Marché de l'électricité en France

Le marché de l'électricité en France désigne les formes d'organisation du secteur de la production et de la commercialisation d'électricité en France, qui font l'objet d'un processus d'ouverture à la concurrence depuis la fin des années 1990.

Pour des articles plus généraux, voir Électricité en France et Marché de l'électricité.

La loi « NOME » (nouvelle organisation du marché de l’électricité) du fixe un nouveau cadre pour le marché de l'électricité en France.

Historique de l'ouverture du marché

Monopole public

En France, depuis 1946, à la suite du vote de la loi no 46-628 sur la nationalisation de l'électricité, l’électricité est un service public principalement assuré par un quasi-monopole d'Électricité de France.

Transposition des directives européennes

Le marché électrique français est progressivement ouvert à la concurrence, conformément aux directives européennes de  paquet énergie »), de 2003 et enfin de 2009, par lesquelles l'Union européenne organise l'unification du marché intérieur de l’électricité. Par ailleurs, certains États membres[Lesquels ?] avaient déjà initié[Quand ?] une libéralisation de leurs marchés énergétiques.

La transposition des directives européennes suppose des évolutions importantes, progressivement mises en place dans la législation française. La loi du transcrit la directive relative à l’électricité avec, de 2000 à 2001, plus de 30 décrets et arrêtés d’applications publiés imposant une ouverture en droit à la concurrence avant (dans les faits à partir de ). La directive sur le marché intérieur du gaz a été plus tardivement transcrite et appliquée dans les faits dès via un régime transitoire d’accès au réseau.

La loi du a notamment créé la Commission de régulation de l'énergie (CRE), une autorité administrative indépendante, chargée de veiller au bon fonctionnement du marché de l'énergie (gaz et électricité) et d'arbitrer les différends entre les utilisateurs et les divers exploitants. Elle assure aussi que le marché reste concurrentiel et ne devienne pas un monopole.

Libéralisation progressive

Le marché de l'électricité se libéralise progressivement selon le phasage suivant[1] :

  • février 1999 : éligibilité des sites consommant plus de 100 GWh
  • juin 2000 : éligibilité de tout site consommant plus de 16 GWh (soit un taux d'ouverture du marché de plus de 30 %)[2].
  • février 2003 : éligibilité de tout site consommant plus de GWh
  • juillet 2004 : éligibilité des entreprises et collectivités locales
  • juillet 2007 : éligibilité de tous les consommateurs (dont les clients résidentiels)
  •  : nouvelle méthode de construction des tarifs réglementés
  •  : disparition des tarifs réglementés pour les clients de puissance souscrite supérieure à 36 kVA.

L'ouverture du marché aux premiers consommateurs éligibles (industriels) s'accompagne initialement d'une forte hausse des prix de l'électricité, ces consommateurs ayant été largement subventionnés auparavant par des tarifs inférieurs aux prix de revient. Selon l'Union des industries chimiques, le prix moyen du mégawatt-heure a augmenté de 55 % entre 2001 et 2005, passant de 22 à 34,4 [réf. nécessaire].

Offres réglementés et offres de marchés

2 types de contrats sont possibles pour le client :

Loi de nouvelle organisation du marché de l’électricité (NOME)

La loi NOME du [4] institue un accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH), dans la limite d’un plafond de 100 TWh à répartir entre les fournisseurs alternatifs, qui seront ainsi en mesure de proposer des offres compétitives par rapport aux tarifs règlementés de vente pour les clients résidentiels et petits professionnels. Les conséquences de l’adoption du dispositif ARENH sont les suivantes :

  • les TRV de l’électricité pour les grandes et moyennes entreprises (les tarifs verts et jaunes) s’éteindront au plus tard au  ;
  • la réversibilité illimitée (droit de revenir au tarif réglementé après avoir opté pour l'éligibilité) ; de ce fait, le TaRTAM (dispositif transitoire destiné à donner accès un tarif proche du tarif réglementé pour les clients industriels qui avaient conclu un contrat à prix de marché plus coûteux que le tarif) a disparu ;
  • les TRV d’électricité seront progressivement construits par addition des coûts d’approvisionnement en électricité, du prix d'ARENH et du coût du complément de la fourniture intégrant la garantie de capacité, des coûts d’acheminement, des coûts de commercialisation ainsi que d’une rémunération raisonnable (au plus tard en 2015)[5].

Évolution de l'ouverture du marché

La CRE publie chaque trimestre un rapport sur le degré d'avancement de l'ouverture du marché[6]. Voici les principales données au 3e trimestre 2016 :

  • au , 4 224 000 sites résidentiels sont en offre de marché, soit 13,2 % des sites, ainsi que 1 508 000 sites non résidentiels, soit 30,2 % (17,0 % chez les fournisseurs alternatifs et 13,2 % chez les fournisseurs historiques) ;
  • le marché de l’électricité reste encore dominé par les TRV, qui conservent 86,8 % des sites résidentiels et 69,8 % des sites non résidentiels ;
  • la consommation fournie en offre de marché atteint 16,2 TWh (10,9 %) sur le segment résidentiel et 251,2 TWh (87,4 %) sur le segment non résidentiel ; la part de marché des fournisseurs alternatifs atteint 10,8 % dans le secteur résidentiel et 36,4 % dans le secteur non résidentiel ;
  • le dispositif de l'ARENH n'a connu aucune livraison sur le premier semestre 2016, le prix de marché étant inférieur au TRV de l'électricité nucléaire d'EDF à ses concurrents ;
  • 27 fournisseurs alternatifs sont actifs et présents sur le site Énergie-info. Il existe également 160 fournisseurs locaux, en particulier les fournisseurs historiques tels que les entreprises locales de distribution (ELD).

Fin 2017, la part des fournisseurs alternatifs en France sur le marché des clients résidentiels était de 17,9 %, soit 5,8 millions de clients et une augmentation de 3,7 points sur l'année[7]. Leur part de marché sur l'ensemble des clients était fin 2016 de 29 % sur le marché de l'électricité et de 55 % sur le marché du gaz. Enfin, 38 % des ventes d'électricité restaient assurées par EDF au tarif réglementé et 33 % par EDF et les ELD en offres de marché. La suppression des tarifs réglementés pour les entreprises et les collectivités a fortement accéléré l'ouverture du marché, mais sur le segment résidentiel (particuliers et petits professionnels) 88 % des clients restent au tarif réglementé. Bruxelles a inclus dans son dernier « paquet hiver » la suppression à moyen terme de ce tarif dans l'électricité, mais le basculement devrait être progressif[8].

En 2017, les fournisseurs d'électricité se multiplient : après Total et Butagaz, l'e-commerçant Cdiscount, du Groupe Casino, lance une offre d'électricité qui serait selon lui 15 % moins chère que les TRV ; mais 84 % des clients restent fidèles à EDF[7]. La proportion de Français déclarant connaître leur droit à changer de fournisseur d'électricité stagne à 50 % contre 53 % en 2013, et seulement 33 % savent qu'Engie et EDF sont deux entreprises séparées et concurrentes. La marge de manœuvre des concurrents sur les coûts est limitée à 36 % du coût total, 35 % étant constitués de taxes (dont la Contribution au service public de l'électricité qui sert pour l'essentiel à financer les énergies renouvelables) et 29 % le coût du transport, qui échappe à la concurrence[9]. EDF a perdu un million de clients entre mi-2016 et mi-2017 soit de 27,5 à 26,5 millions de clients[7], selon la CRE ; Engie a déjà 3,5 millions de clients électricité et Total se donne l'objectif d'en conquérir 3 millions[10].

En , le Conseil d'État, saisi par les concurrents d'EDF, a globalement validé le principe des TRV de l'électricité, mais a demandé au gouvernement de réexaminer régulièrement sa pertinence ; le gouvernement se propose d'effectuer ce réexamen tous les cinq ans. Le Conseil d'État a également demandé de revoir les critères d'éligibilité du tarif bleu non résidentiel, afin d'introduire une distinction entre les petits professionnels (artisans, commerçants, professions libérales...) et les sites non résidentiels appartenant à des grandes entreprises[11].

En , la CRE s'est prononcée sur le trop grand nombre d'acteurs présents en France, anticipant une vague de consolidations. Il est estimé que la trop grande concurrence conduit à des ventes à perte, alors qu'EDF qui perd environ 100 000 clients particuliers par mois, détient encore 80 % du marché résidentiel. Selon le président de la CRE, « on est à la préhistoire des effets de la concurrence » sur le marché de l’électricité[12].

En , EDF lance sa première offre d’électricité en ligne destinée aux particuliers, nommée Digiwatt[13].

Au 1er semestre 2019, les interventions pour impayés (coupures de courant ou réduction de puissance) déclarées par les fournisseurs d'électricité au médiateur national de l'énergie ont progressé de 18 % par rapport au 1er semestre 2018. Plusieurs fournisseurs plaident pour la création d'un fichier des impayés similaire à celui constitué par les opérateurs télécoms ; la Commission nationale de l'informatique et des libertés a validé ce projet en . Mais le principe même de ce fichier des mauvais payeurs dans l'électricité suscite une série de levées de boucliers[14].

Les TRV prennent fin pour la grande majorité des clients professionnels le pour le gaz et le pour l'électricité. Après cette date, dans le monde professionnel, seules 1,5 million de microentreprises et assimilées bénéficieront encore d'un TRV pour l'électricité.

Fin 2020, sur le marché de l'électricité, EDF contrôle encore 47 % des volumes consommés par les industriels et 54 % sur le marché des entreprises et collectivités. En comparaison, dans le gaz, Engie ne contrôle plus que 42 % des volumes consommés par les entreprises, et même seulement 31 % pour les plus grands comptes[15].

Production d'électricité

Si la production d'électricité n'est pas soumise à monopole en France, elle fait l'objet de certaines règles tendant à concilier la liberté de production avec la sécurité d'approvisionnement et les objectifs de la politique énergétique française.

« En France, deux producteurs d’électricité produisent plus de 95 % de l’énergie électrique du pays » (EDF et Engie)[16].

Accès régulé à l'électricité nucléaire historique (ARENH)

La loi NOME a prévu un partage de la « rente nucléaire » entre EDF et les fournisseurs alternatifs d'électricité, obligeant EDF à céder jusqu'à 100 TWh d'électricité par an à ses concurrents à des conditions représentatives des conditions économiques de production d’électricité par ses centrales, conditions évaluées par la Commission de régulation de l'énergie (CRE)[17].

Le partage de ces volumes d'électricité entre les différents fournisseurs d'électricité sera établi par la CRE, sur la base d'un mécanisme tenant compte de la taille de leurs portefeuilles de clients. En effet, elle impose à EDF de céder environ un quart de sa production nucléaire à la concurrence à un prix défini par arrêté, dit ARENH.

Le prix est fixé par arrêté ministériel. Selon la loi[18], il doit être représentatif des conditions économiques de production d'électricité par les centrales nucléaires, en tenant compte de l'addition de quatre éléments :

  • la rémunération des capitaux prenant en compte la nature de l'activité ;
  • les coûts d'exploitation ;
  • les coûts des investissements de maintenance ou nécessaires à l'extension de la durée de l'autorisation d'exploitation ;
  • les coûts prévisionnels liés aux charges pesant à long terme sur les exploitants d'installations nucléaires de base.

La loi précise également que ce prix est initialement fixé « en cohérence » avec le TARTAM (tarif réglementé), ce qui, selon le rapport Champsaur 2, implique « qu'un fournisseur alternatif puisse proposer à un consommateur anciennement au TARTAM une offre de prix comparable, tout en faisant face à ses frais »[19]. Le TARTAM serait ainsi égal à la somme des coûts d’acheminement, d’approvisionnement à l’ARENH, de complément d’approvisionnement sur le marché et des coûts commerciaux.

Alors que Gérard Mestrallet, président-directeur général de Engie, jugeait inacceptable qu'un prix supérieur à 35 €/MWh puisse être fixé, Henri Proglio, président-directeur général d'EDF, demandait au minimum 42 €/MWh[20]. Le rapport rendu, à la demande du gouvernement, par une commission présidée par Paul Champsaur recommandait un tarif de 39 €/MWh en moyenne sur la période 2011-2015[19].

Le gouvernement a finalement fixé le prix de l'ARENH à 40 €/MWh au puis 42 €/MWh à compter du [21].

Un nouveau mode de calcul devait être fixé et aurait dû être avalisé dès fin 2013, mais les négociations avec Bruxelles sur le projet de décret s'éternisent. Bruxelles s’inquiéterait des conséquences du nouveau mode de calcul de l’ARENH sur la concurrence dans la production d’électricité. En , l’Autorité française de la concurrence avait émis un avis critique sur le projet de décret. EDF souhaite obtenir à terme un ARENH de 52 €/MWh pour couvrir ses coûts, mais les fournisseurs alternatifs ont intérêt à s’approvisionner en priorité sur le marché de gros, qui offre depuis fin 2014 des prix plus attractifs (autour de 39 €/MWh)[22].

Le prix ARENH représentait, jusqu'en 2013, une partie importante de l'approvisionnement en électricité de fournisseurs alternatifs comme Direct Energie ou Planète Oui[23].

Le , le gouvernement ouvre une consultation sur un nouveau mécanisme visant à mieux rémunérer la production nucléaire afin de permettre à EDF d'investir dans la rénovation du parc nucléaire existant : EDF devrait commercialiser la quasi-totalité de sa production nucléaire, soit 360 TWh environ, avec un niveau de prix stable, garanti et encadré par un plancher et un plafond, entre lesquels l'écart serait de six euros[24].

Le , sur une rumeur d'échec des négociations entre la France et la Commission européenne pour une réforme du dispositif ARENH, l’action du groupe EDF s’écroule et perd jusqu’à 18 % dans l’après-midi pour clôturer à − 15 %. Le groupe voudrait au moins un prix ARENH à 48 €/MWh contre la mise en œuvre de la réorganisation "Hercule"[25].

Quantités et montants des achats à l'ARENH[26],[27]
2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020
TWh achetés à l'ARENH[28]6164711608296120126
Achats ARENH (M€)25542701299971103616420051845300

Impact de la crise sanitaire de 2020

EDF et ses concurrents sont confrontés en mars 2020 à la forte baisse de la demande d'électricité causée par les mesures de confinement appliquées en réaction à la pandémie de Covid-19 et à la chute des prix du marché de gros de l'électricité qui en a résulté.

Sur le marché de gros EPEX SPOT, le à 15 h, la France toujours en confinement sanitaire a connu un cours négatif toute la journée et EDF a dû consentir à ses clients de gros un pic de prix négatif de l'électricité aux alentours de −75 €/MWh[29],[30]. Cela signifie que les acheteurs d'électricité étaient payés par les vendeurs pour prendre leur électricité. Les prix négatifs sur le marché de gros sont des événements qui arrivent de temps en temps quand se produit une surproduction d'électricité en Europe. Dans ces cas, les producteurs d'électricité doivent payer leurs gros clients industriels pour écouler l'électricité produite[30]. Quand le prix spot, même positif, descend en dessous du prix ARENH (par exemple à 42 €/MWh) il y a manque à gagner pour EDF, les fournisseurs alternatifs non liés par contrat se reportant sur le marché EPEX SPOT[31]. Les fournisseurs alternatifs qui ont signé des contrats d'approvisionnement au prix ARENH avec EDF doivent continuer à se fournir à ce prix. Il y a surcoûts pour ces fournisseurs et concurrents tenus par ces contrats.

Début 2020 des fournisseurs alternatifs arguent de la crise sanitaire Covid-19 devant le conseil d'état pour obtenir un meilleur prix[30]. Le , le Conseil d'État rejette le recours en référé, déposé par deux associations de fournisseurs d'énergie, considérant qu'il n'était pas établi que les pertes subies par les fournisseurs concernés seraient « d'une ampleur telle qu'elles mettent en péril (...) leur survie à horizon de quelques mois » et que « ces pertes auraient un tel effet dans le délai nécessaire, au juge compétent, pour statuer sur les demandes dont il a été saisi »[32].

TotalEnergies demande la mise en jeu de la clause de force majeure de ses contrats d'achats ARENH ; EDF refuse, considérant cette demande « opportuniste » et rappelant que Total verse des dividendes à ses actionnaires en dépit de la crise sanitaire. Le , le Tribunal de commerce de Paris ordonne à EDF de ne plus s'opposer à la suspension du contrat d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique conclu avec TotalEnergies, rappelant que le contrat ARENH n'évoque « ni la solidité intrinsèque du contractant ni son appartenance à un groupe réputé puissant ». EDF souhaite faire appel « afin d'obtenir un jugement au fond »[33] (trois autres fournisseurs alternatifs ont obtenu la même décision, dont Gazel, propriété du tchèque Daniel Křetínský, les libérant des prix ARENH pour cas de force majeure[34]).

Alpiq, Gazel et TotalEnergies ayant suspendu leur contrat au motif que « la crise sanitaire constituait un cas de force majeure pour suspendre ces contrats. », le 2 juin 2020, EDF leur notifie la résiliation de leurs contrats d'achat d'électricité nucléaire au prix ARENH, au motif d'une « suspension (...) au-delà d'une période de deux mois », conformément à la clause prévue par les dits contrats[35].

Le 23 novembre 2020, EDF gagne en appel contre TotalEnergies[36].

Crise énergétique mondiale de 2021-2022

Face à la forte augmentation des prix de gros de l'électricité, le gouvernement s'engage fin septembre 2021 à plafonner la hausse du tarif réglementé de vente (TRV) à 4 %, alors qu'elle se serait élevée à 35 % si aucune mesure gouvernementale n'avait été prise. Il décide de réduire la principale taxe sur l'électricité, la taxe intérieure de consommation sur l'électricité (TICFE) qui est ramenée de 22,50 €/MWh à 50 centimes , le minimum autorisé par Bruxelles, ce qui correspond à un coût de 8 milliards  pour le budget de l'État. Il impose à EDF une augmentation de 20 TWh du volume d'électricité nucléaire vendu à prix réduit à ses concurrents, pour le faire passer à titre exceptionnel de 100 à 120 TWh. La mesure doit coûter entre 7,7 et 8,4 milliards  à EDF. Le PDG d'EDF Jean-Bernard Lévy y voit « une aide d'État en faveur de [ses] concurrents »[37].

Fin janvier 2022, tous les syndicats du groupe appellent à la grève pour protester contre ces mesures. Ils s'opposent à la décision gouvernementale, annoncée le , qui oblige EDF à vendre davantage d’électricité nucléaire à bas prix à ses concurrents, dans le cadre du dispositif de l’ARENH. Cette décision contraint EDF à acheter cher, sur les marchés de gros, de l’électricité pour 2022 qu’il devra revendre à un tarif bien plus bas (46,20 ) à ses concurrents. L’opération devrait coûter environ 3 milliards  à la société. Elle l’obligera également à modérer la hausse appliquée à ses propres clients, ce qui entraînera, selon l'entreprise, un manque à gagner de 5 milliards  (3 milliards  selon d’autres sources)[38].

Le 2 août 2022, les députés et les sénateurs, réunis en commission mixte paritaire pour finaliser la loi sur le pouvoir d'achat, votent le gel du plafond de l'ARENH à 120 TWh/an, ainsi que le relèvement du prix de vente aux concurrents d'EDF à 49,5 €/MWh. Ce prix était jusque-là de 42 €/MWh et le plafond de l'ARENH de 100 TWh/an, mais un supplément d'ARENH de 20 TWh/an au prix de 46,20 €/MWh avait été imposé à EDF au début de 2022. La décision des parlementaires est cependant conditionnée à l'accord de la Commission européenne[39].

Intégration des énergies renouvelables dans les réseaux

L'article L. 314-1 du code de l'énergie prévoit qu'EDF et les entreprises locales de distribution sur les 5 % du territoire qui les concernent sont tenus d'acheter à un tarif réglementé l'électricité produite par certaines installations[40]. Il s'agit principalement de promouvoir la production d'électricité à partir de sources renouvelables et de faciliter ainsi la réalisation des objectifs environnementaux et climatiques. Les surcoûts découlant pour les distributeurs de la différence entre ces tarifs réglementés et le prix du marché leur sont remboursés par une surtaxe payée par les consommateurs d'électricité : la Contribution au service public de l'électricité (CSPE) dont le montant atteint 22,5 €/MWh en 2020. Depuis 2016, les contrats de rachat peuvent être passés avec d'autres fournisseurs d'énergie, les premiers agréés étant Enercoop[41], Direct Énergie[42] et BCM Energy[43] (maison-mère de Planète Oui).

Les installations qui permettent à un particulier ou une entreprise de bénéficier de ce tarif d'achat sont :

  • celles qui valorisent des déchets ménagers ou qui visent l'alimentation d'un réseau de chaleur ;
  • les installations d'éoliennes à terre ou en mer ; les installations qui utilisent l'énergie marine, l'énergie solaire thermique, l'énergie géothermique ou hydrothermique ;
  • celles qui utilisent les autres énergies renouvelables, ou encore les installations qui mettent en œuvre des techniques performantes du point de vue de l'efficacité énergétique telles que la cogénération. Ces installations n'ont accès au tarif d'achat que si elles respectent certaines limites de puissance définies par décret[44]. En particulier, ces installations doivent avoir une puissance installée inférieure à 12 MW. La cogénération à partir de biomasse n'est concernée que pour les installations de puissance supérieure à MW ;
  • les moulins à vent ou à eau réhabilités pour la production d'électricité ;
  • les installations qui valorisent des énergies de récupération ;
  • dans les départements d'outre-mer, les installations qui produisent de l'électricité à partir de la biomasse, dont celle issue de la canne à sucre.

Les tarifs varient considérablement en fonction du type de source d'énergie (les tarifs sont particulièrement élevés pour l'électricité solaire), de la taille de l'installation et de son impact environnemental. Le tableau suivant donne des exemples de tarifs d'achat avec son fondement juridique[45].

Origine de l'électricité Description sommaire du tarif d'achat Fondement juridique
Panneaux photovoltaïques de 9,80 c€/kWh à 17,89 c€/kWh pour un particulier au 1er trimestre 2022, selon la puissance et le degré d'intégration au bâti [46]
Biogaz de 64,87 €/MWh à 161,51 €/MWh selon la taille de l'installation et le type de biomasse Arrêté tarifaire biogaz au 1er trimestre 2022[47]
Biomasse 12,05 c€/kWh, prix auquel peut également s'ajouter une prime d'efficacité énergétique Arrêté du [48]
Cogénération Tarifs plus élevés pendant la période d'hiver, du au , et dépendant du prix du gaz Arrêté du [49].

À compter du , le système des tarifs d’achat réglementés dont bénéficient les énergies renouvelables disparaît pour les installations de puissance installée supérieure à 500 kW, pour faire place à un dispositif de vente sur le marché assorti d’une prime (complément de rémunération) ; ce nouveau dispositif, imposé par la Commission européenne, ne s’applique pas aux filières émergentes comme l’éolien en mer ; l’éolien terrestre bénéficie d’un délai supplémentaire de deux ans ; le solaire photovoltaïque, qui dépend des appels d’offres pour les grandes centrales, est concerné dès 2016, ainsi que la biomasse, la géothermie et le biogaz[50].

Obligation d'achat (OA) et complément de rémunération (CR)[26],[27]
2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020
TWh produits sous OA + CR404345505458667279
Subventions OA+CR (M€)330050575739639466856855715680998380

Capacités de production et d'effacement

La loi NOME oblige dans son article 6 les fournisseurs d'électricité à disposer de garanties de capacités d'effacement de consommation et de production d'électricité, afin de mieux équilibrer la production et la consommation d'électricité. L'effacement consiste à reporter sur les périodes « creuses » la consommation d'électricité qui aurait pu être effectuée en période de pointe.

Ces capacités d'effacement ou de production pourront être échangées sur un marché de capacité.

Commercialisation

Prix pour le consommateur

Sur tout le territoire national, de même que dans la majeure partie de l'Union européenne, deux types d'offres cohabitent sur le marché de détail :

À tout moment, le consommateur peut choisir de quitter le tarif réglementé ou d’y revenir sans condition[53].

Composantes communes

Dans les deux cas, le prix incorpore le tarif d'utilisation du réseau public d'électricité (TURPE), des taxes spécifiques sur l'électricité, ainsi que des compléments à la fourniture d’électricité. Ces composantes communes s'appliquent à tous les fournisseurs : EDF et fournisseurs alternatifs, y compris les ELD.

Tarif d'utilisation du réseau public d'électricité

Le TURPE est fixé par décision ministérielle sur proposition de la CRE. Le TURPE est indépendant du fournisseur mais dépend de la puissance souscrite et de la tension de raccordement.

Taxes

Plusieurs taxes s'ajoutent au tarif réglementé comme au prix de marché[54] :

  • taxes sur la consommation finale d’électricité (TCFE) ;
    • taxes communale[55] et départementale[56],
    • taxe intérieure[57], créée par la loi NOME au profit de l'État pour les clients dont la puissance maximale souscrite est supérieure à 250 kVA. Les entreprises dont la consommation d'électricité représente une charge très importante (électro-intensifs) sont exemptés du paiement de cette taxe ;
  • contribution au service public de l'électricité (CSPE), qui finance notamment la péréquation tarifaire, le tarif de première nécessité et le développement des énergies renouvelables via le mécanisme de l'obligation d'achat (voir plus haut) ;
  • contribution tarifaire d'acheminement (CTA), fixée par arrêté ministériel en pourcentage du prix d’acheminement de l’électricité ;
  • taxe sur la valeur ajoutée (TVA).
Compléments de fourniture

L'évolution de la réglementation française depuis 2016 oblige les fournisseurs à souscrire à différents mécanismes :

Ces différentes évolutions sont répercutés sur les factures des consommateurs.

Tarifs réglementés

Les consommateurs ont accès, en France, à des tarifs définis par le gouvernement, sur proposition de la Commission de régulation de l'énergie. Seuls le fournisseur historique EDF et les entreprises locales de distribution d'électricité et de gaz sont tenus de proposer ces tarifs.

Les tarifs réglementés de vente (TRV) d'électricité résultent de l'addition[59] :

Il existe plusieurs catégories de tarifs réglementés :

Type de site (puissance souscrite P) Tarifs
Petits sites : P < = 36 kVA Tarifs bleus
Sites moyens : 36 kVA < P < = 250 kVA Tarifs jaunes
Grands sites : P > 250 kVA Tarifs verts A (clients connectés au réseau de distribution)

Tarifs verts B et C (clients connectés au réseau de transport)

Les tarifs réglementés destinés aux consommateurs professionnels (tarifs « vert » et « jaune ») ont disparu depuis le  ; EDF a 220 000 clients professionnels sur 430 000 sites, dont 100 000 au tarif vert et 330 000 au tarif jaune[60]. Depuis le , les 474 000 entreprises, hôpitaux ou collectivités locales abonnés au tarif jaune ou vert d'EDF (ceux ayant une puissance souscrite supérieure à 36 kVA) ont dû signer un contrat en « offre de marché » avec un fournisseur d'électricité en vertu des règles de libéralisation du secteur. Au , seulement 16 % des 41 000 grands sites (59 % de leur consommation de 177 TWh) et 5 % des 443 000 sites moyens (5 % de leur consommation de 59 TWh) sont déjà en offres de marché. Quelques collectivités locales (la Ville de Paris et le Sipperec) ou hôpitaux (UniHA) ont lancé un appel d'offres. Selon la CRE, douze fournisseurs d'électricité sont aujourd'hui actifs sur le marché des grands professionnels en France, mais, selon le PDG de Engie Gérard Mestrallet, « le niveau des tarifs jaune et vert pour les entreprises ne nous permet pas en réalité d'être compétitifs aujourd'hui » (par rapport à EDF)[61].

La loi NOME prévoit l'évolution progressive, dans le même délai, du mode de calcul des tarifs réglementés selon une méthodologie dite « par empilement des coûts ». Ces tarifs réglementés seront construits afin de tenir compte de l'addition[62] :

  • de l'ARENH (voir ci-dessus) ;
  • du coût du complément à la fourniture d'électricité qui inclut la garantie de capacité ;
  • des coûts d'acheminement de l'électricité ;
  • des coûts de commercialisation ;
  • et d'une rémunération normale.

Par ailleurs, la loi NOME de 2010 prévoyait que les tarifs réglementés, calculés au départ en fonction des coûts de l'opérateur historique EDF, devraient être calculés, au plus tard fin 2015, en fonction des coûts des fournisseurs alternatifs (Direct Energie, Engie, Planète Oui, etc.) ; cette modification a été appliquée dès le , avec pour résultat une hausse réduite à 2,5 % pour les particuliers au lieu de 5 % prévus initialement, et de 1,5 % en 2015 puis de 2 % en 2016, selon la Commission de régulation de l'énergie (CRE), alors que le mode de calcul précédent aurait entraîné une hausse de 6,7 % pour les particuliers cette année. Cette réduction des hausses limite les marges de manœuvre des fournisseurs alternatifs pour concurrencer EDF avec des offres de marché[63]. Par ailleurs, le décret modifiant le mode de calcul des tarifs réglementés de l'électricité, publié le , précise que l'application du nouveau mode de calcul se fera « sous réserve de la prise en compte des coûts » d'EDF. Cette mention introduite par le Conseil d'État fait déjà l'objet d'interprétations divergentes entre le ministère et les fournisseurs[64].

Le Conseil d'État a jugé le que le maintien de tarifs réglementés du gaz naturel était contraire au droit de l'Union européenne. Le ministre de la Transition écologique et solidaire Nicolas Hulot, a reconnu lors d'une audition au Sénat : « à un moment ou à un autre, il faudra se plier aux injonctions de Bruxelles concernant les tarifs de gaz et d'électricité. Nous allons évidemment faire en sorte que cela se fasse le moins douloureusement possible »[65].

Dix ans après l'ouverture des marchés du gaz et de l'électricité à la concurrence pour les particuliers , 84 % des sites résidentiels sont encore abonnés au tarif réglementé de vente (TRV) d'électricité d'EDF, et 49 % des foyers utilisant le gaz ont encore un contrat au TRV d'Engie. L'Association nationale des opérateurs détaillants en énergie (ANODE) a déposé un nouveau recours pour l'abrogation des TRV et publié un livre blanc qui propose un calendrier[66].

Fin 2017, les concurrents d'EDF ont 5,8 millions de clients résidentiels, soit une part de marché de 17,9 %, contre 26,5 millions pour EDF ; sur l'année 2017, EDF a perdu un million de clients résidentiels abonnés au tarif réglementé ; EDF propose aussi des offres de marché qui n'ont été choisies que par 82 000 clients résidentiels[67].

À l'issue des négociations en « trilogue » des représentants du Conseil, de la Commission et du Parlement européens, un accord a été conclu le sur les deux derniers textes du « Paquet Énergie propre », en discussion depuis deux ans : les États membres qui réglementent toujours les tarifs appliqués aux ménages pourront continuer à le faire, mais ils devront présenter un rapport d'évaluation des progrès réalisés pour mettre un terme à la réglementation des prix. D'ici à 2025, la Commission devra présenter un rapport sur les progrès globaux au sein de l'UE, qui pourra inclure une proposition visant à mettre un terme à la réglementation des tarifs[68].

Fin 2018, le tarif bleu réglementé ne concerne plus que 25,6 millions de ménages, soit 77,3 % des sites de consommation et seulement 34 % de la consommation totale ; en un an, 900 000 clients ont quitté le tarif régulé ; la part de marché des fournisseurs alternatifs a progressé de 4 points à 21,9 %, et 35 % de la consommation totale. EDF et les ELD ont commencé à proposer des offres de marché qui représentent 272 000 clients fin 2018, contre 82 000 clients fin 2017, et 31 % de la consommation totale[69].

Les offres de marché d’électricité ont gagné 454 000 clients (soit 5,2 %) en 2019 et les fournisseurs alternatifs ont atteint 27,7% de parts de marché à la fin de l’année. Cela laisse près de 24 millions de sites encore au tarif réglementé (ou « tarif bleu ») d’EDF[70].

Causes de la hausse des prix

Malgré l'ouverture à la concurrence dans l'électricité, les prix de l'électricité ont largement augmenté, progressant de 50 % environ entre 2007 et 2020 selon l'Insee. Les principales causes de cette hausse résident dans l'évolution des réglementations. Premièrement, l'accroissement du poids de la fiscalité, en particulier de la Contribution au service public de l'électricité (CSPE), taxe destinée principalement à soutenir le développement des énergies renouvelables ; jusqu'à 2016, elle explique une grande part de l'augmentation du budget consacré à l'électricité, mais depuis 2016 elle a cessé d'augmenter.

À partir de 2017, le marché de capacité a pris le relais. Les prix du marché de capacité, payés aux producteurs d'électricité par les fournisseurs d'électricité, qui les répercutent ensuite sur les factures des consommateurs, ont été multipliés par presque quatre en quatre ans (environ 1,8 €/MWh en 2017, presque 6,5 €/MWh en janvier 2021).

Par ailleurs, le coût des certificats d'économie d'énergie (CEE), largement inférieur à €/MWh jusqu'en 2017, a atteint €/MWh en 2021.

Enfin, les coûts des réseaux augmentent de 1,4 % par an du fait des investissements de raccordement des énergies renouvelables et des bornes de recharge pour véhicules électriques, et le coût d'approvisionnement des fournisseurs d'électricité sur les marchés européens sont tirés à la hausse par la progression des prix des quotas de CO2[58].

Offres d'électricité renouvelables

Tous les nouveaux fournisseurs qui se lancent sur le marché des particuliers en 2017 (sauf Butagaz et Cdiscount) proposent une offre d'électricité issue des sources renouvelables (hydroélectrique, éolien ou solaire). EDF a lancé en octobre deux offres de marché « vertes ». Hormis EDF, la plupart de ces fournisseurs ne produisent pas eux-mêmes la totalité de leur électricité verte ; ils achètent des certificats de garantie d'origine émis par les producteurs. Pour chaque kWh qu'il consomme, le client est assuré qu'une quantité équivalente d'électricité d'origine renouvelable est produite quelque part en Europe. Le prix est très différent selon l'origine de l'électricité « verte » : de quelques dizaines de centimes par mégawattheure pour les grands barrages du nord de l'Europe jusqu'à quelques euros/MWh pour de petits producteurs français. Environ 1,4 million de clients résidentiels sont en offre verte, soit 5 % des volumes, alors que 17 % de la production est d'origine renouvelable en France[71].

Comparateur d'offres

La comparaison des tarifs est proposée sur des sites web dits « comparateurs d'offres ». Il existe des comparateurs de prix privés, mais l'obligation de service public impose le comparateur national du médiateur national de l'énergie[72].

Il est le seul ce dernier, sous statut public, avec ceux des associations de consommateurs, à pouvoir être qualifié de totalement impartial, fiable et indépendant[73]. Son fonctionnement est encadré par la loi relative à l’énergie et au climat[74].

Début 2014, l’association de consommateurs UFC-Que choisir a mené une enquête sur les sites comparant les prix du gaz et de l’électricité. Elle en a conclu qu’« en dehors du site officiel Energie-Info.fr, mis en place et géré par le médiateur national de l'énergie, il n’existe aucun vrai comparateur de prix. En dépit de leurs promesses, ces derniers ne cherchent nullement à faire bénéficier les consommateurs de la meilleure offre du marché. Leur objectif, c’est de les orienter vers les fournisseurs partenaires qui les rémunèrent au mieux quand ils leur apportent un nouveau client. Ces sites sont biaisés et abusent de la confiance des consommateurs »[75].

La diversité des offres contractuelles a donné naissance à l'activité de courtier en énergie[réf. souhaitée].

Marché de gros

Sur le marché de gros, l’électricité est négociée entre producteurs, fournisseurs d'électricité et négociants intermédiaires, avant d’être livrée sur le réseau à destination des clients finaux (particuliers ou entreprises)[76].

Il existe des bourses d'échange, telles qu'EPEX SPOT pour les produits spot (Paris) et EEX Power Derivatives France pour les produits à terme (Leipzig). Les échanges peuvent aussi s'effectuer de gré à gré, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un courtier. Les transactions ne débouchent pas toujours sur une livraison physique, le produit pouvant être acheté puis revendu.

Deux types de produits existent :

  • les produits spot ou au comptant sont livrés au maximum le lendemain de leur achat (day ahead), voire plus rapidement encore (produits demi-horaires, horaires ou par blocs de plusieurs heures).
Le prix day ahead, fixé tous les jours sur EPEX Spot, reflète l'équilibre de court terme entre l'offre et la demande. Il possède une forte volatilité en raison des variations imprévues qui peuvent concerner aussi bien l'offre (arrêt intempestif d'une centrale...) que la demande (température plus basse que prévu...) ;
Un mécanisme de couplage des marchés, mis en place en entre la France, l'Allemagne, l'Autriche et les pays du Benelux, permet de coordonner les modes de fixation des prix sur les marchés nationaux, ce qui permet d'améliorer la gestion des interconnexions et la liquidité des marchés. Une conséquence est le rapprochement des prix day ahead dans ces pays ;
  • les produits à terme sont achetés en vue d'une livraison future. Ceux-ci permettent aux fournisseurs de garantir le volume et le prix de leurs approvisionnements à une échelle de plusieurs semaines, mois ou années.

Les produits sont de plus différenciés selon qu'ils portent sur l'électricité de base (servie tout au long de la journée et de l'année) ou sur l'électricité de pointe (livrée aux moments où la consommation est plus importante, ce qui peut nécessiter la mise en œuvre de capacités de production spécifiques).

Les contrats à terme constituant une grande part de l'approvisionnement des fournisseurs, les tarifs de vente aux consommateurs finaux se fondent plutôt sur les prix à terme que sur les prix spot.

À titre d'exemple, 163 TWh ont été échangés sur le marché de gros intermédié au cours du 2e trimestre 2011, essentiellement sur le mode du gré à gré, 126 TWh étant injectés physiquement dans les réseaux[77]. Les prix day ahead cotés sur EPEX étaient en moyenne de 49 €/MWh en base et 61,2 €/MWh en pointe, avec des pics ponctuels à près de 300 €/MWh. Le prix à terme sur un contrat futures était de 59,5 €/MWh en moyenne.

Sous l'effet de la baisse des prix du CO2 et du charbon, puis du pétrole, les prix du marché de gros de l'électricité sont tombés au-dessous du prix de l'ARENH (42 €/MWh) à partir de , puis à 38 €/MWh en , et le prix à terme pour livraison en 2016 n'est plus que 37 €/MWh : en Allemagne, le prix de gros est même tombé au-dessous de 32 €/MWh ; en , les achats des fournisseurs alternatifs à EDF ont chuté de plus de moitié, à 15,8 TWh, contre 36,8 TWh un an plus tôt. De plus, comme le tarif réglementé est en partie indexé sur le prix de gros depuis l'automne 2014, ce tarif a augmenté beaucoup moins que prévu ; ces évolutions vont stimuler la concurrence et faire baisser les parts de marché d'EDF[78] ; les premiers bénéficiaires en sont les grands industriels[79].

Cette baisse de prix s'est poursuivie au cours de l'année 2015, et s'est accentuée en fin d'année. En , le prix de gros de l'électricité sur le marché à court terme n'était plus que de 28 €/MWh. Côté offre, la baisse des prix du pétrole, du gaz et du charbon, qui déterminent en grande partie le cout de production de l'électricité au niveau européen, s'est poursuivie. Côté demande, la consommation européenne d'électricité n'a pas retrouvé son pic de 2006, et le début de l'hiver 2015-2016 a été clément. La baisse du prix de gros a favorisé les fournisseurs d'électricité alternatifs, accentuant leur concurrence sur EDF. L'ordre de grandeur de l'impact de cette baisse pour EDF, si le prix de 28 €/MWh se maintenait, serait de deux milliards d'euros par an[80].

À l'automne 2016, les prix de gros remontent en flèche, atteignant 275 €/MWh pour une fourniture en base le à livraison la semaine suivante, et même plus de 500 €/MWh pour une fourniture en pointe ; cette remontée découle des arrêts exceptionnels de réacteurs nucléaires ordonnés par l'ASN pour des contrôles sur des matériels forgés par AREVA : vingt tranches étaient encore à l'arrêt, totalisant 20 GW, soit près d'un tiers des capacités nucléaires ; ces arrêts avaient fait remonter les prix à 70 €/MWh fin octobre, et la forte baisse des températures début novembre a amplifié cette hausse. Les prix de gros pour livraison en 2017 atteignent 49 €/MWh, dépassant donc le niveau de l'ARENH (42 €/MWh), ce qui va pousser les concurrents d'EDF à s'approvisionner à nouveau auprès d'EDF à ce tarif[81].

À partir du printemps 2018, les prix de gros ont monté progressivement ; cette hausse s'est accélérée durant l'été, passant la barre des 50 €/MWh, et en le prix pour livraison en 2019 a atteint 63 €/MWh ; cette évolution est fortement corrélée à la hausse des cours des quotas d'émissions de CO2 : longtemps resté à environ 5 , le prix de la tonne de CO2 atteint 23,7  en , sous l'effet du mécanisme de stabilité destiné à résorber les quotas[82].

Vente directe

La vente directe d'électricité (en anglais : PPA pour « Power Purchase Agreement »), très répandue aux États-Unis, commence à se développer en France : en juin 2020, Auchan signe trois contrats d'approvisionnement en électricité verte directement auprès de leur producteur : achat à Voltalia pendant 20 ans de la production de deux nouvelles centrales solaires situées à Grasse (Alpes-Maritimes) et à Martigues (Bouches du Rhône), d'une puissance totale de 61 MW, et achat au développeur canadien Boralex et au français Eurowatt de l'électricité produite par deux centrales éoliennes qui ne bénéficieront plus d'un tarif d'achat garanti par l'État à partir de 2020 et jusqu'en 2023. Ces trois transactions se sont conclues à un prix situé entre 40 et 50  par mégawattheure ; elles couvriront 16 % des besoins d'Auchan qui se fixe l'objectif d'atteindre 100 % en 2030. Des contrats de même type ont déjà été conclus par la SNCF et Crédit mutuel Alliance fédérale[83].

Manque d'information des consommateurs

D'après le baromètre du médiateur national de l'énergie, publié en , environ la moitié des Français résidents ne savent pas  en 2017  qu'il est possible de changer de fournisseur d'électricité. Seul un tiers a conscience du fait qu'EDF et Engie sont deux sociétés différentes et concurrentes[84].

Foisonnement d'offres

Après Cdiscount, pionnier de l'e-commerce, d'autres sociétés du numérique, y compris les GAFA, pourraient s'intéresser au marché de l'électricité, bousculant le paysage concurrentiel de l'électricité par un foisonnement d'offres[84].

Avec l'ouverture du marché à la concurrence, le nombre de fournisseurs d'énergie ne cesse d'augmenter : on en comptait 31 en 2018, presque trois fois plus qu'en 2013. Les cas de démarchage abusif par des fournisseurs d'énergie se multiplient : selon le médiateur de l'énergie, 56 % des Français ont été démarchés pour une offre de gaz ou d'électricité en 2018, contre 36 % en 2017. Le médiateur a recensé 1 416 litiges (contestations de souscription ou dénonciations de pratiques commerciales) en 2018. Le démarchage par téléphone est majoritaire (environ 70 % des contacts). Engie et ENI arrivent en tête des plaintes, avec les trois quarts des litiges à eux deux. En , la Direction générale de la concurrence et de la répression des fraudes a infligé une amende de 900 000  à Engie pour « manquements aux règles encadrant le démarchage ». Une autre enquête est en cours : la DGCCRF a perquisitionné les locaux d'Engie, d'Eni et de onze entreprises sous-traitantes spécialisées dans le démarchage à domicile[85].

En juin 2020, le médiateur de l'énergie signale une hausse de 35 % entre 2018 et 2019 des litiges commerciaux (démarchages abusifs ou frauduleux, problèmes de facturation) entre les fournisseurs d'électricité et de gaz et leurs clients particuliers. En 2019, ses services ont été saisis de 1 883 litiges concernant le démarchage, soit une hausse de 65 % en trois ans.

En 2019, Eni concentrait près d'un litige sur cinq soumis au médiateur, soit 329 litiges pour 100 000 contrats de gaz ou d'électricité, près de 60 % de plus qu'en 2018 ; Engie est à 96 litiges pour 100 000 contrats et Total Direct Énergie à 93 litiges[86].

Offres « à prix coûtant »

Une directive européenne issue du « Clean Energy Package » impose à tous les fournisseurs d'électricité disposant d'au moins 200 000 clients de proposer une offre « à prix variable », directement indexée sur le prix du marché de gros : quand les prix montent (en hiver ou encore quand le vent souffle moins dans les pales des éoliennes), la facture gonfle, et quand les prix baissent, la facture se réduit. Prévue initialement pour 2021, son entrée en vigueur pourrait intervenir dès 2022 ; pour la Commission européenne, de telles offres inciteraient les consommateurs à réduire leur consommation d'électricité quand elle coûte plus cher pour faire face demain aux besoins de flexibilité des réseaux. La première de ces offres est lancée en mars 2021 par le fournisseur d'électricité Barry, filiale du finlandais Fortum. Les associations de consommateurs comme les fournisseurs d'électricité critiquent ce système, craignant une multiplication des litiges et des impayés ainsi que les lourds investissements informatiques qu'il implique pour les fournisseurs[87].

Le 16 juin 2021, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) publie les modalités qui s'appliqueront aux principaux fournisseurs d'électricité français qui, à partir de juillet 2023, devront proposer aux consommateurs des offres indexées sur les prix de l'électricité sur le marché de gros : la CRE a décidé d'imposer à ces offres un plafond de prix correspondant à deux fois le prix qu'aurait payé un consommateur, chaque mois, s'il avait opté pour un tarif réglementé ; de plus, elle sera « particulièrement vigilante aux obligations d'information du consommateur, avant et pendant la vie du contrat ». Ces obligations seront précisées dans un arrêté ministériel, après avis de la CRE[88].

Consolidation du marché causée par la crise énergétique de 2021-2022

La crise énergétique de 2021-2022 entraîne une restructuration majeure du marché : de nombreux concurrents d'EDF, déstabilisés par la hausse brutale des cours de l'électricité et du gaz, se retirent du marché. En octobre 2021, Leclerc énergie stoppe la commercialisation de ses contrats, laissant le soin à ses 150 000 clients de trouver un fournisseur de secours. En , un des fournisseurs de l'armée et de la mairie de Paris, Hydroption, se voit retirer son autorisation d'exercer pour avoir vendu des contrats de fourniture à des prix qu'il s'est révélé incapable d'honorer. En , le britannique Bulb et le danois Barry se retirent du marché français et le fournisseur Planète Oui, qui revendique environ 160 000 clients, entre en procédure de redressement judiciaire. Le , le Français Plüm Énergie, spécialiste de l'électricité verte et locale, annonce son rachat par le Britannique Octopus Energy (en)[89],[90], cinquième plus gros fournisseur d'électricité et de gaz au Royaume-Uni. La filiale spécialisée dans l'énergie du groupe Casino, GreenYellow, annonce à ses clients mettre un terme à la vente de contrats de fourniture de gaz à travers son site de commerce en ligne Cdiscount, et pourrait faire de même pour la fourniture d'électricité[91].

Fin août 2022, le médiateur de l'énergie, Olivier Challan Belval, constate un fort resserrement des offres d'énergie : seules 40 offres sont répertoriées par ses services, contre une centaine à l'été 2021, et le nombre de fournisseurs est passé d'une trentaine à 18[92].

Devant la forte augmentation des prix de l'électricité, Iberdrola encourage par courrier ses clients, à revenir au tarif réglementé afin d'« éviter de voir « doubler ou tripler » leur facture », et la CRE examine les pratiques, souvent douteuses, « des opérateurs alternatifs d'électricité en termes de tarifs et dans leurs relations avec leurs clients »[93].

Notes et références

Notes

    Références

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