13 lié aux templiers sont des fictions créées par des écrivains des XIXe et XXe s. On les retrouve dans des œuvres telles que la suite romanesque Les Rois maudits (1955 – 1977) de Maurice Druon ou l'essai controversé L'Énigme sacrée 1982 de Henry Lincoln, Michael Baigent et Richard Leigh. C’était dommage pour le bédéiste, qui estimait que cette organisation aurait fait un excellent cartel international maléfique, à l'instar de l'organisation SPECTRE dans James Bond.
Faits inventés par Don Rosa et Carl Barks
Les deux faits fournis par Don Rosa volontairement fictifs sont[1] :
- que Nordenskiöld ait jamais possédé le journal de bord de Christophe Colomb ;
- qu'un templier s'est trouvé parmi l'équipage de Colomb avec cette couronne, cadeau pour les souverains de Cathay.
De plus, le Conseil monétaire international est une création fictive de Carl Barks.
Notes et références
- Intégrale Don Rosa, La grande épopée de Picsou, Tome VII - Le Retour du Chevalier noir et autres histoires, Glénat
Source
- Don Rosa, « Crown of the Crusader Kings », article paru dans Uncle Scrooge no 339, , (ISBN 9780911903737) ; l'auteur explique les éléments historiques qu'il a repris et comment il les a utilisés.
- (en) Base INDUCKS : D 2001-024 → La Couronne des croisés
- Don Rosa, La grande épopée de Picsou, Intégrale, Tome VII - Le Retour du Chevalier noir et autres histoires. Là aussi, l'auteur fournit des explications sur son utilisation d'éléments historiques.
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